Alors que la saison NBA 2016-2017 s’est achevée, QI Basket a décidé de dresser le bilan de chaque franchise depuis l’année 2000. Parcours, décisions importantes : analyse des évolutions au cours des dix-sept dernières années. Tresses, galères et malédiction, tout n’est pas toujours rose pour les Philadelphie 76ers.
Nous sommes en 2000, et les Sixers s’apprêtent à connaitre l’une des plus belles saisons de leur histoire. En grande partie grâce à un homme. Drafté à la première place en 1996, Allen Iverson doit être la réponse aux problèmes de la franchise depuis le départ de Charles Barkley. Malheureusement, après quatre années mitigées malgré deux qualifications en playoffs, Philadelphie ne parvient pas vraiment à décoller. Son arrière est un génie de la balle orange, c’est indéniable. Mais son comportement parfois difficile à gérer, son entourage, ainsi que ses relations avec le coach Larry Brown poussent les dirigeants à envisager un trade. Iverson serait envoyé à Detroit dans un échange impliquant quatre franchises, mais l’affaire n’aboutit pas. La raison de ce transfert avorté diffère selon les sources : Iverson aurait promis à ses dirigeants qu’il allait se reprendre ; des problèmes de cap space n’auraient pas permis le trade. Quoiqu’il en soit, l’arrière aux tresses reste à Philly, et les rapports avec Brown s’apaisent. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Sixers bénéficieront grandement de cette issue heureuse.
L’épopée de 2001
La saison 2000-2001 démarre sur les chapeaux de roue, avec 10 victoires de rang. Les 76ers surprennent la NBA, malgré un roster à priori limité. Theo Ratliff et Aaron McKie sont les deux seuls joueurs à émerger légèrement au-dessus des 10 points de moyenne, et Eric Snow est le distributeur en chef de l’équipe. Mais ça gagne, avec un Allen Iverson au sommet de son art. The Answer est inarrêtable, réalisant une saison exceptionnelle au scoring (31 points). Pourtant, tout ne fut pas rose à Philly. A la mi-saison, Ratliff se blesse gravement, laissant les 76ers sans véritable pivot. Iverson lui-même subit sa première véritable blessure, qui le contraint à manquer une bonne dizaine de match pour une fracture au bras. Mais les dirigeants ont le nez creux, et monte un échange leur permettant de récupérer Dikembe Mutombo en provenance d’Atlanta. A 34 ans, le congolais ne semble plus en mesure d’apporter autant que lorsqu’il raflait trois fois d’affilée le titre de défenseur de l’année. Et pourtant. Cette saison est celle des Sixers. Brown est le coach de l’Est au All-Star Game, dont Iverson est nommé MVP. MVP, AI le sera également en fin de saison, récompensant logiquement une régulière incroyable. Mutombo retrouve le titre de DPOY, ajoutant au passage les 10 points de moyenne qu’apportait Ratliff. Enfin, Brown est nommé Coach of the Year et McKie obtient le Sixth Man of the Year. Tout sourit aux Sixers, qui arrivent en Playoffs en pleine confiance et avec le meilleur bilan à l’Est (56-26).
Au premier tour, ce sont les Pacers d’un énorme Reggie Miller qui se dressent face à eux. Qu’importe, les Sixers les effacent en 4 matchs. Indiana n’a pu qu’arracher un Game 1 très défensif, après que les 76ers aient lâché une avance de 18 points et un 3 points assassin de Miller. Les demi-finales de conférence opposent Philly à Toronto et nous offrent un spectacle magnifique, mettant au duel deux des meilleurs arrières de la Ligue. Iverson face à Vince Carter, le show est au rendez-vous. Deux pointes à plus de 50 points pour AI, une pour VC. Les deux équipes sont au coude à coude, remportant un match chacune jusqu’au Game 7 au First Union Center de Philadelphie. Un match extrêmement disputé, au cours duquel les deux stars ne dépassent que difficilement les 20 points. Jumain Jones sort de sa boîte côté Sixers, qui mènent 88-82 à trois minutes de la fin. Les Raptors remontent, mais Carter manque le tir de la gagne.
Les 76ers sont en finale de conférence face aux Bucks de Ray Allen. A nouveau un duel d’arrières fabuleux, et 1-1 à l’issue du Game 2. Mauvaise nouvelle, Iverson doit manquer le Game 3 pour cause de douleurs entrainées par ses blessures de saison régulière. Malgré son absence, les Sixers s’accrochent et s’ils perdent ce match, ils remportent les deux suivants avec le retour de leur génie. Au cours du Game 6, Milwaukee prend largement le dessus, menant de 33 points. Mais Philly ne lâche rien et sort un quatrième quart de temps de folie. Malgré la défaite (et 46 points pour Iverson), les Sixers partent favoris pour arracher la série chez eux. Les Bucks dominent pourtant, avant que Raja Bell ne passe la seconde et plante 10 points pour lancer le retour de Philly. Emmenés par les 44 pions d’Iverson et les 19 rebonds de Mutombo, les Sixers remportent ce Game 7 à la maison et accèdent pour la première fois depuis 1983 aux Finales NBA.
Face à eux, les Lakers de Shaq et Kobe. Et malheureusement, les Sixers ne feront illusion que le temps d’un match, avec un superbe Game 1 qui se termine aux prolongations. Une image restera dans le cœur des fans et dans l’Histoire NBA. Après un cross et un jump shot dévastateur sur Tyronn Lue, Iverson marche par-dessus son adversaire tombé au sol. Humiliation totale pour l’actuel coach des Cavs. Mais les Sixers ne feront pas le poids face à l’armada californienne, et s’inclinent en 5 matchs, crucifiés notamment par Robert Horry lors du Game 3. Iverson tourne à 35 points de moyenne sur la série, mais il est trop seul pour espérer mieux.
Retour sur Terre
La saison 2001-2002 annonce de belles choses dans la ville de l’amour fraternel. Le roster est renforcé par les arrivées de Coleman et Harpring, qui apportent du scoring. Iverson réalise une nouvelle saison statistique incroyable, mais rate 22 matchs et laisse sa place à Kobe dans la All-NBA First Team. Seuls Mutombo et Harpring sont épargnés, et les Sixers terminent la régulière à la 6ème place de l’Est. Opposés aux Celtics lors du premier tour des Playoffs, les coéquipiers d’AI sont menés 2-0 avant de rentrer à Philly. Paul Pierce et Iverson se rendent coups pour coups, mais The Truth est épaulé au scoring par Antoine Walker. Ce qui n’empêche pas les Sixers de revenir à 2-2 au terme d’un Game 4 accroché et remporté par The Little Big Man. 79-79 à 40 secondes de la fin, et Iverson prend les choses en main, inscrivant un panier et les lancers de la gagne. Mais Pierce et ses 46 pions permettent aux Celtics de remporter facilement le Game 5. Les 76ers voient leur parcours en Playoffs s’arrêter prématurément, et les promesses de la saison passée remises en question.
Surtout, l’effectif est bouleversé durant l’intersaison. Mutombo est envoyé chez les Nets en échange de Keith Van Horn. Matt Harpring, agent libre non restreint, ne reste pas dans la cité de l’amour fraternel et s’envole pour Utah. Pourtant, les joueurs repartent de l’avant et malgré une saison 2002-2003 irrégulière (un départ canon suivi d’un creux terrible, avant un superbe run après le break du All-Star Game), terminent à la 4ème place de l’Est. Kenny Thomas, arrivé en cours de saison en provenance des Rockets, apporte sa pierre à l’édifice. Le roster est épargné par les blessures, et les Sixers abordent les Playoffs en confiance. Ils affrontent les Hornets de Baron Davis et Jamal Mashburn. Une série remportée par Philly lors du Game 6, grâce aux 45 points d’Iverson et aux 18 rebonds de Van Horn. Définitivement, The Answer aime les cartons en Playoffs, lui qui avait déjà scoré 55 points lors du Game 1. Au tour suivant, le collectif des Pistons aura cependant raison des Sixers. Chaque équipe prend ses matchs à domicile, 2-2 avant le Game 5 au Palace d’Auburn Hills et une fin de match exceptionnelle. Eric Snow et Iverson se démultiplient pour rester dans la course. 76-74 pour les Pistons suite à un panier de Tayshaun Prince. 10 secondes à jouer, et Snow plante un magnifique tir du parking. 1 point d’avance pour les Sixers. Faute de Coleman avec 3,4 secondes au chrono. Remise en jeu, ballon pour Chucky Atkins, qui crucifie Philly au buzzer. Terrible désillusion pour les 76ers, qui seront défaits lors du Game 6 à Philadelphie. Larry Brown démissionne et rejoint les bourreaux de Détroit, remplacé par son assistant coach Randy Ayers.
C’est un nouveau départ pour les Sixers, qui s’apprêtent à vivre une saison difficile. Keith Van Horn n’est plus là, Snow est en baisse de régime, mais les dirigeants ont obtenu le trade de Glenn Robinson. Bien que sur le déclin, Big Dog marque 16 points par match. Seulement, il ne joue qu’à 42 reprises cette saison. Mais surtout, c’est Iverson qui vit une saison tronquée par les blessures, le forçant à manquer 34 rencontres. Le coach Ayers se fait virer en cours de saison, Chris Ford prenant sa place. Évidemment, The Little Big Man est en désaccord permanent avec lui, et les Sixers achèvent cette saison à la 11ème place de l’Est. Pour la première fois depuis 6 ans, ils ne verront pas la postseason. Pendant ce temps, Brown et les Pistons décrochent le titre face… Aux Lakers. Seul le coach prend sa revanche après la raclée de 2001, un an après avoir quitté les Sixers sur une défaite face à Detroit.
La relève Iguodala
En revanche, cette 11ème place permet à Philly d’obtenir le 9ème pick lors de la draft 2004, choix utilisé pour sélectionner Andre Iguodala. Bingo. Iggy est titulaire dès son année rookie, étant même le seul Sixer à démarrer les 82 matchs de saison régulière. Son apport au sein du collectif désormais coaché par Jim O’Brien est immédiat. L’entraineur a décidé d’utiliser Iverson uniquement au poste de meneur. Le bad boy retrouve les sommets, avec plus de 30 points et surtout près de 8 passes de moyenne. Il est également le deuxième meilleur intercepteur de la NBA. Bien épaulé par le jeune Kyle Korver mais aussi Dalembert et Williamson, il permet aux Sixers d’accrocher les Playoffs (7ème bilan à l’Est). En cours de saison, Chris Webber arrive en provenance des Kings. Les dirigeants souhaitaient obtenir un joueur capable de seconder Iverson au scoring, c’est désormais chose faite avec l’ex-taulier des Kings spécialiste des prises de temps mort (#NCAA). L’intégration de l’intérieur n’est pas parfaite mais il apporte tout de même 15 points et 8 rebonds aux Sixers.
Au premier tour des Playoffs, Philly se retrouve face à l’obstacle Pistons, désormais coachés par Larry Brown on le rappelle. La marche est trop haute pour les coéquipiers d’AI, qui termine malgré tout la série en 30 points/10 passes, avec notamment un Game 3 à 37 points/15 passes. A ses côtés, Samuel Dalembert tourne en double-double et Webber monte sa moyenne de points à 19. Insuffisant face au collectif bleu et rouge, en attestent les quatre joueurs des Pistons au-dessus de la barre des 15 points. La postseason de Philadelphie s’achève, et Detroit file vers les Finals pour la deuxième année consécutive, au cours desquelles ils seront difficilement dominés par les Spurs.
L’espoir est de retour dans la cité de l’amour fraternel. Iverson est de retour au plus haut niveau, Webber reste un grand joueur, et Iguodala semble être l’avenir de la franchise au côté des deux stars. Cependant, les mauvaises relations entre O’Brien et ses joueurs (ainsi que le front office) poussent les dirigeants à se séparer du natif de Philly, pour le remplacer par Maurice Cheeks. Membre des 76ers champions en 83, il connait la maison et doit permettre à la franchise de passer un cap en cette saison 2005-2006. Il n’en sera rien. Philadelphie échoue à un spot des Playoffs, avec seulement 38 victoires. Pourtant, Iguodala commence à régaler par son jeu spectaculaire tout en puissance et en dunks féroces. Il démontre également de grandes qualités défensives bienvenues dans l’effectif. The Little Big Man réalise sa meilleure saison au scoring, Webber retrouve la barre des 20 points de moyenne, et les blessures semblent décidées à épargner les joueurs. Cependant, le banc est trop limité et se montre incapable de prendre le relais du cinq majeur. Pour la deuxième fois en trois ans, les fans ne verront pas les Playoffs. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que leur idole ne portera bientôt plus le maillot des Sixers.
La marche est trop haute
La franchise semble stagner et dans l’incapacité de se renforcer pour passer un véritable cap. Pire, Iverson s’agace et pose un ultimatum à ses dirigeants : l’entourer correctement, ou le trader. Les relations sont tendues entre le prodige et son management (quelle surprise), et ce qui devait arriver arriva. Le propriétaire Ed Snider déclare même : « Nous allons le trader. Arrivé à un certain point, vous devez accepter que ça ne marche pas. Il souhaite partir et nous allons arranger son départ. » L’idole des fans est envoyée aux Nuggets en compagnie d’un inconnu d’Ivan McFarlin contre Andre Miller, Joe Smith et deux tours de draft. Une immense page de l’histoire des Sixers se tourne avec le départ du mythique numéro 3. Par ailleurs, Webber et les dirigeants se mettent d’accord sur les termes d’un buyout. La franchise se tourne clairement vers Iguodala pour construire son avenir, qui continue d’augmenter ses statistiques au scoring (18 points de moyenne). La saison 2006-2007 s’achève sur un bilan de 35 victoires pour 47 défaites et une 10ème place pour Philly. A la suite de plusieurs échanges, ils récupèrent Thaddeus Young à la 12ème place de la draft 2007.
La saison est laborieuse du côté de Philadelphie. Bien que talentueux, Iggy ne compense pas le départ d’Iverson, et Andre Miller ne suffit pas à combler le vide laissé par l’arrière aux tresses. Le MVP des Finals 2015 laisse entrevoir ses capacités d’organisation, mais le roster montre ses limites. Pire, les dirigeants échangent Kyle Korver au Jazz contre Gordan Giricek. Le trade est clairement perdant pour les Sixers, qui parviennent tout de même à s’arracher en fin de saison pour accrocher les Playoffs 2008, malgré un bilan négatif (40-42). On notera tout de même que ce mauvais échange n’est pas du ressort de Billy King, licencié quelques jours plus tôt. Et remplacé par Ed Stefanski, transfuge des Nets… Ruinés quelques années plus tard par King. Mais ça, nous en avons déjà parlé lors de la rétrospective sur Brooklyn. Heureusement, les difficultés rencontrées par les équipes de l’Est cette année facilitent la tâche des 76ers, qui sont à nouveau confrontés aux Pistons au premier tour. Et à nouveau défaits. Ils parviennent pourtant à arracher le Game 1 au Palace d’Auburn Hill (90-86) grâce à une bonne défense dans la dernière minute et les lancers d’Iggy. La suite de la série sera dominée sans trop de contestation par Detroit, qui boucle le tout en 6 matchs. Une nouvelle fois, Philly ne passe pas le premier tour des Playoffs.
Lors de la Free Agency 2008, les Sixers obtiennent la signature d’Elton Brand pour près de 80 millions de dollars sur 5 ans, renonçant ainsi à tous leurs agents libres non restreints. L’intérieur sort d’une saison mitigée avec les Clippers mais reste une valeur solide de la Ligue. Suite à la blessure de Jason Smith, les dirigeants décident de faire revenir Theo Ratliff au bercail. Les options sur les jeunes Lou Williams et bien sûr Iguodala sont levées, et les Sixers présentent un effectif finalement intéressant. Autour de plusieurs vétérans rompus aux joutes NBA, le noyau Iggy-Brand-Miller semble en mesure de franchir un (petit) palier. Pourtant, ils réalisent un mauvais départ aboutissant au licenciement de Cheeks. DiLeo prend les rênes, et malgré l’absence de Brand en fin de saison, les Sixers accrochent les Playoffs. Ironie du sort, c’est face aux Pistons qu’ils décrochent leur place en postseason.
Le premier tour les oppose au Magic de Dwight Howard et du MIP Hedo Turkoglu, dans une série offrant des finaux plus épiques les uns que les autres. Dans le Game 1, les Sixers sont menés de 3 points à 35 secondes du terme. Donyell Marshall remet les deux équipes à éqalité. Rashard Lewis manque la cible, la dernière possession sera pour Philly. En sortie de temps mort, le ballon est pour Iggy, qui plante un 2 points assassin. Avec 2 secondes à jouer, Orlando ne s’en remettra pas, Turkoglu échouant sur sa tentative désespérée. Les Sixers empochent le premier match, avant de perdre le second. Le Game 3 se joue en Pennsylvanie. 94-92 en faveur des locaux avec 6 secondes sur l’horloge. Faute sur Howard… Qui réussit ses deux lancers ! (Oui, c’est possible). Temps mort Piladelphie, et le panier de la gagne pour Thaddeus Young à la lutte sous le panneau. Philly mène 2-1 avant le Game 4 à la maison. Et la revanche du final du Game 1. Score de parité avant que Turkoglu n’inscrive un superbe 3 points, rendant la pareille à Iguodala qui manque le panier au buzzer. Les Sixers ne s’en remettront pas et s’inclinent lors des deux matchs suivants. Toujours pas de second tour de Playoffs dans la cité de l’amour fraternel. Et ça ne sera pas pour l’année suivante.
Eddie Jordan est placé à la tête de l’équipe, et les Sixers obtiennent Jrue Holiday lors de la draft 2009. Reggie Evans est envoyé aux Raptors en échange de Jason Kapono, un tireur d’élite qui faisait défaut dans le roster jusqu’alors. Et qui s’avèrera être un bon gros flop. Mais une surprise de taille attend les fans de Philly. Début décembre et suite à la blessure de Lou Williams, les dirigeants annoncent le retour de l’enfant prodigue, Allen Iverson. Expression employée dans la Bible pour désigner le retour de l’enfant perdu, qui colle parfaitement au come-back de The Answer. Après de belles saisons à Denver, le garçon a connu la galère à Detroit puis à Memphis. Son premier match lui vaut une ovation mémorable, mais l’aventure ne durera malheureusement que quelques mois. Il faut dire que son contrat est non garanti. Début mars, le joueur annonce qu’il souhaite se consacrer pleinement à sa fille atteinte de la maladie de Kawasaki. Il ne reviendra pas sur les parquets NBA et partira pour l’Europe et le Besiktas l’année suivante.
Cette saison 2009-2010 est un fiasco pour les Sixers. Les joueurs n’accrochent pas aux systèmes du coach, l’ambiance est morose dans le vestiaire. La franchise affiche un terrible bilan de 27 victoires pour 55 défaites et terminent à une piteuse 13ème place à l’Est. Cela faisait plus de dix ans que les 76ers n’avaient pas connu plus de 50 défaites. Jordan (l’entraineur hein, pas Sa Majesté) est remercié, et la franchise est dans le flou total. Elton Brand est clairement sur le déclin, Iguodala n’a jamais dépassé la barre des 20 points de moyenne, et les joueurs autour n’ont visiblement pas le talent nécessaire pour emmener loin cette équipe. Surtout, le manque de stabilité avec des changements d’entraineur incessants n’arrangent rien.
Le retour des espoirs
Doug Collins, qui a passé l’intégralité de sa carrière sous le maillot des Sixers, prend les rênes de l’équipe. Lors de la Draft 2010, les Sixers obtiennent par chance le deuxième choix, qu’ils utilisent pour sélectionner Evan Turner. Demarcus Cousins, Paul Georges, Gordon Hayward, très peu pour eux. Le roster ne fait pas franchement envie. Pourtant, malgré un mauvais départ, les Sixers affichent un bilan équilibré à la fin de la saison. Six joueurs sont au-dessus des 10 points de moyenne, le ballon tourne, et Collins est élu Coach of the Year. Malheureusement, au premier tour des Playoffs, c’est les Three Amigos de Miami qui se présentent. Les Sixers parviennent à prendre un match alors que tout le monde les voyait se faire sweeper. Menés de 6 points à 1 min 35 de l’élimination dans le Game 4 en Pennsylvanie, Turner, Williams et Holiday inscrivent 10 points de rang sans en encaisser un seul pour arracher la victoire.
Lors de la saison 2011-2012 marquée par le lock-out, les Sixers effectuent leur meilleur départ depuis leur superbe épopée en 2001. Hormis l’arrivée de Nikola Vucevic, drafté en 16ème position, le roster est stable. Cependant, le manque cruel de vrai scoreur (Iggy voit sa moyenne chuter à seulement 12 points) les pénalisent au fil de la saison et ils arrachent à nouveau les Playoffs de peu (8ème à l’Est). Logiquement, les Sixers doivent affronter le leader Chicago au premier tour. Dans cette conférence Est particulièrement homogène (les Bulls n’ont obtenu que 50 victoires en décrochant le meilleur bilan), tout semble possible et les Sixers vont le démontrer. Défaits au premier match, ils remportent le Game 2 à Chicago, emmenés par un excellent Jrue Holiday (26 points, soit la meilleure marque de la série !), et enchainent avec deux victoires au Wells Fargo Center… Bien aidés par les blessures des stars Derrick Rose et Joakim Noah aux Game 1 et 3. Les Bulls reviennent bien à 3-2, mais le Game 6 à Philly n’échappera pas aux Sixers, dans un final épique. Les deux équipes se rendent coups pour coups, et Omer Asik donne 3 points d’avance à Chicago à 25 secondes du terme. Thaddeus Young réduit l’écart à un point sous le panier. Logiquement, Spencer Hawes fait faute sur Asik… Qui rate ses deux lancers ! Pour ensuite faire faute sur le tir d’Iguodala qui avait bien capté le rebond. Iggy ne tremble pas et convertit ses deux tirs sur la ligne, donnant un point d’avance aux Sixers. Avant de contrer la tentative lointaine de C. J. Watson, pour offrir la série à ses 76ers.
La franchise retrouve les demi-finales de conférence, après neuf ans et quatre échecs au premier tour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les 76ers ne démériteront pas face aux Celtics. Lors du premier match à Boston, les hommes en vert l’emportent d’un point en tenant le choc dans les dernières secondes. Au Game 2, ce sont les Sixers qui arrachent la victoire sur le même écart et sur un scénario similaire. Par la suite, chaque équipe gagne à tour de rôle et doivent se départager lors du Game 7 décisif dans le Massachusetts. A nouveau, le(s) meilleurs marqueurs (Iggy et Rondo) n’inscriront que 18 points. Les défenses prennent le pas sur les attaques, et à ce petit jeu, le collectif des Celtes fait la différence. Les cinq starters terminent la rencontre à plus de 10 points, tandis que Hawes et surtout Turner passent à côté de leur match chez les Sixers. 85-75, le rêve de Philly s’arrête là. Les fans ne le savent pas encore, mais ils ne vivront plus de Playoffs pour une durée encore indéterminée. Mais un constat froid est tiré de ces Playoffs: cet effectif a peut-être touché ses limites. Le premier tour a été remporté face à une équipe privée de ses meilleurs atouts, et le second n’a pas été surmontable.
Doug Collins est évidemment maintenu, et Mo Harkless sélectionné en 15ème position de la Draft 2012. Les Sixers utilisent leur Amnesty clause pour échanger Brand contre Dorell Wright, et accueillent Nick Young et Kwame Brown (oui, certains essayent encore de sauver le soldat Kwame). Mais la plus grosse erreur des Sixers intervient début août lorsque le blockbuster trade autour de Dwight Howard prend forme. Dans l’affaire, la franchise récupère Jason Richardson et Andrew Bynum. Pour cela, ils envoient Iguodala à Denver, mais aussi Vucevic, Harkless et un premier tour de draft protégé à Orlando. Les Sixers se mettent à poil, pour récupérer un joueur cramé et un Bynum qui ne portera jamais les couleurs bleu blanc rouge. Richardson ne jouera que 33 matchs pour une moyenne de 10 petits points. Bynum sortait lui d’une bonne saison chez les Lakers au cours de laquelle il avait rappelé tout son potentiel offensif. Mais sa fragilité aurait dû alerter les dirigeants de Philly. Ses blessures aux genoux repousseront sans cesse la date de son retour sur les parquets, débouchant finalement sur une saison blanche sans prolongation de contrat. Richardson quant à lui vivra une saison sans jouer l’année suivante. Le trade de D12 fut donc une catastrophe pour les Sixers.
Oui l’équipe ne parvenait pas à franchir un cap avec Iguodala, oui il fallait essayer quelque chose pour cesser de stagner. Mais le coup de poker tenté s’est avéré dévastateur pour un effectif qui ne pourra que végéter dans les profondeurs de la Ligue. Il est facile de juger ce trade comme un échec après coup. A l’époque, Andrew Bynum est le nouveau montre offensif sur le poste 5, et il est plus jeune qu’Iggy. Il n’est donc pas absurde que la franchise ait souhaité miser sur lui. Le choix Richardson est plus discutable, mais dans le meilleur des mondes, le cinq de départ des Sixers aurait été séduisant: Holiday-Richardson-Turner-Young-Bynum, il y avait de quoi être serein. Suffisant pour passer des demi-finales de conférence? Nous ne le saurons jamais, pour les raisons évoquées précédemment.
Sam Hinkie, la politique de la terre brulée et la malédiction des rookies
La saison 2012-2013 est un donc échec, avec seulement 34 victoires au compteur. Comme évoqué précédemment, Bynum ne joue aucun match, et Richardson voit sa saison stoppée début février. D’autres joueurs majeurs connaissent des blessures qui les maintiennent écartés des paquets pour de nombreuses rencontres. Au terme de cette année sans grand intérêt dans la cité de l’amour fraternel, c’est l’heure de mettre un grand coup de balai. Collins démissionne de son poste de Head Coach, remplacé par Brett Brown. Scott O’Neil prend la place d’Adam Aron à la présidence. Surtout, Sam Hinkie est nommé General Manager et succède à DiLeo. La suite, on la connait, avec une stratégie bien définie pour le nouveau GM des Sixers ; tanker, tanker, tanker. La reconstruction est en marche à Philly. Première décision, envoyer Jrue Holiday et un second tour pour récupérer Nerlens Noel et le 1er tour de Draft 2014 des Pelicans. Ce mouvement est accueilli avec surprise et un début de mécontentement chez les fans, Holiday étant un nouveau All-Star et un des leaders de la franchise. Lors de la Draft 2013, les Sixers choisissent Michael Carter-Williams en 11ème position pour lui succéder à la mène. Les mois qui suivent voient l’effectif subir de profonds remaniements. Les joueurs sont peu à peu évacués, l’équipe tournant avec de nombreux jeunes notamment issus de la D-League. Spencer Hawes, Lavoy Allen et Evan Turner sont les dernières victimes de cette grande lessive.
2013-2014 est un long calvaire, avec un record de défaites consécutives dans l’histoire de la franchise (26) et le troisième plus mauvais bilan jamais enregistré par les Sixers. 19 victoires, c’est ce qu’on appelle tanker. Au total, 23 joueurs fouleront les parquets NBA sous le maillot des Sixers. 23 ! Et attention les noms : Orton, Moultrie, Varnado, Ware… Que des grands quoi. En l’absence de leader, seul Michael Carter-Williams profite de ce marasme pour montrer ses qualités (mais ça, c’était avant) et obtenir le titre de Rookie de l’année 2014. Bon la suite on la connait pour le bonhomme, mais c’est un autre sujet. Au passage, Nerlens Noel ne jouera aucun match, se remettant d’une rupture des croisés contractée en NCAA. Tiens donc, un jeune qui subit une lourde blessure dès ou avant son arrivée aux Sixers ?
Grâce à cette avant dernière place de la Ligue (Oui, les Bucks ont fait pire avec 15 victoires), les Sixers obtiennent le 3ème choix lors de la Loterie. En effet, Milwaukee et Philly se font griller la politesse par des Cavs qui avaient pourtant 1.7% de chances d’obtenir le premier pick. Derrière Andrew Wiggins et Jabari Parker, c’est donc Joel Embiid qui est sélectionné par les 76ers. On notera que lors de cette Draft 2014, les Sixers détiennent sept choix ! Dont cinq au 2ème tour. L’échange avec les Pelicans (Holiday-Noel) incluait le pick de la Nouvelle-Orléans, protégé top 5. Elfrid Payton est donc drafté mais sera transféré immédiatement au Magic contre les droits du croate Dario Saric, évoluant encore en Europe. Ouh, cette bonne petite décision. Enfin, Thaddeus Young est envoyé à Minnesota lors du transfert de Kevin Love, pour récupérer un premier tour du Heat. Au cours de la saison, Carter-Williams et K. J. McDaniels sont utilisés pour récupérer Isaiah Canaan et Javale McGee, mais surtout des tours de draft à la pelle. Notamment celui des Suns détenu par les Lakers (protégé top 5) depuis le transfert de Steve Nash. On notera l’arrivée de Robert Covington, élu meilleur Rookie de D-League. En parallèle, le tanking absolu continue, bien aidé par… La saison blanche de Joel Embiid. Déjà gêné par des problèmes au dos, le pivot camerounais subit une fracture de fatigue au pied droit. Opération obligatoire, et une première saison sans jouer. Cette fois, les Sixers terminent à la dernière place de l’Est avec une victoire de moins que l’an passé (18).
Et on repart pour un nouvel été similaire : le troisième choix de la Draft 2015, utilisé pour sélectionner Jahlil Okafor en provenance de Duke. Le pivot a la hype, mais les observateurs ne comprennent pas vraiment l’intérêt de sélectionner un nouvel intérieur. Surtout, Okafor présente de grosses lacunes défensives, ce qui ne rassure pas dans la NBA moderne. A ses côtés, les Sixers ont de nouveau plusieurs seconds tours, qu’il est assez inutile de mentionner (hormis Richaun Holmes et Willy Hernangomez, transféré chez les Knicks). Cependant, la colère des fans commence à se faire sentir. La franchise présente un effectif indigeste, accumule les tours de draft sans pour autant parvenir à décoller. L’embouteillage dans le secteur intérieur (Embiid, Okafor, Noel) crée la polémique et surtout, on apprend que le pivot camerounais ne pourra encore pas jouer lors de la saison 2015-2016. Okafor déçoit malgré de bonnes statistiques. La seule satisfaction vient finalement de Covington et McConnell (signé après la Summer League 2015) qui montrent de belles dispositions. Les Sixers battent à nouveau le record du plus mauvais départ de l’histoire de la franchise, avec 27 défaites. Pire, c’est même la plus longue série de défaites de l’histoire du sport américain. C’en est trop pour les fans. Jerry Colangelo est intégré dans le management, et au terme d’une saison à seulement 10 victoires, Sam Hinkie démissionne de son poste de GM. La politique de la terre brulée arrive à sa limite.
La hype Sixers
Pourtant, les Sixers obtiennent cette fois le premier choix de la Draft 2016. Sans surprise, le management se jette sur Ben Simmons, prodige australien issu de LSU. Mais n’oublions pas que le diable en personne supervise les 76ers. Et probablement suite à une prise de masse trop rapide, Simmons se blesse au 5ème métatarse. Opération, saison à oublier. Dommage, quand on sait que Joel Embiid est lui déclaré apte à jouer. Les Sixers draftent également le français Timothé Luwawu-Cabarrot et signent Sergio Rodriguez à la mène. Au cours de cette saison 2016-2017, les Sixers sont plus agréables à voir jouer. Malheureusement, les doutes continuent de planer sur le pivot, qui ne joue finalement que 31 matchs. Et avec un bilan (en progression !) de 28 victoires, les Sixers décrochent à nouveau le 3ème choix de la Loterie. Ils n’auront pas encore celui des Lakers qui passent une nouvelle fois à travers les mailles du filet grâce à la protection top 5 du pick. Les dirigeants ont toutefois la bonne idée d’utiliser les besoins des Celtics, détenteurs du premier choix (merci les Nets), pour réaliser un échange et récupérer la première place. Ils rajoutent leur premier choix 2018 ou 2019 en contrepartie. Ainsi, Philly accueille Markelle Fultz, le prospect le plus attendu de cette cuvée.
La hype n’a jamais été aussi forte dans la cité de l’amour fraternel. Simmons va (normalement) enfin fouler les parquets NBA, aux côtés de Fultz et d’Embiid. Le pivot a déjà une fanbase monstrueuse malgré ses absences, et le trio fait déjà rêver les supporters des Sixers. Qui d’ailleurs se repentent de leur haine passée envers Sam Hinkie et sa politique d’accumulation de tours de draft. Les fans se prennent désormais à rêver autour d’un effectif qui a tout pour réussir dans les années à venir. A côté des jeunes stars, d’autres gamins intéressants (Luwawu-Cabarrot, Covington, McConnell) et surtout Dario Saric. On se souvient que les Sixers ont obtenu ses droits en échange d’Elfrid Payton, et ça, c’est franchement un bon coup quand on voit le niveau du bougre. L’avenir est rose du côté de Philadelphie. Si la malédiction des blessures décide enfin d’aller emmerder quelqu’un d’autre, on peut espérer voir se construire une future grosse cylindrée de l’Est. Et on ne se le cache pas, ça ferait du bien dans une conférence meurtrie.
Ce renouveau chez les Sixers coïncide avec ce qui restera l’un des plus beaux souvenirs de l’histoire de la franchise: l’intronisation au Hall of Fame d’un Allen Iverson ému aux larmes lors de son discours, l’un des plus beaux jamais vécu lors de cette cérémonie annuelle.