Les previews sont terminées, et si l’on a beaucoup parlé des joueurs, on a moins évoqué les entraîneurs. Pourtant, la saison dernière fut le théâtre d’un phénomène rare : aucun d’entre eux ne fut licencié. Même les plus mauvais bilans n’ont pas entraîné de limogeage. Alors, synonyme de continuité ou immobilisme inquiétant chez certains? A quels défis les coachs NBA vont-ils devoir faire face? Tour d’horizon des bancs NBA.
” T’as du matos, maintenant, emmène moi tout ça aux sommets “
Un seul homme se trouve véritablement dans cette catégorie. Gâté par son GM Sam Presti, l’entraîneur du Thunder a vu débarquer Paul George et Carmelo Anthony cet été, et dispose aujourd’hui d’un effectif en pleine hype et destiné pour beaucoup à venir titiller les Warriors. Il y a deux ans, OKC s’effondrait face aux Warriors en demi-finale de conférence. Kevin Durant est ensuite parti, et a d’ailleurs balancé une belle pique dans la tronche de son ancien coach, citant son prétendu manque de compétences – de manière dissimulée – parmi les raisons de son départ. L’an passé, son équipe a surfé sur la vague Westbrook, échouant logiquement au premier tour des Playoffs face à des Rockets plus complets. Critiqué lors de sa première saison mais bien mieux estimé en Playoffs, éclipsé par sa star lors de sa seconde saison, Donovan va cette fois devoir se montrer clairement à la hauteur de son effectif. Il dispose de trois superstars, et son plus grand défi sera de les faire jouer ensemble. Création d’une vraie identité de jeu, utilisation d’un banc fourni mais moins talentueux que d’autres contenders, gestion des rotations et des égos… Les enjeux sont nombreux pour l’ancien coach des Gators, avec pour objectif principal de venir concurrencer les Warriors. De là à envisager un limogeage en cas d’échec ? Tout dépendra de ce qui sera proposé en termes de qualité de jeu.
” On t’a filé de quoi passer le cap ultime alors cette année, on doit finir tout en haut “
Trois hommes sont visés ici. D’une certaine manière, ils auraient tout à fait eu leur place dans la catégorie précédente. Commençons avec Mike D’Antoni. Le coach des Rockets a conservé le cœur de son effectif, et malgré une perte quantitative, il jouit désormais des services de Chris Paul à la mène. Aux côtés de James Harden, l’ancien Clipper devrait former un des meilleurs – le meilleur ? – backcourts de la NBA. D’Antoni aura pour mission de gérer cette association et d’en tirer le profit maximal. La saison passée, Houston a terminé à la 3ème place. L’objectif est donc de dépasser au moins les Spurs, et d’aller chercher les Warriors en Playoffs. En plus de cet enjeu, l’ancien entraîneur des Suns aura pour défi de faire perdurer son célèbre système de jeu. Avec sa philosophie, il accepte d’être jugé plus sévèrement, les entraîneurs à forte identité de jeu étant plus sujets aux critiques en cas de mauvais résultats.
A l’Est, deux cas de figure évidents. Brad Stevens d’un côté, dont l’effectif a profondément été bouleversé. Les Celtics ont acquis Hayward et surtout Irving, et sont aujourd’hui un effectif solide. Plusieurs problèmes se présentent alors à Stevens. La construction d’une véritable entente d’équipe bien sûr, par la mise en place de systèmes tactiques adaptés et de rotations bien gérées. Autre enjeu à nos yeux, le manque de complémentarité du roster. Certes Boston a été très actif sur le marché, mais en sortent-ils vraiment grandis? Ils ont perdu de vrais atouts défensifs, et la fluidité reconnue du système Stevens risque d’être mise à mal par tant de changements. Au final, beaucoup de problématiques et d’enjeux pour le coach, pour des objectifs peut-être un peu trop élevés. En revanche, le coach semble indéboulonnable, et peut être rassuré quant à son avenir au sein de la franchise.
La faute justement aux Cavaliers, auteurs d’un mercato tardif mais finalement à priori réussi. Avec les arrivées de Rose, Wade et Crowder, le profil de jeu de Cleveland devrait s’en trouver changé. Et c’est peut-être là que se trouve le plus grand défi de Tyronn Lue : être capable de mettre en place de vraies stratégies, adaptables selon l’adversaire. Avec ces nouveaux profils – Isaiah Thomas n’est pas dans un registre fondamentalement différent de Kyrie -, Lue devra repenser la manière de jouer des Cavs. Surtout, il dispose désormais des atouts nécessaires pour adopter une tactique différente face à des adversaires inappropriés. Moins d’isolation, moins de tirs extérieurs, les critiques ont été nombreuses la saison dernière, notamment lors des Finales face à Golden State. Alors, capable de s’adapter le Tyronn? De l’avis de beaucoup, la porte sera très proche en cas de nouvel échec en juin prochain.
” L’année dernière on pardonnait. Maintenant t’as ce qu’il faut, alors on veut des résultats. “
On aborde ici les outsiders, ceux qui étaient déjà mis au défi la saison passée, mais sur qui pèsent de vraies attentes cette année. Les Wolves en premier lieu, bien sûr, et leur recrutement audacieux. Les dirigeants ont décidé de mettre la machine en marche, et de prendre des risques au niveau de la gestion. Surtout, Tom Thibodeau a eu le choix des hommes. Il a d’ailleurs obtenu Jimmy Butler, pas une mince acquisition, mais aussi Jeff Teague et Taj Gibson. De quoi valoir à la franchise le surnom de TimberBulls, rapport à l’épopée du coach à Chicago. Ce dernier aura donc à charge de faire passer un vrai cap à son équipe. Bien trop tendres et fragiles en fin de match la saison dernière, les Wolves devront cette fois se présenter en véritable place forte de l’Ouest. Pardonnés l’an passé pour leur manque d’expérience, ils n’auront cette fois pas le droit à l’erreur. Et Thibodeau sera en première ligne en cas d’échec, même s’il semble bien ancré dans ses fonctions. La cohésion entre nouveaux et anciens, la question de la complémentarité de l’effectif, ainsi que le manque de spacing sont autant de challenges auquels Thibs devra trouver des solutions pour réussir.
Au sortir de ce marché, on met désormais régulièrement Wolves et Nuggets côte à côte. Car les deux franchises sont finalement liées par des attentes relativement proches. Et sont d’ailleurs souvent sujettes au même pronostic en terme de bilan. De manière identique, les Nuggets étaient attendus plus haut la saison dernière, mais n’ont pas accroché les Playoffs. De manière identique, nous sommes nombreux à les voir se hisser dans le top 8. En tout cas, à estimer qu’ils ont les armes nécessaires pour y parvenir. En effet, après avoir raté la post-season pour une poignée de victoires, Denver doit cette fois être présent après la mi-avril. L’ajout de Paul Millsap est en grande partie responsable de ce constat. A Mike Malone de pérenniser le beau jeu offensif des Nuggets, et d’instaurer une véritable solidité défensive.
” Régression interdite, progrès exigés “
Brett Brown et ses Sixers sont attendus au tournant cette saison. Hype maximale, rêves – trop grands ? – de Playoffs, le coach aura la lourde tâche de faire progresser ce groupe de jeunes talentueux, et de les encadrer pour les faire arriver aux sommets. Il est l’heure d’instaurer une véritable identité de jeu autour de Fultz, Simmons et Embiid. L’objectif est d’accrocher les Playoffs, mais un échec devrait être pardonné si le bilan est tout de même sensiblement meilleur.
Rick Carlisle est dans la même situation que son camarade de Philadelphie. Ses Mavericks ont été décevants la saison dernière, et devront revenir au premier plan cette saison. La patience de Mark Cuban a des limites.
Autre coach historique, Stan Van Gundy a subi de lourdes critiques au cours du naufrage de Detroit en 2016-2017. Remise en cause de son leadership et de son management des hommes, régression d’Andre Drummond, nombreux ont été les motifs – valables – pour dézinguer le coach à la voix douce. Cette saison, c’est objectif Playoffs chez les Pistons, et rien d’autre.
Enfin, les Hornets font partis des déceptions et sont dans l’obligation de revenir dans la course. Steve Clifford est devant un défi à la hauteur de sa réputation : intégrer Dwight Howard. Après ses passages foireux du côté des Lakers, Rockets et Hawks, le pivot est arrivé à Charlotte pour faire passer un cap à la franchise. Là encore, c’est retour en Playoffs exigé pour la franchise de Caroline du Nord.
Mention spéciale pour Terry Stotts et ses Blazers, qui ont arraché de justesse leur qualification en Playoffs l’an passé. De nombreux challenges les attendent, particulièrement leur chantier défensif jusqu’ici inexistant. Surtout, la densification de l’Ouest en termes de compétitivité les obligera à batailler dur pour rester dans la course à la post-season.
” Tu connais Pôle Emploi ? “
Coucou Alvin Gentry. Le coach des Pelicans est, de l’avis de beaucoup, le plus susceptible de dégager en cours de saison. En même temps, il dispose de la meilleure raquette de la NBA, et se débrouille pour ne rien mettre en place tactiquement. S’il est vrai qu’il doit composer avec un roster très limité en termes de talent, cela ne pardonne pas son manque total de… Tout. Pas de systèmes, pas un semblant d’identité, une utilisation d’Anthony Davis souvent remise en cause… Gentry est sur la sellette, et rares sont les fans qui le voient passer janvier.
D’autres tacticiens peuvent se sentir menacés. Tyronn Lue notamment, très souvent critiqué pour son manque de prises d’initiative et de mises en place tactiques chez les Cavaliers. Si le titre en 2016 lui a donné du crédit, c’est surtout sa relation avec LeBron James qui semble le maintenir en place. Mais cette saison, on ne lui pardonnera probablement pas un nouvel échec sans saveur face aux Warriors. Lue va devoir se comporter en véritable coach et leader tactique, pas seulement en copain des joueurs majeurs.
Un peu plus osé, mais Doc Rivers est en droit d’avoir les chocottes. Après le départ de Chris Paul et les polémiques autour de son fils Austin, le coach est fragilisé et concentre l’attention des observateurs. S’il dispose d’un effectif largement remanié qui pourrait lui donner de nouvelles excuses, il est temps pour l’ancien coach des Celtics de se poser les bonnes questions et de s’inquiéter sur son sort.
Dans un registre légèrement différent, la position de Dwane Casey se trouve aujourd’hui fragilisée par un manque de progression dans les résultats de la franchise. Certes les Raptors devraient rester dans les hauteurs de l’Est, mais le jeu ultra-dépendant du duo Lowry-DeRozan commence à agacer du côté de nos amis canadiens.
” Soit tranquille, mais maintiens le cap “
Deux coachs aux profils différents, mais avec un point commun la saison dernière : la satisfaction. Les Wizards d’une part, que Scott Brooks a remis sur le droit chemin après une année 2015-2016 compliquée. 4ème à l’Est avec seulement 4 victoires de moins que le leader Boston, Washington doit aujourd’hui poursuivre dans cette direction. Otto Porter re-signé, John Wall prolongé, Brooks a les armes pour amener son effectif en haut de l’Est de nouveau. Jason Kidd est dans un cas similaire, ses Bucks ayant créé la surprise la saison dernière avec une belle 6ème place. L’explosion de Giannis Antetokounmpo a favorisé l’ascension d’un groupe jeune et amené à progresser encore dans les mois à venir. A Kidd de maintenir le cap.
Reste donc Erik Spoelstra, le guide du Heat sous les ordres de Pat Riley. Le GM de Miami a décidé de ne pas chambouler tout l’effectif et de laisser son coach poursuivre l’ascension entamée l’année dernière. Une deuxième partie de saison fondatrice de succès futurs ? Laissons le temps faire du côté de South Beach, mais le maître mot est “continuité “. En tout cas, la place de Spo ne semble absolument pas menacée.
” Fais ce que tu peux avec ce que t’as, et bon courage “
Qu’ils sont nombreux dans ce cas là, mais les risques de licenciement dépendent de chaque contexte. Certains ont pour mission d’initier une identité de jeu ou une mentalité, ou la faire perdurer. C’est le cas de Mike Budenholzer (Atlanta Hawks), David Fizdale (Memphis Grizzlies), Quin Snyder (Utah Jazz), ou encore Dave Joerger (Sacramento Kings). Tous ont subi de lourdes pertes dans leur effectif, ou dispose de ressources limitées. Pour ces coachs, l’objectif sera de faire au mieux tout en poursuivant la politique sportive de la franchise, que ce soit en termes d’identité de jeu ou de développement des jeunes par exemple.
En revanche, des entraîneurs comme Franck Vogel (Orlando Magic), Nate McMillan (Indiana Pacers), Fred Hoiberg (Chicago Bulls) ou Jeff Hornacek (New-York Knicks) ont de quoi s’inquiéter. Recrutés il y a désormais un an, tous ont essuyé un constat d’échec. Oui, même si McMillan a joué les Playoffs avec les Pacers, le niveau de la franchise a décliné depuis son arrivée, et il doit désormais faire face au départ de Paul Georges. Hornacek aura pour sa part plus de libertés dans son coaching (bye-bye le triangle), ce qui signifie automatiquement plus de responsabilités en cas d’échec. Quant à Fred Hoiberg… Chahuté l’an dernier, et c’est un euphémisme, il aura cette fois l’excuse d’un groupe très appauvri (et c’est encore un euphémisme). Objectif first pick de Draft?
Du côté des mauvais élèves, Luke Walton (Los Angeles Lakers) et Kenny Atkinson (Brooklyn Nets) devraient être surveillés mais sereins quant à leur avenir. Leur mission principale reste de développer les jeunes joueurs et de développer une identité de jeu, leurs dirigeants ayant conscience du faible niveau global de leurs rosters respectifs. Le cas d’Earl Watson (Phoenix Suns) est légèrement différent, lui qui commence à être sérieusement remis en cause par les fans.
” Carte blanche mon gars “
Evidemment, les deux derniers hommes sont les grands intouchables de leur franchise. Gregg Popovich, ça vous dit quelque chose ? L’institution San Antonio Spurs aussi ? Alors inutile de s’acharner à vous expliquer pourquoi le coach légendaire a tout le soutien de ses dirigeants, ses joueurs, des fans, et de toute la ville. Malgré tout, comme chaque année, il se retrouve face au défi de poursuivre dans l’excellence et de résister aux nouveaux assaillants. A la hauteur de Pop? On n’en doute guère.
Enfin, un certain Steve Kerr. Le coach des Warriors est d’ores et déjà considéré comme un grand entraîneur par beaucoup, et tout comme Popovich, sa seule mission est de conserver le niveau dingue de ses joueurs. Il faudra pour cela maintenir un niveau de compétitivité extrêmement élevé face à des concurrents renforcés, et assurer la bonne entente dans un vestiaire fourni en stars et en talents.
Des situations bien différentes donc pour nos amis coachs, et des objectifs adaptés. La pérennité pour les uns, la survie pour d’autres, la saison à venir pourrait être plus mouvementée que la précédente sur les bancs NBA. Alors, des pronostics ? Qui va sauter selon vous, et qui sera conforté ?