Bon j’ai déjà parlé à plusieurs reprises des aspects off the court de la NBA (métier d’agent, post-carrière, trade, …) et, comme on sort de la période de draft, j’ai tous les ans une pensée particulière pour les ex-rookies de la Ligue qui vont devenir des sophomores en octobre de cette année. Terme purement ricain, il désigne de manière générale le second effort, la seconde action d’une personne ou d’un groupe. Alors après l’effort intense qu’il faut investir pour se faire une place dans la Ligue, il va maintenant falloir garder cet espace si précieux et si convoité.
Be better :
C’est assez connu et reconnu, le sport ne se pratique pas tout à fait de la même façon aux quatre coins de la planète, et les Etats-Unis ont toujours cette image de bête de somme qu’on charge de poids en salle de muscu et à qui ont fait répéter 1000 fois par jour les mêmes gestes pour qu’ils deviennent innés chez l’athlète.
La mission du sophomore sera donc sensiblement la même que pendant son année rookie : travailler et apprendre. Bosser ses points faibles pour tenter de les rendre invisibles. Développer son QI basket. La grosse différence est qu’avec les années, ce qu’on pouvait trouver “mignon” peut devenir un frein qui va se serrer de plus en plus au fur et à mesure que les saisons défilent, et on ne le sait que trop bien : une saison, ça passe vite. Surtout que l’enchaînement des matchs, ainsi que le corps s’adaptant petit à petit à ce rythme frénétique, ne laisse pas beaucoup de place aux séances d’entraînement. Alors il reste l’été, mais là aussi il faut que le corps recharge ses batteries, que jeunesse se fasse, qu’on profite un peu de ses nouvelles attentions et hop à peine posé, la saison repart de plus belle. C’est ce frein qui empêchera certains de briller jusqu’au bout et de toucher le maximum de billets verts à l’heure de signer le premier vrai contrat de leur carrière. L’année sophomore est donc la première en moins à jouer qu’il reste à chaque joueur, celle où le chrono se change en compte à rebours avant la première free agency.
With the lights out :
Peut-être un aspect que l’on néglige un peu dans ce cas précis, c’est le relatif anonymat dans lequel les rookies tombent en seconde année.
Si on exclut les superstars naturelles de cette réflexion, il faut se rendre compte qu’en 1ère année, l’attention est focalisée entre autres sur les rookies. On analyse les prestations, bonnes ou mauvaises, on juge le niveau, la progression, on attend le fameux rookie wall, on… refait des drafts, et les coachs et coéquipiers sont patients parce qu’ils se souviennent de ce que c’est que de débarquer dans ce grand cirque. Après, c’est au choix : ou l’on devient quelqu’un ou l’on reste un joueur lambda, noyé dans la masse des joueurs NBA. Le focus est aussi maintenu sur les rookies grâce au trophée que chassent les jeunots, avec le Rookie Of The Year. Même cette carotte disparaît une fois la deuxième année débutée et notre âne doit vite retrouver une nouvelle raison d’avancer au risque de se prendre une volée de coups de pied au cul.
A contrario, certains préféreront passer sous le radar et seront libérés de cette pression médiatique. Ainsi ils donneront une meilleure image de leur potentiel lorsqu’ils seront fondus dans la masse de la ligue et que leurs têtes dépasseront légèrement de la marée. Tout n’est qu’un jeu d’ombre et de lumière il parait.
I got my eyes on you :
Autre point, la fin de l’effet de surprise. Que ce soit coach ou joueur, pendant la saison, on a rarement l’occasion de se focaliser sur l’adversaire et encore moins sur un rookie, fusse-t-il excellent – exemple Donovan Mitchell cette saison. On cherche d’abord et avant toute chose à stopper une équipe.
En seconde année, le joueur étant plus intégré, il représente une menace plus concrète et on va donc se concentrer sur l’équipe à défendre mais aussi appliquer un petit traitement de faveur aux joueurs-clés pour supprimer leurs effets positifs, et donc potentiellement à cet ancien rookie rentré dans le rang. Certains ont déjà pu s’en rendre compte via les Playoffs, où la préparation des matchs est plus minutieuse et spécifique. Ce changement de traitement continuera à faire la sélection naturelle dans le troupeau et ce pour n’en garder que les meilleurs éléments au top. Tous ne pourront pas s’adapter à ce que proposeront les défenses adverses, et on a déjà connu des rookies prometteurs se crasher en plein vol au moment de la confirmation. Donovan Mitchell, Ben Simmons, Kyle Kuzma, sont autant de joueurs scoreurs qui vont certainement découvrir cet aspect de l’adversité la saison prochaine : à eux de faire le nécessaire.
Repeat :
Il y a aussi une certaine routine qui s’installe. Comme en amour, au début tout est beau et rien n’est vraiment désagréable. Le coéquipier qui passe pas la balle quand on est démarqué, les séances vidéos, les nouvelles salles, les adversaires, les victoires, les défaites, l’avion, … On glisse doucement vers jouer/vol/jouer/vol… ça peut devenir abrutissant au point d’en oublier le plaisir que l’on a de jouer au sport qui a drivé notre existence jusque là, voire qui a sauvé certains d’une vie de galères. On gueule sur son mate, on s’endort en séance vidéo, on sait qu’on aime pas telle ou telle salle, on redoute un adversaire, qu’on gagne ou qu’on perde on se dit “Meh, de toute façon il n’y a que les playoffs qui comptent“, le siège de l’avion privé devient inconfortable, … Et on oublie le rêve de gamin lorsqu’on se retrouvait seul sur le playground à se chuchoter à soi-même “His team needs 3 points, the clock is going down, 3…2…1, he shoots for the win!” en finissant par imiter le cri de la foule en délire lorsque votre dernier shoot de la journée rentrait, quitte à le faire 45 fois.
Si certains joueurs arrivent à renouveler la notion de plaisir, parfois en le mariant avec celle de travail, c’est bien souvent grâce à des aptitudes particulières qui vont leur permettre de briguer un titre individuel ou collectif. Mais imaginez un joueur qui entame sa seconde année dans une équipe qui tanke… Il faut savoir voir le positif là où vous seul pouvez le voir, et s’y accrocher solidement pour ne pas se laisser aller et avoir l’envie de se montrer, encore et encore.
Conclusion :
On ne le répétera jamais assez mais la ligue est remplie de profils de joueurs différents et c’est en ça que réside sa richesse. On va pouvoir voir qui a VRAIMENT le potentiel de devenir un tout grand, qui était un vrai steal de draft et qui était un bust. Pour des Malcolm Brogdon, Michael Carter-Williams, Emeka Okafor, on a des Damian Lillard, des Kyrie Irving, des Brandon Roy : rien qu’en 6 noms des derniers ROY, on se rend compte que tout est possible. Alors à l’heure où pour eux tout est effectivement possible, espérons qu’ils soient tous capables d’atteindre leurs objectifs et de nous offrir du beau jeu tout en s’éclatant.