Considérés comme une potentielle risée de la NBA, les Kings sont désormais une des équipes en vogue du championnat. Jeune, spectaculaire, conquérante, l’avenir semble bien enthousiasmant pour la franchise de Sacramento. Une sensation nouvelle pour une franchise qui aura connu 15 années de disette sportive. Si le retour en Playoffs ne sera pas pour cette année, le futur commence à se dessiner, et nous ne pourrions bien en être qu’à l’esquisse en ce qui concerne la raquette.
Si De’Aaron Fox a catalysé l’essentiel de l’attention des non-fans de la franchise, il y a bel et bien un duo d’envergure qui se construit “à l’ombre du show business“. Cette paire, c’est l’histoire de deux potes aux parcours bien différents, mais de toute évidence bien décidés à marquer l’histoire des Kings : Harry Giles et Marvin Bagley III.
Harry Giles, la descente
La draft 2017 a vu de nombreux phénomènes débarquer en NBA : Jayson Tatum, Donovan Mitchell, De’Aaron Fox, Lonzo Ball, Markelle Fultz, Josh Jackson et la liste continue. Pourtant, 3 ans avant la fameuse soirée de la draft, tous s’inclinaient devant un nom : Harry Giles.
Jeune intérieur au toucher de balle fantastique, comparé à Kevin Garnett dès ses premiers pas en High School, l’adolescent semblait déjà promis à une soirée magique, devenant le centre d’attention de toutes les franchises NBA. Mais ça, c’était avant une série d’incidents aussi injustes que consternants qui allaient jalonner la carrière en devenir de Giles.
Alors qu’il écrase la concurrence dès sa première année en lycée, le jeune intérieur va directement porter son équipe jusqu’au titre de champion de son état. Difficile de ne pas saliver en voyant le freluquet se tailler sa place dans les raquettes. Une performance qu’il va réaliser, aux côtés d’un autre nom que la NBA connaît : Theo Pinson.
Alors qu’il continue de montrer l’étendue de son potentiel en AAU durant l’été suivant le titre, son ciel va néanmoins se ternir. Lors d’une journée balisée par les recruteurs pour établir les rankings, Giles va complètement dominer la concurrence, confirmant son statut de numéro 1. Capable de passer comme peu d’intérieurs, d’attaquer le cercle et de sécuriser l’arceau, le potentiel du joueur apparaît alors comme très, très élevé. Aucun recruteur ne peut le remettre en cause.
Mais ce même jour, l’ascension du jeune joueur va prendre un premier revers majeur. Une rupture des ligaments croisés et latéraux. Un terrible coup de massue, qui le tiendra éloigné des parquets durant une longue année. Presque une année entière sans pouvoir jouer, obligé de subir l’attente et la rééducation. Et une année sophomore qui passe directement à la trappe.
Finalement, il revient pour sa saison junior déclarant être presque de retour à 100%. Ses premières prestations, ultra-dominatrices ne lui donnent pas tort. Pour son second match, il met 38pts, 19rbds et va ensuite réaliser une année magistrale transformant son équipe en une véritable machine. Les scouts se massent à nouveau pour venir voir le prodige en action. Fort de ce succès, il décide de s’engager à la fameuse Oak Hill Academy pour sa dernière année. Ayant fait évoluer de nombreuses stars NBA, il voit en cette opportunité le dernier tremplin avant une année universitaire.
Il n’y jouera pourtant que 2 minutes. Le temps de se refaire les croisés et de repartir pour une saison blanche. Au pire moment. Toujours considéré comme le prospect numéro 1 avant ce nouveau revirement, il prendra néanmoins le chemin de Duke. Conscient que le joueur n’a pas récupéré, Coach K lui offre l’opportunité de prendre une année pour se remettre avant de faire ses débuts. Une opportunité que le joueur refusera, décidé à jouer diminué et se frayer un chemin, au plus vite, vers la NBA.
En effet, cette seconde rééducation n’est pas allé pour le mieux. Alors qu’il a déjà passé une saison sans basketball, il s’avère que le staff de Duke se rend compte qu’une nouvelle intervention est nécessaire, et ce alors que le joueur attendait ce retour avec une impatience non dissimulée. Après une nouvelle saison noire, le joueur autrefois promis au premier choix de la draft, décide de la regarder à la télévision, voir quelle équipe serait prête à tenter le pari d’un joueur déjà maintes fois blessé à 18 ans.
Les Kings, finalement, tenteront leur chance avec le 20eme choix, une déconvenue terrible pour un des prospects majeurs qu’aurait dû connaître la NBA.
Marvin Bagley III, le mal-aimé
Le parcours de Bagley n’a rien d’un chemin bardé de déceptions. Une carrière en lycée tout ce qu’il y a de plus solide, une saison aux côtés de l’immense DeAndre Ayton, un transfert vers un autre lycée pour finir son parcours et, comme Harry Giles, une saison universitaire au sein de Duke.
A la différence de ce dernier, Bagley, lui, va jouer. Et en pleine possession de ses moyens. Malgré une équipe pléthorique, l’intérieur va multiplier les sorties marquantes, scorant à volonté et gobant des rebonds comme peu de joueurs dans l’histoire. Enchaînant les pointes au scoring et au rebond, il va dominer comme aucun intérieur des Blue Devils ne l’avait fait depuis les années 60. A tel point qu’il va d’une part confirmer être un prospect 5 étoiles, mais aussi s’imposer comme un rookie sur lequel il faudrait compter pour le top 5 de la draft.
Dans une cuvée des plus denses, de nombreux noms semblent se disputer les positions, mais le contexte est un peu particulier. Côté NCAA, DeAndre Ayton a dominé de la tête des épaules au point de faire saliver toute la NBA. Mais cette saison, quelque chose est différent. Un adolescent est en train de réaliser des performances sans précédent depuis 2 ans de l’autre côté de l’Atlantique. Un prodige slovène qui divise fans et observateurs NBA, mais dont le niveau de jeu semble destiné à porter aussi vers une première place le soir de la draft. Si Michael Porter Jr à qui on promettait les sommets a connu le même sort qu’Harry Giles, un flou artistique règne quant à la nuit qui attend les jeunes prospects.
Une nuit qui va jouer un tour étonnant à Bagley. Alors que les Suns, draftent les premiers et jouent la sécurité en appelant Ayton, ce sont les Kings qui vont surprendre leur monde. Au lieu d’opter pour Luka Doncic, ils vont se tourner vers l’ailier fort en provenance de Duke. Un choix qui peut avoir diverses explications, mais qui vont susciter étonnement et déception, au point de soudainement faire chuter la côte du joueur auprès des fans… alors qu’il n’a pas encore foulé les parquets.
Le joueur avait été un des rares prospects à avoir annoncé ne voir aucun inconvénient à évoluer à Sacramento. Ce dernier étant notamment enthousiaste à l’idée de retrouver un pote… : Harry Giles. Dans l’espoir notamment de former une paire prometteuse avec son ex-compagnon de ligues d’été.
Profils
Ainsi, à l’aube de la saison 2018-2019, ce sont les deux intérieurs draftés successivement que les Kings s’apprêtent à lâcher dans la grande ligue. En effet, Sacramento a joué la prudence, proposant à Giles d’enfin prendre le temps de se remettre pleinement de ses blessures. Une nouvelle année blanche qui devait notamment servir à reposer le jeune joueur, le préparer convenablement en le renforçant physiquement. Si son temps de jeu s’apprêtait à être limité pour ces raisons, ce serait aussi le cas de Bagley, qui verrait ses minutes progresser petit à petit, notamment pour l’adapter calmement au jeu NBA.
Et si on doit dire quelque chose, c’est que l’un comme l’autre avec leurs opportunités respectives ont su nous séduire. Mais au juste, quels sont leurs profils ?
Harry Giles
Le 20eme choix de la draft 2017 a tout d’un prodige. Une sorte de talent à part qui peut faire fureur dans la NBA actuelle.
Offensivement, c’est un excellent finisseur près du cercle. Doté d’une belle panoplie de mouvements, il est aussi un très bon dribbleur pour un intérieur, ce qui lui permet d’agresser ses adversaires. S’il peine encore à aller chercher des lancers francs, dont le pourcentage de réussite n’est par ailleurs pas exceptionnel, il peut aider son équipe à scorer. Hors de la raquette, son shoot semble tout à fait fiable, que ce soit à mi-distance ou à 3pts. Néanmoins, en NBA, il s’est très peu appuyé sur ce dernier, ne shootant d’ailleurs pas à longue distance.
D’autant que le joueur, en plus d’être doué balle en main, est aussi un rebondeur très énergique et volontaire. S’il manque encore peu de coffre pour parfaitement s’imposer en NBA, Giles fait parti de cette caste qui sait se placer et sent le jeu. Nul doute qu’à terme, il deviendra une vraie présence sur laquelle compter sous le cercle.
A tel point, d’ailleurs, qu’il ajoute à sa besace une qualité rare pour un intérieur. Le sens de la passe d’Harry Giles fait merveille, particulièrement dans un jeu dynamique et basé sur le mouvement sans ballon, qui fait rage aujourd’hui en NBA. Doté d’un bon sens du timing, il a aussi une vision de jeu qui lui permet de trouver ses coéquipiers. Une qualité, qui, on le sait, peut en plus être contagieuse et changer le jeu d’une équipe dans sa globalité. Que ce soit sur attaque placé (vidéo 1), ou en transition (vidéo 2).
Défensivement, il semble avoir toutes les armes pour être un bon joueur. L’énigme quant à ses blessures reste de savoir comment cela va affecter son évolution en tant que joueur et impacter ses qualités athlétiques à terme. En outre, son footwork reste très perfectible et s’il a de bons instincts, il doit notamment travailler sa lecture défensive. Néanmoins, si Sacramento arrive à l’accompagner dans son retour, durablement, alors c’est bel et bien comme un défenseur d’élite potentiel que Giles était perçu lors de sa draft. D’autant que son faible de temps de jeu et ses longues années loin des terrains expliquent sans nul doute certains automatismes à trouver.
Marvin Bagley III
En attaque, Marvin Bagley III est une véritable machine. Doté de qualité athlétique énorme, possédant de bonnes mains lui ayant permis de mettre en place hook (vidéo), spins, jumpshot. Il peut agir en triple menace grâce à son dribble, face-up ses adversaires ou lorsque la situation l’exige, utiliser son fadeaway. Sur attaque placée, il est déjà une véritable menace grâce à un jeu offensif très complet. En transition, grâce à ses courses et sa vitesse, il peut déjà faire des ravages dans une équipe qui aime bien pousser le ballon.
A l’inverse de Giles, si sa mécanique de tir n’est pas parfaite, il n’hésite pas à prendre des tirs à mi ou longue distance. Malgré des pourcentages assez faibles, il n’en reste pas moins un joueur qui a terme, pourra au moins être une menace à mi-distance. La tendance actuelle en NBA prouve par ailleurs que d’ici quelques années, le voir tourner autour de 34-35% à 3pts n’a rien d’impossible, bien au contraire.
En outre, comme sa carrière universitaire l’a mis en évidence, il est un rebondeur féroce, et si lui aussi va devoir s’étoffer pour rivaliser avec les mastodontes du poste 5, sa vitesse latérale et son sens du placement en font déjà un joueur qui peut prétendre à des double-double réguliers. Extrêmement rapide sur son premier comme son second saut, il peut devenir un leader statistique dans ce domaine, notamment par sa faculté à prendre l’ascendant sur son vis-à-vis (comme ci-dessous). Surtout s’il arrive à se muscler sans perdre en mobilité.
En revanche, si Harry Giles brille déjà par son jeu de passe, ce n’est pas le cas de Bagley qui montre de véritables limites de ce point de vu-là. Parfois incapable de voir ses coéquipiers, possédant une tendance certaine à vouloir marquer avant tout, il peut rater des coupes évidentes de ses partenaires. Cet aspect du jeu apparaît comme un grand chantier pour lui, en faisant un cas typique de la “vision tunnel”, un problème particulièrement visible en transition :
Le fait qu’il ait tendance à se lancer tête baissée lorsqu’il attaque le panier, réduit systématiquement son champ de vision. Donnant d’ailleurs l’impression qu’il oublie ses coéquipiers. Si cela peut s’améliorer considérablement avec le temps, cela reste une problématique qui devrait prendre du temps à gommer.
En ce qui concerne l’aspect défensif, il possède en revanche un grand nombre de lacunes. Footwork défaillant qu’il compense grâce à ses qualités physiques, mais qui promet un vrai travail de fond pour le corriger. D’autant que ce n’est pas le seul problème à signaler. Bagley semble par moment absolument perdu le terrain. Il anticipe mal ce qu’il se passe. De toute évidence, le jeu va encore beaucoup trop vite pour lui. Il est donc souvent en retard sur l’homme, mais est aussi un piètre défenseur sur les aides. Malgré ses qualités athlétiques, il n’est donc à cette heure pas suffisamment dissuasif. Prouvant que qualité athlétique et défense ne sont pas toujours liées. Hommage à Kenneth Faried.
A l’heure actuelle, Bagley est typiquement un joueur qui va devoir être compensé par son équipe, quelque chose qui doit changer avec le temps pour vraiment porter les progrès de Sacramento. Tout n’est cependant pas noir. Doté de mains rapides, d’appuis extrêmement vifs, comme nous l’avions mentionné plus tôt, et d’une détente énorme, il peut à la fois voler des ballons, mais aussi contester, voire contrer ses adversaire. Si son équipe met plus l’accent sur la défense à l’avenir, son énergie pourrait, typiquement, faire de lui le genre de joueur qui enchaîne quelques actions marquantes et donne le ton pour ses coéquipiers. Il doit clairement régulariser ses efforts. S’il y arrive et qu’en prime il devient meilleur sur les aides… le potentiel est énorme !
Voilà la nouvelle paire !
Potes depuis plusieurs années, comme de nombreux joueurs se croisant dans les nombreux camps, tournois, ligues telle que l’AAU présentes aux Etats-Unis, les deux intérieurs se sont retrouvés et ont lancé ensemble leur carrière.
S’ils voient leur temps de jeu respectif encore limité, la lecture des profils met néanmoins en avant quelque chose de crucial : la complémentarité.
Si les deux joueurs sont des ailiers forts, ils possèdent néanmoins des qualités qui peuvent utiliser celles de l’autre et en compenser les manquements. Ainsi, Giles pourrait devenir le défenseur que Bagley devrait mettre du temps à être et devenir l’un des passeurs qui le mettra sur orbite.
En effet, Harry Giles à tout de l’intérieur moderne, qui fait énormément de choses sur un terrain et sait exister et faire vivre le jeu de son équipe en touchant beaucoup de ballons, y compris poste haut. S’il a encore beaucoup d’efforts à faire pour être dangereux au scoring (en volume et en régularité), il aura à ses côtés un finisseur de premier ordre en la personne de Marvin Bagley III.
https://www.youtube.com/watch?v=pBTvTKAGiHI
Faire évoluer simultanément deux ailiers forts n’est pas monnaie courant en NBA. Mais difficile de savoir de quoi l’avenir entre Willie Cauley Stein et les Kings est fait. Dès lors, imaginer que Sacramento tente le pari n’a rien d’affolant. Si aucun des deux ne peut actuellement contenir un pivot tel que Karl Anthony Towns, Joël Embiid ou Nikola Jokic en 1 contre 1, leur mobilité, leurs qualités athlétiques présentent de nombreux atouts.
Faculté à switcher sur des extérieurs en défense, agressivité au rebond, capacité à créer des mismatchs, autant de qualités qui peuvent permettre à ce duo de fonctionner. D’autant qu’avec des athlètes tels que De’Aaron Fox, Buddy Hield et Harrison Barnes, Sacramento pourrait bien faire des progrès soudains en défense, maintenant que l’équipe a trouvé son fond de jeu et la solidarité dont elle a besoin pour progresser. Dans une équipe qui a souvent pêché par jeunesse dans les fins de matchs cette saison, le plafond semble élevé. Cela passe notamment par trouver les associations qui fonctionnent.
Alors certes, à cette heure, la connexion n’a été que trop peu développée. D’ailleurs, les deux joueurs sur le terrain affichent -5,9 de net rating lorsqu’ils sont alignés ensemble. Il faut néanmoins nuancer cette difficulté : les deux compères sont encore des projets et doivent faire avec de courtes séquences partagées. Il faudra attendre qu’ils développent tous les deux leurs instincts défensifs pour vraiment augurer de ce que le duo peut donner.
Toutefois, il faut noter qu’ils ont déjà joué 443 minutes communes sur le terrain cette saison, preuve que Vlade Divac et Dave Joërger ont déjà conscience du potentiel disponible. Un temps élevé quand on sait qu’Harry Giles n’a joué que 58 matchs pour 14 minutes en moyenne, quand Marvin Bagley III a obtenu 24 minutes de jeu, mais n’a joué que 52 rencontres. En outre, insister sur une rotation à l’impact négatif lorsqu’une équipe court après les Playoffs peut être perçu négativement, mais peut aussi attester que la franchise voit plus loin et possède un cap directeur. Ce qui serait bien nouveau du côté de Sacramento, mais semble – soulagement – enfin possible.
Si Harry Giles est enfin tranquille, que Bagley réalise le potentiel qu’il a déjà montré, difficile de douter de la réussite à terme de cette paire d’intérieurs. D’autant quand l’on sait l’éthique de travail dont ils sont loués, et la qualité de l’effectif qui est mis en place autour d’eux. Le potentiel en terme de réussite, mais aussi de spectacle que propose actuellement ce très jeune groupe des Sacramento Kings, justifie l’engouement autour de l’équipe. Et si les fans ne sont clairement pas les derniers à s’emballer et exulter devant les performances de ce jeune armada, c’est aussi qu’il était grand temps qu’une fièvre positive s’empare de Sacramento. Et bien disons-le, le duo Giles-Bagley a toutes les chances de nous offrir des séquences de jeu dantesques.
C’est bel et bien la nouvelle paire.