Alors qu’il était un des prospects les plus attendus de la décennie, voilà que ses débuts en NBA ont dû être décalés. Après une blessure qui l’avait écarté de la Summer League après 9 minutes de jeu, Zion Williamson passait sur le billard et retardait, cette fois, ses débuts dans la Grande Ligue. Un coup dur pour les fans, mais également la NBA, qui avait prévu de nombreuses rencontres du rookie en prime time, ou sur les heures européennes. Dans l’attente du prodige, la cuvée de draft était néanmoins fièrement représentée par un Ja Morant qui brillait de mille feux. Pas de quoi, néanmoins, nous faire oublier que le phénomène Zion allait débarquait courant janvier.
Et après 12 matchs, il va sans dire que le monstre des Pelicans n’a pas déçu. Mieux, il semble déjà plus fort que nous pouvions l’espérer. Ce qui étonne après seulement une poignée de semaines de compétition, c’est que l’ex-Dukie est à la fois ce que nous pensions qu’il serait physiquement (sans pour autant paraître extrêmement affûté, nous y reviendrons), tout en étant meilleur qu’attendu sur d’autres aspects du jeu. Si l’on a souvent pu penser qu’il dominait tellement physiquement que les échantillons aperçus en high school puis en université tronquaient ses performances, il semble clair que cette vérité s’applique finalement aussi en NBA. Toutefois, il s’est également avéré un basketteur très intéressant ; et cela ne fait que commencer.
Car oui, en plus d’être arrivé en cours de saison, l’ailier fort a commencé avec une restriction de minutes et l’envie de ne rien forcer. Dans une équipe solide mais en manque d’une force majeure à l’intérieur, il sait que son équipe peut jouer les Playoffs et qu’il convient d’aller dans le sens du jeu. Et jouer juste, c’est ce que Zion a fait depuis ses premiers pas en NBA.
Retour sur quelques leçons à retenir de son arrivée.
–> statistiques à venir arrêtées au 23/02/2020
Le Post-up
Si je commence l’article par un type d’action, c’est qu’il symbolise l’entrée tonitruante de Williamson en NBA. Alors que les Pelicans laissaient leur attaque reposer sur des extérieurs depuis le début de saison (Brandon Ingram, Jrue Holiday, JJ Redick…etc), elle manquait d’un point d’encrage dans la raquette. Après 12 rencontres avec New-Orleans, Zion est donc devenu le joueur ayant le plus joué cette possession de l’effectif. Une façon de rééquilibrer le jeu, mais aussi d’exprimer toutes ses qualités. En mettant 1,05 point par possession sur cette action, il fait déjà partie de l’élite, et ce alors que ce sont ses premiers pas dans la ligue.
A peine âgé de 19 ans, devant encore trouver ses marques, le joueur d’à peine 2 mètres enfonce déjà des intérieurs racés sous les panneaux. Mieux, quand l’équipe arrive à le servir sur un mismatch, il est capable de tailler en pièce les extérieurs adverses. Or, avec des joueurs comme Lonzo Ball et Jrue Holiday, Williamson est et va être servi de plus en plus efficacement.
Le “truc”, c’est que le joueur fait preuve d’une puissance absolument démesurée. Le voir faire reculer des “bêtes” comme Nikola Jokic ou Steven Adams a pu nous faire tiquer, pourtant, c’est ce à quoi il va falloir s’habituer. Avec ses 130kgs, l’intérieur est une forme quasi-inédite de puissance dans l’histoire du jeu. Ainsi, le voir malmener des intérieurs moins imposants, comme ici Thad Young n’a absolument rien d’étonnant.
Ouais… 19 ans.
Le rebond offensif
Un autre aspect du jeu où Williamson est évidemment attendu, c’est le rebond. Actuellement limité à 27 minutes de jeu en moyenne, il compile déjà 7,5 rebonds par rencontre. Là où l’impact du joueur est plus saisissant, c’est que, en moyenne, la moitié sont des rebonds offensifs (3,5). Là encore, la puissance et la force gargantuesque du joueur lui permet de se tailler une place sous l’arceau. Le fait est que le joueur décolle beaucoup plus vite que ses adversaires sous les panneaux. Or, dès qu’il rate un panier, il semble très compliqué de le priver de son propre rebond. Résultat, bien contester un de ses tirs ne suffit donc pas à le stopper.
De même, si un joueur arrive à mettre les mains sur le ballon en même temps que lui, son centre de gravité plus bas, allié à sa puissance, lui permettent de sortir vainqueur de ces échanges. L’image de Zion arrachant la balle des mains de Giannis et l’emportant avec le ballon lors d’un rebond offensif m’avait d’ailleurs particulièrement marquée. 3,5 rebonds offensifs peut paraître un chiffre anodin. Pourtant, il faut comprendre que d’une part, cela fait progresser une équipe déjà correcte dans l’exercice à un niveau “élite”, mais surtout que ce total en fait le leader de l’équipe. Or cela veut dire presque 4 possessions supplémentaires, récupérée par un joueur hautement efficace dans la finition sous le cercle, et donc potentiellement …6 voire 8 points supplémentaires par rencontre.
Dans la catégorie démonstration, on pourra aussi parler de cet enchaînement face aux Warriors hier soir : prise du rebond offensif sur lancer franc puis récupération d’un rebond qui semblait à l’adversaire. Flippant.
ZION IS BULLYING THE WARRIORS 😳 pic.twitter.com/jb3ircPjQH
— Bleacher Report (@BleacherReport) February 24, 2020
… Et le jeu de passe
On aurait pu attendre, à ce stade de sa carrière, que Zion Williamson soit concentré sur deux aspects du jeu seulement. Scorer, et dominer au rebond sous l’arceau. Il n’en est rien. Dès ses premiers matchs avec les Pelicans, nous avons pu admirer le sens du jeu du joueur. Recherche du coéquipier qui coupe vers le cercle, bonne vision latérale, il s’applique à exploiter cet aspect de son jeu et à jouer juste. Autrement dit, il n’est pas simplement sur le terrain pour s’affirmer en tant que future star, mais aussi pour contribuer efficacement.
Si ses passes ont parfois manqué de précision dans l’exécution (ballons lâchés un peu tôt ou tard, hauteur de passe pas idéale, etc), notamment dans ses premières rencontres (Spurs, Nuggets, Celtics), il semble que, match après match, la justesse dans cet aspect du jeu se fasse de plus en plus indubitable. Dans une NBA où il est essentiel d’avoir un maximum de créateurs, imaginer que Zion devienne une triple menace a de quoi faire peur. Évidemment, pour cela, il faudra développer un meilleur shoot et s’identifier comme une option solide à la création pour autrui. Si le shoot est encore un chantier, il semble que le second point soit déjà présent et prêt à être exploité. Car si Zion impressionne dans ce compartiment, c’est qu’il voit véritablement l’ensemble du terrain quand il porte le ballon. Ce qui veut dire qu’il ne saura pas juste ressortir lorsqu’il sera doublé au poste, mais qu’il peut prendre la bonne décision dans l’exécution d’un système ou improviser.
Étant donné que le joueur ne mesure “que” 2m, il devrait souvent être utilisé avec un autre intérieur. Être capable de trouver ses coéquipiers démarqués et d’envoyer la bonne passe permettra donc à Alvin Gentry et Chris Finch (assistant coach), d’imaginer des systèmes intéressants autour du rookie. Qui sait, peut être un jour le verrons-nous en porteur de ballon sur Pick & Roll.
Des connexions en devenir
Là où l’arrivée de Williamson est d’autant plus intéressante à ce niveau de la saison, c’est qu’elle permettra de faire une comparaison avant/après. En effet, la reconstruction des Pelicans est un peu différente de ce que l’on a l’habitude de voir. Ici, Zion n’est pas arrivé dans un effectif qui doit repartir de 0. En conservant ou signant des vétérans capables d’évoluer à très haut niveau (Jrue Holiday, JJ Redick, Derrick Favors) et en profitant de l’échange d’Anthony Davis pour faire main mise sur la jeune génération des Lakers (Lonzo Ball, Brandon Ingram, Josh Hart), la franchise a créé un climat compétitif dès l’an 1.
Or en plus de voir le rookie débarquer dans un roster talentueux, les Pelicans ont aussi pu créer des automatismes durant sa blessure. Maintenant, il convient de voir comment Williamson s’insère dans cet ensemble. Comme attendu, nous avons pu par exemple constater que sa connexion avec Lonzo Ball était évidente. D’un côté, un meneur avec une vision de jeu acérée, de l’autre, un finisseur déjà dans l’élite de la ligue. C’est simple, sur les 10 premières rencontres jouées ensemble, 30% des passes décisives réalisées par le meneur furent pour Zion. Et on parle d’un passeur avec un volume élevé (8,5 par rencontre sur la période). Si en prime, Ball venait à progresser dans sa finition et son shooting durant leur collaboration…”Oh my…”.
L’autre connexion qu’on attend, est évidemment avec Brandon Ingram. L’ex-Laker, qui est devenu All-Star cette saison, réalise une saison qui laisse sous-entendre que la franchise a déjà trouvé son duo pour les années à venir. Redoutable scoreur à la fois capable de travailler son défenseur, mais également en net progrès derrière l’arc, les deux joueurs sont susceptibles de profiter de la présence d’autrui. Il semble compliqué de demander à un défenseur de contenir Zion au poste sans prévoir d’aide(s). Or Brandon est à la fois un scoreur, mais aussi un passeur intelligent. Il n’en faut pas plus pour imaginer qu’avec un effectif efficacement construit, leur duo puisse faire des ravages. Leur temps de jeu en commun n’est pas encore représentatif, mais ce que nous avons vu à Portland le 22 février démontre un potentiel certain.
Un impact déjà visible
Depuis tout à l’heure, nous mettons en avant les nombreux atouts de Zion pour les Pelicans. Mais dans les faits, comment cela s’est retranscrit, à l’heure où j’écris ces lignes (23 février) ?
Zion est revenu il y a 12 matchs. Il a vu ses minutes restreintes dans les premières rencontres et n’a pas pris part à la victoire face à Indiana. La franchise affichait un bilan de 17-27 à son retour et est maintenant à 24-32. Sur les 11 matchs joués avec Zion, la franchise en a remporté 6. Parmi les défaites, on retrouve : Spurs, Nuggets, Rockets, Bucks et Thunder, soit 4 équipes dans les hauteurs de leurs conférences. Dans les victoires, il y a Celtics, Cavaliers, Trail Blazers (x2), Bulls, Grizzlies. Voilà pour le point de vu collectif.
Sur le plan individuel, comme cela se retranscrit ? En un mot : Impressionnant. Zion est déjà le joueur avec le plus haut Net Rating de l’équipe sur la saison (+12,0). Le second est Derrick Favors avec +3,9 et le troisième E’Twaune Morre avec +0,9. Après, tout le reste de l’effectif affiche un résultat négatif. Sur la période de 12 matchs où le joueur est arrivé, qu’est-ce que cela donne ? Quasiment tout l’effectif est en positif, et les membres du trio Holiday-Williamson-Favors culminent tous entre +10,8 et +13,5. La présence du joueur au poste bas, nous le disions en début d’article, transforme l’ensemble de l’effectif offensivement. Mais en étant plus efficace en attaque, l’équipe peut également mieux défendre.
Avec Zion sur le terrain, les New-Orleans Pelicans affichent un Offensive Rating de 114,2. La meilleure attaque NBA, les Dallas Mavericks culminent à 116,4. De l’autre côté, l’équipe, avec Zion a un Defensive Rating de 102,2. La meilleure défense NBA, les Milwaukee Bucks ne laissent que 101,6 points pour 100 possessions à l’adversaire. Oui, avec le rookie sur le terrain, les Pelicans sont déjà élite des deux côtés du terrain. Bien sûr, le joueur est bien entouré. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Eh bien qu’avec un Williamson encore en rodage NBA, qui n’a pas encore retrouvé tout son jeu (on y viendra après), l’équipe fait déjà peur. De là à imaginer les Pelicans favoris pour accrocher le 8eme spot synonyme de Playoffs ? Clairement, si l’équipe reste en bonne santé. D’autant que, et c’est dingue de le dire si tôt, mais la franchise semble déjà pouvoir se tourner vers le joueur dans les fins de matchs serrées. Scoreur déjà dominant, boule d’énergie, l’intérieur transforme déjà son équipe dans le money time, malgré la présence d’un All-Star (Brandon Ingram) et d’un vétéran de premier ordre (Jrue Holiday).
Des lacunes à gommer
Toutefois, après ce portrait très favorable, il est quand même nécessaire de parler des faiblesses du jeu de Zion. Histoire d’être complet.
Tout d’abord, un grand classique des débuts en NBA : les pertes de balles. On dit souvent que le jeu va parfois trop vite en NBA pour les rookies voire les sophomores. Habitués à la NCAA, parfois aux joutes européennes, les joueurs de premières années doivent se faire au rythme très nerveux et au niveau athlétique de la Grande Ligue. En 27 minutes de temps de jeu moyen, Zion perd en moyenne 2,7 ballons par rencontre. S’il fait peu de fautes offensives malgré son physique de taureau, il est en revanche fréquent que le joueur s’emmêle les pinceaux. Pas encore un excellent ball-handler et ayant la tendance à s’enfoncer dans la défense sans trop savoir comment ressortir, cela génère, à ce stade de la saison, trop de déchets balle en main. Un défaut qu’il compense largement, mais qu’il faudra gommer au fil de la saison et de sa carrière.
Et puis… Le shoot. On le savait à son arrivée en NBA et nous le mentionnions plus tôt. Dans une NBA qui aime le spacing et le tir longue distance, le joyaux Zion est à polir dans ce domaine. Pour être une triple menace respectée, le joueur va devoir afficher des pourcentages décents à un certain volume, afin que l’idée de le voir déclencher tir soit une menace pour les adversaires. Or après une première soirée létale à longue distance, le joueur s’est quelque peu éteint. Le soucis, c’est qu’au-delà du tir longue distance, qui ne fait pas nécessairement parti de son arsenal de base, Zion est également très maladroit… aux lancers-francs. Alors qu’il est le joueur de l’équipe qui tire le plus des 7 mètres (8 tentatives par match), il ne convertit que 63% d’entre eux. Un résultat qui n’est pas désastreux, mais qui peut justifier, en fin de rencontre, de faire faute plutôt que de le laisser jouer. Bref, c’est encore tôt, mais c’est une autre faiblesse à effacer.
Enfin, troisième dimension, plus délicate à évoquer, mais l’aspect “physique” entre en jeu. Il est clair que l’ensemble de la NBA, fans comme médias ont fait leur chou gras des discussions autour du poids de Williamson. Avec des qualités physiques hors normes, dans un corps de buffle, il est certain que les articulations du joueurs sont soumises à rudes épreuves. Cette première opération n’a évidemment pas de quoi rassurer. De fait, voir le joueur afficher un corps moins “sec”, qu’on l’espérait au contact d’un staff NBA a de quoi interroger. Sauf que nous ne pourrions rien dire si le passif médical du joueur n’avait aucune conséquence. Or depuis son retour le 23 janvier, il est clair qu’une de ses forces majeures est “cassée”. Véritable machine en transition, capable de découper une défense sur une coupe durant sa saison à Duke, nous attendons toujours ces éclats en NBA. La version de Williamson que nous voyons depuis son retour n’est ni aussi explosive que la précédente, ni aussi verticale. Alors certes, il est effrayant offensivement sans cela. Mais c’est une arme en moins, à cette heure, pour les Pelicans. Et également une petite déception pour les fans, osons le dire.
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En dépit des défauts abordés, les débuts de Zion Williamson en NBA ont été, jusqu’ici, une véritable réussite. Nul doute que le retour du joueur dans l’effectif change et a déjà changé la trajectoire de la franchise. Si on espère le voir à 100% de ses moyens d’ici la fin de saison, toujours est-il qu’il a transformé la morne année des Pelicans en une course effrénée pour les Playoffs (dès sa première demi-saison). De quoi confirmer les espoirs placés en lui, et faire de New-Orleans le genre de poil à gratter que l’on n’a (plus) trop envie de croiser sur sa route… y compris au printemps prochain.