Dans cette cuvée 2020 jugée unanimement incertaine, bien malin celui qui parviendra à pronostiquer le vainqueur du Rookie Of The Year. Les critères des votants, les médias, sont plutôt simples et résumés ainsi : half the defense, double the offense. Historiquement, cette récompense couronne avant tout les profils offensifs. Les deux derniers ROY, Luka Doncic et Ja Morant, attaquants spectaculaires et exceptionnels, ne sont d’ailleurs pas mieux qu’average en défense.
Maintenant que le constat est posé, passons aux choses sérieuses. En préambule, un mot sur les rookies qui réaliseront très probablement une bonne saison, mais qui devraient être trop justes pour atteindre le podium du trophée. Les deux noms évoqués sont les deux prospects internationaux majeurs : Deni Avdija et Kilian Hayes. L’ailier Israélien affiche un profil polyvalent : élite nulle part, il est en revanche un basketteur complet et capable de tout bien faire, ce qui est déjà rare à un si jeune âge. À Washington, en tant que vraisemblable troisième option, à côté des deux stars du backcourt (ou en sortant du banc ?), il pourra utiliser au mieux ses qualités offensives comme défensives. Bien responsabilisé, une saison en 14 points, 5 rebonds et 5 passes décisives semble être dans ses cordes.
Le meneur français aura lui les clés du camion et la liberté de mener l’attaquer des Pistons. Pour peu qu’il s’acclimate au mieux à l’exigence de la NBA, il pourra réaliser ses statistiques dans un contexte favorable. Tomber au bon endroit est primordial pour un rookie. À Detroit, nous pouvons dire que c’est le cas pour le frenchie, quand bien même la franchise ne semble avoir aucune ambition collective cette saison. Peu importe, les résultats collectifs ne sont pas véritablement un critère dans l’obtention du trophée de meilleur débutant, et même si les débuts de Hayes pourraient être compliqués afin de gérer la différence de rythme et de niveau en NBA, le français pourrait tirer son épingle du jeu.
Avant d’embrayer sur le trio de favoris, un nom en particulier a retenu notre attention, c’est notre grosse côte qui, à bien des égards, a de solides arguments à faire valoir…
La grosse côte : Isaac Okoro
Défenseur d’élite, capable de défendre des postes 1 à 4, le jeune ailier des Cavs a tous les atours de l’underdog parfait dans cette course au ROY : charisme, impact sur son équipe, bonne attitude et mental de champion. Isaac Okoro coche les bonnes cases ; il est sans nul doute un très bon joueur en devenir et apportera dès cette saison une assise défensive bienvenue à Cleveland.
“Welcome to Cleveland, Isaac Okoro!” #KiaTipOff20 on NBA LP pic.twitter.com/iEpnLJDxgA
— NBA (@NBA) December 24, 2020
Malheureusement pour lui, et même si un contre-exemple comme un Malcolm Brogdon a le mérite d’exister, le ROY a tendance à récompenser les profils plus offensifs, ceux qui noircissent davantage les lignes de statistiques. Or sauf en de rares exceptions, le théorème est implacable : sous les 15 points de moyenne, pas de trophée. Ainsi, au 21è siècle, seuls Malcolm Brogdon (10,2 points en 2017, dans une cuvée faible), Amar’e Stoudemire (13,6 points en 2003) et Mike Miller (11,9 points en 2001) ont remporté le titre sans scorer leur quinzaine de points par soir.
Pour Okoro, la défense de fer est une excellente nouvelle. Il possède tout l’attirail physique, mental et technique pour délivrer des mixtapes défensives et se montrer clutch au moins de ce côté-là du terrain. Néanmoins, peut-il déjà atteindre cette marque symbolique des 15 points de moyenne ? Là réside tout l’enjeu, mais la barre semble élevée tant il part de loin. Dans cette draft 2020 supposément dépourvue de talent(s) générationnel(s), si Isaac Okoro parvient à progresser sur son tir dès cette saison, il regardera tous les autres membres de sa cuvée dans le blanc des yeux.
Penchons-nous désormais sur le trio de favoris. Les trois profils qui reviennent le plus souvent pour remporter ce trophée.
Anthony Edwards : redorer le blason du first pick ?
Markelle Fultz. DeAndre Ayton. Zion Williamson. Les trois derniers first pick de draft n’ont pas été élus ROY. La passe de quatre avec Anthony Edwards ? Peut-être, mais s’il évolue au niveau attendu et espéré par tout l’État du Minnesota, il pourrait mettre toute sa concurrence dans le rétroviseur. Dominant athlétiquement, flashy et fort scoreur, l’arrière des Wolves dispose sur le papier de toutes les qualités requises pour enfiler les buckets dans la Grande Ligue. Même dans un rôle de troisième option, derrière Karl-Anthony Towns et D’Angelo Russell, l’imaginer à 17-18 points / match sur sa saison rookie n’aurait rien de fantaisiste : la balle devrait circuler à Minneapolis, il aura des munitions et des espaces, et ce sera à lui de les fructifier.
Anthony Edwards is cooking in the first quarter. Pull-up 3 and a finish through contact. A1 since day Day 1. pic.twitter.com/gvJVYqlLzc
— Mark (@MarkC_NBA) December 27, 2020
Véritable bulldozer, capable de créer pour lui-même et déjà NBA ready physiquement, Anthony Edwards a le corps, le talent, l’adresse à mi-distance et proche du cercle, ainsi que les skills pour poser d’énormes problèmes aux défenseurs adverses. Encore faut-il que le mental et la motivation suivent. Si tel est le cas, il ne serait pas étonnant de le voir briser la « malédiction » des derniers first pick de draft, tant sa panoplie offensif semble remarquable.
LaMelo Ball : au niveau de la hype ?
Attention, phénomène. Passeur d’exception, le prospect a déjà plus hype qui l’entoure que n’importe qui en Caroline du Nord, excepté un certain numéro 23. En une poignée de matchs de présaison, LaMelo Ball a déjà montré l’étendue de sa vision de jeu avec des passes incroyables et des highlights à la pelle. Aucun doute, l’ère du showtime est arrivé pour la ville de Charlotte, qui devrait accueillir en son sein une équipe bien plus “league passable” que les années précédentes.
Lamelo Ball va tellement ramener de la hype à Charlotte pic.twitter.com/0XO7D0Fi4P
— The Daily Dunk (@dailydunkfr) December 13, 2020
Le bilan collectif important peu pour ce trophée, LaMelo Ball ne sera dès lors pas pénalisé de côté-là. Il deviendrai probablement le principal ball-handler de l’équipe, il dictera le tempo et aura un usage rate important : un point fondamental pour gonfler ses statistiques. S’il ne sera pour l’heure pas le franchise player à proprement parler, ce rôle étant théoriquement dévolu à Gordon Hayward, LaMelo Ball aura tous les tickets de shoot et de création qu’il désire, ainsi qu’une pression mesurée pour gagner des matchs. En année 1 du projet Ball-Hayward, les Hornets visent davantage la Loterie 2021 que les playoffs. Des conditions parfaites, en somme. S’il ne sera selon toute vraisemblance pas le meilleur scoreur de sa cuvée, le combo spectacle / highlights / vision pourrait lui faire décrocher la timbale, surtout si aucun autre rookie ne crève l’écran plus que lui : à niveau relativement égal ou légèrement inférieur, le trophée ira en Caroline du Nord, tant la hype et l’aspect bankable peuvent influencer les votants.
Obi Toppin : rayon de soleil à New-York ?
69% de réussite à 2 points lors de sa saison de sophomore. 3 dunks de moyenne par rencontre. Une arme de destruction massive donc, dès lors qu’il pose un orteil dans l’arc. Si scorer en NBA ne sera pas aussi facile qu’en NCAA, Obi Toppin a de solides dispositions pour transposer au mieux son arsenal offensif délirant à l’échelon supérieur. Adepte de la théorie du terrain en pente et réputé piètre défenseur, il doit sa présence parmi le trio de tête au syllogisme suivant : le ROY récompense quasi-exclusivement les attaquants ; or, Obi Toppin est excellent attaquant et il est difficile de l’empêcher de scorer ; dès lors, il possède les bonnes caractéristiques pour se voir récompenser du trophée de ROY à l’issue de la saison.
This is probably the play Knicks fans will remember from tonight, and hope to see a lot more of this season. RJ Barrett to Obi Toppin for the big dunk as an exclamation point on a come-from-behind Knicks win in the preseason. pic.twitter.com/VTFAiNC863
— Mike Vorkunov (@MikeVorkunov) December 17, 2020
Explosif, athlétique et énergique, il a tout pour enflammer le Madison Square Garden et apporter, au moins à court terme, toute la frénésie offensive attendue par les supporters des Knicks …depuis Carmelo Anthony. Pour montrer toute sa panoplie, il lui faudra tout de même passer devant l’encombrant Julius Randle dans la hiérarchie, ce qui ne sera pas forcément une formalité, la présaison nous l’a démontré. S’il y parvient bel et bien, la cavalerie sera lancée et il sera compliqué pour les autres rookies de soutenir la comparaison. Offensive, entendons-nous : c’est-à-dire, au regard des critères du ROY, la comparaison tout court.
***
Nous l’avons déjà évoqué en introduction : cette cuvée 2020 est remplie d’hésitations. La seule certitude, c’est justement que nous ne savons presque rien : LaMelo Ball sera un excellent passeur et playmaker bien au-dessus de la moyenne ; Isaac Okoro sera le meilleur défenseur du millésime 2020 ; Anthony Edwards risque de dominer physiquement ; au moins un des rookies sélectionnés entre 10 et 30 sera la belle histoire de la saison, une sorte de Tyler Herro 2.0. C’est tout. Et c’est insuffisant.
À l’heure de nous mouiller, une remarque s’impose, ce qui nous pousse à prendre la question dans l’autre sens : à défaut, quel autre rookie que LaMelo Ball dispose des conditions d’entrée dans la Grande Ligue (responsabilités balle en main, pas de pression superflue, ni d’obligation impérative de gagner, etc.), du statut au sein de son équipe et d’un talent similaire ou supérieur ? Personne. Puisque le meneur de Charlotte surpassera tous les autres en ce qui concerne la hype et le marketing, c’est lui que nous voyons vainqueur par K.O de cette course au Rookie de l’Année 2020.