C’est l’une des sensations de ce début de saison. Malgré la défaite récente face aux Nuggets, le Utah Jazz affiche d’excellents résultats, prenant place dans les sommets de l’Ouest. Dans la continuité de ses dernières saisons, la franchise laisse présager de belles promesses pour cet exercice 2020-2021. Focus sur la forme récente du Jazz, et sur ses ambitions.
On prend les mêmes…
Utah fait partie des franchises qui ont peu bougé au cours d’une intersaison chamboulée. La saison dernière, le Jazz avait conduit sa barque jusqu’aux Playoffs, emmené par un collectif huilé sous les ordres de Quin Snyder. Si l’intégration de Mike Conley n’avait pas été la plus simple, la franchise a finalement proposé une campagne réussie. Seulement, celle-ci s’est achevée sur une défaite au goût amer face aux Nuggets, alors même que Utah menait 3-1 dans la série. Alors que la joute entre Donovan Mitchell et Jamal Murray battait son plein, les mormons amputés de Bodganovic ont fini par craquer face à Jokic et sa bande. L’upset n’aura pas lieu, et les hommes de Snyder repartent dans l’Utah la trompette entre les jambes.
Dès lors, une question commençait à poindre : quel est le véritable plafond de cette équipe, emmenée par son duo Mitchell-Gobert ? Nous le verrons, la réponse n’est pas encore trouvée, loin de là. Le Jazz n’avait que peu de marge de manœuvre pendant la trêve, et les mouvements n’ont donc pas été légion. Derrick Favors revient au bercail après son passage chez les Pelicans, et Jordan Clarkson rempile, contrat juteux à la clé (52M sur 4 ans). De quoi récompenser ses presque 16 points de moyenne en 24 minutes. A 28 ans, l’ancien des Lakers et des Cavaliers est dans son prime, et va rapidement justifier son contrat.
Enfin, à l’aube de la saison régulière, Rudy Gobert a finalement prolongé son contrat. 205 millions de dollars sur 5 ans. Le pivot voit son apport défensif et son intégration parfaite dans le système Jazz récompensés. Une signature qui n’a par ailleurs pas manqué de faire réagir, surtout les détracteurs de Rudy, jugeant le montant trop élevé au vu des limites offensives du joueur.
Une stabilité au service du collectif
Toujours est-il que Utah entamait la saison avec de nombreuses certitudes, et une continuité devenue rare parmi les franchises NBA, surtout par les temps qui courent. Et avant même de parler des performances de l’effectif, il est nécessaire d’évoquer l’heureuse chance dont bénéficie Utah en ce début de saison. Rares sont les équipes qui sont à ce point épargnées par les blessures et les absences liées à la COVID-19. C’est bien simple, Utah a pu aligner le même 5 majeur à chaque reprise à ce jour.
Mike Conley – Donovan Mitchell – Bojan Bodganovic – Royce O’Neale – Rudy Gobert
Une composition de départ très équilibrée, dans laquelle on retrouve les ingrédients qui font la réussite du Jazz. Tous les joueurs sont capables de défendre, avec Gobert en tour de contrôle et le surprenant O’Neale à ses côtés. Les extérieurs sont chargés de scorer, pendant que le Français contribue par sa capacité à marquer sur rebond offensif ou pour des paniers faciles sous le cercle.
Aujourd’hui, malgré la récente défaite face aux Nuggets, Utah occupe la 2ème place de l’Ouest, derrière les Clippers. Avec 15 victoires pour seulement 5 revers, le Jazz a surtout proposé une superbe série de 11 victoires consécutives. Au cours de laquelle ils ont battu leurs adversaires par un écart moyen de 16 points !
Si leurs prédispositions défensives n’ont jamais fait douter, les hommes de Quin Snyder font plus que confirmer : à l’heure où ses lignes sont écrites, Utah affiche le 6ème Defensive Rating de la ligue (107.7), se plaçant parmi les meilleures franchises. Grâce à des profils complémentaires et à un effort collectif bien huilé, le Jazz maintient ses bonnes habitudes autour d’un Rudy Gobert toujours impérial de ce côté du terrain. D’ailleurs, si vous ratez un tir, n’espérez pas récupérer un rebond offensif. La franchise de Salt Lake City détient le meilleur pourcentage de rebonds défensifs (76), et fait partie du top 5 des équipes qui laisse le moins de points sur seconde chance. Une place forte donc, qui ne profite pourtant pas des stops défensifs pour partir en transition coûte que coûte.
Non, Utah reste une équipe qui aime jouer sur demi-terrain. Les mormons affichent l’une des plus faibles PACE en NBA (98.75 possessions offensives par match en moyenne). Et si les performances défensives n’étonnent pas, les prestations offensives le font. Le Jazz fait également partie des meilleures attaques de la ligue en ce début de saison, avec le 5ème Offensive Rating (114.9). Toujours grâce à un collectif parfaitement huilé, dirigé de main de maitre par Quin Snyder. Le coach du Jazz mérite les louanges en ce début de saison, et vient d’être auréolé du titre de Coach of the Month pour la seconde fois de sa carrière. Récemment, Snyder a même dépassé Frank Layden, devenant le deuxième coach comptant le plus de victoires avec le Jazz. Derrière le mythique Jerry Sloan.
Chacun son rôle
Outre l’aspect tactique et la qualité individuelle des joueurs, la force du Jazz provient également de la hiérarchisation des hommes. Snyder a su créer une répartition des rôles très cohérente au sein de l’effectif, permettant à chacun de trouver son compte et d’exploiter le meilleur de soi. Royce O’Neale en est la parfaite illustration cette saison. Décisif en défense, il fait également preuve d’une efficacité redoutable offensivement. La production n’a rien d’impressionnant, mais l’ailier fait ce qu’on lui demande, notamment rentrer ses 3pts (4 tentatives à 46.8% de loin, 8ème pourcentage de la ligue).
Profitons-en pour parler de l’efficacité démentielle du Jazz derrière l’arc. Quin Snyder l’avait évoqué, il souhaitait voir l’effectif prendre plus de tirs primés cette saison. Force est de constater qu’ils sont sur la bonne voie, et de quelle manière ! Près de la moitié des tirs pris le sont derrière la ligne à 3pts. Utah est l’équipe qui tente le plus de tirs lointains (42.5) et qui en réussit le plus (17), soit une superbe réussite à 39.9%, la troisième marque de la ligue. Et encore, Bojan Bogdanovic est pour le moment juste sous la barre des 40%, alors qu’il était au-dessus ces quatre dernières saisons. Le bosnien est d’ailleurs de manière générale en délicatesse avec son tir, à seulement 39.8% au global.
C’est bien simple, pas un seul joueur du Jazz avec au moins une tentative par match n’est en dessous des 30% derrière l’arc. Parmi les joueurs à quatre 3pts tentés par match ou plus, le moins bon pourcentage est celui de Jordan Clarkson, avec un très bon 38.4%. Oui, les hommes de Snyder sont en feu de loin, mais ils ne le doivent pas qu’à la réussite. L’organisation tactique du coach et l’exécution parfaite des joueurs permet de créer des situations favorables, et de prendre de bons tirs. Résultat, Utah a établi un nouveau record NBA de paniers longue distance inscrits par une franchise sur un mois calendaire, avec 285 tirs primés. La franchise doit cette réussite au bon mouvement de balle, mais aussi à la variété des tireurs présents dans l’effectif. Que ce soit sur les lignes arrières ou dans les ailes avec Bogdanovic et O’Neale, de nombreux joueurs sont capables de rentrer des tirs lointains.
La très bonne répartition des rôles au sein de l’effectif est un facteur majeur dans la réussite de la franchise en ce début de saison. Chaque soir, tout le monde exécute, des deux côtés du terrain. Et lorsque l’ensemble patine un peu, plusieurs joueurs sont capables de sortir du bois pour relancer la machine. Notamment sur les lignes arrières où Conley, Mitchell et Clarkson peuvent endosser ce rôle en enchainant les paniers sur certaines séquences. Sur le banc, la qualité est également au rendez-vous. Que ce soit au tir ou dans le travail de l’ombre, les remplaçants du Jazz font le boulot, emmenés par un Jordan Clarkson étincelant. L’arrière est clairement dans la course au titre de 6th Man of The Year, et mène actuellement la danse pour beaucoup. A ses côtés, Derrick Favors, Georges Niang et l’inévitable Joe Ingles répondent présents.
Offensivement, outre Clarkson et les snipers, le Jazz est bien sûr emmené par la traction Conley-Mitchell. Le meneur, souvent critiqué lors de ses premiers mois à Salt Lake City, retrouve un bon niveau cette saison. Polyvalent, efficace des deux côtés, l’ancien Grizz permet également de soulager Mitchell d’une certaine pression. Cette saison, la star des mormons a moins besoin de forcer, et peut laisser le jeu venir à lui. Bien sûr, Donovan est un joueur qui peut dynamiter une défense à tout moment. Mais cette saison, il joue plus juste grâce au soutien du collectif autour de lui. Et ça se ressent dans son efficacité au tir, notamment à 3pts (39.4% avec presque deux tirs de plus que la saison dernière).
Une fois encore, Utah est porté par son collectif. Chacun se dépouille, et fait les efforts pour les autres. De la bouche de tous les joueurs, l’implication est totale, et ça se retranscrit sur le parquet. Notamment sur le plan défensif, ou l’intensité est toujours au rendez-vous pour aider le copain. La complémentarité entre Rudy Gobert, dans la continuité de ces dernières saisons, et Royce O’Neale est très intéressant. Le premier est le pilier de la raquette, la tour de contrôle, quand le second est nettement plus mobile. Capable de naviguer entre les écrans, toujours très impliqué, O’Neale impressionne cette saison encore dans son rôle.
Tout roule donc pour le Jazz, qui devrait continuer sur sa lancée pendant la régulière.
Quel plafond et quelles ambitions ?
Finalement, Utah ne fait que surpasser légèrement les attentes. Il n’est pas étonnant de voir la qualité de ce collectif maintenir le cap en saison régulière. Visuellement, l’impression est plus forte, notamment grâce aux bonnes surprises offensives. Annoncer le Jazz en Playoffs ne fera pas de vous Nostradamus. En revanche, bien malin celui qui peut déterminer le plafond réel de cette équipe.
En l’état, Utah reste sur deux sorties consécutives au premier tour des Playoffs. Face aux Rockets il y a deux ans, puis aux Nuggets dans les conditions que l’on connait. La dynamique du collectif est magnifique, mais quelle est la superstar de cette équipe ? Rudy Gobert est trop limité offensivement pour prendre cette place. Donovan Mitchell a lui montré en Playoffs qu’il pouvait porter la franchise sur ses épaules, avec une série monstrueuse face à Denver.
A priori, Utah a de quoi regarder toutes les équipes NBA droit dans les yeux. Pourtant, certains obstacles paraissent infranchissables pour les hommes de Snyder. L’absence de superstar n’est pas rédhibitoire, mais tous les champions comptent un joueur top 10 ou même top 5 NBA dans leurs rangs. Sans parler de titre à Utah (n’en déplaise à Gobert et ses déclarations), il faudra aller loin lors des prochains Playoffs pour considérer cette saison comme réussie. Or lors des deux campagnes, le Jazz est tombé face à des superstars, Harden puis Jokic notamment.
Avec ce collectif, les mormons peuvent embêter n’importe qui. L’expérience engrangée lors des dernières campagnes peut jouer en leur faveur, mais est-ce suffisant pour espérer passer les grosses têtes de l’Ouest. Hormis les deux franchises de Los Angeles, Utah peut faire office de favori dans une conférence infernale. Les prochains Playoffs seront donc un révélateur pour plusieurs joueurs du Jazz, à commencer par Jordan Clarkson et Rudy Gobert. Sixième homme de luxe en régulière, l’arrière aura-t-il le même rendement en postseason, avec une intensité et une adversité plus élevées ?
En ce qui concerne Gobert, son apport n’est plus à démontrer. Les doutes sur son contrat concernent ses capacités offensives, mais le français tient une place essentielle dans le collectif mormon. Typiquement, il est parfait pour la franchise, et inversement. Gobzilla sera lui aussi attendu en Playoffs. La production devra être au rendez-vous, mais les confrontations directes avec les pivots stars adverses seront le vrai révélateur pour Rudy. Or, le français est souvent mis en difficulté par les intérieurs techniques, capables de jouer au large (Nikola Jokic et Anthony Davis à l’Ouest par exemple).
Avec la dynamique actuelle, difficile d’imaginer Utah tenter quoique ce soit d’ici la fin de saison régulière. Seul le cas de Mike Conley peut être surveillé, le meneur étant en contrat expirant cette année. Dès lors, la question est de savoir si ce roster est capable d’aller chercher plus qu’un premier tour de Playoffs, et même une finale de conférence. Il faudra obligatoirement passer par un adversaire de taille, qui comptera dans ses rangs une ou plusieurs superstars, ou des joueurs calibrés pour embêter la raquette si solide de Quin Snyder. Dans cette optique, Utah doit impérativement maintenir le cap en saison régulière, pour aller chercher la meilleure place au classement. L’avantage du terrain et le parcours en Playoffs pourraient être décisifs dans les ambitions du Jazz. Affaire à suivre, mais le prochain rendez-vous est probablement à prendre pour fin mai.