Le seul et unique game 7 de ce premier tour de playoffs a rendu son verdict et la Conférence Ouest nous présente des demi-finales inédites et excitantes. Pendant que Phoenix tentera d’écarter Denver, ce sont donc les Clippers qui se dresseront face au Jazz. Les deux équipes sortent de séries très différentes et nous promettent un affrontement des plus alléchants.
Les ambitions des deux équipes sont claires : la victoire, l’accès à la finale de Conférence, et plus encore. Elles se devaient de se comporter en patron lors de ce premier tour, mais seule Utah a assumé ce statut avec brio. Dans la lignée d’une saison régulière maitrisée de bout en bout, le Jazz n’a jamais vraiment tremblé face à une équipe de Memphis aussi combattante que plaisante à voir jouer.
A Los Angeles, les certitudes ne sont pas aussi prononcées. Face à des Mavericks qui leur avaient infligés une humiliation cuisante en saison régulière, les coéquipiers de Kawhi Leonard ont du attendre le 7è match pour valider leur qualification… et pour empocher une victoire au Staples Center dans ses playoffs. La machine est-elle lancée ? L’an passé, ils voyaient leur voyage s’arrêter alors que les Lakers filaient vers le titre. Cette fois, les rivaux de la Cité des Anges sont déjà en vacances et l’occasion est trop belle de rendre la pareille.
Alors, qu’attendre de cette série entre Jazz et Clippers ?
Le révélateur du 1er tour
On s’attendait à une série plutôt facile face à un adversaire accrocheur pour le Jazz, et c’est à peu près ce qu’il s’est passé. Privés de Donovan Mitchell à la dernière minute, les hommes de Snyder entamaient de la plus mauvaise manière en concédant l’avantage du terrain dès le game 1. L’expulsion de Gobert pour 6 fautes ainsi que l’agressivité des jeunes Grizzlies permirent à Memphis d’enlever ce match, et l’on se dit que la série pourrait être plus longue que prévue. Lors du match suivant, il faudra un énorme Big Three (Conley, Mitchell, Gobert) et une pluie de 3pts (19 inscrits à 48%) pour résister au match délirant de Ja Morant (47pts). Le retour d’un Mitchell revanchard, frustré après son interdiction de jouer le premier match, aura été précieux.
Par la suite, c’est en véritable patron que le Jazz va boucler la série. Utah commence par reprendre l’avantage du terrain à Memphis derrière son duo de All-Stars, avant de s’offrir une balle de série lors du match 4. Les vieux démons des playoffs 2020 auraient pu refaire surface (Utah avait lâché une série menée 3-1 face à Denver), mais cette fois les mormons sont au rendez-vous. Avec une avance de 20pts dès le premier quart temps, ils mettent le couvercle sur le cercueil des oursons et s’imposent en patron, à la maison. Après la rencontre, la satisfaction est de mise mais les visages restent concentrés. Utah a seulement fait ce qu’on attendait d’elle, et de la propre bouche de Donovan Mitchell : “on a un travail à finir.”.
Du côté de Los Angeles, ce ne fut pas la même musique. Attendus comme favoris de la série, les Clippers n’ont clairement pas assumé ce statut face à des Mavericks méritants. Portés par un Luka Doncic toujours plus impressionnant, les hommes de Rick Carlisle ont fait plus que tenir la dragée haute aux Angelinos. Dès le game 1, Dallas prend l’avantage du terrain en remportant une victoire dans les dernières minutes alors que les Clippers ont bafouillé leur basket. L’inquiétude n’est pas de mise pour autant à l’approche du game 2. Sauf que les Clippers ne se remettent pas à l’endroit pour autant. Luka Doncic n’a que faire de la défense de Kawhi Leonard ou de Paul George, et sort une nouvelle performance d’exception.
Plus réguliers, et profitant des performances de Tim Hardaway Jr. bouillant en ce début de série, les Mavs mettent Los Angeles au pied du mur avant de rentrer à Dallas. Pourtant, le message reste identique derrière les micros : pas d’inquiétude chez les Clippers. Tyronn Lue et ses hommes déplorent leurs errements défensifs, mais assurent garder confiance en leur capacité à renverser la vapeur. Les deux matchs dans le Texas leur donneront raison. Pourtant dominés au début du game 3, les Angelinos sont portés par le duo Leonard-George pour arracher la victoire, avant de dominer complètement le match suitant au cours duquel Doncic s’est fait plus discret. Le prodige se reprend immédiatement, et sort une performance magistrale au game 5 (42pts – 14ast) pour reprendre l’avantage du terrain. La série donne le tournis, et Dallas peut finir le travail à la maison.
Devinez alors les déclarations des Clippers ? Oui, pas d’inquiétude. Il faudra pourtant un extraordinaire Kawhi pour remporter un nouveau match à l’extérieur, et s’offrir un Game 7 à Los Angeles. Dans une série qui n’a vu aucune victoire à domicile. Un match étrangement joué très tôt dans la journée, qui verra les deux équipes se rendre coup pour coup et afficher une adresse démentielle pendant la première mi-temps. Le duel Doncic – Leonard fait rage, les role players de chaque camp sortent de leurs boîtes, et malgré les 46pts d’un Doncic épuisé, ce sont les Clippers qui se détachent et remportent la série.
Affrontements en saison régulière
S’il reste difficile d’établir des conclusions basées sur les affrontements de saison régulière, ces derniers se sont tout de même faits au complet ou presque pour les deux équipes, chose suffisamment rare cette saison pour être signalée. Au global, c’est donc Utah qui sort gagnante des trois rencontres, avec deux victoires contre une.
Le 1er janvier, Utah battait Los Angeles avec un Conley tout simplement exceptionnel (33pts – 7ast) et démarrait une série de 24 victoires consécutives à domicile. Un match qui met en lumière deux approches caractéristiques bien distinctes des opposants : quand Utah peut toujours se reposer sur un collectif prêt à contribuer (seul Conley est à plus de 15pts côté Jazz), Los Angeles est plus dépendant de ses monstres Leonard et George pour ne pas perdre le fil. De plus, Serge Ibaka aura été précieux dans cette rencontre, notamment en attaque pour faciliter la vie de Kawhi, et n’est que peu présent dans ces Playoffs.
Si des ajustements ont eu lieu par la suite chez les Clippers (recrutement de Rajon Rondo, départ de Lou Williams), la profondeur d’effectif est également en faveur du Jazz lors des affrontements en régulière. Les role players mormons sont plus en vue, et contribuent aux succès de leur franchise. Le second affrontement est plus anecdotique : Quin Snyder est certes privé de Mike Conley, mais les Tyronn Lue déplore de son côté les absences de Leonard, George, Batum et Kennard. On notera tout de même le gros double-double (23pts – 20rbds) de Rudy Gobert, qui pourrait être un facteur clé de la série comme on le verra.
Deux jours plus tard, lors du dernier affrontement de saison régulière, les effectifs sont de nouveau au complet. Finalement, c’est bien cette rencontre qui pourrait être un aperçu de ce qui nous attend, du moins en terme d’adversité. Car si le Jazz est passé à côté de son début de match avec une adresse en berne, ce sont cette fois les role players des Clippers qui ont fait des différences derrière le duo Kawhi-PG. Un match qui met en lumière les qualités et les défauts de chaque équipe : quand le Jazz se repose (trop) sur la réussite derrière l’arc, ils peuvent également compter sur un collectif riche et huilé. De leur côté, les Clippers voient tous leurs joueurs ou presque contribuer derrière leurs stars. Pourtant, ils ne semblent jamais maitriser la rencontre et perdent les pédales en fin de rencontre, comme souvent. Sans conséquence cette fois, et Los Angeles l’emporte à domicile.
Match-up et clés de la série
Fraicheur et blessures
Du repos pour Utah…
Premier élément à ne pas négliger dans cette série : le Jazz a terminé sa série bien plus rapidement que les Clippers. Avec seulement cinq rencontres disputées contre sept, les hommes de Snyder ont également moins puisé dans leurs ressources mentales. Le doute ne s’est que peu installé dans les têtes, et Utah est toujours restée sûre de ses forces. Le collectif qui a fait le succès des mormons en saison régulière est bien place, et n’a pas laissé trop d’espoirs aux jeunes Grizzlies pourtant affamés. Surtout, le Jazz a enfin passé le cap qui importait tant, en remportant un premier tour sereinement. Donovan Mitchell et les siens abordent donc cette série avec une fraicheur physique et mentale optimale ou presque. Car si les pépins de l’arrière semblent derrière lui, il n’en est rien pour Mike Conley.
Mais Mike Conley incertain
Depuis février, le meneur traîne une blessure à la cuisse qui l’a maintenu à deux reprises éloignés des parquets. Après une première rechute, il a de nouveau senti une forte douleur pendant le Game 5. Conley sera évalué avant l’ouverture de la série, mais les déclarations du meneur laissaient entendre sa souffrance. Un potentiel gros coup dur pour le Jazz, alors que le meneur avait été le grand artisan de la première victoire en régulière face aux Clippers, et qu’il réalise d’excellents playoffs.
Des Clippers peu rassurants
En face, c’est un peu du quitte ou double pour les Clippers sur le plan mental. Si la série a duré, nous n’en sommes qu’au second tour et la fraicheur ne devrait pas être un gros problème. En revanche, la difficulté à remporter cette série peut aussi bien faire office de déclic que de facteurs de doutes pour les Angelinos. Si certains joueurs se sont avérés précieux, on y reviendra, cette série n’a pas semblé donner une grande confiance aux coéquipiers de Kawhi. D’autant que Tyronn Lue a tardé pour trouver les bonnes solutions, qu’il pourrait ne pas reconduire face au Jazz d’ailleurs. Los Angeles déplore toujours l’absence de Serge Ibaka, qui peine à se remettre de problèmes au dos. Difficile de savoir s’il sera présent, après avoir manqué les cinq derniers matchs face aux Mavs. Toujours sur le plan mental, les Clippers ont encore éprouvé des difficultés à plier un match sans concession, en patron.
Problèmes de taille
Alors que Utah se repose grandement sur Gobert, surtout défensivement, les Clippers ont proposé un ultra small-ball sur de nombreuses séquences face aux Mavs, notamment avec un Nicolas Batum déterminant au poste 5. Plus utilisé en début de série, Ivica Zubac a peu à peu quitté la rotation car trop ciblé par Dallas. Bis repetita pour Tyronn Lue malgré la présence de Gobzilla ?
Le gros point d’interrogation se nomme donc bien Rudy Gobert. Le pivot français peut représenter un casse-tête de taille pour les Clippers, que ce soit au rebond ou pour attaquer la raquette. En effet, si Kawhi Leonard a réalisé une série démentielle face aux Mavs en termes d’efficacité, cela pourrait se compliquer face à Utah. Contre Dallas, l’ailier a shooté à 61% pour plus de 30pts de moyenne, du jamais vu depuis Shaq en lors des Finals 2000. Rendez-vous compte. En revanche, lors des deux dernières saisons, Leonard affiche son pire pourcentage de réussite face à… Utah, évidemment (35.5%). La faute notamment à un vilain 43.8% dans la restricted area, dont un 5/13 avec Gobert sur le terrain.
Deux solutions peuvent être envisagées par Tyronn Lue. La première serait de se reposer sur les tirs à mi-distance de Leonard et George, tous deux capables de prendre feu dans cette zone. Rudy a plus de mal à sortir pour contester ces tirs, et plus généralement à s’écarter du cercle. Dès lors, Lue pourrait de nouveau inclure des intérieurs fuyants pour libérer l’accès au cercle. Cela dépendra également de l’état de santé d’Ibaka.
Adresse à 3pts
Quin Snyder le sait, il va affronter une équipe aussi incroyable que la sienne derrière l’arc. Cette série va tout simplement opposer la meilleure franchise en nombre de 3pts inscrits par match en saison régulière et en playoffs (Utah, 17), à celle qui possède la meilleure adresse. Seulement, si les Clippers affichaient un démentiel 44% collectif à longue distance, ce pourcentage de réussite est tombé à 37% face aux Mavericks. Panne de confiance, ou moins bonne circulation de balle ? Un peu des deux, à vrai dire, mais tout le monde ou presque peut tirer de loin à Los Angeles. Du côté du Jazz, pas de quoi rougir, avec des snipers à tous les coins du parquet. Là où les Clippers misent sur des role players prêts à dégainer au relais des deux stars Leonard et George, Utah promeut un jeu léché et plus collectif qui donne des positions de tirs à chacun. Dès lors, l’adresse à 3pts sera un facteur déterminant dans cette série, et les défenses auront fort à faire.
Attention cependant pour les Clippers. Car si les premiers tours ne sont pas une vérité absolue, un constat se dégage : Los Angeles fait partie des mauvais élèves pour défendre à longue distance, ayant laissé les Mavs shooter à 38.8% pendant que Utah limitait Memphis à 32.9%. Et s’ils ne parviennent pas à libérer des accès au cercle, les Clippers seront encore plus dépendants de leur réussite derrière l’arc. A l’inverse, ils ont concédé trop de points sur drive face à Dallas, et pourraient donc offrir des alternatives au Jazz s’ils ne rectifient pas.
La bataille des role players
Sur cet aspect, la dynamique des deux franchises peut légèrement pencher en faveur des Clippers. En effet, lors de la série face aux Mavs, plusieurs role players se sont révélés précieux, notamment dans le game 7. Au premier plan, trois joueurs : Nicolas Batum, Reggie Jackson, et Terance Mann. Ce dernier apporte une grande polyvalence, capable de porter la balle par petites séquences, et de défendre dur. Avec une intensité toujours bienvenue sur un parquet. De son côté, Batum est revenu en grâce cette saison après une longue descente aux enfers du côté de Charlotte. Utilisé en pivot lors de cette série après les deux défaites à Los Angeles, le français a grandement contribué au retour de son équipe, notamment en défense. L’ailier se retrouvant alors sur Doncic ou Porzingis après le switch, il faisait un meilleur travail que Zubac. Attention tout de même, car l’adversité au rebond sera plus intense, même si Gobert semble parfois esseulé dans ce domaine, alors que du côté des Clippers, Leonard et George sont de gros rebondeurs. On citera également Marcus Morris, polyvalent, capable de contribuer en attaque et d’écarter la défense.
Concernant Reggie Jackson, il est devenu plus qu’un role player. Tyronn Lue tâtonne clairement pour ce qui est de la mène, et aucun élément ne semble apporter de garanties. Patrick Beverley a été peu en vue, et l’on se rappelle de ses difficultés à défendre Mike Conley en saison régulière. Rajon Rondo affiche un niveau plus que mitigé dans ces playoffs. Difficile d’anticiper ce que va mettre en place le coach, mais Jackson part avec une longueur d’avance. Dynamique, capable de mettre des tirs importants, il a marqué des points face à Dallas, dans tous les sens du terme.
Pour autant, le Jazz n’est pas en reste avec un effectif très complet. Surtout, après une saison maitrisée, les rôles de chacun sont parfaitement connus et définis. Une hiérarchie essentielle en playoffs, qui n’enlève pas pour autant de flexibilité à Quin Snyder. Si Jordan Clarkson et Joe Ingles ont connu des dynamiques de fin de saison différentes, leur premier tour reste légèrement en dessous de leur potentiel, avec notamment des pourcentages au tir nettement à la baisse. Il leur faudra redresser la barre pour offrir plus de possibilités à l’attaque du Jazz, et devenir un vrai casse-tête pour Lue et ses joueurs. La série de Bogdanovic sera aussi déterminante.
Royce O’Neale sera également très surveillé côté Jazz. L’ailier, auteur d’une bonne série face aux Grizzlies, sera attendu des deux côtés du terrain face à Los Angeles. Il aura probablement pour mission de défendre sur Kawhi Leonard. L’essentiel pour O’Neale sera d’être le plus agressif possible tout en évitant de faire trop de fautes sur la star des Clippers. Pas une mince affaire donc.
Pronostic & mot de la fin
C’est une série disputée qui nous attend, du moins on l’espère. Si le Jazz arrive plein de certitudes, la pression sera sur ses épaules après avoir dominé le premier tour et terminé la saison régulière en tête de l’Ouest. Utah nous a donné à manger, et l’on en veut encore plus de la part de Mitchell et les siens. Pour les Clippers, plus le droit à l’erreur. Ils ont fauté l’année dernière, mais ne se sont jamais vraiment rattrapés depuis. Le premier tour face à Dallas n’aura pas rassurer les fans, qui attendent désormais de voir Los Angeles dominer à la hauteur de son effectif.
Deux collectifs forts, des têtes d’affiche de chaque côté, mais les plus grosses stars seront bien du côté des Clippers. Au-delà de Kawhi Leonard, c’est bien Paul George qui pourrait faire la différence dans ce duel. Décrié depuis deux saisons maintenant, capable du meilleur comme du pire, l’ailier doit sortir une performance référence sur l’ensemble d’une série.
Les conditions physiques de certains joueurs clés seront déterminantes, ainsi que la bataille des coachs. Là où Quin Snyder est un fin stratège avec une tactique rôdée, Tyronn Lue n’a qu’une année d’expérience avec ce groupe, et a souvent cherché la bonne formule pour combler un certain manque d’équilibre dans l’effectif. Avantage Jazz donc, et sur une série en 7 matchs on misera sur la stabilité des mormons pour l’emporter.
Utah Jazz 4 – 3 Los Angeles Clippers