Voici à nouveau un grand poncif de la Grande Ligue. Combien de fois avons entendu (et écrit, en ce qui me concerne) qu’un joueur, seul, est dans l’incapacité de mener son équipe au titre ? En somme, pour soulever le trophée Larry O’Brien, il conviendrait de posséder a minima deux stars dans son effectif. Ce sont ces fameux duos, voire big three, dont on a pris l’habitude de parler. La NBA contemporaine nous offre une illustration topique de ce qui précède, en faisant des Nets (Kevin Durant, James Harden, voire Kyrie Irving) ou des Lakers (LeBron James, Anthony Davis) les grands favoris pour le titre.
Pour répondre à la question posée par le titre de l’article, il conviendrait de définir ce qu’est une star. La tâche est probablement trop complexe ; il existe une multitude d’acceptions du terme “star” et toutes ne peuvent pas être réglées par le biais des statistiques. En effet, on sait que l’impact défensif d’un joueur ne se retrouve que partiellement sur la feuille de match. Par exemple, sur le seul fondement des critères statistiques, Ben Wallace ne serait à aucun moment considéré comme une star des Detroit Pistons du début du siècle. Il pourrait en aller de même avec Dennis Johnson. Or, la réalité est bien évidemment très différente.
Dès lors, nous avons été forcés d’emprunter des chemins détournés, en nous raccrochant à des notions moins floues et plus tangibles : le All-star game et les All-NBA teams. Nous considérerons ainsi, tour à tour, qu’une seconde option est une star lorsqu’elle a été All-star l’année du titre NBA, puis lorsqu’elle a été All-NBA cette saison-ci.
Bien qu’imparfaits, ces deux critères, qui existent depuis la création de la Grande Ligue (1951 pour le All-star game, 1946 pour les All-NBA teams), nous permettront d’opérer un premier débroussaillage.
Détermination des lieutenants
Il s’agit là du nerf de notre sujet. Pour parvenir à déterminer s’il est possible de remporter le titre NBA avec une seule véritable star, il convient d’identifier qui furent les lieutenants des équipes sacrées depuis 1950. Gardez en tête que, pour le reste de notre article, nous ne nous sommes basés que sur les performances en playoffs.
La tâche est finalement loin d’être aisée. Quel est le problème ici ? Tout d’abord, rarement, il est malaisé de déterminer qui était le franchise player du champion NBA. On ne peut pas se fier uniquement au nom du MVP des finales (exemples, parmi d’autres, de Wes Unseld en 1978, de Dennis Johnson en 1984 ou d’Andre Iguodala en 2015) en raison de certaines controverses qui ne sont toujours pas tranchées. Dès lors, en de rares situations, il est difficile d’identifier le numéro 1 du roster.
Il est cependant plus fréquent d’avoir des difficulté à individualiser la seconde option de l’équipe. C’est le cas lorsque deux joueurs affichent un niveau de jeu similaire et particulièrement élevé. On pense à Stephen Curry et Kevin Durant en 2017 et 2018 ou encore à Dwyane Wade et Shaquille O’Neal en 2006. Toutefois, cette situation n’est finalement en rien une problématique pour notre sujet, puisqu’il ne fait aucun doute que l’équipe est alors composée d’au moins deux stars.
C’est surtout le cas lorsque plusieurs joueurs évoluent à un niveau de lieutenant. Il convient alors de trancher, sans que le critère pour le faire soit le pifomètre. Par exemple, qui était le lieutenant des Pistons de 2004 ? Des Sonics de 1979 ? Des Celtics des sixties ? Dans chacun des cas, il existe plusieurs bonnes réponses.
Dès lors, puisque nous n’avons pas d’images de toutes les époques, il a fallu opérer un choix sur la base des éléments disponibles. Nous n’avons pas tenu compte que des statistiques brutes. Pour ne pas négliger l’impact défensif d’un joueur, les statistiques avancées sont également entrées dans notre raisonnement. Lorsque l’hésitation se faisait autour de joueurs à vocation offensive, le nombre de tirs pris par rencontre constitue également un indice. La liste n’est pas exhaustive.
Il en résulte que certains choix peuvent être très largement être débattus. Néanmoins, les cas qui peuvent prêter au débat présentent l’avantage de mettre en parallèle deux joueurs dont le niveau de jeu était similaire pour une année donnée. Par conséquent, que l’on choisisse l’un ou l’autre, cela ne devrait normalement pas nuire substantiellement à notre étude.
Nous tenterons d’abord de répondre à notre question en tenant compte du critère du All-star game, avant d’analyser celui des All-NBA teams.
Le critère du All-star game
Le minimum syndical : un All-star dans l’équipe championne
Commençons par un premier constat : jamais, dans l’Histoire de la Grande Ligue, une franchise n’est parvenue à remporter le titre NBA sans avoir un All-star de la saison dans son effectif. L’hypothèse n’était pourtant pas totalement farfelue. En effet, il se pourrait qu’un effectif parfaitement homogène puisse aller au bout des playoffs, sans qu’une tête n’émerge suffisamment pour envoyer un joueur au All-star game.
Toutefois, avec un peu de recul, la conclusion semble finalement logique. Les nominations au All-star game récompensent certes les meilleurs joueurs, mais également les franchises qui réalisent un bon, voire excellent début de saison. Par exemple, en 2021, l’ASG a rassemblé 22 joueurs, de 17 équipes différentes. Ce n’est pas simplement une exception ; 16 franchises étaient représentées en 2020, tout comme en 1990 (NBA à 27 équipes), pour 15 en 1980 (NBA à 22 équipes).
Dès lors, une majorité d’équipes envoie des joueurs au match des étoiles chaque année. Cela augmente d’autant la probabilité de voir l’une d’entre elles terminer l’exercice avec une bannière de champion.
Toutefois, un All-star suffit. Si en posséder un est, historiquement, un strict minimum pour prétendre à être champion, il n’est pas nécessaire d’en avoir plusieurs. Ainsi, il est possible d’être champion NBA alors que la seconde option de l’équipe n’a pas été All-star la même année. C’est l’exemple des Bucks 2021, où Khris Middleton, seconde option derrière Giannis Antetokounmpo, n’a pas été sélectionné pour participer au match des étoiles.
On retrouve 13 autres occurrences, au-delà de Middleton. Par exemple, Bob Dandridge n’était pas All-star lorsqu’il remporta le titre avec les Bullets en 1978, alors qu’il semblait être la seconde option de l’équipe, derrière l’inusable Elvin Hayes. Il en va de même pour Joe Dumars en 1989 ou encore pour Scottie Pippen en 1991 et 1998.
Par conséquent, si on répond à la question en appréciant si le lieutenant fût All-star l’année du titre, nous pouvons donner d’ores et déjà notre réponse : oui, on peut gagner le titre avec une seule star. C’est toutefois pas très fréquent (14 fois sur 71 titres, soit 19,7%).
On constate surtout que cela dépend des époques. Ainsi, au cours de certaines décennies, il était quasiment impératif d’avoir plusieurs All-stars dans son effectif pour devenir champion NBA.
Plusieurs All-stars : une constante historique
C’était d’abord le cas entre 1951 et 1988. Sur cette période longue de 38 ans, nous ne retrouvons finalement que 3 champions NBA avec un seul All-star.
- Rochester Royals en 1951 : Bob Davies, qui semblait être considéré comme le franchise player de l’équipe en saison régulière, pour endosser le rôle de lieutenant de luxe d’Arnie Risen en playoffs,
- Golden State Warriors en 1975 : Rick Barry,
- Washington Bullets en 1978 : Elvin Hayes.
Il s’avère qu’en cette époque, le champion possédait en moyenne 2,7 All-stars dans son roster. Citons l’exemple des Celtics de 1962, qui envoyèrent Bill Russell, Tom Heinsohn, Bob Cousy et Sam Jones à l’événement annuel. On retrouve aussi 4 All-stars chez les 76ers de 1983, et 3 chez les Celtics de Bird (1981, 1984, 1986) et les Lakers de Magic (1982, 1987, 1988).
Par conséquent, au cours de ces quatre décennies, si vous n’aviez pas a minima deux All-stars dans votre roster, vous n’aviez que 7,9 % de chance de remporter le titre NBA.
Ce chiffre de 2,7 All-stars de moyenne se retrouve également entre 2012 et 2018, en raison de la domination féroce de deux équipes (le Heat des tres amigos, les Warriors de Curry). D’ailleurs, lesdits Warriors sont les seuls, au 21è siècle, à remporter le titre NBA avec 4 All-stars, en 2017 et 2018. Il y a donc eu, dans l’histoire de la Grande Ligue (71 années depuis la création du All-star game en 1951), une période de 45 années où il était presque impératif de posséder plusieurs All-stars pour être champion NBA.
Par conséquent, il reste 26 années qui paraissent moins “All-stars dépendantes”. C’était d’abord le cas entre 1989 et 2005, puis depuis 2019. Dans les deux cas, le champion NBA possède, en moyenne, 1,7 All-star dans le roster.
Ce constat nous permet, une fois encore, de répondre à la question que nous nous posons ; en certaines époques, il était quasiment impératif d’avoir au moins deux stars pour prétendre à remporter le titre NBA en fin de saison. C’est n’est pourtant pas la tendance actuelle de la Ligue.
Pour continuer, et pour être tout à fait transparent, venons nuancer la fiabilité du critère du All-star game.
Remise en cause du critère du All-star
La problématique du All-star game, notamment par rapport aux All-NBA teams, c’est qu’il s’agit d’une distinction “politisée”. À l’instar du MVP par certains égards, certains joueurs ont un pied et huit orteils au match des étoiles avant même que la saison ne commence, grâce à leur nom ou leurs accomplissements passés. Or, cela ne nous arrange pas à l’heure de déterminer s’il est possible de remporter un titre avec une seule star.
Plusieurs exemples peuvent illustrer notre problématique. Ainsi, les Hawks d’Atlanta perdirent en finale de conférence 2021. Dans leur effectif, on ne retrouve aucun All-star de la saison passée. Or, lorsqu’on regarde évoluer Trae Young, on s’aperçoit rapidement qu’il possède – assez largement – le “niveau de jeu” d’un All-star.
En somme, ce ne serait pas l’étoile qui fait la star (sans mauvais jeu de mot), ce serait le niveau de jeu concrètement déployé.
Nous pouvons donner un second exemple. En 1981, le lieutenant principal de Larry Bird était, semble-t-il, Tiny Archibald. Les pincettes sont de mises, évidemment. Archibald fût, cette saison-ci, All-star et All-NBA 2nde team, avec 13,8 points, 2 rebonds, 7,7 passes décisives et 50% au tir. L’an passé, pourtant, avec 20,5 points, 6 rebonds, 5,5 passes décisives à 47,5 % au tir, Khris Middleton n’eut droit à aucune récompense honorifique.
Cela revient néanmoins à comparer les époques, chose malaisée voire impossible. On le sait, la NBA a connu une inflation statistique et l’utilisation du tir à trois-points vient, de toute manière, mettre du plomb dans l’aile des éventuelles comparaisons que nous aurions pu faire. Pour être tout à fait exact et exhaustif, il conviendrait de comparer les chiffres de Tiny Archibald avec les autres meneurs de la Ligue en 1981, et ceux de Middleton avec les autres forwards en 2021. Et encore, les modes de nomination ayant évolué, difficile d’arriver à un résultat véritablement satisfaisant.
Autrement dit, la NBA a connu trop de bouleversements profonds pour que l’on puisse énoncer de manière péremptoire que tel ou tel joueur affichait – ou non – le niveau d’un All-star. La notion est trop floue pour constituer une base solide d’examen. D’autant plus que notre examen ne porte que sur un unique exercice. Par exemple, nul ne doute que David Robinson a un jour affiché le niveau d’un All-star. Par contre, était-ce encore le cas en 1999, lorsqu’il était le premier lieutenant de Tim Duncan ? Le premier titre des Spurs a-t-il été remporté grâce à une ou deux stars ? Une étude plus précise des chiffres n’éclaire d’ailleurs pas forcément.
En effet, l’Amiral réalisa une saison statistique moyenne pour son niveau : 15,8 points, 10 rebonds, 2 passes décisives et 2,5 contres. Sur cette seule base, on peut hésiter à le considérer comme étant une star en 1999. On constate cependant que son taux d’usage de la balle est en chute libre (signe concret qu’il n’est plus une star ?), mais aussi… qu’il affiche le meilleur defensive rating de sa carrière, et le second net rating (+23). Idem pour les Win-Share par 48 rencontres, statistiques d’une fiabilité certes variable.
Nous voilà donc dans l’embarras, d’autant plus que le cas de David Robinson n’est pas isolé. En réalité, dans l’Histoire de la Grande Ligue, nous pouvons seulement affirmer que 3 lieutenants n’affichaient clairement pas le niveau d’une star lorsqu’ils remportèrent le titre. Le premier est Jamaal Wilkes, en 1975 avec les Warriors, alors qu’il n’était que rookie et affichait encore les carences liées à son inexpérience. Ce titre paraît avoir été remporté grâce à l’incommensurable talent de Rick Barry et à la “faiblesse” de l’adversité. Le second est Otis Thorpe en 1994, dans une période où, une nouvelle fois, la Ligue était en plein bouleversement. Le dernier est enfin Jason Terry en 2011, avec les Mavericks. Véritable lieutenant sur le terrain, Jet n’a en effet jamais semblé atteindre le niveau d’un All-star, sauf par séquences.
Réciproquement, nous pouvons par contre clairement affirmer que certains lieutenants affichaient de très loin le niveau d’une (super)star. Citons Stephen Curry ou Kevin Durant en 2017 et 2018, Shaquille O’Neal ou Dwyane Wade en 2006, Kevin McHale en 1986, Cliff Hagan en 1958 ou même Bob Davies en 1951. Les exemples sont très nombreux et largement majoritaires.
Ainsi, nous nous retrouvons avec une hésitation dans 14 cas, où il est difficile de trancher, une fois que l’on a fait abstraction totale du “nom” et que l’on s’intéresse exclusivement à la production sur le terrain en playoffs. Les joueurs ci-dessous étaient-ils des stars les années visées ? Gageons que les avis divergent :
Nous voilà donc avec une idée, mais sans solution probante. ll paraît indubitable qu’il convient de s’éloigner de la sélection au All-star game pour retenir, en lieu et place, le niveau intrinsèque du joueur l’année du titre. Pourtant, cette idée mène à un entremêlement inextricable de données que l’on ne peut prétendre à démêler au sein d’un seul article.
Dès lors, il nous semble finalement que le critère le plus “pertinent” (comprenez : qui reflète le niveau d’un joueur sans de véritables considérations politiques et qui ne créé par de problèmes impossibles à résoudre) pour déterminer si une franchise a fondé son titre sur une ou plusieurs stars est celui des All-NBA teams. Attention, ce critère n’est pas infaillible non plus, et réduit d’ailleurs notre échantillon de joueurs (22 All-stars par saison, 15 All-NBAers). Il nous permet toutefois de parvenir à des solutions plus nuancées que celles fondées sur le critère – poussif – du All-star game.
Le critère des All-NBA Teams
Champion NBA et un seul All-NBAer
Nous disions qu’il est arrivé à 14 reprises qu’une franchise soit championne NBA avec un seul All-star dans son effectif. Le questionnement doit désormais être renouvelé à travers le prisme de l’intégration des secondes options dans les All-NBA teams.
On s’aperçoit qu’il est souvent arrivé que le champion ne possède qu’un All-NBAer. Il faut dire que jusqu’en 1988, il n’y avait que 10 places dans les meilleurs équipes de l’année, pour 15 depuis 1989. Dès lors, s’il y a moins de places qu’au All-star game, il paraît logique que les champions avec un seul All-NBAer soient plus fréquents.
C’est ainsi arrivé 25 fois dans l’Histoire, soit quasiment 35 % du temps. Si ce ne fût pas le cas lors des sixties dominées par les Celtics, hormis en 1969, c’était fréquent lors des deux décennies suivantes. Il faut dire que jusqu’en 1969, la NBA n’était composée que de 8 ou 9 équipes. Dès lors, forcément, le nombre de joueurs présents en NBA étaient moindre et la probabilité de se retrouver dans une All-NBA team augmentait en flèche.
Ainsi, 135 joueurs évoluaient en NBA en 1950, et 10 d’entre eux se retrouvèrent dans une All-NBA team en fin de saison (soit 13,5 %). Aujourd’hui, on retrouve 450 joueurs, pour 15 All-NBAers (soit 3,33 %). Cette constatation se retrouve dans le tableau ci-dessous :
Ce n’est donc pas pour rien qu’avec l’augmentation du nombre d’équipes, le nombre de All-NBAers dans l’équipe championne décroît. Entre 1973 et 2005, il est fréquemment arrivé que le franchise player n’ait pas de lieutenant “de luxe”. Ce fût le cas en 19 occurrences sur cette période de 33 ans, soit 57,5 % du temps.
À l’examen, on constate que les équipes en question peuvent être rangées dans 3 catégories. Les premières sont celles dont le niveau moyen du roster est particulièrement élevé, comme c’était le cas des Spurs de Gregg Popovich en 1999, 2003 et 2005, avec Tim Duncan comme seul joueur dans une All-NBA team mais avec David Robinson, Tony Parker ou Manu Ginobili comme lieutenants.
Les secondes sont celles menées par une véritable superstar et dont les seconds rôles parvenaient régulièrement à intégrer une équipe de l’année. Citons, pour l’exemple, les Bulls de 1991, où seul Michael Jordan intégra une All-NBA team. Or, on le sait, Scottie Pippen s’est également retrouvé plus souvent qu’à son tour dans ces équipes (7 fois en carrière). Ce ne fût cependant pas le cas en 1991.
Les dernières, enfin, semblent être les équipes que l’on n’attendait pas forcément là. La catégorie est particulièrement restreinte et semble ne concerner que la décennie 1970, particulièrement propice aux surprises collectives. Or, si le roster d’une équipe n’est pas bâti, de prime abord, pour remporter le titre NBA, il paraît logique qu’on n’y retrouve pas plusieurs All-NBAers. C’est également dans cette catégorie que l’on retrouve les Rockets d’Olajuwon en 1994, alors que le lieutenant principal du pivot était Otis Thorpe.
Nous avons donc démontré que plus d’un champion sur trois ne possédait qu’un All-NBAer en ses rangs. Cela confirme le constat que nous faisons au sujet des secondes options All-star, bien que le critère retenu soit ici plus pertinent : il est parfaitement possible de remporter un titre NBA avec une seule star. Il n’en demeure pas moins, du coup, que 65% des champions ont réussi à intégrer deux joueurs dans les All-NBA teams.
Champion NBA et au moins 2 All-NBAers
Le constat pourrait étonner ; puisque la nomination dans ces équipes récompense surtout la saison individuelle du joueur, il est terriblement complexe pour un roster d’y envoyer deux de ses hommes, et d’autant plus aujourd’hui dans une NBA à 450 joueurs. Et pourtant, s’il ne s’agit pas d’une condition sine qua non pour remporter le titre, il s’avère qu’il s’est agi parfois d’un critère implicite. Ainsi, depuis 1950 (si le All-star game a été créé en 1951, les All-NBA teams existent depuis 1946), 45 champions NBA possédaient au moins 2 All-NBAers dans leur roster.
Une nouvelle fois, tout dépend des époques. Il s’avère qu’on retrouve des champions avec plusieurs All-NBAers surtout au sein des dynasties, et encore plus lorsque la NBA ne comptait qu’un nombre réduit d’équipes. Ainsi, la “Préhistoire”, dominée outrageusement par les Celtics de Red Auerbach, voyait plus souvent qu’à son tour l’équipe championne placer au moins 3 joueurs dans l’une des deux meilleurs équipes de la saison. À vrai dire, cette situation est arrivée 10 fois depuis 1950, dont 1 seule fois depuis… 1966 (Warriors 2017). Ainsi, entre 1952 et 1966, 60% des équipes championnes possédaient 3 joueurs dans une All-NBA team. C’est vrai pour les Lakers (1952), les Hawks (1958) et évidemment les Celtics (toutes les années sauf en 1965, 2 All-NBAers).
Il en allait de même au début des eighties, période dominée par les Celtics de Bird et les Lakers de Magic et Abdul-Jabbar, mais aussi lorsque les Bulls de Jordan et Pippen avaient la mainmise sur la Ligue. Idem au début du siècle, lorsque les Lakers d’O’Neal et Bryant réalisèrent le three peat.
Toutes les dynasties sont ici représentées et les Warriors de Curry ne font pas exception. On constate d’ailleurs que, depuis 2006, les champions NBA ont généralement au moins 2 joueurs dans une All-NBA team (62,5 % du temps). La tendance actuelle serait donc plus proche de celle des années 1960, toute proportion gardée.
Il n’y a peut-être pas besoin de plus développer ce chapitre de notre raisonnement, puisqu’il en demeure un dernier. En effet, si vous êtes à l’aise avec les chiffres, vous vous êtes peut-être aperçus d’une omission volontaire. Nous avons parlé de 25 équipes avec un seul All-NBAer et de 45 avec plusieurs, pour un total de 70 champions. Or, notre échantillon concerne 72 saisons. Voici venue l’heure d’évoquer les cas très spéciaux des Sonics de 1979 et des Pistons de 1989.
L’exploit des Sonics et des Pistons
Vous aurez certainement compris pourquoi nous avons gardé ces deux équipes pour la toute fin. Elles sont les seules, dans l’Histoire, à avoir remporté le titre NBA sans qu’aucun de leur joueur ne soit nommé dans une All-NBA team.
Elles sont donc, sur le papier, les champions les moins armés. Peut-être avez-vous entendu parler des équipes “top heavy”, c’est-à-dire celles qui possèdent d’excellents joueurs mais une profondeur insuffisante ? Les Sonics et les Pistons étaient tout l’inverse ; leur franchise player et lieutenants n’étaient plus “tout en haut” de la Ligue (même Isiah Thomas n’était plus le joueur du milieu des années 1980, quoique toujours excellent), mais l’effectif était d’une profondeur incroyable et doté d’une expérience non négligeable.
Précisons toutefois que s’il semblerait que ce soit l’homogénéité de l’effectif qui permit à Seattle de remporter le titre en 1979, une autre théorie peut être avancée au sujet des Pistons de 1989. Sans tomber dans un quelconque complotisme, nous pouvons nous demander à quel point la mauvaise image des Bad Boys pesait lorsqu’il s’agissait de nommer les joueurs dans les All-NBA teams. Par exemple, voir Thomas dans la 3è équipe de la Ligue en 1989 paraissait aisément envisageable. Le lutin affiche les mêmes statistiques que Mark Price (nommé) avec un bilan collectif supérieur et légèrement plus de rencontres jouées. Toutefois, il s’agit encore une fois d’une question à laquelle il ne nous sera pas possible de répondre aujourd’hui.
Peu importe, finalement, le constat demeure le même : si nous considérons qu’une star est un joueur nommé dans une All-NBA team, il est possible de remporter un titre sans aucun star. Cela relève toutefois du miracle, puisque ce ne fût le cas de 2,7 % des saisons.
Conclusion
La conclusion n’est pas véritablement surprenante : pour remporter le titre NBA, mieux vaut avoir plusieurs stars. Si nous avons mis en exergue le fait que le critère du All-star game n’est finalement pas pertinent pour apprécier avec acuité s’il est possible de remporter une bague avec une seule star, rappelons simplement que 14 franchises furent sacrées en ayant un seul joueur étoilé cette année-là. Cela constitue quasiment une équipe sur cinq (19,7 % du temps, depuis 1951).
Plus encore, sur le critère des All-NBA teams, qui semble être plus pertinent en l’espèce, elles sont 27 à avoir remporter le titre avec aucun ou un joueur intégré dans une All-NBA team (37,5% du temps).
Ainsi, il est tout à fait possible d’être champion NBA avec une seule star. L’Histoire le démontre suffisamment, mais pas à toutes les époques. Il semble possible d’opérer ici une corrélation entre le nombre de stars et le nombre d’équipes : plus il y a d’équipes dans la Ligue, plus la probabilité de remporter le titre avec une seule star augmente.
Par conséquent, dans notre NBA à 30 équipes et promise à une expansion prochaine (Las Vegas ? Seattle ?), il devrait être de plus en plus fréquent de voir une équipe remporter le titre NBA avec une seule véritable star. De quoi tordre définitivement le cou de ceux qui ne jurent que par les superteams ?