Quand on a bien aimé un film et qu’on attend sa suite, on a un peu peur d’être déçu. Pour le coup ça tombe bien, puisque la série Nets-Celtics de 2021 n’avait pas été une franche réussite. Néanmoins, ce deuxième opus s’annonce grandiose : le casting est excellent, le scénario s’annonce riche et les enjeux sont énormes. Aucune de ces deux équipes ne pourra se satisfaire d’une sortie au premier tour, surtout avec leurs dynamiques actuelles. En somme, on est probablement face à la série la plus attendue des 15 jours à venir.
Des têtes d’affiches premiums
Lorsque l’on pense aux Nets, on pense forcément à Kyrie et KD avant de penser au reste. Même après le transfert de James Harden qui a ramené des bons joueurs de complément à Brooklyn, toute la lumière est encore braquée sur ce duo de monstres techniques. Chacun de ces deux joueurs peuvent prendre un match à leur compte et faire gagner leur équipe grâce à leur seul talent.
Côté Boston, le duo qu’il faut mettre en opposition face à ce monstre à deux têtes est tout désigné et il s’agit de Jayson Tatum et Jaylen Brown. Cela semble évident, mais c’est là que le bât blesse : Boston n’est pas certain d’avoir un des deux meilleurs joueurs de cette série. Sur le papier, Kevin Durant est incontestablement le meilleur joueur de cette confrontation. S’ensuit un duel entre Jayson Tatum et Kyrie Irving dont on vous laisse seul juge. Mais là où tout peut basculer, c’est dans le statut de Jaylen Brown.
Jaylen Brown est-il capable d’être la 4e star de cet affrontement titanesque ? Cela semble un peu bateau, mais il y a un écart entre lui et le trio de tête. JB est un excellent joueur qui s’illustre par sa régularité, mais il ne prend que rarement des matchs à son compte, en témoigne son faible nombre de 2 matchs à 35+ pts cette saison. Sa potentielle capacité à dépasser ses limites si la série s’emballe et à s’élever au niveau des 3 autres stars dans sa production offensive représente en soi un facteur X non négligeable.
Vivre et mourir par le 3 points : les role players des Nets
Depuis le début du cycle Durant-Irving, les Nets ont pris une approche qui tente de mettre leurs stars dans les meilleures conditions possibles en attaque. Pour ce faire, ils ont besoin que leurs joueurs de complément rentrent leurs 3pts puisque KD et Kyrie créent efficacement des déséquilibres pouvant mener à une passe de connexion pour un shooteur. Inversement, la présence de ces shooteurs efficaces a tendance à limiter les aides adverses ce qui donne le champ libre à ce duo pour exploiter les différences qu’ils font. En somme, la réussite à 3pts des roleplayers de Brooklyn est un excellent indicateur de santé collectif.
Cela était notamment le cas avec Joe Harris la saison dernière. Il avait été insolent de réussite tout au long de la saison avec 47.5% de réussite à 3pts sur 69 matchs, mais Brooklyn s’est effondré en même temps que sa réussite en Playoffs. Lors du 1er tour, il avait tourné à 51.5% de loin et les Celtics n’avaient été qu’une formalité, mais face aux Bucks c’était une autre paire de manches. Au-delà des deux premiers matchs de la série où il tirait à 50% derrière la ligne, tous deux remportés par les Nets, Joe Harris avait fini la série avec 24.2% sur ses tirs primés lors des 5 derniers matchs (1 victoire et 4 défaites).
Sans pour autant définir dans sa globalité la chute des Nets puisque Irving et Harden jouaient blessés, cette grille de lecture centrée sur la réussite à 3pts à du sens. Du coup, avec l’absence de Joe Harris, ce sont Seth Curry et Patty Mills qui devront prendre le relais.
Concernant leurs dynamiques individuelles, Seth Curry est encore et toujours scandaleux à 3pts et il vient juste de signer sa 6e saison de suite à au moins 42% au large tandis que Patty Mills est en perte de vitesse. Après un début de saison canon offensivement, l’Australien a fortement refroidi, enregistrant des pourcentages de 33/33/64 depuis le All-Star Game (23 matchs).
Le chantier est de taille pour les Nets s’ils veulent réussir à exister par le 3pts de leurs snipers puisque Boston est la meilleure équipe de la Ligue en ce qui concerne la défense des tirs extérieurs, ne laissant que 33.9% de réussite à leurs adversaires.
Les dilemmes dans la raquette
En l’absence de Robert Williams, Ime Udoka va devoir se reposer sur Al Horford et Daniel Theis pour sa rotation au poste de pivot. Si le jeune intérieur des Celtics devrait revenir en deuxième partie de série, les premiers matchs contre les Nets pourraient être très intéressants grâce à son absence.
Si Rob s’est imposé comme l’ancre défensive principale de Boston, offrant un excellent second rideau pour mettre en valeur les efforts de ses joueurs extérieurs, Al Horford n’est pas en reste. Le Dominicain a su trouver son rôle, à la fois à côté de Rob Williams (700 + minutes joués ensemble, soit 35% des minutes totales d’Horford) et à sa place. Aligné en tant que pivot, il offre davantage d’espace à ses coéquipiers grâce à sa capacité à écarter le terrain. Il en va de même pour Daniel Theis dans une moindre mesure.
Ainsi, pour les premiers matchs de la série, Boston semble mécaniquement forcer d’écarter davantage le pivot adverse qu’à l’accoutumée. Cela pourrait donc avoir un impact certain sur la défense des Nets.
Depuis son trade à Brooklyn, Andre Drummond vit une sorte de renouveau. Il a trouvé un rôle simple et bien défini dans une équipe qui a besoin de son profil. Néanmoins, l’absence de Robert Williams est un cadeau empoisonné pour lui. S’il pourrait dominer au rebond face à des intérieurs moins athlétiques que lui (sans pour autant être des brindilles), la capacité à shooter des intérieurs adverses pourrait pousser les Celtics à le cibler.
En cas d’écran, Drummond ne pourra pas se permettre de défendre en drop car Horford et Theis pourraient dégainer à 3pts. S’il monte sur l’écran, les C’s pourraient alors le forcer à switcher et ainsi jouer en ISO contre lui, comme Tatum adore le faire face aux bigmen. Enfin, si les Nets décident de Blitz avec Drummond et l’autre défenseur extérieur, Boston pourrait alors trouver un Horford ou un Theis ouverts en tête de raquette, qui sont deux joueurs capables de lâcher la gonfle si on vient en aide sur eux.
Globalement, aligner Drummond face à Horford et Theis permettrait d’avoir un joueur dominant au rebond mais créerait une faille défensive qu’Ime Udoka pourrait exploiter. Si Andre Drummond est trop exposé, Nash pourrait être forcé de le faire passer au second plan et de lui préférer Nic Claxton qui a l’avantage de bien mieux tenir les mismatchs.
Le facteur X : Bruce Brown
En soi, la série semble tellement disputée que n’importe quel joueur pourrait la faire pencher d’un côté ou de l’autre. Mais voilà, il y en a un qui sort du lot et c’est Bruce Brown.
L’ancien joueur des Pistons a effectué une montée en puissance tout au long de la saison et il est maintenant le roleplayer des Nets qui apporte le plus un semblant de stabilité. Au-delà de ses bonnes performances récentes au scoring, c’est surtout son énergie qui fait la différence. Il est capable de prendre des missions défensives, d’offrir des solutions fréquentes en cut quand l’attention est dirigée vers KD et Kyrie, de couvrir des erreurs défensives de ses coéquipiers, de remonter la balle et plus globalement de créer du liant. Toujours en mouvement, c’est un joueur lucide qui sent le jeu et reconnaît les bonnes occasions que ce soit pour lui ou ses coéquipiers.
Il est le garant principal du hustle dans une équipe qui a tendance à en manquer dans son secteur extérieur et il aura son mot à dire dans cette matchup. Face à une raquette des Celtics orpheline de Robert Williams, lui aussi pourrait avoir sa carte à jouer au rebond offensif, tant il y met d’envie et est malin. Enfin, il sera sûrement mis en défense sur Jaylen Brown et devra faire en sorte que celui-ci ne mette pas ses 25 points par match (ou pire, comme on en a parlé plus tôt).
Bruce Brown est obligé de tenir son rang si les Nets veulent gagner cette série, car son rôle est d’une importance capitale et qu’aucun autre joueur du roster ne peut le remplir.
La consistance face à la nécessité de performer
Lorsque l’on regarde cette affiche, il y a un réel écart de statut entre ces deux équipes.
Boston représente la force tranquille. C’est un collectif en place, qui a construit son incroyable fin de saison sur une défense efficace. L’approche collective est bonne et fonctionne et cela apporte une réelle densité à leurs performances. Les Celtics sont une équipe régulière qui a tout de même deux armes offensives qui sortent du lot et qui portent leur équipe sur les matchs qui le nécessitent.
En face, les Nets est une équipe construite pour faire des exploits. Difficile de parler de consistance collective, notamment en défense. Les seules certitudes que l’on peut avoir sont en fait leurs stars. On sait tous qu’il y aura un match fou de Kyrie au TD Garden ou que KD va sortir une performance kryptonienne dos au mur. Ces joueurs sont si talentueux que parier contre eux peut paraître insensé, surtout concernant Kevin Durant.
Mais les Playoffs, c’est très souvent une affaire d’équipe et sur ce point Boston semble avoir un clair avantage.
Que doit-on attendre de cette série ?
Cette confrontation a tout pour être dantesque pour un premier tour de Playoffs. Dans une série au meilleur des 7, on peut s’attendre à voir notre plaisir durer plus d’une semaine et on ne va pas le bouder. Il faut prendre cette série comme un film à gros budget. Des individualités comme Tatum, Brown (on l’espère), Durant et Irving peuvent proposer des performances individuelles folles et enflammer certains matchs. Mais si la pyrotechnie ça divertit, ce sont les bons réalisateurs qui font les grands films. On n’en a pas beaucoup parlé puisqu’il est difficile de décrypter les tendances de ce face à face entre Ime Udoka et Steve Nash. Néanmoins, cette série pourrait bien se jouer à des détails si les Nets arrivent à être réguliers dans la série. Chaque petit ajustement d’un des deux coachs pourrait permettre à son équipe de prendre un avantage certain tant le rapport de force paraît équilibré. En tout cas, on attend beaucoup d’Ime Udoka qui, en tant que coach rookie, cristallise déjà beaucoup d’espoir dans le Massachusetts depuis qu’il a trouvé sa recette. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est un film à la hauteur de la bande-annonce et pour une fois on ne dira rien s’il est trop long. Faites chauffer les pop-corns !
Match-up :
Boston Celtics : 60%
Brooklyn Nets : 40%