Face à Atlanta, le Heat a finalement fait respecter la hiérarchie lors du premier match de la série. Miami commence un périple qu’ils espèrent mener jusqu’aux Finales par une dominante victoire contre des Hawks à peine sortis du play-in. 115-91 au buzzer final, après un garbage time qui a permis de retrouver des figures pourtant bien étrangères aux playoffs, de Kevin Knox à Omer Yurtseven.
Limiter les Hawks, deuxième meilleure attaque de la ligue en saison régulière, à 60 points en 3 quart-temps a permis au Heat d’engranger aussi facilement cette victoire inaugurale. Côté Atlanta, la raison de cette déroute est assez simple. Si c’est avant tout Trae Young qui a porté l’attaque des Hawks aux sommets de la ligue ces deux dernières années, c’est lui qui l’a coulée hier soir. Sur 12 tentatives aux tirs, dont 7 à 3-points, sa seule réussite est un lay-up miraculeux, en contre-attaque, après une claque de Tyler Herro qui aurait mérité une faute flagrante. Aucun panier, donc, sur attaque placée. Neutralisé au scoring, il l’était aussi à la création : 6 pertes de balle et « seulement » 4 passes décisives.
L’équipe d’Erik Spoelstra est arrivée armée face à l’attaque héliocentrique des Hawks. Tout aussi prévisible qu’elle soit, l’attaque du tout Trae Young, tout pick and roll, d’Atlanta avait fonctionné lors des playoffs 2021/22. La performance du Heat n’est ni à négliger, ni à entièrement expliquer par une mauvaise adresse extérieure des Hawks (10/36 à 3-points).
Comment donc le Heat, par des ajustements tactiques agressifs, a-t-il réussi à neutraliser Trae Young, et par extension toute l’organisation offensive des Hawks ?
Le personnel sur-mesure du Heat
Une action symbolise le calvaire Trae Young au cours de ce match 1. Fatigué par 30 minutes de harcèlement constant, Young délègue la création initiale à Delon Wright. Dès la réception de balle, il se trouve face à Kyle Lowry, son chien de garde désigné. Il commence un mouvement vers la droite, pour voir PJ Tucker ignorer Gallinari et « stunter » pour empêcher toute pénétration vers la droite. Vers la gauche, donc, où Max Strus s’apprête à faire de même. Mais Kyle Lowry dit non.
On aurait pu s’arrêter à cette seule action : le Heat a fait sortir Trae Young de son match, en l’agressant constamment et ne lui laissant jamais trouver son rythme.
Toutes les équipes NBA ne peuvent pas appliquer cette stratégie. Les Knicks l’année passée, tout aussi motivés qu’ils étaient, ne pouvaient pas demander autant d’intensité sur 48 minutes au seul Derrick Rose. Mais le Heat a le luxe d’avoir quantitativement de nombreux outils capables de limiter Young. Et, qualitativement, ces outils ont tous des profils pour embêter Trae Young de manières différentes et complémentaires. Kyle Lowry et PJ Tucker par leur densité physique et leur science du placement, Jimmy Butler par sa longueur, son agressivité, Gabe Vincent par sa mobilité et sa navigation d’écrans, Bam Adebayo…pour toutes ces qualités à la fois.
Cette multitude de défenseurs capables, sur des petites séquences, de forcer Trae Young au-delà de sa zone de confort, a évidemment orienté les choix tactiques d’Erik Spoelstra. Le plus en vue : le switch sur Pick and Roll
Bataille tactique autour du Pick and Roll
La bataille autour du Pick and Roll de Trae Young est la clé tactique de la série. Dès la première possession de la rencontre, les intentions du Heat sont dévoilées : pour l’instant, le Heat changera sur tous les écrans. Et pas n’importe quel switch. Un switch agressif, au-delà de la hauteur de l’écran, qui empêche Trae Young de prendre ses tirs hyper-lointains.
Le switch de Miami
Les Hawks multiplient les écrans pour Trae Young, qui sont tous switchés, aucun décalage n’est créé. Première perte de balle d’une longue série.
Outre le switch, cette première vidéo permet aussi d’identifier deux constantes dans les stratégies des équipes :
- Pour Atlanta, la recherche constante de mismatchs favorables à Trae Young. Trae Young refuse l’écran d’Okongwu, pour éviter de devoir attaquer face à Bam Adebayo. Le match-up le plus favorable est ici Max Strus, c’est donc Gallinari qui vient faire l’écran.
- Pour le Heat, l’attention constante sur Trae Young. Après le dernier switch, PJ Tucker ignore Gallinari et préfère se tenir prêt à intervenir sur Young si Strus se fait battre.
La difficile recherche du mismatch
Face au switch, l’ajustement le plus facile est de chercher le mismatch qui met la défense le plus en désavantage. C’est instinctif pour tous les porteurs de balle héliocentriques de NBA.
Trae Young ne fait pas exception à la règle. C’est plutôt Miami qui fait figure d’exception, tant leurs cinq alignés n’offrent aucun maillot faible facilement exploitable. Un switch qui forcerait un poste cinq, plus lent, à défendre sur Young, amène ici Bam Adebayo.
Le même raisonnement vaut pour l’ensemble de l’effectif floridien. Les deux cibles principales sont leurs tireurs extérieurs, Max Strus et Duncan Robinson. Trae Young avait martyrisé Strus lors du dernier match entre les deux équipes. Hier, la vulnérabilité de Strus ne sautait pas à l’écran.
Le slip/dump-off pour contrer le switch
Une manière de contrer le switch est de « glisser » l’écran. Puisque le défenseur du poseur d’écran est prêt à fondre sur Young, et que le défenseur de Young ne veut pas lui donner d’espace, le poseur d’écran se retrouve seul pendant un court instant. Particulièrement lorsque le switch se fait au-delà de la hauteur de l’écran, ici pour empêcher Young de tirer de très loin.
Dès le premier quart-temps, les Hawks s’ajustent et tentent d’exploiter le switch par une passe rapide au poseur d’écran.
Le décalage est fait ici avec Bogdanovic, PJ Tucker est obligé d’aider tandis que Max Strus se retrouve dans le no man’s land. Mais le Heat a gagné : en forçant la balle hors des mains de Young, ils forcent Bogdanovic à faire le bon choix. La passe ouverte pour Gallinari n’arrive jamais, et le Heat revient en place.
En l’absence d’un Clint Capela excellent sur ces situations de slips, Danilo Gallinari, dans un autre registre, peut être une solution.
Atlanta se retrouve dans une situation parfaite, de spread pick and roll avec un spacing optimal. Adebayo et Lowry, qui pourraient venir aider, sont occupés par l’écran hors ballon.
Trae Young est capable de trouver l’Italien par une passe rapide, qui se retrouve dans une situation de 3 contre 2. Si l’aide vient du corner, c’est un tir ouvert pour Hunter ; si Adebayo conteste le tir, une passe intérieure est possible. Sinon, les Hawks seront satisfaits de donner à Gallinari un tir à mi-distance ouvert.
« Anybody but Trae »
Sur pick and roll comme sur le reste des actions offensives d’Atlanta, la tactique du Heat est claire : si un Hawk va prendre feu et les battre, ce ne sera surtout pas Trae Young. Les défenseurs en aide du Heat sont constamment prêts à contester tout espace de jeu que Young pourrait exploiter, toute ligne vers le panier qu’il pourrait utiliser.
Le stunt de PJ Tucker vu à la première action est à double-tranchant, et va générer de nombreux tirs ouverts pour les Hawks :
De même sur Pick and Roll, où le Heat est tellement focalisé sur Young et la menace du roll qu’ils laissent le corner opposé ouvert. Et il se trouve que Young est un des rares joueurs à pouvoir faire cette passe, de sa main faible, aussi rapidement et précisément.
Sur drive, même principe d’une aide très agressif pour empêcher l’accès au cercle. Les rotations défensives du Heat faisant le reste.
Quelles solutions tactiques pour les Hawks ?
Cette technique de l’overload et de l’aide à tout coût va forcément limiter l’apport au scoringde Trae Young. Il incombe désormais à Nate McMillan et à ses coéquipiers de lui proposer des alternatives viables, et qui permettent de tenir pied face à l’attaque hyper efficace du Heat. Davantage de jeu sans-ballon et de coupes des Hawks permettront de punir la défense ultra-agressif du Heat. Trae Young est capable de coups d’œil et de passes de très haut niveau, pour trouver des lay-ups et de tirs extérieurs ouverts.
Exploiter davantage le slip sur pick and roll et forcer Miami à sortir du système de switch qui est leur point fort. La deuxième mi-temps a montré des pistes de réflexion : poser les écrans plus haut pour donner davantage d’espace après le roll ; faire commencer Trae Young sans la balle et mettre du mouvement offensif avant de jouer le pick and roll.
Si le Heat est capable de s’ajuster à tous ces paramètres, alors Trae Young et les Hawks devront se contenter d’une constante recherche du mismatch. Duncan Robinson et Max Strus seront-ils à la hauteur de l’enjeu sur toute une série ?
La déroute offensive des Hawks était avant tout le fait d’une défense ultra-agressive du Heat, à laquelle les Hawks n’étaient pas prêts après une longue saison régulière aux intensités défensives variables. Ils sont désormais prévenus : s’ils veulent se donner une chance de gagner la série, les coéquipiers de Young devront assumer des responsabilités plus importantes. Trae Young, lui, devra vite retrouver sa confiance et son agressivité après un match 1 où, au-delà de son manque d’adresse extérieure, il a surtout semblé désabusé, dépassé par l’intensité qui lui était proposée.