Les joueurs passent, ne restent pas toujours, mais la rancune est toujours autant présente. Au fur et à mesure des saisons, l’inimitié entre Heat et Sixers n’a cessé de se renforcer, des débuts en playoffs de Bam Adebayo jusqu’au récent trade de Harden, en passant par le passage de Butler dans la cité de l’amour fraternel. Ajoutez à cela deux intérieurs dominants (bien que l’un soit beaucoup plus exubérant que l’autre), un des meilleurs coachs de la ligue face à un des plus décriés, et deux grosses défenses, pour obtenir un cocktail explosif de promesses d’une série de haut niveau.
Going Timber
Miami, fort d’une saison régulière réussie (malgré une infirmerie toujours aussi pleine) est arrivé au premier tour avec une envie forte d’envoyer un message à la ligue, et de s’offrir le scalp des Hawks. Le Heat ressort assez peu dans la liste des équipes qui peuvent prétendre aller loin malgré un effectif dense et profond, un coaching staff de qualité et plusieurs stars de haut niveau. Occasion parfaite de rappeler à la NBA que le Heat est dangereux lorsqu’il est sous estimé, avec un gentleman sweep 4-1 autoritaire face à une équipe d’Atlanta terrorisée par la défense omniprésente du Heat. Miami n’a globalement pas eu à hausser son niveau de jeu en attaque pour l’emporter, opération qui devra être réalisée face à une bonne défense des Sixers. Le demi terrain du Heat est bon, sans être excellent (11ème de la ligue, 97.6 pts toutes les 100 possessions, là où les Sixers n’en encaissent que 93 toutes les 100 possessions), mais va cette fois ci faire face à une défense bien installée, et complémentaire. Portée par le trio Green, Harris, Embiid dans le cinq majeur (et bien évidemment par Thybulle sur le banc), Philadelphie propose une défense équilibrée, très forte en aide, qui supprime rapidement les lignes de passe, force l’attaque adverse à driver sur Joël Embiid ou à prendre des tirs compliqués en fin de chrono. Si les Sixers n’ont qu’un seul véritable défenseur sur le Point of attack en la personne de Thybulle, cela ne les empêche pas de proposer une défense top 10, malgré la présence de Harden sur le terrain. La vie est toujours plus simple quand votre pivot, candidat MVP, est en bonne santé. Manque de chance, Embiid est encore une fois blessé, ayant subi une commotion cérébrale lors du match 6 de la série face à Toronto. Sa date de retour n’est pas encore confirmée et Miami a tout intérêt à profiter de cela pour attaquer la raquette tambour battant.
Jimmy Butler entend bien saisir cette chance, comme il a su le faire face aux Hawks, profitant des nombreux boulevards en attaque pour réaliser une série d’une grande qualité, autant au scoring qu’en défense. 30.5 pts, 7.8 rebonds, 5.3 passes, et 54% de réussite au tir, une ligne de stats bien noircie par le leader du Heat. La clé de la série pour Miami passe par un Butler entreprenant en attaque, qui agresse toujours autant le cercle. Enlevez Embiid de l’équation, et Philadelphia n’a plus que Paul Reed ou Deandre Jordan à proposer comme défenseur de cercle. Si la défense se resserre, elle fournira des opportunités aux nombreux shooters du Heat de sanctionner (comme Duncan Robinson a très bien su le faire). Ne serait-ce pas l’occasion pour Spoelstra de revenir à une attaque plus “simple” ? La base d’un pick and roll est simple mais la qualité d’exécution que le Heat peut reproduire soir après soir pose de nombreux problèmes à ses adversaires. Miami peut proposer un schéma de jeu avec plusieurs porteurs de ballons, et plusieurs options offensives qui vont forcer la défense des Sixers à rester constamment aux aguets. Laisser Robinson ouvert ? Donner la place à Lowry et Butler de driver ? Ouvrir l’accès au cercle à Bam ? Ignorer Tucker dans le corner ? La force offensive du Heat découle de sa capacité à proposer plusieurs solutions en permanence, et donc à pousser la défense à ne jamais s’installer dans sa zone de confort. Et s’il faut se résoudre à de l’isolation bête et méchante, l’occasion est toute donnée pour faire sortir Tyler Herro du banc.
https://www.fivereasonssports.com/news/the-unique-combos-of-a-miami-heat-pick-and-roll/
Miami n’a aucun intérêt à accélérer le rythme de jeu, mais au contraire à maintenir ce qui fait sa force, un demi terrain rugueux, où la balle circule et où chaque joueur exécute parfaitement. Que ce soit en attaque ou en défense, tout sera affaire de discipline.
About Bam time
Le colosse du Heat sort d’une série maîtrisée face aux Hawks, il n’a pas eu à se donner du mal pour venir à bout de la raquette diminuée des Hawks. 12 points, 8 rebonds et 3.6 passes, des stats peu ronflantes mais qui ne transcrivent pas la capacité que Bam a à couvrir l’ensemble du terrain et des postes en défense. Un des très rares joueurs capable de défendre autant sur Harden que sur Embiid, de défendre en drop comme sur du hedge ou du switch intégral. Il est la clé de la défense du Heat dans cette série, il se complaît à affronter ce genre de défi et cela tombe bien, sans son géant camerounais, Philadelphia va devoir beaucoup plus se reposer sur Harden pour porter son attaque. L’occasion pour Bam de sublimer la défense en zone du Heat, et de proposer du 1V1 à un des meilleurs arrières de la ligue, si Jimmy Butler ne prend le défi à bras le corps bien sûr.
En attaque ? Peut-être la plus grosse interrogation de la série. Bam est autant capable d’écraser l’opposition avec des dunks rageurs et du jeu au poste bas agressif, que de fuir le contact, tenter des floaters ou préférer une extra passe. Cette saison, il semble avoir passé ce fameux verrou mental, si caractéristique des jeunes intérieurs. Lors de chacune des grosses oppositions, au lieu de se cacher derrière des mid ranges et des jab steps, il a systématiquement préféré profiter de son athlétisme pour agresser l’adversaire via des drop steps, des feintes au poste bas et du dribble hand offs. Comme dit plus haut, Miami est une attaque moyenne sur demi terrain, l’équipe floridienne a donc tout intérêt à s’appuyer sur le géant dans sa raquette quitte à rendre son jeu plus prévisible.
Face à lui ? Un Paul Reed prometteur mais encore très jeune, un Deandre Jordan à la rue physiquement et/ou un Tobias Harris qui se place bien, mais ne peut pas tenir physiquement Adebayo. Miami va, et doit insister à l’intérieur, et utiliser sa jeune star à profusion. Bam ayant la capacité de libérer la balle et de trouver les shooters ouverts, nous devrions donc voir son usage rate augmenter sur l’ensemble de la série. Et si cela ne fonctionne pas, il pourra toujours être servi “simplement” sur les différents schémas de roll que propose le Heat.
Viens pas dans ma zone, reste dans ta zone
La longue histoire d’amour entre Spoelstra et la défense en zone mériterait un article à part entière tant il arrive à transformer des défenseurs moyens en soldats disciplinés. Cette saison avec un cinq majeur composés de vétérans expérimentés et besogneux, le Heat propose encore une fois une défense top 5 (108.4 de defensive rating), Spo a pu varier ses schémas de jeu, proposant autant de défenses passives que de schémas agressifs où le porteur de balle suffoque face à la pression. Face aux Sixers de Harden et à une équipe qui prend peu de tirs à 3 pts mais en met beaucoup (3ème de la ligue en % de réussite), le Heat a donc tout intérêt de profiter de l’absence de Embiid pour adapter son schéma de jeu, quitte à libérer sa raquette et chasser davantage les joueurs extérieurs scoreurs que sont Harden et Maxey Tell me when to go.
Pour proposer ce type de défense, Miami pourra s’appuyer sur la qualité de son banc comme lors des deux derniers matchs face aux Hawks. De Oladipo à Vincent, en passant par Struss et Caleb Martin, l’effectif pléthorique du Heat regorge de défenseurs agiles et athlétiques qui sauront couper les lignes de passe et forcer les Sixers à prendre des tirs difficiles, ou à prendre le risque de se frotter à la raquette Bam/Tucker.
Si Embiid revient dans la série, Miami pourra également jouer plus grand et s’appuyer sur le duo Bam/Dedmon pour verrouiller l’accès à la raquette, et revenir à une défense en zone plus classique. Contrairement à Philadelphie, Miami est davantage en capacité de s’adapter au fur et à mesure de l’évolution de la série et des risques de blessures et d’absence.
Harden dans le dur
Les années passent mais depuis peu, les doutes restent. Que reste-t-il du meneur/arrière indéfendable de Houston ? Si James Harden reste une des références à son poste, de nombreuses interrogations sont tout de même apparues, depuis son passage raté à Brooklyn et son arrivée à Philadelphie. Physiquement, il semble loin de ce qu’il a su proposer tout au long de sa carrière. Cheminement logique d’un joueur qui a connu un rythme démentiel à Houston certes, mais son agressivité au scoring est peut-être ce qui est le plus frappant. Il est plus réticent à agresser le cercle et à profiter de son footwork et de son physique bourru. Davantage friand de stepbacks et de longues isolations et phases de dribble. Seule constante, Harden provoque énormément de lancers francs, et contre une équipe qui est bottom 3 dans ce domaine, l’axe majeur pour les Sixers viendra logiquement de la réussite sur la ligne. La première équipe au FT rate se doit de sanctionner la bottom 3 FT rate en défense. Mais Harden n’est pas seul, et l’effort devra venir autant du barbu que de ses coéquipiers. Son niveau de playmaking reste un des meilleurs de la ligue, mais comment Philadelphie peut espérer vivre sans Embiid ? L’équipe propose un offensive rating moyen de 108 quand Embiid est absent, 115 quand Joël est sur le terrain. Passant ainsi d’une attaque Top 5 NBA à Bottom 5 entre le Magic, Thunder et Houston, un constat glaçant.
Le retour du Roi
Disons le clairement, sans Embiid les espoirs de victoire de Philly sont faméliques. Avec un effectif moins dense, moins bien coaché et moins en forme que son adversaire, Philly va vivre ou mourir au dépend de sa superstar. Trop important en défense où il peut désormais s’adapter à tout type de schéma qu’il s’agisse d’un drop, d’une défense en zone 1-5, ou d’un switch. Joël est le début et la fin de la chaîne des Sixers. En attaque il est une match up compliquée pour Miami qui doit adapter l’ensemble de son système pour espérer limiter le colosse qui semble toujours plus inarrêtable. Sur l’ensemble des affrontements cette saison, il propose 24 points, 14 rebonds et plus de 10 lancers francs provoqués. Un impact évident et vital pour les Sixers.
Dans ces affrontements, Miami l’a contraint à davantage shooter à 3 pts (4.7 tentatives contre le Heat face à 3.7 contre le reste de la ligue) pour une efficacité basse de 7.1% (contre 37% sur l’ensemble de la saison). La tâche semble ainsi compliquée pour un Joël Embiid dont la garantie de santé n’est pas assurée, mais dont la présence a de grandes chances de faire basculer la série.
L’avènement du petit prince
Impossible de conclure sur cette série sans parler de la superbe saison de Tyrese Maxey. Une saison complète avec 21 pts, 4.7 passes et 4.8 rebonds pour 42.7% de réussite à trois points. Le jeune meneur s’est clairement affirmé comme une troisième option fiable pour les Sixers, profitant parfaitement du départ de Seth Curry pour s’affirmer comme le second guard de l’effectif. Il maintient une ligne de statistiques similaire contre le Heat malgré la très bonne défense mise en place. S’il doit y avoir un Heat killer sur le terrain, ce devrait être Tyrese Maxey. À l’aise dans le jeu, évoluant sans complexe ou stress, sa sérénité au scoring et au playmaking est un gage de qualité pour les Sixers. Il sera scruté par la défense de Miami, son shoot et son jeu off ball compliquant fortement la tâche du Heat tout comme sa capacité à driver et à provoquer des fautes. Il propose un bagage offensif complet et une capacité à prendre ses responsabilités au moment voulu. Clairement le joueur à suivre côté Philly.
Qu’attendre de cette série ?
Sans Embiid, l’opposition semble déséquilibrée sur beaucoup trop de points pour espérer une série qui va plus loin qu’en 6 matchs. Le Heat dispose d’un avantage quasi systématique dans beaucoup de domaines, arrive avec un effectif au complet et devrait pouvoir s’adapter au fur et à mesure des matchs. Côté Sixers les doutes entre Rivers, Harden, la santé de Embiid et la faiblesse globale du banc de Philly amènent davantage de doutes que de réponses. Les deux premiers matchs devraient être déterminants mais l’issue semble déjà jouée sur de nombreux points. Heat in Five.
Match-up
Miami Heat : 80 %
Philadelphia Sixers : 20%