Sortis d’une nouvelle déception durant les Playoffs 2021, après une élimination surprise de la main des Atlanta Hawks, les Philadelphia Sixers allaient continuer à accumuler les infortunes en cette saison 2021-2022.
Sur fond de rancœur, de santé mentale en berne et de corps impacté par ses soucis, Ben Simmons tentait de forcer sa sortie de Philly. Dans ce contexte, Joël Embiid et Doc Rivers se lançaient dans l’exercice avec une information importante : la franchise ne cèderait pas à la demande de Ben Simmons tant qu’elle n’obtiendrait pas un échange favorable.
Le tandem franchise player – coach savait donc qu’il faudrait faire sans l’un des principaux playmakers de l’équipe et un de ses meilleurs défenseurs. Malgré tout, portés par un Joël Embiid dominant de la tête et des épaules et d’un Tyrese Maxey qui continuait d’éclore, la franchise de Pennsylvanie maintenant son rang dans une conférence Est plus compétitive que la saison précédente.
Ce bel effort collectif était finalement récompensé par un mouvement sur le marché. James Harden demandait à quitter les Brookyln Nets et Daryl Morey, ni une ni deux, sautait sur l’occasion et montait un échange autour de Simmons – Harden. Pour le réaliser, la franchise perdait en profondeur mais obtenait un ancien MVP, certes plus âgé, mais aussi bien plus compatible à Embiid que ne l’était Ben Simmons.
Si dans un premier temps, l’association entre James Harden et les Sixers faisait des étincelles, l’ombre de la blessure aux ischios contractée pendant ses Playoffs 2021 avec les Nets planait lourdement sur la saison de Philadelphie. Bien présent et toujours brillant à la création pour autrui, le barbu subissait néanmoins un net recul dans sa capacité autrefois létale à scorer.
Malheureusement, en Playoffs, le cumul d’un banc peu consistant, mal optimisé par le coach et du ralentissement de James Harden allait s’avérer compliqué à endiguer. Les Sixers vont certes se sortir du piège que représentait Toronto, mais finalement chuter face au Heat. Une série qui laisse probablement un goût amer vu que la franchise a dû faire sans Embiid pour le début de l’affrontement. De quoi toutefois quitter la saison avec plusieurs axes d’améliorations évidents.
Au bout du compte, les Sixers tombent une nouvelle fois en demi-finale de conférence. Chape de plomb sur l’histoire de cet effectif, qui aborde l’été avec la volonté d’enfin réussir à passer le cap.
In & out : le point sur le roster
Phase de l’équipe : le titre ou rien
Si l’an passé, les Sixers ont dû tempérer leurs attentes en raison d’un éclatement interne, cette saison, la vie reprend son cours en Pennsylvanie. Et au fond, comme c’est le cas depuis la saison 2018-2019, la franchise possède le talent et les stars nécessaires pour briguer un titre NBA.
On peut se dire que passer une nouvelle étape avec les finales de conférence serait déjà une progression appréciable, mais la réalité est autre : l’unique objectif est de ramener le trophée. Et ce n’est pas James Harden (33 ans déjà) qui dira le contraire.
Les tendances de l’été
L’heure n’était pas à la révolution, au grand chambardement une fois l’élimination digérée pour les Sixers. Certes, la franchise était une nouvelle fois passée à côté de ses ambitions. Mais les blessures étant un impondérable qu’elle connaît bien, la bonne nouvelle demeurait la suivante : il y avait un véritable axe d’amélioration pour cette équipe.
Si le trade de Ben Simmons n’avait pas réellement dérangé la saison de Philly étant donné que cette dernière se déroulait convenablement en son absence, ceux de Seth Curry & André Drummond ont eux appauvri les rotations de l’équipe. Il fallait donc pour Daryl Morey offrir plus d’options derrière un 5 de départ qui semblait déjà gravé dans le marbre avant même que les hostilités de la free agency ne démarrent.
Du renfort à tous les postes
Tous les ans, la franchise montre ses ambitions durant l’intersaison. Cette année, sous la direction de Daryl Morey, point d’exception à la règle avec de nombreux renforts et un vent de Houston sur cette free agency orchestrée par l’ancien General Manager des Rockets.
Probablement l’arrivée la plus marquante de cette intersaison : P.J Tucker. Définition du role player, incarnation du soldat en NBA, PJ Tucker continue d’arpenter la grande ligue et de délivrer des prestations de haut vol. Après un titre avec les Bucks, une saison plus qu’enthousiasmante à Miami, le voilà désormais à Philadelphie avec la même optique : apporter sa défense à toute épreuve et être présent autant de matchs que possible. Devenu un shooteur dangereux au fil des années (41,5% à 3pts la saison passée), il retrouvera un meneur qu’il a bien connu en la personne de James Harden. Alors qu’il va sur ses 38 ans, c’est un guerrier précieux de plus pour les Sixers, même si plane toujours avec les joueurs de cet âge le risque d’un ralentissement soudain.
Dans cette même volonté de gagner en profondeur, c’est un autre ancien pensionnaire de Houston qui pose l’ancre : Danuel House. Alors que son début d’année dernière était compliquée, le joueur a réussi à se relancer en apportant son écot à Utah. Joueur d’équipe, il apporte une défense correcte et un scoring efficace, particulièrement dans des équipes stables. Au sein d’un groupe bardé de talent, il pourrait être un ajout précieux à cette équipe et occuper de grosses minutes sur le poste 3.
Enfin, pour clôturer ce tableau des anciens Rockets, c’est Montrezl Harrell qui rejoint Philly. Joueur d’attaque avant tout, il est un role player à utiliser par séquence plus qu’une véritable option à l’heure actuelle. Certains fans y verront toutefois un frein à l’utilisation de Charles Bassey et Paul Reed Jr qui ont pourtant besoin de temps de jeu pour se développer. Si c’est, au fond, l’occasion d’installer une saine compétition, on sait également que Doc Rivers peut bouder la jeunesse au profit de joueurs plus côtés, même quand ces derniers ne sont pas ou plus productifs.
Pourtant, le bon été de Daryl Morey ne s’arrête pas là, puisqu’il arrache De’Anthony Melton aux Grizzlies. Le banc des Sixers manquait d’un meneur-arrière remplaçant à aligner aux côtes de ses stars. Melton apporte une compétition ou un complément à Shake Milton. S’il n’est pas réellement un meneur, Melton peut porter la balle et représente une option viable. Joueur d’équipe, il peut contribuer en attaque comme en défense. Une autre addition qui renforce, en fin de compte, considérablement le banc d’une équipe qui possède désormais la profondeur pour faire face à quelques absences et créer des rotations correctes en vue d’une saison qui s’annonce pleine d’enjeu.
De la jeunesse qui s’ajoute à la jeunesse
Isaiah Joe, Charles Bassey, Paul Reed Jr, Jaden Springer, les Sixers possèdent quelques joueurs en couveuse. Néanmoins, si ces joueurs sont réclamés à grand bruit par la fanbase de la franchise, le coach semble moins enclin à faire appel à eux. L’an passé, privés de Joël Embiid dans une série à la vie à la mort face au Heat, le coach s’est d’abord entêté à jouer un DeAndre Jordan en bout de course et un Paul Millsap tout aussi rincé. Finalement, contraint de trouver des solutions pour apporter de l’énergie aux siens, il s’est tourné vers Paul Reed, qui a immédiatement trouvé un moyen de contribuer par son énergie. Bien gêné par les fautes, il a néanmoins mis un point sur le mal qui ronge ces jeunes joueurs : ce n’est pas qu’ils n’ont pas de potentiel, c’est qu’on n’a aucune idée de quand ils auront une chance de réellement s’exprimer.
Résultat, une intersaison supplémentaire pour s’aguerrir ne sera pas de trop, mais auront-ils leur chance cette saison ? Le banc largement renforcé pendant l’intersaison offrira plus de vétérans viables à Rivers qui est désormais dans une saison ou autre résultat que le titre serait un échec. Pas le terreau idéal pour donner du temps de jeu aux jeunes pousses. Le banc décimé de l’an passé n’avait pas permis de le faire, difficile d’envisager que cette saison soit celle de l’épanouissement.
D’autant que d’autres jeunes rookies viennent s’ajouter au roster. En l’absence de picks de draft, la franchise est allée chercher 3 joueurs. Trevelin Queen, meneur sorti non drafté en 2020. En prime, Daryl Morey a fait son marché du côté des joueurs passés à côté d’une sélection à la draft 2022. : Michael Foster Jr, ailier fort qui écope d’un contrat, tandis que Julian Champagnie devra faire ses preuves via un two way contracts. Pas de quoi faire de l’ombre à Reed, Bassey, Joe ou Springer, mais un supplément de compétition en cas de ralentissement.
Focus sur la saison 2022-23 des Sixers
Pour certaines franchises (celles que nous faisions il y a 2 semaines), l’intersaison est le cœur de la preview. Avec les Sixers, on entre dans ces équipes où les choses sérieuses commencent maintenant. Alors, quid de cette saison 2022-2023 ?
Quel James Harden au moment crucial ?
L’arrivée de James Harden change énormément de choses pour les Sixers. Avec son shoot longue distance, sa capacité de création et la menace qu’il représente, il permet à son équipe d’enfin posséder un créateur d’élite sur lequel l’adversaire ne peut pas faire l’impasse, qu’il soit balle en main au large ou esseulé en position de catch & shoot. Un changement radical en comparaison à l’ère Simmons-Embiid. Malheureusement, le James Harden que l’on a vu pour l’essentiel de son temps en Pennsylvanie est loin d’être la force létale de scoring qu’il est supposé être.
Un crève-cœur si la situation devait se prolonger puisque peu de joueurs semblent aussi compatibles qu’Harden et le pivot camerounais. Formant un duo usant à défendre sur pick & roll, il suffit de positionner l’arrière du même côté du terrain qu’Embiid pour rendre le jeu au poste de l’intérieur encore plus problématique. En effet, avec un joueur aussi dangereux qu’Harden, il est théoriquement impossible que son vis-à-vis vienne en aide sur Embiid. Facilitant grandement les choses pour ce dernier et le reste de l’équipe puisque l’aide doit alors venir du côté faible.
Toutefois, comme préalablement évoqué, toute la difficulté est de connaître l’état de forme de l’arrière et sa faculté à peser sur la saison de son équipe. En saison régulière, les Sixers n’auront théoriquement pas besoin d’un grand Harden au scoring pour traverser l’exercice et obtenir leur ticket pour les Playoffs (sauf absence majeure d’Embiid). En revanche, il convient d’aider l’arrière à se présenter en Playoffs dans les meilleures conditions physiques possible.
James Harden a été un des joueurs les plus efficaces de la ligue toute sa carrière, c’est de ce joueur dont ils auront besoin pour espérer s’arroger le titre :
Celui capable de créer pour lui même sans traîner la patte et de faire la différence. Pas celui vu lors des derniers Playoffs : reposant uniquement sur son tir pour scorer et affichant une campagne de Playoffs à 49,4 d’eFG%. Pour cela, il faudra peut être gérer sa saison. Le joueur s’est toutefois présenté très aminci pour la reprise et affirme être enfin à 100%. Espérons que cela dure.
Doc Rivers, plus d’excuse : des rotations riches sont possibles
Il va sans dire que Doc Rivers ne fait pas l’unanimité. Le coach des Sixers porte une part importante de responsabilité dans l’échec de 2021 et dans la gestion du cas Ben Simmons. L’an passé, en dépit d’une bonne saison en l’absence de Simmons, il a toutefois peiné à convaincre dans le développement des jeunes et dans ses rotations en post-saison.
Pour autant, il était également nécessaire d’admettre que le roster à disposition, une fois l’échange Harden-Simmonns réalisé, laissait au coach des Sixers un banc relativement exsangue. Si rien n’excusera d’avoir autant fait appel aux restes de DeAndre Jordan et Paul Millsap, toujours est-il que nombre d’options étaient en deçà de ce que doit posséder un coach qui vise le titre.
En revanche, cette saison, la franchise possède suffisamment d’options à toutes les positions pour proposer des rotations de haut niveau tout au long de la rencontre. Et si nombre d’entre elles restent à trancher, y compris pour la formation du 5 de départ, toujours est-il qu’en croisant bien les sorties et retours en jeux, Rivers pourrait avoir de solides options offensives présentes sur le terrain pendant 45 minutes.
On peut estimer que le groupe de titulaire pourrait être le même que l’an passé : Maxey – Harden – Thybulle – Harris – Embiid, sauf si PJ Tucker venait déranger l’ordre établi. Dans tous les cas, posséder 4 titulaires offensifs de ce calibre offre de réelles possibilités. On peut imaginer qu’une fois que les premiers remplaçants entrent en jeu, Rivers puisse créer une paire Maxey-Embiid et Harden-Harris, qui offre un niveau constant de danger offensif et de vraies complémentarités. En décalant les sorties de ces duos, il serait alors en position de rendre son équipe dangereuse pendant 48 minutes.
Maxey pourrait être associé à Melton, pour maintenir un niveau de création, tous deux étant rattachés à Embiid qui apporte une domination au scoring telle qu’ils possèderont nécessairement des espaces à sanctionner. Harden pourrait être associé à Milton et Harris. Le barbu jouant le rôle de principale force de création et Harris de second créateur, rôle dans lequel il est susceptible d’être le plus à l’aise.
Selon les besoins du match, il sera ensuite possible de jouer des cartes très défensives, des lineups très mobiles (Tucker en 5, beaucoup d’ailiers à ses côtés) ou à l’inverse des groupes plus offensifs pour revenir dans des matchs ou punir des mismatchs : Montrezl Harrell pouvant par exemple incarner cette volonté de punir des groupes particuliers au relais d’Embiid. Bref, entre une rotation plus profonde et des jeunes qui auront une année de plus au compteur, c’est cette année ou jamais pour Doc Rivers qui a toutes les cartes en main et plus vraiment d’excuse en cas d’échec.
Il y a-t-il encore un sujet Tobias Harris ?
L’arrivée d’Harden et la progression fulgurante de Tyrese Maxey ont continué de faire reculer Tobias Harris dans l’organigramme des Sixers. Si le joueur a souvent été un point de frustration pour les fans, jugeant notamment sa production au regard de l’imposant salaire de l’ailier, les années passant, l’éventualité d’un échange pour Harris semble de plus en plus lointaine. Son contrat le rend particulièrement difficile à évincer, mais au final, est-ce encore un sujet ?
Alors que Daryl Morey vient de blinder son effectif, il me semble que la meilleure voie pour cette équipe est d’accepter que leur joueur ne sera jamais au niveau de son salaire, mais qu’au fond, ce n’est plus ça la problématique des Sixers. Un Tobias Harris qui fait une saison dans la lignée de sa dernière post-saison serait déjà amplement suffisant tant les Sixers possèdent du talent offensif devant lui. Autrement dit, le mettre dans ses positions favorites, attendre de lui de l’efficacité et de l’opportunisme et construire les rotations pour lui donner quelques minutes chaque match où il devient la première ou seconde option offensive face aux bancs adverses.
De quoi permettre à l’équipe de maintenir un haut niveau de production tout en lui permettant de rester en rythme et en confiance. Il est temps de regarder le joueur pour ce qu’il est, non plus pour ce qu’on aurait apprécié qu’il soit.
Qu’attendre de cette saison ?
L’important pour les Sixers est de traverser la saison sobrement, en montant en régime. Ce n’est pas de démarrer la saison pied au plancher, de prendre le contrôle de la conférence Est et d’arriver en post-saison avec une 1ere ou 2eme place à l’Est. Avec de nombreux vétérans, de l’expérience et de la polyvalence, l’objectif est d’arriver en post-saison en bonne santé et avec la sensation que la dynamique est positive. En d’autres termes, faire preuve de patience et espérer que les Sixers trouvent leur pic de saison autour du mois de mars.
On regardera forcément de près l’état de forme de James Harden et de Joël Embiid, puisque le premier a paru emprunté la saison passée et que le second a souvent connu des blessures, et parfois dans les pire timings. Si Philadelphie arrive avec ces deux piliers en pleine verve et des rotations rodées, alors la franchise n’aura pas été en aussi bonne position de concrétiser ses ambitions depuis la saison 2018-2019. Une période déjà bien trop longue quand on sait à quel point une année est précieuse dans le cycle d’une équipe NBA.