Ces dernières heures, les Houston Rockets ont éjecté un grand nombre de leurs jeunes prospects draftés ces dernières saisons. Ils l’ont fait dans le but de recruter un certain nombre de vétérans, dont certains à prix d’or. Dans les quelques heures qui ont suivi l’ouverture de la free agency 2023, ils ont mis la main sur Fred Van Vleet, Dillon Brooks, Jeff Green et Jock Landale.
Dans le même temps, c’est donc Josh Christopher, Tyty Washington, K.J Martin et Usman Garuba qui ont obtenu leur bon de sortie.
Chez les fans des Rockets, les dents grincent. D’un côté, les montants alloués à certains agents libres font mal à la fan base. Fred Van Vleet se voit honorer d’un contrat de 130M sur 3 ans, probablement bien au-dessus de la valeur réelle du joueur. Peu après, c’est une autre signature controversée : Dillon Brooks obtient un contrat de 80M sur 4 ans. Dans cette course effrénée, le développement de plusieurs jeunes joueurs est abandonné dans des échanges à contreparties très faibles, voire négatives : l’échange de Tyty Washington & Usman Garuba aux Hawks a coûté des futurs tours de draft à Houston qui avait besoin de faire de la place.
En somme, plusieurs questions se posent du côté du Texas : Pourquoi ces choix ont-ils été faits ? Quel est le but de ces manœuvres ? Et les Rockets ont-ils vraiment fait un choix choquant vis-à-vis de leur jeune groupe ?
Pourquoi bouleverser un roster aussi jeune si brutalement ?
Les Rockets avaient en leur possession un des groupes les plus jeunes de la ligue. Ces dernières saisons, ils ont accumulé les jeunes joueurs, certains très hauts dans la draft, pour se forger un effectif très dense à développer.
Ce genre d’effectif, bardé de jeunes joueurs, est souvent synonyme de défaites à la pelle, mais reste souvent excitant à regarder car il représente la genèse de certaines équipes qui seront le futur de la ligue.
Pourtant, il n’en fut rien pour ces Houston Rockets. Depuis 2 ans, ils enchaînent les défaites, mais sans donner les esquisses d’un quelconque futur. Des joueurs talentueux, de Jalen Green à Alperen Sengun, en passant par Kevin Porter Jr, Houston en a. Le souci, c’est que les Rockets ressemblaient largement plus à une équipe d’AAU, qu’à une franchise NBA.
Le fond de jeu était globalement inexistant, les possessions offensives étaient le plus souvent un enchaînement d’isolations par défaut et, en dépit des talents présents, Houston était particulièrement exsangue en attaque. Après 2 ans de reconstruction, ils possédaient cette saison le 27eme offensive rating et le 29eme defensive rating. Si Stephen Silas et son staff n’ont pas été épargnés par la critique pour l’ensemble de leur œuvre, il va sans dire que dans une NBA où les attaques sont de plus en plus libres et de moins en moins dépendantes de systèmes, la production globale des jeunes Rockets est préoccupante.
Les Rockets jouaient une grande quantité de pick & roll (4eme en nombre de possessions), mais figuraient 26eme en points par possession. En raison de la présence de Sengun, ils se sont tentés au dribble handoff, mais ont fait là aussi partie des mauvais élèves de la ligue (22eme au points par possession).
Tout ce que Houston a tenté offensivement, ils l’ont fait moins bien que le reste de la ligue. Puisque le point de départ pour cette équipe semblait être le talent offensif de ses prospects, il y a de quoi être préoccupé. Kevin Porter Jr ne semble pas être le genre de joueur à qui vous voulez confier la balle, tandis que Jalen Green dans sa seconde saison, ressemble énormément à la version rookie du même joueur.
L’arrière est la première option de ces Rockets, et, contrairement à d’autres joueurs, il n’a pas réussi à vraiment prouver une prise de maturité dans sa seconde saison. Ce qui est pourtant une évolution classique en NBA. Alperen Sengun a probablement été la principale source d’espoir pour Houston cette saison, mais la franchise a fait le choix de reléguer son importance dans le jeu derrière son duo KPJ – Jalen Green. Avec l’inefficacité et l’absence de philosophie qui en ont découlé.
De l’autre côté du terrain ? Aucun progrès n’a réellement été à signaler non plus. Contrairement à des jeunes équipes qui connaissent les bas fonds à un moment donné, mais semblent mettre en place les pièces de leur futur (comme le Thunder les deux saisons précédentes), Houston n’a pas semblé aller dans cette direction. Les prises de paroles désabusées de John Wall ou Eric Gordon à propos de l’absence de progrès étaient sans équivoque.
De quoi pousser la franchise à revoir ses plans. Stephen Silas en a fait les frais en premier, rapidement remplacé par Ime Udoka, finaliste avec les Celtics pour sa première saison en tant que Head Coach. Udoka, qui s’est illustré comme un coach tactiquement capable à Boston, a donc pour mission de construire une identité de jeu pour cette équipe.
Néanmoins, la franchise, et potentiellement le nouveau coach, ont semblé penser que le seul changement dans le staff ne pouvait combler toutes les failles de l’équipe, notamment du point de vue du playmaking. De fait, en dépit de la draft d’Amen Thompson 10 jours plus tôt, la franchise a décidé de ramener un meneur de jeu vétéran pour encadrer cette équipe : Fred Van Vleet.
Le choix Fred Van Vleet, une nécessité ?
Jalen Green et Kevin Porter Jr n’ont pas seulement laissé perplexe sur un terrain de basket. Leur attitude, au global semble être une problématique pour la franchise. Non pas que le talent desdits joueurs, particulièrement de Green, aient été remis en question, mais il semblerait qu’il y ait beaucoup de travail pour mettre cette équipe dans la bonne direction.
Si Fred Van Vleet apportera une expérience de meneur afin d’aider les Rockets à se construire sur le terrain, il est aussi dans le parcours et l’expérience, tout ce que Green n’est pas. FVV n’a pas été drafté, il a dû avaler la pilule lorsqu’aucune franchise NBA n’a parié sur lui. Il a dû gagner sa place dans un effectif NBA, par la petite porte et tracer sa route pour devenir une rotation clé d’une équipe qui sera sacrée championne en 2019, avant prendre le relais de Kyle Lowry à la tête des Toronto Raptors.
A 29 ans passés, le meneur accepte le pari de rejoindre une équipe qui balbutie son jeu, avec un groupe de jeunes à la réputation peu flatteuse. Si vous cherchez pourquoi Van Vleet a obtenu un contrat aussi élevé : tout simplement car il hypothèque cette période qui est généralement le sommet de la carrière d’un joueur NBA dans un projet peu compétitif à court terme. En d’autres termes, cela se paye pour Houston qui cherche enfin à encadrer un groupe dans le jeu et dans le vestiaire.
Dans le jeu, on peut s’attendre à voir Van Vleet réduire son usage pour se concentrer sur un rôle de créateur, l’objectif étant de donner un cadre de jeu à cette équipe. Difficile encore de dire ce que fera Ime Udoka, mais il semble envisageable de voir Alperen Sengun plus impliqué dans la création et, surtout, une équipe qui cherchera à priver au maximum Kevin Porter Jr et Jalen Green d’isolations. En somme, l’idée sera de rendre l’équipe plus fonctionnelle avant d’envisager faire appel à cette dimension du jeu de ses arrières.
Car, en réalité, l’isolation est probablement le seul aspect du jeu dans lequel les Rockets ont été parmi les bons élèves. Le souci, c’est que c’est une véritable entrave à la création d’une identité collective, d’autant plus quand aucun joueur ne s’est réellement trouvé dans un rôle particulier et quand les joueurs pratiquant l’isolation sont de bons scoreurs (Green & KPJ), mais pas de bons créateurs.
Bon, et Dillon Brook, Jeff Gren, Jock Landale ?
Pourtant, nombre sont les journalistes autour de Houston et les fans qui s’insurgent contre le recrutement. Si donner plus de 40M an à Fred Van Vleet passe mal, lâcher 20M par an pendant 4 ans à Dillon Brooks a déclenché l’ire collective.
Qu’on se le dise, les arrivées de Jeff Green et Jock Londale ne posent pas réellement de problèmes de fond pour les Rockets.
Jeff Green a pris un contrat plutôt correct, est un vétéran qui doit apporter son expérience et peut encore performer à haut niveau (il était un membre permanent de la rotation du champion en titre, après tout). Jock Landale arrive lui pour 32M sur 4 ans, a été une des bonnes surprises de la saison à Phoenix et constitue un back-up qualitatif à Alperen Sengun.
Mais revenons au cas épineux.
Voyons le verre à moitié plein : Dillon Brooks est un défenseur volontaire, qui apporte de l’intensité et possède la mobilité et le coffre pour défendre plusieurs positions. Rappelons que les Rockets étaient la 29 défense de la ligue et qu’ils ont probablement besoin d’inspiration en la matière.
Les drafts d’Amen Thompson et de Cam Whitmore amènent des joueurs qui ont des qualités athlétiques certaines, mais vont également devoir travailler cet aspect du terrain.
Les présences de Brooks et Green ont probablement pour but d’avoir des joueurs capables d’être exemplaires et d’insuffler cette mentalité au relais du coaching staff. Ce qui inquiète nécessairement concernant Dillon, c’est le reste du tableau.
Outre l’aspect provocateur, le comportement qui peut souvent avoir tendance à exaspérer, Brooks est aussi un joueur particulièrement inefficace offensivement, et pas forcément inspiré quand il s’agit de passer la balle. Dans une NBA où on attend de la polyvalence offensive des joueurs, faire le bon choix, même si vous ne pouvez faire des lectures compliquées, le prix pour Dillon Brook paraît en effet particulièrement élevé.
Là où Van Vleet aurait pu intéresser de grosses écuries, Brooks n’était plus en odeur de sainteté à Memphis qui lui a signifié dès la fin de Playoffs qu’il ne reviendrait sous aucun prétexte. Or on parle d’un joueur qui, depuis sa saison sophomore, n’a jamais été mieux que 30eme percentile en termes de points par tirs pris (13eme la saison passée !) et ne compense pas par des qualités de créateur pour autrui.
Sans dire qu’il n’avait plus sa place en NBA, le montant et la durée du contrat ont effectivement de quoi laisser perplexe, contrairement aux autres recrues qui, elles, paraissent plutôt inspirées.
Les Houston Rockets ont-ils fait une erreur en lâchant autant de jeunes prospects ?
Mais ce n’est pas seulement l’utilisation du large salary cap qui a exaspéré les fans, c’est également le sacrifice de nombre de jeunes joueurs, sans contre-partie.
Par exemple, les départs de Tyty Washington et Usman Garuba à Atlanta ont été accompagnés de deux futurs 2eme choix de draft côté Rockets. Non seulement l’équipe a lâché 2 anciens premiers choix de draft, mais ils ont en plus payé des ressources pour les évacuer. Josh Christopher, autre élément de l’équipe, a également été lâché, potentiellement dans un sign&trade pour Dillon Brooks ou séparément envoyé aux Grizzlies.
Seul K.J Martin, permet de récupérer l’équivalent de ce qui a été perdu dans l’échange avec les Hawks.
Pour s’opposer à ces échanges, il y a plusieurs objections, que l’on pourrait résumer par ces 3 questions :
- Pourquoi sacrifier des jeunes joueurs pour des vétérans alors que l’équipe n’est qu’au début de sa reconstruction ?
- Pourquoi se délester de jeunes joueurs qui ont du potentiel ?
- Pourquoi les lâcher sans contrepartie alors qu’ils auraient du permettre de récupérer de futurs choix de draft ?
Nous allons tenter d’y répondre de manière succincte.
Pourquoi sacrifier de jeunes joueurs pour des vétérans ?
C’est probablement la partie la plus simple. Parce que le reste de l’article donne déjà tous les éléments. Les Rockets ont besoin de qualité d’encadrement pour donner du fond de jeu à cet effectif.
Certaines reconstructions se créent rapidement une identité qui permettent de poser un cadre. L’exemple du Thunder me paraît le plus intéressant. L’équipe perd, mais s’est bâti une solide base avec une identité défensive très claire. Derrière Shaï Gilgeous-Alexander, l’équipe manquait de talent offensif et les drafts vont permettre d’apporter du talent offensif tout en cherchant des profils qui peuvent coller à l’identité de jeu.
Puisque les Rockets ont eux un talent offensif qui leur paraît suffisant, ils ont décidé de sacrifier certaines jeunes qui leur paraissaient secondaires pour apporter une structure de jeu (via Fred Van Vleet & Ime Udoka), pour mieux développer ce qui apparaît comme leurs atouts maîtres : Jalen Gren, Alperen Sengun, Amen Thompson, Jabari Smith Jr et éventuellement Kevin Porter Jr & Cam Whitmore.
Pourquoi se délester de jeunes joueurs qui ont du potentiel ? Et sans contrepartie ?
C’est peut-être là qu’on a tendance à surestimer la capacité d’une franchise à mener une reconstruction totale via la draft.
Dans les exemples récents d’équipes bâties via la draft, pour lesquelles on parle de “continuité”, on a souvent tendance à oublier tout le turnover autour du supporting cast.
En réalité, si l’on prend l’exemple des Warriors & des Nuggets, qui sont allés au bout par ce schéma de construction d’équipes : seules les 3 pièces maîtresses se sont inscrits “dans la durée” avec l’équipe. Les Warriors ont gagné leur premier titre avec Stephen Curry, Klay Thompson, Draymond Green et Harrison Barnes, mais le dernier a rapidement été sacrifié.
Les Nuggets dont on vante la patience, n’avaient que 3 joueurs présents en 2020 dans l’effectif qui a brandi le titre cette année.
En réalité, les jeunes joueurs de “seconde zone” sont souvent laissés libres (car prolonger un joueur drafté coûte souvent plus cher) ou sacrifiés dans des échanges, souvent mineurs. Mais le fait est que Houston va encore drafter dans les années à venir et possède encore une multitude de jeunes talents qu’ils ne pourront tous développer jusqu’au bout.
Même parmi les principaux noms draftés ces dernières saisons et KPJ, il y aura des chantiers avortés et des joueurs qu’il sera nécessaire de laisser partir, ne serait-ce que parce qu’il est impossible de payer autant de jeunes prospects.
Alors pourquoi se délester de Tyty Washington et autre Josh Christopher? Parce qu’ils étaient plus que secondaires dans le projet des Rockets et très probablement que s’ils n’ont rien récupéré en contrepartie, c’est qu’il n’y avait pas de demande des autres franchises pour les accueillir. Ce qui en dit aussi très probablement sur leur avenir à moyen terme en NBA.
Une stratégie catastrophe ou pas ?
En fin de compte, à titre personnel, je trouve la direction prise par Houston plutôt positive. Si toutes les reconstructions ne nécessitent pas d’ajouter des vétérans pour donner une direction (OKC ou Orlando), le problème des Rockets n’est pas la somme de talents mais l’absence d’un joueur pour donner une direction. Comme les Suns il y a quelques saisons, les Rockets ont besoin d’apporter une structure à ce groupe et cela se fera comme Phoenix avec Chris Paul, part l’ajout d’un meneur capable de tracer cette direction.
Concernant les choix réalisés, je comprends le scepticisme vis-à-vis de certains choix. Fred Van Vleet est une belle addition, mais restera le goût amer de devoir payer un montant si élevé pour s’arroger ses services : un montant bien au-dessus de sa valeur réelle. Surtout, le choix de Dillon Brooks, sa communication douteuse qui ne sied pas forcément à un groupe peu réputé pour sa maturité et son inefficacité offensive font mal alors que le cap des Rockets sera un jour précieux, avec tant de jeunes joueurs à potentiellement conserver.
Il est néanmoins possible de se tromper, mais les Rockets ont pris une voie nécessaire et il pourrait, à partir de l’an prochain, montrer l’évolution positive qu’ils n’ont pas su générer en 2022-2023.