Prometteuse. Si l’on devait décrire la saison passée du Thunder en un seul mot, voici celui qui conviendrait peut-être le mieux. La jeune bande de Mark Daigneault, que l’on attendait globalement dans les quatre dernières positions de sa conférence, est en effet parvenue à décrocher un sésame pour le play-in tournament (10ème, 40 victoires, 42 défaites). L’on n’oublie toutefois pas que la dernière ligne droite a donné lieu à un combat d’infirmes entre Oklahoma et Dallas, aucune des deux équipes ne démontrant vraiment envie d’aller jouer les playoffs. Le Thunder a finalement été moins boiteux et a obtenu le dernier strapontin pour disputer le mini-tournoi qualificatif.
Dans le sillage d’un Shai Gilgeous-Alexander phénoménal (31,4 points, 4,8 rebonds, 5,5 passes décisives, 1,6 interception, 1 contre en 68 matchs et 35,5 minutes de temps de jeu, 5ème au classement du MVP), d’un Josh Giddey solide et d’un Jalen Williams stupéfiant pour ses grands débuts, OKC s’est imposé comme l’une des belles surprises de l’exercice. L’équipe a d’ailleurs passé le premier tour de ce play-in, en venant à bout des Pelicans, avant de rendre les armes contre les Wolves d’un Kart-Anthony Towns dénué d’opposition majeure à l’intérieur. L’objectif, désormais, est de confirmer ces belles promesses.
In & out : le point sur le roster
Arrivées : Davis Bertans, Keyontae Johnson, Vasilije Micic, Victor Oladipo, Cason Wallace, Jack White.
Départs : Jared Butler, Dario Saric.
Le roster 2023/2024
Meneurs : Josh Giddey, Tre Mann, Vasilije Micic ;
Arrières : Lugentz Dort, Shai Gilgeous-Alexander, Isaiah Joe, Victor Oladipo, Cason Wallace, Lindy Waters III, Aaron Wiggins, Jalen Williams ;
Ailiers : Davis Bertans, Keyontae Johnson, Jack White ;
Ailiers-forts : Ousmane Dieng, Aleksej Pokusevski, Jeremiah Robinson-Earl, Kenrich Williams ;
Pivots : Chet Holmgren, Olivier Sarr, Jaylin Williams.
Joueurs en two-way contract.
Phase de l’équipe : Playoffs
Ne serait-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ? On peut naturellement discuter de la question. Néanmoins, à la vue de l’exercice écoulé, Oklahoma doit désormais montrer les muscles. La jeunesse doit chercher à se frayer un chemin vers les matchs les plus excitants de l’année, qui se disputent à compter de la mi-avril. Si nous étions taquins, nous pourrions dire que le Thunder doit se rapprocher du titre de champion du monde NBA. Ne soyons toutefois pas trop gourmands. Voir les hommes de Daigneault disputer un premier tour de playoffs serait d’ores et déjà une belle réussite. Manquer à nouveau les joutes printanières ressemblerait, par contre, au pire à un échec, au mieux à une stagnation dont personne ne serait satisfait.
Les tendances de l’été
Si vous êtes fan du Thunder, votre cœur n’a pas trop souffert des trois mois qui viennent de s’écouler. Une fois n’est pas coutume, la franchise a été relativement calme lors de l’intersaison. Celle-ci a pourtant débuté avec le terrain de jeu favori du front-office, à savoir la draft. Oklahoma, avec ses 40 victoires régulières, a hérité du 12ème choix. Cela n’a pas empêché Sam Presti de pointer de bout du pif en 10ème position. Un trade a en effet été monté avec Dallas : les texans ont sélectionné Cason Wallace et l’ont envoyé à Oklahoma en compagnie de Davis Bertans, en échange du pick 12.
Nous n’allons pas en faire des caisses sur le Letton, dont on attend qu’il retrouve la forme qui était la sienne lors de son passage dans la capitale américaine. Depuis quelques saisons, en effet, l’ailier-fort a la mire déréglée et le sniper s’est transformé en lance-pierres dysfonctionnel. Wallace, par contre, a semble-t-il tout en magasin pour s’inscrire dans le projet de la franchise. Combo-guard de grande taille, le jeune homme passé par Kentucky arrive en NBA avec le profil d’un excellent défenseur sur les postes arrières. Ce n’est cependant pas tout. Pas maladroit balle en main, il pourrait être utilisé pour organiser le jeu de l’équipe par séquences. Il s’agit également d’un shooter capable, qui surutilise néanmoins le floater, qu’il maîtrise à merveille ; cela traduit souvent un manque d’agressivité, et cela se confirme dans le cas de Wallace, qui ne se rend que peut fréquemment sur la ligne réparatrice.
Il ne s’agit pas de la seule recrue cherchée sur les bancs de l’université. En fin de second tour, avec le 50ème choix, le Thunder est allé chercher Keyontae Johnson, ailier-fort expérimenté de Kansas State. À l’aise proche du panier, Johnson (23 ans, 1m96, 102 kilos) a également développé un bout de tir. Titulaire d’un two-way contract, il ne devrait pas principalement évoluer avec le Thunder, mais plutôt au sein d’une pépinière.
Est-ce tout ? Presque. On note deux autres renforts, autour desquels un point d’interrogation flotte néanmoins. Le premier s’appelle Victor Oladipo, recruté au début du mois de juillet contre… ducash. L’ex star des Pacers, passé par Oklahoma en 2016-17, a été miné par de trop récurrentes blessures. Depuis son départ d’Indiana, en 2020, il n’a ainsi disputé que 83 rencontres, pour un temps de jeu qui tourne désormais autour de la vingtaine de minutes. Lancé dans les Playoffs par Erik Spoelstra, il n’a une fois de plus que peu joué, contractant dans son 2eme match de post-saison sa troisième lourde blessure au genou en… 4 ans. Pas de quoi pousser à l’optimisme.
Notons enfin l’arrivée de Vasilije Micic, récent MVP de l’Euroligue sous les couleurs de l’Anadolu (en 2021). Profitant des nouveautés inhérentes au CBA qui vient d’entrer en vigueur, le Thunder a enfin pu attirer l’arrière aux USA, après une tentative avortée en 2021. Le Serbe, âgé de 29 ans, reste sur deux saisons de haute volée avec le club turc. Son adaptation au jeu et au rythme de la Grande Ligue, qui n’est souvent pas aisée pour les stars européennes, devra être surveillée ; si Micic y parvient, le Thunder vient de mettre la patte sur un joueur expérimenté et particulièrement doué.
Peu de départs sont à lister. Dario Saric s’en est allé du côté de Golden State et ne laissera à OKC aucun souvenir ému (1 saison, 20 matchs, merci bonsoir). Il en va de même pour Jared Butler, MOP du tournoi NCAA 2021 avec Baylor mais dont le début de carrière NBA patine sérieusement et qui, tentera de se relancer du côté des Washington Wizards.
Focus sur la saison 2023-24 du Oklahoma City Thunder
L’apport de Chet Holmgren
Il était très attendu l’an passé, mais s’est grièvement blessé lors d’une rencontre disputée au cours de l’été, à la suite d’un contact avec LeBron James. Second de la draft 2022, Chet Holmgren a reçu le feu vert du staff médical pour – enfin ! – débuter sa carrière professionnelle.
Que l’on ne se fie pas au seul physique de l’intérieur longiligne (2m13, 88 kilos), qui semble plus taillé dans un mikado que dans le marbre ! En effet, le principal atout de Holmgren est sa défense, considérée par beaucoup comme étant d’ores-et-déjà “élite”. Par sa taille et son timing, il est un contreur hors pair et, partant, capable d’une véritable dissuasion. Mieux encore, il sait encaisser le contact et n’explose pas lorsqu’il est confronté à un pivot au poste. Pour dévoyer une formule que l’on trouve fréquemment dans le jargon basketballistique, Chet joue “plus gros” qu’il ne l’est réellement.
Ce n’est pas seulement qu’un protecteur de cercle de qualité. Grâce à son QI basket, il sait également décrypter l’organisation adverse, notamment sur les phases très répandues de pick & roll. Sans rajouter de pression inutile sur ses frêles épaules, il est attendu de lui qu’il change du tout au tout la défense du Thunder, qui était déjà honnête l’an passé (14ème defensive rating).
Qu’en est-il de l’autre côté du parquet ? Nous ne pourrons pas nous permettre d’être aussi catégoriques. Toutefois, Holmgren n’est pas attendu pour être un simple rim runner. Lors de son unique année à l’université, il a montré des qualités de tir intéressantes (72 % aux lancers, 39 % à trois-points). L’avantage de faire 2m13 et d’avoir des bras longs comme le transsibérien, c’est que la probabilité de se faire contrer est infime. L’intérieur peut ainsi être utilisé en situation de catch & shoot, mais également sur pick & pop, dans un duo “hype” avec Josh Giddey ou Shai Gilgeous-Alexander. N’attendez toutefois pas de lui qu’il s’occupe de la création de son propre tir, du moins pour l’heure.
Reste à déterminer à quel poste le rookie va évoluer. Ces dernières années, autour des cas d’Evan Mobley et de Victor Wembanyama, nous entendons fréquemment que ces défenseurs élites mais légers devraient évoluer au poste 4, à côté d’un pivot au sens physique du terme. Ce dernier se chargerait d’encaisser le premier choc, avant que Holmgren ne vienne jouer le rôle de la seconde lame, tel Giannis Antetokounmpo derrière Brook Lopez ou Robert Williams III derrière Al Horford.
Cela ne nous paraît pas stupide, en l’espèce. S’il est disponible, Jaylin Williams pourrait ainsi être associé à son camarade de draft. Du haut de ses 210 centimètres et de ses 110 kilos, le pivot passé par Arkansas possède en effet le profil physique pour remplir le rôle susmentionné. Il est d’ailleurs le pivot de métier le plus utilisé l’an passé par Mark Daigneault. De là à imaginer une association juvénile dans la raquette du Thunder ? Cela permettrait de résoudre un second souci potentiel, à savoir le manque de shoot dans l’équipe.
Du shoot ? Quel shoot ?
L’an passé, le Thunder n’a pas été spécialement mauvais dans l’exercice désormais si important du tir primé. La franchise et ses 34,1 tentatives / match se classe, en cela, en 12ème position de la Ligue. Ses 35,6 % de réussite globale ont fait d’elle la 17ème équipe la plus précise. Pas de quoi sauter au plafond, mais pas de quoi non plus balancer nos plus belles tomates.
Sauf que parmi les joueurs les plus précis, rares sont ceux qui se trouvent encore dans le roster ! Jared Butler (50 % sur 2,3 tentatives / match) s’est fait la malle, tout comme Darius Bazley (40 % sur 1,3 tentatives, parti à Phoenix), Mike Muscala (39,4 % sur 3,3 tentatives, parti à Boston), Dario Saric (39,1 % sur 2,3 tentatives). En somme, 4 des 8 hommes les plus précis de loin ne débuteront pas la saison avec le maillot du Thunder.
Certes, il reste Isaiah Joe et Jaylin Williams, qui ont régulièrement fait ficelle l’an passé derrière l’arc. Ce n’est pourtant pas le cas des cadres de l’effectif. Shai Gilgeous-Alexander, dont l’arme majeure reste le mi-distance et le drive, ne convertit que 34,5 de ses tirs primés. Luguentz Dort se contente de 33 % de réussite, pour 32,5 % chez Josh Giddey. Ce n’est guère mieux pour Jalen Williams, qui a transformé en points 35,6 % de ses tentatives lointaines.
Parmi les recrues, Bertans pourrait débloquer la situation et améliorer le spacing du roster, mais il faudrait pour cela qu’il redevienne efficient. Oladipo, quant à lui, n’a jamais vraiment été à l’aise loin du panier, si l’on veut bien exclure la saison de son explosion, qui date déjà de 2017-18. Reste Chet Holmgren, qui avait démontré à Gonzaga qu’il était loin d’être maladroit au tir.
Cela risque néanmoins de faire peu. Le basketball – à l’instar des échecs, par exemple – est un jeu de menaces. L’objectif est de présenter plus de menaces offensives que ne peut en gérer la défense adverse. À ce petit jeu, la seule présence de Shai Gilgeous-Alexander constitue un avantage de taille. Néanmoins, si l’adversaire peut se permettre de laisser tirer certains membres du roster, cela réduira inévitablement les espaces dans le trafic de la peinture. Le sacro-saint spacing, encore et toujours.
À cet égard, peut-on espérer une belle progression dans l’exercice de Josh Giddey ? Excellent créateur, l’Aussie présente des carences au shoot. Il est néanmoins passé de 26,3 % de réussite à 32,5 % entre ses saisons rookie et sophomore, avec un volume semblable. S’il venait à confirmer cette progression pour arriver aux alentours de 36 %, il deviendrait alors une menace nouvelle. Cela ouvrirait non seulement le champ à ses camarades, mais cela lui permettrait également de se faufiler plus aisément vers le cercle. En somme, OKC aurait tout à y gagner.
Le leadership terrain de Shai Gilgeous-Alexander
L’arrière canadien, arrivé dans l’Oklahoma en 2019 dans le cadre du trade qui a envoyé Paul George à Los Angeles, a diamétralement changé de dimension lors de l’exercice 2022-23. On le savait excellent. On connaissait ses points forts. De là à l’imaginer intégrer la All-NBA 1st team ? Peut-être pas. Notons d’ailleurs qu’il s’agit du guard qui a obtenu le plus de voix pour intégrer cette prestigieuse équipe, devant Luka Doncic, excusez du peu.
Léthal dès qu’il trouve son spot en attaque, Gilgeous-Alexander s’affirme évidemment comme le chef de meute du Thunder. Mieux encore, son talent semble constituer le plafond de cette équipe qui peut désormais se rêver à être ambitieuse. Une question se pose alors : jusqu’où peut-il emmener Oklahoma ?
Nos confrères de Dunkhebdo l’ont récemment rappelé, Shai Gilgeous-Alexander présente la particularité d’être très fréquemment le meilleur joueur sur le parquet, même lorsqu’il affronte d’autres superstars. S’il n’explose pas certains plafonds, comme ont pu le faire l’année dernière Donovan Mitchell, Damian Lillard ou Lula Doncic, il est d’une régularité horlogère. Par exemple, sur les 68 rencontres qu’il a disputées la saison dernière, il est passé sous la barre des 20 points qu’à 3 reprises. Par contre, il a scoré au moins 30 points en 45 occurrences (44 points au plus). En somme, lorsqu’il joue, il ne se rate presque jamais. Le leadership par l’exemple, ça le connait donc.
Encore faut-il qu’il joue. Hormis sa première saison dans l’élite, disputée sous le maillot des Clippers, SGA a pris la mauvaise habitude de manquer une multitude de rencontres. Voyez plutôt : 12 pour sa première saison (celle avec Chris Paul, à l’issue de laquelle il a disputé les playoffs), 37 en 2020-21, 26 en 2021-22 et 14, donc, l’an passé. En somme, depuis son arrivé à Oklahoma, il a passé l’équivalent d’une saison régulière sur le flanc. Certes, il est arrivé qu’il soit volontairement reposé dans le cadre d’une opération tanking, notamment en 2022. Il n’en demeure pas moins que si OKC veut rêver de playoffs, son franchise player devra jouer le plus de rencontres possibles.
Car c’est bel et bien sur le plus beau plateau de l’année qu’on attend de le voir. Peut-il dominer une série s’il affronte Kevin Durant et Devin Booker ? Parviendra-t-il aussi aisément à manipuler des défenses qui seront plus resserrées qu’en saison régulière ? Si la réponse est positive, le Thunder ne sera qu’à un supporting cast plus expérimenté de devenir un poil à gratter sérieux dans la conférence Ouest.
Qu’est-ce qu’on veut voir cette saison ?
Des playoffs ! Le statut de darling de la Ligue est par nature éphémère. Selon nous, l’heure est désormais venue pour Oklahoma de passer un cap et de viser a minima la qualification pour le play-in tournament. Il faudrait néanmoins parvenir à s’en extraire, pour aller défier un gros de la conférence Ouest au premier tour de la post-season pour, pourquoi pas, l’embêter un peu. L’exemple à suivre pourrait être celui des Pelicans de 2022, qui se sont vaillamment inclinés face aux Suns (4 – 2).
Au-delà du pur aspect comptable, on veut également voir l’éclosion de cette myriade de jeunes. On en a peu parlé, mais Jalen Williams s’est imposé comme un solide titulaire NBA dès sa première saison. Son homonyme des raquettes, très précis de loin, a su faire lever les foules sur ses passages en force provoqués. L’on attend plus, par contre, d’Ousmane Dieng, qui n’a su briller que par de rares flash. Cason Wallace aura sa carte à jouer derrière les titulaires du backcourt. Chet Holmgren, enfin, doit revenir en forme après sa grave blessure, afin de confirmer tout le bien que l’on peut légitimement penser de lui. Que la jeunesse soit fougueuse et qu’elle nous emballe !