Lorsqu’il posa les pieds en NBA, on savait deux choses très positives au sujet de De’Aaron Fox. La première, c’est que le grand public le connaissait pour avoir dominé Lonzo Ball à chacune de ses oppositions récentes. La seconde, pour une comparaison assez effrayante avec John Wall. Le meneur n’était pas sans rappeler le vétéran pour sa vitesse et ses qualités athlétiques, le tout avec un tir plus avancé. C’était donc très intrigués que nous attendions sa saison rookie.
Sélectionné en 5eme position par les Sacramento Kings, c’est dans une équipe qui repartait à zéro que le meneur mit les pieds. Et si l’excitation était grande après un été bien négocié, sa première saison laissa l’ensemble des fans sur leur faim. Extrêmement rapide, comme attendu, doté de belles qualités athlétiques, de manière plus générale, le joueur n’a pas semblé épanoui dans le système de jeu de Dave Joërger. Pratiquant un basketball lent, mettant en avant des vétérans racés comme Zach Randolph ou Vince Carter, l’ensemble de la jeune garde s’empêtrait dans un premier temps dans un jeu placé, supposé s’appuyer sur une défense malheureusement aux abonnés absents.
En fin de compte, ce fut un premier exercice un peu frustrant pour les jeunes joueurs, notamment pour Fox qui dû faire face à la concurrence de George Hill en première partie de saison, attendant son départ pour avoir, comme d’autres, plus de responsabilités. Malgré de bonnes dispositions, c’est son manque d’influence sur l’attaque de l’équipe qui laissa un goût amer, ainsi que l’impression générale. Souvent le jeune groupe paru démotivé, atteint par leurs difficultés à traverser la saison, pêchant par manque de plaisir à jouer.
Nouvelle saison, nouvelles résolutions
Pour cette seconde saison, il fallait tout refaire. Et pour cause, les positions sont claires du côté de Sacramento. Tout d’abord, pour le coach comme les dirigeants, il fut temps de se mettre d’accord sur le discours suivant : De’Aaron Fox est bel et bien le leader de cette équipe, son meilleur joueur, il fallait donc que le jeu de l’équipe serve son talent.
C’est donc un virage qui fut opéré. Dès le mois de septembre, le coach annonçait la couleur :
La meilleure chose que vous pouvez faire pour lui est d’adopter un jeu rapide et de lui donner la balle le plus souvent possible. C’est sa force. C’est notre Franchise Player. Je pense que tout le monde est d’accord sur ce sujet.
Avec ces nouvelles prérogatives, cette nouvelle assise, le jeune meneur a deux messages clairs. Jouer suffisamment vite, et s’étoffer dans l’optique de cette mission nouvelle. Avec sa vitesse supersonique, il doit porter son équipe, faciliter la vie de tous ses coéquipiers. Pour profiter de ses qualités, il se fixe deux objectifs : se renforcer physiquement pour tenir le rythme, mieux encaisser les contacts dans la raquette et développer son tir à longue distance qui lui a fait défaut en année 1.
Après avoir discuté avec les joueurs, une grande source de frustration de la saison passée fut de ne pas être capable de répondre aux points encaissés. La solutions envisagée est donc simple, dès que les Kings récupèrent le ballon, dès qu’ils prennent un panier adverse, ils partent directement à l’assaut. Dès que vous souhaitez jouer ce genre de stratégie, vous avez besoin de deux qualités : d’un joueur extrêmement rapide et d’un joueur avec une bonne vision de jeu.
Cela tombe bien, Fox est à la fois ce qui se fait de plus rapide en NBA, tout en étant capable de garder le contrôle du ballon. Dès lors, c’est tous ses coéquipiers profitent de son impulsion : ils obtiennent des espaces, des tirs ouverts, apparaissent plus rapidement en position. Ne vous trompez pas, tout cela vient en partie des qualités du joueur de 20 ans. Depuis le début, il augmente tous ses coéquipiers, et ce n’est pas pour rien que cette équipe des Kings est probablement la plus enthousiasmante depuis une grosse décennie. Rien de moins que ça.
Pourquoi ? Parce que de l’équipe la plus lente de la NBA, Sacramento est devenue l’une des deux plus rapides. Résultat, portée par Fox, l’équipe est plus efficace et passe de la 29eme attaque à la 11eme. Pourtant, le roster n’a pas ou peu changé, si ce n’est que les vétérans ont fait définitivement place à la jeunesse. Ce nouvel état d’esprit a accouché d’une équipe combative, accrocheuse, enthousiasmante. Bien que jeunes, ils ne reculent pas et dans ce plaisir enfin trouvé, c’est tout le monde que De’Aaron emmène dans son sillage.
Vous ne serez de fait pas surpris de savoir que Willie Cauley-Stein, Buddy Hield, Nemanja Bjelica, Bogdan Bogdanovic, Justin Jackson réalisent leur meilleure saison en carrière. En créant un environnement favorable à Fox, ils l’ont rendu meilleur. Il peut désormais emmener tout le monde dans son sillage.
Le nouveau De’Aaron Fox
Dans une classe de draft riche en talent, le joueur était passé peu ou prou inaperçu l’an passé. Mais alors que certains jeunes de sa promotion marquent le pas cette saison, Fox, lui, explose. Percutant, il montre aussi l’étendue de ses progrès. D’une sûreté sans faille balle en main, il n’a aucun mal à décoller un défenseur adverse pour s’ouvrir un tir ou faire son chemin vers le panier. Difficile de contenir un jeune joueur qui peut à la fois accélérer de manière soudaine, tout en gardant le ballon extrêmement près de lui – et c’est ce combo de vitesse et de maîtrise qui lui permet d’exploser. Car, de ses 41% au tir en saison rookie, le joueur est passé à 48% en ce début de saison.
Il ne faut pas s’étonner de cette soudaine hausse en production. Le jeu est beaucoup plus ouvert pour le joueur, qui peut enfin montrer son potentiel réel. Dans un système qui met en avant ses qualités, lui offre plus d’options, il retrouve ses habitudes. De fait, on peut désormais observer tout ce qu’il sait faire au scoring : finition au dunk, au lay-up, avec un floater, tout y passe. De’Aaron Fox est un montre qui n’a plus peur de se frayer un chemin dans le trafic. Avec une efficacité effarante.
Pour ne rien gâcher, les efforts consentis cet été payent. En rythme, en confiance, il n’hésite pas à décocher derrière l’arc, passant de 30,4% l’an passé à 41% pour son année sophomore ! Une aisance au shoot qui évidemment, lui ouvre des portes. D’une part car le fait qu’il soit dangereux au tir, oblige à le défendre de plus près et auquel cas, augmente le risque de se faire dépasser. D’autre part car les coaching staffs doivent encore intégrer le fait qu’il est réellement un danger à longue distance.
Pour compléter le tableau de la triple-menace en laquelle il se mue, Fox exploite finalement le potentiel qu’on lui prêtait. Celui d’être capable de prendre les bonnes décisions, de trouver ses coéquipiers, d’exploiter les situations. Sur cette contre-attaque par exemple, parfaitement exécutée, où il oblige les deux défenseurs à rester en face-à-face pour ouvrir le tir plus rentable possible : un 3pts dans le corner, pour Hield qui plus est.
1) Comment De’Aaron Fox peut il voir Hield ouvert/Westbrook hors de position, la ligne de passe est minuscule entre les défenseurs ?
2) Encore une one-handed pass main gauche, forte, précise, avec un putain de style ? Encore une ?
3) Are you f-ing kidding me ? pic.twitter.com/HoiUK938HW
— Guillaume (@GuillaumeBInfos) 20 novembre 2018
Doté d’un bon sens du placement, le joueur, s’il n’est pas encore un défenseur d’élite, utilise en revanche ses bons instincts et ses mains rapides pour voler beaucoup de ballons qui sont autant d’opportunités d’exploiter ses qualités en transition. Tout le jeu des Kings étant aujourd’hui tourné vers l’idée de marquer très vite, Fox peut se permettre de prendre plus de risques en défense pour générer des pertes de balles. Pour ne rien gâcher, ses qualités de voltigeur lui permettent régulièrement de réaliser des contres aussi spectaculaires qu’ils ont la faculté de décupler l’énergie de ses coéquipiers.
Si Fox va, tout va
Derrière ce début en trombes du joueur, c’est tout un groupe pourtant considéré comme en manque de talent, ou du moins en manque d’équilibre (pas de véritable poste 3, trop d’intérieurs) qui est en train de déjouer les pronostics. La saison n’en est qu’à son premier tiers, néanmoins, alors qu’on attendait les Kings comme l’une des lanternes rouges d’une conférence Ouest pléthorique, ils trônent pourtant à une place inattendue.
A ce jour, c’est devant les Rockets, les Wolves, les Spurs ou encore les Pelicans que se trouve Sacramento. A la lutte pour les Playoffs, les fans de la franchise Californienne ont enfin une saison excitante à suivre, avec une équipe capable de l’emporter contre n’importe quelle franchise. Derrière la bonne santé, tant au sens propre que figuré de Fox, tout semble possible. Vous ne serez donc pas étonnés de voir les champions en titre s’arracher en prolongation pour battre ces Kings.
Un ressenti à la fois oublié et revigorant pour les fans qui pourraient bien avoir trouvé un meneur de grand talent pour porter le renouveau d’une franchise moribonde depuis désormais bien trop longtemps. Merci De’Aaron Fox.