Certains joueurs subissent parfois un traitement particulièrement rugueux sans n’avoir rien fait pour le mériter. Trae Young, appartient à cette catégorie de joueurs qui héritent d’une pression anormalement élevée, pouvant changer une carrière.
Véritable phénomène NCAA, shooteur et playmaker de folie, le jeune meneur reçut pourtant un accueil des moins chaleureux en NBA. Entre une comparaison préssurisante avec Stephen Curry, le joueur avait de quoi baliser. Cependant, c’était sans compter un échange avant même d’être drafté, permettant aux Mavericks d’obtenir Luka Doncic, phénomène européen en échange de Young et d’un TDD.
Dès lors, en plus de devoir confirmer être “le prochain Stephen Curry”, il était immédiatement condamné à des années de comparaison avec un des prospects les plus matures ayant jamais mis les pieds en NBA. Sauf que non seulement, l’injustice de ce tableau était certaine, mais le meneur héritait en parrallèle d’un statut de “futur bust” en raison de son profil. Manque de qualités athlétiques, petite taille et faible envergure, le 5eme choix de la draft était, à la manière de Marvin Bagley III, jugé inapte par une partie des observateurs et fans… sans n’avoir encore joué la moindre minute.
A moins de deux semaines de la fin de la saison régulière, nous vous proposons de tirer un bilan de la saison du nouveau meneur des Atlanta Hawks.
Des débuts compliqués
Dès son arrivée, l’impact de Trae fut palpable. Le joueur est un danger à très longue distance et il confirme réellement un potentiel certain lorsqu’il s’agit de créer. Sa présence est perçue comme une menace par les équipes adverses et créé des situations favorables pour ses coéquipiers.
Malheureusement, c’est à peu près tout ce que l’on peut retenir de positif de ses débuts en NBA. Dans une équipe considérée comme l’une des plus faibles de la ligue, Young brille par son incapacité à rentrer ses tirs. Incapable de trouver la mire, l’arceau semble bien trop petit pour lui et le joueur se présente comme la plus belle caricature de lui-même. Shoots pris à des distances improbables, parfois du logo, il affiche un pourcentage au tir réel à faire pâlir Russell Westbrook.
Ainsi, il n’est pas rare de le voir dégainer de trop loin, sans avoir créé quoi que ce soit auparavant. Des tirs compliqués, parfois hésitants, comme ici.
Un tir pris sans réelle conviction alors qu’il reste 17 secondes à jouer. Une habitude qu’il n’hésite pas à réitérer à haut volume et souvent sans rythme. S’iil faut bien dire que ces tirs font partie de son identité en tant que joueur, reste encore à déterminer s’ils seront un jour rentable au plus haut niveau.
Dans le même temps, les défauts attendus sont aussi visibles. Par exemple, sa défense fantômatique et ses difficultés à se rapprocher du panier. Avec ses 1m88 pour 82kgs pour seulement 2m03 d’envergure, compliqué de tenir tête à ses opposants. Surtout quand, en dépit d’une belle mobilité, les qualités athlétiques et la puissance ne font pas parti de ton bagage majeur.
Si les Hawks pratiquent un basketball honorable, Young ne tarde pas à être pris pour cible. Frappé par la culture de l’instant et le manque de patience dont tout l’univers de la NBA sait faire preuve, il va être brutalement mis au banc de la NBA. Une situation galvanisée par la saison magistrale que réalise de l’autre côté du pays le rookie des Mavericks, dans un jeu des comparaisons sans foi ni loi.
Néanmoins, alors que les semaines passent, le battage médiatique va diminuer, permettant alors au Hawk, de profiter d’une pression amoindrie dans le petit marché d’Atlanta.
Trae Young, l’évolution
Comme déjà évoqué, les deux grandes forces de Young sont les suivantes. Un shoot d’une précision létale et très longue distance, ainsi qu’une véritable faculté de créateur à même de trouver des lignes de passes très compliquées.
Si le joueur affichait un atroce 39,2 d’eFG% en novembre dernier, il est monté en régime tout au long de la saison avant de littéralement exploser aux yeux de la NBA. Car s’il a su trouver un peu de mesure dans le déclenchement de ses tirs longues distances, il a également retrouver le chemin des filets. En redevenant une menace de loin, il ouvre des espaces pour ses coéquipiers, mais également pour lui-même.
Au cours de la saison, Trae a donc réduit le nombre de tirs éloignés de la ligne des 3pts. Ainsi, il évolue plus régulièrement entre 7m32 et 8 mètres, là où il abusait des shoots entre 8m40 et 9m50 en début de saison. Il a également trouvé de l’assurance dans son tir. On le voit, de fait, prendre plus de tirs en rythme, bien qu’il n’hésite pas à dégainer très tôt dans les possessions.
A cette heure, + de 50% de ses tirs à 3 points sont autour des 8m20. Or il ne tire qu’à 33%, à peine de cette distance, soit un point de plus que la moyenne de la ligue. Cette tendance s’est réduite mais reste, probablement, trop élevée. Un travail qui devra être effectué avec le temps, sans dénaturer le joueur.
D’autant qu’il est capable de destabiliser une distance lorsqu’il met dedans.
Véritable casse-tête pour l’adversaire à distance, Young est un joueur qui peut très vite enchaîner les tirs. A la manière d’un Stephen Curry, il oblige les défenses à être sans cesse sur le qui-vive. Entre sa précision et la vitesse phénoménale de déclenchement de son tir, il peut sanctionner de manière très rapide. Comme sur cette séquence, par exemple :
Les Hawks forcent un switch, permettant à Young de se retrouver face à un intérieur. Ce dernier est obligé de laisser un espace pour ne pas se faire déborder sur un drive. Suffisamment d’espace pour Young qui plante directement à 3pts. Malgré les immenses compas de Wood.
Qu’en est-il en dehors du shoot, néanmoins ?
Young est un joueur très vif, qui peut déborder ses adversaires. En revanche, il manque, comme précedemment évoqué de puissance et de coffre pour finir facilement au contact. Il a ainsi fait, comme d’autres meneurs avant lui de son floater une arme de premier choix à la finition.
Le meneur est toutefois conscient que les meilleurs pourcentages au tir se font dans la raquette, zone qu’il essaie d’attaquer et dans laquelle il essaie d’être extrêmement physique. Un aspect de son jeu qu’il doit encore développer à ce jour. Souvent rattrapé par la patrouille, il est un des joueurs les plus contrés de la NBA dans cette zone, et plus globalement, il est dans le 8eme percentile de la NBA (soit très bas) en terme de pourcentage de réussite dans la peinture.
Néanmoins, cette volonté d’aller au contact lui permet de scorer. Il profite très bien des mismatchs face à des intérieurs pour aller dans la raquette et obtenir des lancers. Un autre aspect déterminant pour devenir un bon attaquant. En effet, il sait, au besoin, prendre l’adversaire de vitesse mais aussi utiliser ses épaules pour absorber les contacts et obtenir des fautes quand le besoin s’en fait sentir. Alors certes, il devra prendre en masse pour mieux encaisser les chocs et finir au contact, mais l’envie est présente. Il est par ailleurs très fiable dans l’exercice des lancers-francs : 82,1%.
En outre, il profite de sa bonne vision pour attaquer les bons espaces et sait utiliser les opportunités offertes par ses coéquipiers.
Mais si un aspect du jeu de Young en fait un excellent attaquant, c’est sa vision de jeu et sa faculté à trouver des coéquipiers démarqués. Dôté d’un excellent sens du timing dans ses passes, il n’a de fait aucun problème à compenser sa petite taille, ou, son manque d’envergure dans ce compartiment du jeu. Ici, par exemple, il repère aisément que Collins va feindre un écran pour piquer vers le cercle. La course laisse supposer qu’il va prendre l’écran mais il envoie une passe millimétrée à son intérieur : alley-oop. S’il est capable d’anticiper ces situations, c’est grâce à un QI basket élevé qui lui permet de lire les actions très tôt.
Son sens du timing se définit aussi par sa faculté à lire quand faire la passe. Dans l’action suivante, il réalise une passe extrêmement compliquée, mais le fait aussi au meilleur moment. En effet, il attend d’avoir déclenché l’aide de Derrick Rose pour trouver Bembry dans le corner. Les angles de passes qu’il peut trouver sont parfois hardis, mais il est aussi à même de refuser une opportunité pour en trouver une plus rentable.
Ici, il refuse une passe complexe dans le trafic pour trouver Vince Carter ouvert à 3pts.
En revanche, il a tendance lorsqu’il attaque le panier à arrêter son dribble. Une erreur qui le met souvent dans des situations compliquées et arrête le jeu de son équipe. D’autant que lorsqu’il ne le fait pas, il essaie souvent de délivrer des passes en pleine course, générant souvent des pertes de balle. S’il est fiable balle en main, il doit encore progresser dans la gestion de certaines situations. Tout comme il doit, avec les années, devenir plus rigoureux, lui qui a tendance à perdre des possessions en manquant de concentration ou en tentant des passes impossibles.
Enfin, vient la défense. Lors de sa draft, il était craint que Trae Young soit un tel non facteur-défensif, qu’il lui serait impossible d’avoir un impact positif sur son équipe. En quelques sortes, malgré son talent offensif, il serait sur un net rating négatif perpétuel. Difficile de trouver des forces dans cet aspect du jeu du meneur.
Il semble parfois manquer d’implication en se contentant de rester devant un défenseur sans vraiment chercher à le gêner. Une manie qui peut, on l’imagine, être agaçante pour ses coéquipiers, souvent impuissants. De même, il manque de combattivité sur les écrans. Souvent, il ne fait pas l’effort pour passer devant l’écran ce qui ouvre des pull-ups à ses adversaires, ou le pousse à courir après son vis-à-vis.
Face à des slashers, cela n’est pas beaucoup mieux, puisqu’il est souvent débordé sur le premier pas des attaquants adverses. Le soucis, c’est qu’il n’a pas le physique pour se rattraper comme peuvent le faire certains athlètes comme Dennis Smith Jr ou De’Aaron Fox.
Enfin, sa concentration reste quelque chose de très particulier. Régulièrement, il est dépassé par ses adversaires parce qu’il ne semble pas concentré sur son défenseur, ou capable de lire ce qui va se passer. Ce problème de lecture est notamment visible sur les aides, où il est souvent hésitant et finit par ne pas bouger plutôt que s’impliquer dans la défense.
C’est probablement un des pires défenseurs de la NBA à l’heure actuelle. Il est actuellement un poids pour son équipe de ce côté du terrain, reste à savoir s’il saura progresser dans les années à venir.
Quel bilan ?
Trae Young a les armes pour devenir un attaquant de premier plan dans les années à venir. Shooteur redoutable, excellent playmaker, il est un danger de tous les instants. Sa présence est une menace qui créée des opportunités pour ses coéquipiers et tout porte à croire, qu’il saura, tirer profit de ses atouts. Avant le 15 décembre, il affichait 46,2% d’efficacité globale, contre 57,2 après cette date.
Depuis le All-Star Break (ASB), il est même passé à 59,7%. En terme de statistiques brutes, il tourne à 25,7pts et 9passes. Si ce genre de productions peuvent être trompeuses, il n’est pas inutile de préciser qu’on parle ici d’un joueur qui a tout juste 20 ans. Il pourrait conclure la saison sur ce rythme, faisant des Hawks une équipe d’ores-et-déjà intriguante de par son duo avec John Collins.
Par ailleurs, si les Hawks avaient un net rating désastreux avec le meneur sur le parquet en début de saison (-15,2), la donne a changé. En effet, depuis le ASB, les Hawks ont un net rating positif +2,2, prouvant qu’il est possible de profiter de son rendement offensif tout en le cachant en défense.
Si ce dernier arrive à réaliser quelques progrés défensifs, tout en tirant parti de son potentiel, alors les Hawks pourront monter une équipe rapidement redoutable. Atlanta n’est pas encore une équipe construite pour être compétitive et arrive pourtant déjà à gêner plusieurs bonnes formations. Dans un groupe renforcé et qui pourrait arriver à maturité, nul doute que Trae Young est une pièce majeure pour le futur.
D’autant que son jeu possède encore beaucoup de défauts qui peuvent être gommés dans les mois et années à venir. La reconstruction des Atlanta Hawks, semble, en bonne route et entre de bonnes mains avec ce jeune meneur.