La semaine dernière, le Grec Giannis Antetokounmpo a été élu meilleur joueur de la saison régulière (MVP) 2018-2019. Un succès retentissant pour le joueur de Milwaukee, manifestement ému lors de son discours. Antetokounmpo est donc devenu le trente-quatrième joueur différent à inscrire son nom au palmarès du tant convoité MVP. Il prend la suite de James Harden, qui figurait à nouveau dans les débats cette année. Mieux, il marche désormais dans les pas d’immenses légendes du basket, telles que Kareem Abdul-Jabbar, Michael Jordan, LeBron James et autres Larry Bird. Ce que l’on oublie (trop) fréquemment, c’est que d’autres joueurs, moins connus, moins médiatisés, figurent également au panthéon des meilleurs joueurs d’une saison régulière. Pour ce second volet, mettons un coup de projecteur sur deux autres légendes souvent oubliées.
Bob McAdoo en 1975
La ligne statistique : 34,5 points, 14,1 rebonds, 2,2 passes décisives, 1,1 interception, 2,1 contres à 51,2 % au tir en 82 rencontres.
Le bilan collectif : 3ème de la conférence Est avec les Buffalo Braves, avec 49 victoires pour 33 défaites.
Bob McAdoo, c’est l’histoire d’un homme pressé. S’il ne semble pas particulièrement être “militant quotidien de l’inhumanité”, sa carrière NBA a décollé à une vitesse incroyable. Drafté en seconde position en 1972, derrière LaRue Martin (first pick pouvant, plus ou moins, être comparé à Kwame Brown en termes de performances), McAdoo intègre les rangs d’une toute jeune franchise : les Buffalo Braves, ancêtre des Los Angeles Clippers. Les Braves, créés en 1970, viennent de terminer deux saisons compliquées, avec à chaque fois 22 victoires au compteur.
Elle ne le savait peut-être pas, mais en ce 10 avril 1972, la franchise du lac Érié a drafté ce qui sera la pièce maitresse de son dispositif cinq saisons durant. Costaud pour son époque (2m06 pour la centaine de kilos), Bob McAdoo est immédiatement propulsé en tant que titulaire dans la raquette des Braves, avec un succès immédiat. Largement élu rookie de la saison 1972 – 1973, celle qui a vu Dave Cowens être sacré MVP, Bob McAdoo va exploiter son talent de manière exponentielle.
Si les statistiques individuelles de l’ami Bob (18 points, 9,1 rebonds à 45,2 % au tir) étaient énormes pour un rookie, elles n’ont eu absolument aucun impact sur le bilan collectif des Braves, avant-derniers de la conférence Est avec 21 petites victoires. Les choses n’allaient pas tarder à changer. Dans un roster équilibré, mais dont il était l’unique star, McAdoo et les Braves vont doubler leur nombre de victoires en saison régulière, pour découvrir les playoffs en 1974.
Mieux encore, celui qu’on surnomme “Doo”, ou “Mac”, va terminer la saison régulière en tant que meilleur scoreur, avec un moyenne qui dépasse les 30 points (30,6 points, 15,1 rebonds à 55 % au tir). Une ligne statistique et une influence sur les résultats collectifs qui mèneront Bob McAdoo sur la seconde place du podium du MVP, où il a fait mieux que donner de sueurs froides à Kareem Abdul-Jabbar, s’il-vous-plait.
Dans un top 5 qui fleure bon la légende sous-estimée, Bob McAdoo vient de prendre rendez-vous avec l’avenir. Avec l’avenir immédiat, même.
En effet, alors même que cela semblait extrêmement complexe, le pivot des Braves va, à nouveau, réaliser une saison régulière dantesque … en mieux. 34,5 points, 14,1 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres, à 51 % et en 82 rencontres. La liste des accomplissements individuels de McAdoo peut donner des vertiges : meilleur scoreur, rebondeur le plus prolifique, meilleur win share (17,8), offensive win share (12,7) de la Ligue. Le tout, il est vrai, en étant celui qui a passé le plus de temps sur les parquets en moyenne (43,2 minutes en moyenne par rencontre).
Alors que les deux joueurs présentés dans le premier volet de cette mini-série brillaient plus par leur faculté de rebondeur que celle de scoreur, Bob McAdoo parvient à assembler les deux. Exit les 13,8 points de moyenne de Wes Unseld, McAdoo marche dans les pas des légendes du scoring, et se retrouve aujourd’hui dans un groupe restreint avec Wilt Chamberlain, Rick Barry, Kareem Abdul-Jabbar, Tiny Archibald, Michael Jordan, Kobe Bryant et James Harden, celui des joueurs ayant marqué au moins 34 points de moyenne sur une même saison.
Nous avons eu l’occasion de l’évoquer, dans le cadre du vote du MVP, les années 1970 ne font pas forcément la part belle aux statistiques individuelles. Le bilan collectif de la franchise est – à tout le moins – pris en compte de manière égale. Et tant mieux pour notre Bob national, puisque les Buffalo Braves vont réaliser une saison 1974 – 1975 absolument convaincante, en terminant troisième de la conférence Ouest, avec 49 victoires. Meilleur bilan de l’Histoire de la franchise, qui propulse McAdoo en tant que l’un des favoris pour le trophée de meilleur joueur de la saison régulière.
La concurrence : Comme souvent dans cette décennie décidément très incertaine, elle est composée d’un groupe de trois à cinq joueurs. La régularité est ici récompensée, puisque ce sont globalement les mêmes joueurs qui avaient performé leur de la saison précédente.
- Dave Cowens : 20,4 points, 14,7 rebonds, 4,6 passes décisives, 1,3 interception, 1,1 contre à 47,5 % au tir. Évolue sous les couleurs des Boston Celtics, premier de la conférence Est avec 60 victoires et 22 défaites.
- Elvin Hayes : 23 points, 12,2 rebonds, 2,5 passes décisives, 1,9 interception, 2,3 contres à 44,3 % au tir. Évolue sous les couleurs des Washington Bullets, deuxième de la conférence Ouest avec 60 victoires et 22 défaites.
- Rick Barry : 30,6 points, 5,7 rebonds, 6,2 passes décisives, 2,9 interceptions, 0,4 contre à 46,4 % au tir. Évolue sous les couleurs des Golden State Warriors, futurs champions, premier de la conférence Ouest avec 48 victoires et 34 défaites.
- Kareem Abdul-Jabbar : 30 points, 14 rebonds, 4,1 passes décisives, 1 interception, 3,3 contres à 51,3 % au tir. Évolue sous les couleurs des Milwaukee Bucks, septième de la conférence Ouest avec 38 victoires et 44 défaites.
L’indécision aurait pu être totale. Cowens, en route pour un second titre, ainsi qu’Elvin Hayes, ont pour eux l’excellent bilan collectif de leur franchise respective. Rick Barry et Bob McAdoo constituent un deuxième groupe, celui des joueurs aux statistiques lunaires et au bilan collectif très correct. Kareem Abdul-Jabbar, quant à lui, risque fort de pâtir de la mauvaise saison des Bucks.
Et alors qu’on semblait se diriger vers une lutte à quatre pour le trophée Marcel Podoloff, il n’y aura nul besoin de photo finish pour proclamer le vainqueur. Bob McAdoo récolte 81 et 193 voix attribuées à la première place, pour devenir le premier – et unique encore aujourd’hui – joueur à être élu MVP avec le maillot des Braves / Clippers.
La relation entre le trophée de MVP et Bob McAdoo va se poursuivre encore quelques années. Il squattera à nouveau le podium en 1976 (saison où il finira pour la troisième année consécutive meilleur scoreur de la Ligue), en terminant second à 16 petits points de l’inusable Kareem Abdul-Jabbar. Pour information, cet écart de 16 points est le plus petit jamais enregistré dans le cadre du vote du MVP, ex-aequo avec celui de 1977, dont nous parlerons ci-dessous. Enfin, McAdoo fera une dernière incursion dans ce classement en 1978, à la dixième place.
Il va donc sans dire que dans une décennie où le turn-over semble être la norme (seuls les Celtics ont remporté plus d’un titre entre 1970 et 1979), et où seul Kareem Abdul-Jabbar est parvenu à s’élever un Roi (quasi) incontesté de la Ligue, la régularité de Bob MacAdoo entre 1972 et 1978 est aussi symbolique de remarquable. Membre du prestigieux Hall-of-fame depuis l’an 2000, le C.V de McAdoo présente cependant une particularité peu enviable. Il est en effet le seul et unique MVP à ne pas figurer dans la liste des 50 greatest de 1996, alors même que certains joueurs, comme Shaquille O’Neal, qui évoluait alors en NBA depuis trois saison et demi, y furent conviés.
Si McAdoo ira remporter deux titres NBA avec les Lakers au début de la décennie 1980, sa fin de carrière en Europe ne reflète pas l’immense joueur qu’il fut. Et s’il est trop souvent oublié de certains débats (MVP, pivot …), il convient à mon sens de rappeler que parmi les étoiles que la NBA a connues, Bob McAdoo en fut une brillante, bien que filante.
En somme, le genre de joueur qui exauce les vœux, que ce soit ceux de son coach ou ceux des supporters.
Bill Walton en 1977
La ligne statistique : 18,9 points, 12,6 rebonds, 4,8 passes décisives, 0,8 interception, 2,7 contres à 52,2 % au tir en 58 rencontres.
Le bilan collectif : 1er de la conférence Ouest avec les Portland Trailblazers, avec 58 victoires pour 24 défaites.
La carrière de Bill Walton pourrait faire l’objet d’un What If, si ce bon @ValWhatif venait à se pencher dessus. Un peu à l’instar de celle de Bob McAdoo, la carrière de Walton s’est terminée prématurément, bien que pour des raisons différentes.
Avant de brièvement évoquer cette douloureuse fin de carrière, revenons sur le parcours de Bill Walton, le géant roux qui a remporté le titre de MVP en 1977. Il faut avoir à l’esprit que lorsqu’il entre dans la Grande Ligue, sélectionné en première position de la Draft 1974 par les Portland Trailblazers, Bill Walton est déjà connu de tous.
Le bonhomme s’est en effet mieux qu’illustrer lors de son époque universitaire, en permettant à sa faculté, UCLA, de remporter le titre NCAA deux années consécutives (1972 et 1973). Lors de sa seconde finale, Walton réussira une performance encore aujourd’hui appelée “la perfectionne”. Tout est dans le titre. Le pivot de l’université californienne va détruire la raquette de la fac de Memphis State : 44 points, 13 rebonds en 33 minutes, à 95,5 % de réussite au tir (21/22) ! Par la même occasion, il dépasse le record de points scorés en finale du tournoi NCAA, détenu jusqu’alors par Gail Goodrich (42 points en 1965).
Lorsqu’il se présente à la Draft 1974, Bill Walton sait donc qu’il n’attendra pas longtemps avant d’entendre son nom être appelé. Il tombera au sein d’une équipe de Portland en pleine construction, puisqu’à l’instar des Buffalo Braves, la franchise de l’Oregon a été créée en 1970, avec, pour meilleur résultat, une saison régulière à 29 victoires.
Quand bien même il ne fut pas nommé rookie de l’année (le titre reviendra à Jamaal Wilkes) malgré un gros double-double de moyenne (12,8 points et 12,6 rebonds), la présence de Walton dans la raquette des Blazers va avoir un effet immédiat sur les résultats de la franchise : +11 victoires lors de la saison 1974 – 1975. Pourtant, les premiers signes de blessures apparaissent déjà, et la saison de Walton sera écourtée en raison d’une douleur au pied gauche.
C’est là que le bât blesse. La carrière entière du joueur sera émaillée par des blessures récurrentes à ce pied. Elles le priveront de trois saisons complètes, alors que Walton aurait dû être en plein dans son prime (à 26, 28 et 29 ans). Avant 33 ans, jamais il ne jouera plus de 67 rencontres de saison régulière. Et quand bien même le corps du garçon était manifestement trop fébrile pour le sport de haut niveau, son talent et sa persévérance vont le mener au sommet de la Ligue.
Au final, le talent de Walton ne sera pleinement exploité que deux saisons. Ce sera un véritable feu d’artifice.
La première d’entre-elle, en 1976 – 1977, sera la plus aboutie, aussi bien individuellement que collectivement. Individuellement, Walton termine meilleur rebondeur et meilleur contreur de la Ligue, avant de se voir remettre le trophée Bill Russell du MVP des finales. Puisqu’effectivement, collectivement, les Blazers iront remporter le seul et unique titre de leur Histoire. Une saison très fournie pour Bill Walton, qui terminera second au vote du MVP de la saison régulière, derrière … Kareem Abdul-Jabbar, bien entendu.
La seconde, en 1977 – 1978, permettra à Bill Walton d’asseoir sa domination sur la NBA. A l’instar de l’année 1975 et du sacre de Bob McAdoo, Bill Walton faisait office de favori pour le trophée 1978, sans pour autant qu’on puisse dire qu’il était LE favori indiscutable. Présentons rapidement la concurrence.
La concurrence : En cette fin de saison 1978, on remarque un passage de témoin, entre les anciennes gloires qui squattaient le top 5 du MVP depuis quelques années, et les jeunes pousses qui, petit à petit, prennent le contrôle de la Ligue. Un seul joueur de la “vieille génération” reste, encore et toujours, dans la discussion du MVP. Inutile de le nommer, nous en avons déjà que trop parlé ici. Pour les plus étourdis, voici ses initiales : KA-J.
- George Gervin : 27,2 points, 5,1 rebonds, 3,7 passes décisives, 1,7 interception, 1,3 contre. Évolue sous les couleurs des San Antonio Spurs, deuxième de la conférence Est (oui oui, Est) avec 52 victoires et 30 défaites.
- David Thompson : 27,2 points, 4,9 rebonds, 4,5 passes décisives, 1,2 interception, 1,2 contre. Évolue sous les couleurs des Denver Nuggets, deuxième de la conférence Ouest avec 48 victoires et 32 défaites.
- Kareem Abdul-Jabbar : 25,8 points, 12,9 rebonds, 4,3 passes décisives, 1,7 interception, 3 contres. Évolue sous les couleurs des Los Angeles Lakers, cinquième de la conférence Ouest avec 45 victoires et 37 défaites.
- Walter Davis : 24,2 points, 6 rebonds, 3,4 passes décisives, 3,4 interceptions, 1,4 contre. Évolue sous les couleurs des Phoenix Suns, troisième de la conférence Ouest avec 49 victoires et 33 défaites.
Prime est donc à la jeunesse. Walton et Gervin ont 25 ans en cette saison 1977 – 1978, tandis que Walter Davis n’est alors qu’un rookie de 23 ans (rookie de l’année, vous vous en doutez bien). Abdul-Jabbar, du haut de ses 30 ans, fait presque figure de momie.
Bill Walton possède pour lui l’excellent bilan des Blazers, à l’instar de George Gervin. Toutefois, derrière les 58 victoires de Portland se cache une histoire qui n’est pas racontée par les chiffres bruts. En effet, les Blazers ont vécu deux saisons en une. La première durera 60 rencontres, et fut quasi-intégralement disputée par Bill Walton, franchise player par excellence (58 des 60 premières rencontres). Résultat ? Un bilan hallucinant de 50 victoires pour 10 petites défaites. L’impact du Roux sur le jeu de sa franchise fera dire à Jack Ramsey, son coach :
“Bill Russell était un fabuleux contreur. Wilt Chamberlain était un incroyable joueur offensif. Mais Walton est capable de faire les deux”.
Walton se blessera malheureusement au pied, encore une fois. En son absence, les Blazers perdront quatorze des vingt-deux dernières rencontres de leur saison. Soit un bilan collectif de 83,3 % de victoire avec Walton et 36,4 % de victoire sans lui. Le jour et la nuit, qui a clairement fait pencher le vote du MVP du côté de Walton, quand bien même ses statistiques individuelles ne le plaçaient pas spécialement au-dessus des concurrents précités.
Le vote reste tout de même serré, puisque 15,5 points séparent Walton de son plus proche poursuivant, George Gervin. Un écart minime, qui permet tout de même à Bill Walton de rentrer dans le cercle (très) fermé des joueurs ayant remporté le titre de MVP et celui de MVP des finales. Il y côtoie notamment Michael Jordan, LeBron James ou encore Shaquille O’Neal, rien que ça.
Nous l’avons dit, la fin de carrière de Bill Walton sera un peu moins glorieuse. La faute aux blessures, finalement trop nombreuses. Au total, Walton ne jouera que 44 % des rencontres de saisons régulières auxquelles il aurait pu prendre part. Il remportera un second titre en 1986 avec les Celtics de Bird, saison au cours de laquelle il remportera sa dernière distinction individuelle : le titre de sixième homme de l’année. A ce jour, il est le seul joueur, avec James Harden, à avoir été élu MVP et meilleur sixième homme. Ironiquement, le nom de Bill Walton est plus souvent affilié à l’armada des Celtics de 1986 qu’à ses exploits de la fin des années 1970.
Voilà qui permet de conclure ces deux articles consacrés à quatre joueurs de légende, qui ont reçu l’une des plus hautes distinctions individuelles, alors même que l’on en parle quasiment jamais. Des joueurs qui ont marqué l’Histoire de la NBA sans avoir les projecteurs braqués sur la tête. Des joueurs dont la carrière, souvent méconnue, reste un terreau fertile pour tout amateur d’écriture.
Mentions honorables : Si c’est bien la décennie 1970 qui a couronné le plus de joueurs oubliés, d’autres immenses stars ont décroché un titre de MVP qui n’est pas forcément resté dans les mémoires collectives. Citons rapidement ici, pour leur rendre hommage, le titre de Julius Erving en 1981, ceux de son coéquipier Moses Malone (trois titres tout de même ! En 1979, 1982 et 1983) ou encore celui de Kevin Garnett en 2004.