Le 20 juin dernier, alors que l’attention de la planète basket était concentrée sur la draft de Zion Williamson par les Pelicans, ceux-ci en ont profité pour repêcher une autre pépite : Nickeil Alexander-Walker. Le canadien de 21 ans, issu de l’université Virginia Tech, est le cousin de Shai Gilgious-Alexander. Dès ses premières actions de Summer League, il montre une aisance balle en main, une compréhension avancée du jeu, et par-dessus le marché, un excellent shoot en sortie de dribble, notamment à trois points. Arme privilégiée du jeu moderne, le tir en sortie de dribble à trois points est à lui seul une raison de drafter un joueur dans le top 10, à l’image des Bulls avec leur rookie Coby White. Un tel atout chez ce jeune joueur, qui n’avait apparemment pas été remarqué par les autres équipes, laisse envisager un potentiel sans limites pour Nickeil Alexander-Walker (NAW pour les intimes, sous réserve qu’un meilleur surnom lui soit trouvé), ainsi qu’un potentiel impact immédiat.
Pourtant les débuts de NAW chez les Pelicans ont été loin de ses promesses de l’été et de présaison. Tournant actuellement à 5 points à 28% au shoot dont 29% à trois points, 3 passes décisives et 2 rebonds pour 13 minutes de jeu par match, il peine à convaincre en ce début de saison régulière. Alors qu’il était appelé à faire partie intégrante de la rotation, il n’est désormais plus utilisé qu’avec une grande parcimonie, et dans le garbage time. Quel joueur est Nickeil Alexander-Walker ? Ses promesses de Summer League étaient-elles un mirage ? Quelle place a-t-il dans l’avenir des Pelicans ?
Le shoot
Le shoot de Nickeil était la raison qui nous a poussés, nous les (rares) fans des Pelicans à s’enthousiasmer sur ce joueur. Ça, et sa performance sur « A thousand miles » lors de la présentation des rookies au Smoothie King Center.
Nickeil Alexander-Walker singing ‘A Thousand Miles’ in front of the crowd 😂
(via @PelicansNBA)pic.twitter.com/BkqPLu0AH5
— Bleacher Report NBA (@BR_NBA) October 6, 2019
Sa mécanique est rapide, et, à la manière d’un D’Angelo Russell, il parvient à amener très rapidement la balle dans sa pocket shot depuis son dribble, ce qui lui permet de transiter rapidement vers son tir. Il n’altère pas sa mécanique quand il est défendu, et parvient à shooter systématiquement au-dessus de son vis-à-vis. Son élévation est parfaitement verticale, et sa prise d’appui plutôt propre. Il tire donc rarement en déséquilibre, et gagne ainsi en régularité. Compte tenu de son volume de shoot, et du fait qu’il prenne plusieurs tirs par match en sortie de dribble, il semble être un excellent shooteur. Seule sa main gauche semble un peu hors de contrôle après avoir relâché le ballon, mais nombre d’excellents shooteurs avaient une main faible au mouvement peu conventionnel lorsqu’ils artillaient, à la manière d’un Reggie Miller. Il est donc difficile d’évaluer l’impact de ce réflexe sur sa réussite.
En plus d’une très bonne mécanique, NAW parvient systématiquement à se créer de l’espace grâce à une panoplie de step-backs largement inspirée de celle de James Harden. Cette combinaison meurtrière d’un très bon shoot en sortie de dribble et d’une capacité à se créer de l’espace était ce qui laissait rêveur à l’issue de la summer league, puis de la présaison. Elle est l’atout de la plupart des meilleurs scoreurs de la ligue : James Harden, Stephen Curry, Kawhi Leonard, ou encore Lou Williams.
Ici, Nickeil arrive à créer énormément de distance avec ce step-back.
Porzingis ne respecte pas son shoot, NAW punit !
Cependant, le mirage d’un attaquant d’élite s’est dissipé dès le début de la saison régulière avec un cruel 1/10 au shoot lors de son premier match. Prendre 10 tirs compte tenu de sa place dans la rotation était déjà ambitieux, mais cette adresse catastrophique laisse craindre le pire : et si cette réussite insolente de Summer League n’était finalement que le fruit de la chance, et si NAW n’était en fait pas un potentiel starter NBA ? Une attention particulière à ces 10 tirs permet de comprendre qu’un tel volume n’était pas forcément injustifié : plusieurs tirs ouverts, des step-backs qu’il rentrait avec aisance par le passé, des tirs à la suite de longs rebonds. De plus, beaucoup de ces tirs ratés étaient des gamelles ; un raté, certes, mais proche de rentrer dans l’arceau. Il n’a pourtant pas retrouvé son adresse depuis, ce qui s’explique probablement pas une perte de confiance dans son tir. C’est d’autant plus surprenant que Nickeil joue avec une confiance affolante, et ne semble jamais effrayé par l’instant. Ses deux saisons NCAA, à près de 38% de moyenne à 3pts, laissent penser que c’est l’explication la plus rationnelle, et seul le temps permettra de savoir dans quelle mesure il sera capable de transposer ce tir en NBA.
La pénétration
Athlète modeste, NAW a des difficultés à effacer son défenseur en un contre un. Il est souvent contraint de prendre un tir difficile, ou de passer la gonfle après avoir tricoté quelques précieuses secondes face à son vis-à-vis. S’il maîtrise parfaitement le step-back, il n’arrive pas encore à utiliser ses capacités de dribble pour déséquilibrer son adversaire, et enchainer sur une pénétration. Tant que son shoot ne sera pas craint et respecté par ses défenseurs, il aura du mal à attaquer le cercle. De plus, avec 35% de réussite sur ses lay-ups, sa finition sous le cercle est catastrophique. Ce manque d’adresse est notamment dû à son déficit physique actuel. Plus long que large, il se fait balloter par les défenseurs près du panier, et n’arrive pas à utiliser la verticalité pour mettre de l’espace entre le protecteur d’arceau et lui. Nickeil tente donc des finitions compliquées, qu’il sera peut-être à même de réussir dans les prochaines années. Une progression physique et technique pourrait lui permettre de devenir un finisseur correct. Sans cet atout, son plafond risque d’être sévèrement limité. Il lui faudra aussi s’adapter aux protecteurs de cercle NBA, plus athlétiques et moins naïfs.
Malgré un écran qui met son défenseur légèrement en retard, Nickeil ne parvient pas à dépasser son défenseur. Grâce à une mauvaise rotation de la défense adverse, il sert Ingram pour un trois-points ouvert.
NAW n’arrive pas à créer de l’espace, et se fait contrer par Draymond Green
Afin de progresser en pénétration, NAW doit aussi apprendre à chercher le contact, plutôt que de le fuir. Il provoque pour l’instant très peu de fautes, ce qui l’empêche de compenser ses finitions moyennes avec des lancers francs. Un renforcement physique devrait lui permettre de moins exploser au contact, et donc d’aller chercher plus de fautes.
Ici, Nickeil s’empale complètement sur la défense et explose au contact
Le playmaking
Si nous en avions aperçu des flashs en summer league, c’est clairement dans ce début de saison que Nickeil Alexander-Walker s’est affirmé en tant que bon playmaker. Bien qu’il ne soit pas capable de créer un décalage à partir de rien, à la manière des meilleurs passeurs de la ligue, il peut punir des décalages qu’il a préalablement créé, ou accentuer des retards de la défense. S’il semble aimanté par le ballon tant qu’il ne l’a pas en sa possession, il n’a aucun mal à partager la gonfle une fois qu’elle est passée entre ses mains. NAW joue la tête levée, et, du haut de ses 1m96 lit plutôt bien les défenses adverses. Il trouve les coupes depuis le périmètre et sert les artilleurs lorsqu’il pénètre. Il a parfois du mal à atteindre sa cible précisément, ce qui peut couter des pertes de balles, ou donner à la défense le temps de se replacer, mais ce défaut devrait être corrigé avec le temps.
NAW pénètre, et ressort d’une passe rapide vers Moore. La lecture est bonne, mais la passe devra être dans les mains du shooteur à l’avenir pour que NAW devienne un playmaker d’élite.
Nickeil sert Josh Hart sur la remise en jeu d’une passe bien sentie avec rebond.
Là où NAW excelle en création, c’est sur pick and roll. Comme nous l’avons vu précédemment, ses capacités athlétiques modestes l’empêchent de créer des différences par lui-même. Cependant, sa roublardise lui permet d’utiliser le moindre décalage afin de plonger vers le panier tout en contrôle ; le pick and roll est ce décalage dont il a besoin. Il lui suffit d’un roll-man moyen pour offrir des caviars à son big man. Il est déjà capable de servir l’intérieur à l’aide de pocket pass particulièrement habiles, sur sa droite et sa gauche. Il peut aussi servir le roll man à l’aide d’un lob, si l’intérieur adverse se montre agressif sur lui. Avec un athlète d’exception comme Jaxson Hayes, qui peut aller chercher des lobs au plafond, c’est l’assurance de points faciles à tous les matchs. En duo avec le rookie star des Pels, Zion Williamson, il est difficile de voir quelle défense pourra les arrêter. Seules les limites de NAW à la finition sous le cercle restent un obstacle à ce qu’il devienne un joueur de pick and roll élite.
Nickeil sait que Okafor n’est pas un grand athlète, il lui sert la balle dans les mains d’une passe laser avec rebond pour punir l’edge d’Ibaka
Mauvaise lecture de l’équipe de G-League de Golden State, et Nickeil sait que Jaxson Hayes pourra aller chercher la balle très haut : alley-oop depuis la Grande Ourse.
Attaque off ball
Dans les premiers affrontements de la saison, Nickeil avait tendance à aller chercher la balle dès qu’il était sur le terrain. S’il ne l’obtenait pas immédiatement, il se contentait de continuer à la demander, ou flottait derrière la ligne à trois points.
Suite à un probable recadrage du coaching staff, NAW s’est mis à être plus actif. Dans un système qui prône le mouvement loin du ballon, que les Pelicans galèrent pour l’instant à mettre en place, Nickeil s’est montré très intéressant par séquences. Une activité off ball en attaque pourrait lui permettre, à l’image d’un Kyle Lowry, de fluidifier significativement l’attaque de son équipe. Compte tenu de son profil, il est peu probable qu’il se développe en tant que bon cutter, et son équipe compte déjà plusieurs excellents cutters (Lonzo Ball, JJ Redick, Josh Hart, Kenrich Williams). Il serait donc plus intéressant pour lui et pour son équipe qu’il développe une capacité à poser des écrans non porteurs afin de libérer ces joueurs pour des coupes et des tirs ouverts, d’autant plus qu’il semble avoir le QI basket pour le faire !
Dans cette séquence du premier match de la saison, soit Nickeil est passif, soit il cherche à récupérer la balle. L’action se termine par un mauvais shoot : précipité, défendu, au buzzer.
NAW pose un écran non-porteur pour offrir à Nicolo Melli un tir ouvert à trois points (finalement refusé, car Melli avait un pied sur la ligne).
Rebond
À cause de son manque de qualités athlétiques, NAW n’est pas un rebondeur d’exception pour son poste. Il déserte fréquemment la peinture pour jouer la transition en raison des consignes en ce sens d’Alvin Gentry. Pourtant, sa compréhension du jeu lui permet souvent d’être au bon endroit au bon moment. Son maigre temps de jeu ne permet pas encore d’évaluer son impact au rebond, mais il est certain que son impact lorsqu’il attrape un rebond a beaucoup de valeur. Ses capacités de passeurs lui permettent, dans un système où ses coéquipiers se projettent vers l’avant, de lancer l’attaque avant que la défense n’ait le temps de se replier, créant ainsi des transitions et semi-transitions.
Nickeil prend le rebond et lance la transition d’une délicate passe à une main. Le décalage est fait, layup.
Défense
En défense, Nickeil est appliqué sur l’homme, mais encore une fois pêche souvent par manque de qualités athlétiques et de volume physique. Malgré ses 2,07 mètres d’envergure, son manque de vivacité et son style conservateur, qui vise avant tout à ne pas se faire dépasser par l’attaquant, limitent ses chances d’interception. Il n’est pas non plus prompt à se jeter entre les lignes de passes. Cela pourrait témoigner soit d’une bonne connaissance de ses limites physiques, soit d’un manque de compréhension du jeu dans son ensemble (un taux d’interceptions élevé peut parfois témoigner d’une compréhension supérieure du jeu), et peut-être des deux à la fois. Dans le cas de Nickeil, je pense que c’est plus lié à ses capacités physiques, car lorsqu’il lit une mauvaise passe qu’il a le temps d’intercepter, il va chercher la balle. Dans l’optique de ne pas se faire dépasser, il concède également de l’espace à son attaquant, qui peut en profiter pour lui shooter sur la tête.
Les difficultés de NAW sur l’homme ne sont pas dues à un manque d’effort. Sur l’homme, il est appliqué, et se bas (souvent sans succès) pour traverser l’écran.
Ici, il cherche à tout prix à limiter la pénétration face à un joueur plus rapide. Il y parvient grâce à sa longueur, mais Monk parvient à rentrer le floater contesté
Nickeil a le temps de réagir, il fait la bonne lecture et va chercher ce sauvetage de Norman Powell.
NAW est incapable de traverser les écrans à cause de son manque de puissance, et se retrouve systématiquement en retard. S’il ne corrige pas ce défaut, il pourrait devenir la cible privilégiée des attaques sur pick and roll, et avoir un impact très négatif sur la défense de son équipe. En transition, ses limites physiques le font parfois ressembler à un plot, et contrairement à d’autres aspects de sa défense, c’est une difficulté que je l’imagine mal dépasser.
Nickeil s’empale complètement sur l’écran. CP3 profite alors d’un mismatch très favorable pour offrir un corner 3 ouvert à son équipe.
Suite à une perte de balle, NAW tente de défendre la transition, mais il est clairement limité dans ce genre de situations.
Il est encore difficile d’évaluer sa capacité à défendre loin du ballon, car les schémas défensifs des Pelicans poussent les joueurs à flotter relativement loin de leurs vis-à-vis. Ces schémas douteux font des Pelicans la moins bonne défense de la ligue, et de loin. L’avenir nous dira dans quelle mesure ces lacunes défensives sont dues aux joueurs ou au système.
Conclusion
NAW est donc un joueur intriguant, dont le potentiel laisse rêver à un titulaire crédible au poste de meneur dans une équipe de playoff. Pour que ce fantasme des fans des Pelicans se réalise, il faudra avant tout que son tir revienne. Ensuite, une prise de masse maitrisée lui permettra de développer toute une partie de son jeu qu’il ne parvient pour l’instant pas à exploiter, notamment à la finition sous le panier et en défense.
Une énigme subsiste. Jusqu’alors, il ne s’est illustré que face à des joueurs de niveau moindre : en summer league, en présaison, ou dans le garbage time face à des fins de rotation, notamment face à Golden State. Or, les meilleurs prospects sont souvent ceux qui parviennent à transposer immédiatement leurs capacités au niveau supérieur. Est-ce donc un joueur condamné à dominer en G-League, ou sera-t-il capable de transposer son jeu au meilleur niveau ?