On a tous en tête une période de notre vie où le karma s’est déchaîné sur notre pauvre petite personne. On est persuadé de porter tout le poids de l’infamie de l’humanité sur nos épaules. Parfois on peut retracer le chemin qui nous a amené au fond du trou, parfois pas.
Kenny Atkinson est dans la pire situation ; il peut facilement remonter le fil de son éviction du vestiaire, volontaire ou pas, des Nets, et, en même temps, il sait parfaitement que c’était sans doute inexorable.
Dans une situation merdique, il y a plusieurs phases et plusieurs ingrédients.
Il y a des phases où la route est plane, où elle penche légèrement vers l’avant ou l’arrière, où elle grimpe ou penche fortement vers l’avant et enfin les phases où on racle le fond de la vase.
L’ascension : l’écolage de coaching
Meneur d’1m85, Kenneth, de son véritable prénom, termine sa carrière à Nantes en 2004. Après diverses expériences US, il s’était rabattu sur le vieux continent et avait bien l’intention d’en explorer un morceau. Entre 1995 et 2004, Atkinson va connaître 13 changements de club dont 2 passages à Nantes. C’était un genre d’Isaiah Thomas avant l’heure.
Le coaching, il aimait manifestement ça. Il prend, dès 2004, une place sur le banc du Paris Basket Racing en tant qu’assistant coach jusqu’en 2006.
En 2008, il fait son retour dans la maison mère. Et pas dans n’importe quelle franchise, puisque ce sont les New York Knicks qui l’accueillent pendant 4 ans comme assistant. Melo, Rasheed Wallace, Jeremy Lin, Eddy Curry, Darko Milicic, Zach Randolph … On peut dire qu’Atkinson a vu défiler toutes sortes de personnalités. Ce sont les années Mike D’Antoni et… Disons que ce n’est pas simple tous les jours. Il part au même moment que la Moustache en direction des Atlanta Hawks où une nouvelle génération va bâtir sa légende.
Coaché par Larry Drew, puis très vite repris par Mike Budenholzer, les faucons vont gravir les paliers de progression, avec comme point d’orgue la saison 2014-2015 terminée avec un bilan de 60W-22L, devant Cleveland (qui a retrouvé LeBron).
Ils passent les Nets et les Wizards avant de prendre 4-0 contre les Cavs. Cela deviendra malheureusement récurrent puisque les Hawks perdront sur le même score l’année suivante après avoir éliminé les Celtics.
Atkinson partira à la fin de cette saison juste avant le grand exode de la maison Géorgienne.
La pente vers les abîmes : l’arrivée aux Nets
En 2013, les Nets envoient Gerald Wallace, Kris Humphries, Tornike Shengelia, Reggie Evans, Keith Bogans et surtout leur first picks de 2014, 2016 et 2018 plus la possibilité de swap leur pick en 2017 contre Kevin Garnett, Paul Pierce et Jason Terry. Le braquage est total, Billy King est le roi des pigeons (peut-être même l’Empereur) et l’avenir de Brooklyn est noir.
En 2016, l’heure du ménage a sonné, Billy s’en va et est remplacé par Sean Marks, qui fait de Kenny Atkinson son coach et là… Tout va mal. La saison est bouclée avec un bilan de 20 victoires pour 62 défaites, Brooklyn est bon dernier de la conférence Est. Pire encore, cette dernière place n’est récompensée que par un 57è choix de draft, le pick du premier tour appartenant à Boston… qui sélectionnera Jayson Tatum. Seum over 8000 !
La traversée des tréfonds : la construction prend du temps
La saison suivante est un peu meilleure, 28 victoires et 54 défaites. Bon, il n’y a pas encore de quoi racheter un pot de Pento pour faire péter la coupe de beau gosse, mais Kenny Atkinson essaye de mettre en place ses idées, et le jeu des Nets s’améliore.
L’équipe aura pris double tarif grâce à Billy, tant sur le plan sportif que sur celui de l’image renvoyée par la franchise et pour tous les fans de Brooklyn. On préfère parler de Notorious BIG que des Nets lorsque l’on évoque “l’autre franchise de New York”. Heureusement, le voisin new-yorkais n’est pas plus à la fête, mais bon, ça, on a l’habitude.
La remontée : Testé positif
Ca y est ! A l’issue de la saison 2018 – 2019, non seulement les Nets sont en positifs (42W-40L) mais ils finissent 6ème de conférence et vont enfin regoûter à la post season. Les Sixers sont en face et les Nets n’ont rien à perdre. Surfant sur cette idée, ils prennent le 1er match au Wells Fargo center (111-102) avec un D’Angelo Russell à 26 points. La suite respectera la logique du classement avec 4 victoires pour Philadelphie.
Mais Brooklyn va mieux et récupère un peu de hype.
Là où Atkinson et son staff ont été particulièrement bons c’est dans le développement des joueurs. Les aider à atteindre leurs pleins potentiels : on pense à Dinwiddie, LeVert, Joe Harris, Allen et même D-Lo qui sortait sans doute d’une expérience frustrante et qui a dû passer des paillettes d’Hollywood Boulevard à la froideur d’Atlantic Avenue mais il en est sorti grandi et doit certainement une partie de sa reconstruction à Kenny Atkinson.
Il a également su développé un jeu positif basé sur une bonne organisation collective tant en attaque qu’en dféfense
La nouvelle route : autoroute pour l’enfer
La vie est faite de cycle et on voit régulièrement les mêmes choses se reproduire. Brooklyn vient de prouver à la NBA qu’on peut même y arriver en 6 ans.
Eté 2019, blindé de cap, les Nets signent Kyrie Irving, l’enfant du pays et Kevin Durant l’enfant de p…wowwowwow j’ai failli déraper.
Bref Brooklyn recapitalise sur les stars. Pas au point d’envoyer ses picks et la moitié de l’effectif pour trois joueurs en fin de course. Sur papier les Nets roulent des mécaniques, surtout que les Knicks semblaient certain de leur pouvoir d’attraction.
On pense les Nets partis pour une saison de « transition » dans le sens où le cas Durant était connu et qu’on savait que Kyrie n’allait pas dépasser les 40 matchs mais là on en est à 20 matchs de Kyrie en noir et blanc.
La rechute : la fin de Kenny
C’est donc ce 7 mars que la tête de Kenneth Neil Atkinson a touché la terre plate.
Après avoir mangé le pain noir des Nets, il semblait l’un des plus legit à pouvoir croquer à pleine dent dans le pain blanc qui semblait se profiler mais non…
Il a du faire avec les moyens du bord quand l’équipe était dans un merdier qu’il n’avait pas instauré, il a aidé à tout nettoyer et, à peine la tâche finie, il dégage. Pourquoi ? Parce que la star a dit que ? Parce qu’on ne croit pas en lui ? Parce qu’il a demandé à partir ? Parce qu’un mélange de tout ça ?
« La star a dit que… ». Voilà une phrase qui est de plus en plus irritante ; elle est la sœur trisomique du fameux « it’s the business ». Une star qui râle, c’est une star qui veut partir, et une star qui part, c’est ta franchise qui est remise en question : moins de vente de maillots, moins de burgers, moins de coca… Que les stars remettent en cause leurs contrats passe encore mais quand cela à des conséquences sur ceux des autres membres de l’équipe là on est dans le délire mégalo.
Le point pivot de tout ceci semble être la présence sur le banc de DeAndre Jordan, qui avait signé à l’été pour jouer avec ses copains et visiblement pas pour les Nets. On peut cacher tout son ego derrière un grand sourire et une prétendue cool attitude mais à un moment donné enough is enough. D’autres soucis ont été remonté mais rien qui ne ressemble au quotidien d’un vestiaire NBA. Personnellement, je reste convaincu que les problèmes de stars ont pesé bien plus lourd que le rôle de Dinwiddie
Le mythe d’Uncle Drew ne cesse de prendre des grandes claques dans la tronche depuis les finales 2016 gagnées contre les Warriors. Une fin en clash aux Cavs, un passage éclair plein de fausses promesses à Boston et une arrivée en fanfare à Brooklyn tout ça pour faire virer un vrai coach et voir arriver les rumeurs Tyronn Lue. Tout comme son jeu flashy peut montrer assez vite ses limites, le rôle de leader semble lui être promis mais ses limites de comportement l’empêchent de devenir ce qu’il aimerait être
Si les joueurs ne sont pas responsables à 100%, ils ont pu donner un aperçu à Atkinson de ce à quoi pourrait ressembler une année de coaching avec eux et sans doute le conforter dans son choix de ne pas vouloir continuer sa mission. Il n’est pas le premier coach à avoir des conflits avec des joueurs que ce soit sur leurs rôles, la tactique globale ou l’ambiance générale.
Qui a provoqué les différentes rencontres ? Quelles ont été les étapes de tout ceci ? On ne saura probablement pas exactement ce qu’il s’est passé mais il y a fort à parier que vu les gros changements, Sean Marks a voulu monitorer de près le pouls du coach et des joueurs. Pour savoir comment Kenny envisageait la suite et surtout s’il se sentait l’homme de la situation.
Sur ce point, on peut le voir dans deux sens. Premièrement, l’aspect apte à mener une troupe de joueurs vers les sommets. Deuxièmement, l’aspect pouvoir exercer son métier en ayant pas à devoir se justifier en permanence de ce qu’on fait vis-à-vis des joueurs mais aussi de la presse et la fan base. Au final, savoir qui a voulu partir est un détail qui a sa petite importance sur son ego et/ou l’image qu’on veut donner à la ligue pour la suite de sa carrière. Cela vaut pour les joueurs mais aussi pour un coach ou un GM.
Ainsi on peut voir Kenny comme quelqu’un de lucide ou un lâche et chacun se fera son opinion mais je regrette vraiment le fait qu’on aura pas l’occasion de le voir à la tête d’un roster taillé pour aller loin, dommage.
Kenny, l’histoire n’est pas finie
Heureusement, le mot reconstruction est à la mode depuis quelques années en NBA et si certains semblent enfin avoir trouvé chaussure à leur pied (Phoenix par exemple) certains seraient peut-être tentés de jeter un billet (Sixers par exemple) pour sonder Atkinson. Certains vont voir leur coach partir vers les meilleurs celliers…
D’autres ont carrément déjà sorti le chéquier (Bulls ou Knicks par exemple) et l’ami gominé ne devrait pas avoir de mal à retrouver du travail rapidement mais aura-t-il l’envie de reprendre à zéro si vite ? Dans un projet moins sexy ? Rien n’est moins sur mais c’est tout le mal que je lui souhaite.
Kenny Atkinson a fait un choix et les Nets n’avaient pas vraiment d’autres choix. Ca aurait pu peut-être une pure story NBA, dommage.