Enfin, nous y sommes. Houston vs OKC. CP3 vs Westbrook. A l’aube de cette saison 2019 – 2020, les fans de basketball rêvaient de deux séries : une finale de conférence entre les deux franchises de LA, et les retrouvailles entre les hommes de Donovan et ceux de D’Antoni. Mais pour beaucoup, ce n’était qu’une utopie, tant l’effectif d’OKC semblait construit par défaut. Cependant, tels des revenants, les troupes de Chris Paul sont bien là pour venir jouer un mauvais tour au duo Brodie-Beard. Laquelle de ces deux équipes s’en ira défier les Lakers (ou Blazers) au second tour des playoffs ? Décryptage !
Le bilan des saisons
Au delà des espérances. S’il fallait définir l’exercice du Thunder en une expression, celle-ci semble leur aller comme un gant. Après un été plus que mouvementé, ayant vu Sam Presti et son front-office désosser l’effectif contre des tonnes d’assets, personne n’attendait OKC à ce niveau. Les voir dans la course au 8è spot de l’Ouest était déjà peu courant parmi les classements pullulant sur la toile mi-septembre, alors les voir lutter pour l’avantage du terrain après 70 matchs joués ? Même le plus beau des rêves de Billy Donovan ne semblait pas si ambitieux.
Et pourtant. 44 victoires et 28 défaites plus tard, positionné en quatrième position de l’Ouest, devant des écuries redoutables et attendues comme le Jazz ou les Blazers, OKC résiste, et fait même mieux, en ne pointant qu’à deux petites victoire des Nuggets, troisième. L’effectif, qui paraissait programmé pour simplement faire l’intérim s’est avéré plus cohérent que beaucoup d’autres au sein de cette ligue.
En effet, si l’on regarde de plus près ce roster, que ce soit qualitativement ou quantitativement, il semble bien complet : de l’expérience avec des joueurs expérimentés revanchards (Adams, Gallinari, Schroder), des jeunes ne demandant que du temps de jeu pour s’exprimer (Diallo, Ferguson, Dort, Bazley) et, surtout, deux excellents ball handler, rentrant chacun dans l’une des deux catégories précitées : CP3 et Shai Gilgeous-Alexander. Le premier, All-Star pour la dixième fois de sa carrière, tournera en 17-6,7-5, tandis que le second, après une saison rookie encourageante, régalera en inscrivant plus de 19 points de moyenne (cf le superbe article de notre très cher collègue @Schoepfer68 : Shai Georgous Alexander ). Duo inattendu, mais tellement plaisant !
Donovan, possédant l’un, si ce n’est le meilleur point guard sur demi-terrain de la ligue prend alors la décision (plutôt logique) de ralentir le jeu, défendre très fort et laisser CP3 faire le travail de l’autre côté du terrain. Le Thunder fini alors 7è rating défensif de la ligue et 22è au classement de la PACE (nombre de possessions par rencontre). On peut dire que le système fût plutôt bien appliqué, et que cela a excellemment fonctionné.
Mais le plus significatif de cette saison si particulière pour les fans d’OKC est l’excellente performance de la franchise dans le clutch time. Lorsque les matchs sont serrés, c’est à dire lorsqu’il y a 5 points d’écarts ou moins à l’entame des 5 dernières minutes de la rencontre, Chris Paul et ses troupes gagnent souvent, très souvent. Sur 44 matchs entrant dans ces critères, 30 se concluront par la win (68%), soit le troisième meilleur bilan de la ligue, à quelques encablures du Jazz et des Bucks. Vous l’aurez donc compris, le Thunder n’est pas à prendre à la légère, et si cette cinquième place retentit comme un exploit, il faudra batailler pour les envoyer en vacances.
Face à eux, l’une des équipes les plus médiatisés de cette saison (à juste titre) : les Rockets de Houston. Si l’on devait également choisir un terme pour définir l’exercice des Texans, le terme “attendu” parait adapté. En effet, si l’été fut mouvementé à OKC, ce fût bien parce que Daryl Morey a encore fait des siennes. Juste avant d’envoyer un petit missile air-sol sur les relations diplomatiques entre les USA et la Chine, le GM a de nouveau été impliqué dans un échange mastodonte. Out CP3, welcome Russell Westbrook.
Le backcourt alors constitué de l’ex duo-Thunder Harden-Brodie apparait comme l’un, si ce n’est le meilleur sur le papier. Des titres de MVP, de meilleur scoreur, des triples doubles et des matchs à 50-60 points à la pelle. Qui dit gros noms sur le papier, dit énormes attentes. Et le démarrage fût, comment dire… en demi-teinte. Même si le bilan n’est pas inquiétant, la façon de jouer laisse à désirer. Dans l’esprit populaire, le match (ou plutôt le non-match) à Miami en ce 3 novembre a laissé des traces.
Houston est l’avant dernier de la ligue en nombre de passes décisives par équipe (OKC sont quant à eux une petite place au dessus). Le style de jeu des Rockets, que certains considèrent comme stéréotypé, est, sur le papier assez simple à expliquer : pick and roll débouchant sur un trois point, ou isolation pour l’un des deux guards, amenant soit une pénétration soit un shoot de derrière la ligne (les fameux step-back d’Harden). Westbrook a également amené beaucoup de relances rapides, dynamitant comme à son habitude le jeu de son équipe : cela se traduit par la deuxième Pace de la ligue. Un changement en soit radical puisqu’avec la paire Paul-Harden, les Rockets trônaient à la 27eme place. Autrement dit, Houston passait d’une des équipes les plus lentes de la ligue, à l’une des plus rapides.
Vous l’avez donc bien compris et vu tout au long de cette saison, Houston shoot beaucoup, beaucoup à 3 points. Sans grande surprise, ils sont premiers de la ligue dans cet exercice. Et cela s’est encore accentué au cours de la saison, lorsque Clint Capela fût envoyé aux Hawks dans un trade incluant quatre franchises, laissant la place au poste de pivot à…Robert Covington. Ou PJ Tucker, comme vous préférez.
Mais cela fonctionne plutôt bien, statistiquement parlant. Une sixième place au rating offensif, et un bilan correct de 44 victoires pour 28 défaites, les plaçant quatrièmes de la conférence.
Mais avec Houston, le bilan compte (peut-être?) un peu moins que pour le Thunder. Les deux monstres occupant les postes 1 et 2 peuvent décanter tellement de situations individuellement parlant, qu’en s’appuyant simplement sur leurs bonnes formes, la série peut tourner.
Les deux, comme d’habitude, sortent des énormes saisons statistiques : plus de 34 points, 6 rebonds et 7 passes pour le barbu, 27 points, quasiment 8 rebonds et 7 passes pour Westbrook. Ce dernier semble même se renouveler, s’adaptant petit à petit à son coéquipier, comme vous l’explique @JeremyQiBasket : vers le nouveau Westbrook ?
Peu de choses à dire sur la bulle des deux équipes. Harden a fait des siennes, les franchises se ménageaient, rien de sensationnel à se mettre sous la dent. Seul hic côté Houston, la blessure d’un certain RW, mais nous auront l’occasion d’en reparler.
Sur le papier, cette confrontation est donc plus qu’alléchante. Et nous réserve surement de nombreuses surprises.
Les matchs-up clés
Le duo Westbrook-Harden vs le trio Schroder-Paul-SGA
La première interrogation sur cette série concerne la santé de Russell Westbrook. Le numéro 0 texan va manquer le début de l’affrontement, touché au quadriceps. Cette absence aura une grosse influence, tant le Brodie peut être la clé pour déverrouiller la défense du Thunder. Face à un Harden esseulé, le trio de guards d’OKC pourra se relayer afin de l’épuiser et de “réduire” son impact. Il sera trappé dans de nombreuses situations, laissant potentiellement Danuel House ou Robert Covington ouverts. De plus, il y a de fortes chances qu’il soit ciblé défensivement par Chris Paul. Et dieu sait comment CP3 est fort lorsqu’il s’agit d’exploiter les faiblesses adverses.
Il sera surement remplacé dans le 5 par Eric Gordon. Moins physique que Westbrook, il aura du mal à tenir SGA qui lui rend 6 centimètres. La non-présence sur le banc du sixième homme attitré des Rockets laissera un boulevard à Schroder, qui, se régalant déjà depuis le début de la saison, n’en demandait pas tant. Vous vous en doutez, les rotations ne seront pas effectués de façon si binaires par les deux coachs, mais l’absence plus ou moins longue de Westbrook aura un réel impact sur la série.
Par ailleurs, il sera intéressant de voir ce que donnera le trio du Thunder dans les fins de rencontres. En effet, lorsqu’ils sont alignés ensemble, ils possèdent le meilleur net rating de la ligue (+29,7 !). S’il est compliqué pour Donovan de les aligner ensemble toute la rencontre, ils peuvent en revanche faire sauter le verrou de n’importe quelle équipe grâce à leur création et leur mobilité. Il sera en revanche intéressant de voir comme ce trio s’adapte face à une équipe très small-ball comme les Rockets.
Steven Adams vs… personne?
Si le premier point est clairement à l’avantage d’OKC car une blessure n’est jamais avantageuse, ce système ultra small-ball peut réellement faire les affaires de Houston. Adams (ou son back-up Nerlens Noel) sera opposé à PJ Tucker, ou Covington dans de moindres mesures selon les situations. Les deux texans mesurent respectivement 196 et 201cm, tandis que le kiwi pointe à 211cm. L’écart est donc conséquent.
Malgré ce différentiel de taille, Tucker me semble avantagé : nous l’avons déjà vu être très fort lorsqu’il s’agissait de défendre poste bas un adversaire bien plus grand que lui. Toujours bien placé pour provoquer les fautes offensives du pivot sur pick and roll, ayant toujours les mains actives, il arrivera à contenir Steven Adams. Mais la réciproque n’est pas vrai. Caché dans son corner, le néo-pivot de Houston va obliger Adams à sortir de sa zone de prédilection, le mettant à mal. Même si celui-ci n’est pas dans la forme de sa vie au shoot (35%, moins bon pourcentage depuis 2016 – 2017), il reste une menace non négligeable. Si Adams reste dans la peinture, il aura de nombreuses opportunités. A contrario, si Adams sort sur lui, les deux MVP se feront un plaisir d’entrer dans cette raquette grande ouverte.
L’adresse
Cela peut paraitre simple dit comme cela, mais ça revêt une importance capitale. Houston est malheureusement connu pour ses trous d’airs, qui leur ont couté un titre une place en NBA Finals il y a maintenant deux ans. Reposant essentiellement sur le tir longue distance (39% de leurs points) et ayant banni le mid-range (3,7%), les shoots seront bien obligés de tomber dedans si Houston veut accéder aux demis finales de conférence. Cependant, cela ne sera pas une mince affaire. En effet, Dort, Ferguson et consort ont un système défensif permettant de combler énormément de brèches, donnant très peu d’accès à 3 points à leurs opposants. Ils sont la troisième équipe faisant shooter le moins bien leurs adversaires derrière l’arc, laissant seulement 34% des tentatives transpercer leur panier. Seuls les Lakers et Celtics font mieux. Les fusées ont donc du soucis à se faire, sachant qu’ils ne sont simplement que la 24è équipe au pourcentage de shoot longue distance inscrit.
Contrairement à eux, le Thunder est “peu” adepte des shoots à trois points (28,9% de leurs points, 27è franchise) et beaucoup plus des opportunités mi-distances (11,7%, 5ème franchise). 7è meilleur pourcentage au FG global, la franchise est beaucoup plus flexible en terme de stratégie offensive, pouvant jouer sur différents tableaux. Mais la flexibilité, tout le monde le sait, ce n’est pas le point fort de Mike D’Antoni.
A quoi s’attendre ?
Comme précisé lors du bilan des saisons, ce duel sera une claire opposition de style. D’un côté, le déroutant show des Rockets, reposant entièrement sur les deux guards Hall Of Famer. De l’autre, le collectif huilé du Thunder, avec notamment 4 joueurs au dessus des 17 points par rencontre.
Le tempo sera l’élément clé des rencontres. Qui de James Harden ou de Chris Paul le gérera le mieux et imposera le rythme idéal pour ses coéquipiers, mettant alors à mal la défense adverse ? Au vue de leurs prestations passées en post-season et de leurs expériences communes, le meneur d’OKC est plus à même de gérer ses situations. Lors des matchs importants, la vitesse du jeu ralentit d’elle-même, et avoir celui que l’on surnomme le Point God comme général en chef dans ces instants chauds peut faire la différence. Mais d’un autre côté, un one-to-punch aussi létal que Harden-Westbrook est difficilement défendable, même pour un effectif aussi fourni en jeunes athlétiques qu’Oklahoma.
Les premières rencontres seront alors déterminantes. Sans le Brodie, accélérateur de jeu par nature, OKC doit saisir sa chance. Les différentes ailes se neutraliseront, Gallo et Dort répondant à House Jr, McLemore et Covington et tout reposera sur Harden. Si celui-ci se sort des pièges défensifs proposés par Donovan et trouve ses partenaires démarqués dans les corners, la situation sera rapidement critique pour le Thunder. Cependant, si The Beard retombe dans ses travers d’antan, avec des isolations trop forcées et un jeu trop statique ne permettant pas à ses coéquipiers de se mettre en jambes, la tache sera plus ardue.
Le retour de Westbrook va rapidement devenir un calvaire pour les hommes du Thunder. Depuis le trade impliquant Capela et Covington, Westbrook pénètre beaucoup plus, profitant énormément des espaces créés par le fer à cheval des Rockets.
Cette série est assez paradoxale. L’équipe la plus attendue et sous pression est sans aucun doute la franchise texane, mais le résultat de ce duel aura bien plus d’impact sur le roster de Sam Presti que sur celui de Morey. En effet, même si les Rockets sont attendus au tournant, les deux superstars sont signées sur plusieurs années, ne laissant que des possibilités de mouvements sur les joueurs de compléments. Le seul qui devrait quitter le navire est notre ami D’Antoni, pressenti sur le départ depuis quelques mois.
De l’autre côté, le Thunder jouera sans pression, ou du moins, avec beaucoup moins d’attentes que Houston. Mais cette série peut avoir un énorme impact sur l’intersaison de la franchise. Si certains joueurs font bonne figure et que la franchise de l’Oklahoma élimine les Rockets, deux possibilités s’offrent au front-office : continuer avec la même ossature, ce qui semblait encore inimaginable il y a quelques mois, ou rester sur cette position d’obtention d’assets et profiter de la haute côte des joueurs pour les trader. On attend donc beaucoup des performances de Schroder, Adams et Gallinari sur cette confrontation.
Vous l’avez donc compris, nous ne sommes pas au bout de nos surprises et le duel pourrait avoir un impact bien plus profond qu’une simple élimination au premier tour de playoffs.
Calendrier
Game 1 : mardi 18 août, 00h30.
Game 2 : jeudi 20 août, 21h30.
Game 3 : samedi 22 août, 00h.
Game 4 : lundi 24 août, 22h.
Game 5 (si besoin) : mercredi 26 août, horaire à définir.
Game 6 (si besoin) : vendredi 28 août, horaire à définir.
Game 7 (si besoin) : dimanche 30 août, horaire à définir.
Pronostic
Houston Rockets 4 – 2 OKC Thunder
Cette série sera peut être la plus serrée du first round. Elle l’est du moins sur le papier, en concurrence avec le Jazz – Nuggets. Malgré la blessure de Wesbrook et l’effectif profond quantitativement du Thunder, Houston a un argument en sa faveur non négligeable que nous n’avons que peu évoqué : James Harden. Sur son nuage depuis plusieurs saisons, le meilleur scoreur de la saison sait se sortir des trapes mis en place par les défenses adverses, libérant ainsi ses coéquipiers de tout marquage. Russell saura très bien en profiter comme il l’a prouvé depuis le départ de Capela.
En partant du principe que Russell Westbrook manquera simplement le début de la série (une ou deux rencontres), il est difficile de voir le Thunder tenir le rythme. Malgré des joueurs expérimentés, il y a encore trop de jeunes pousses à polir. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’un “Gallo game” ou de plusieurs clutchs moments de CP3 !
Une victoire en 6 pour Houston parait être le pronostic moyen de toute la rédaction. Il sera difficile de se défaire de ce Thunder, mais les Rockets, à grands coups de pénétrations westbrookienne et de shoots Hardenesques devraient y arriver !
Rendez-vous donc mardi pour le début de la confrontation. Messieurs, régalez-nous !