Mike Conley échangé à Utah, Gasol célébrant son titre de champion avec Toronto, le chantier à Memphis était titanesque en sortie de saison 2018-2019. Il fallait repartir à zéro avec peu de certitudes, peu de promesses mais un mince espoir… qui sera matérialisé par la prise de pouvoir de Zach Kleiman aux commandes du navire.
Un heureux hasard et des trades intelligents verront arriver à Beale Street un certain Ja Morant, héros de Murray State drafté en seconde position, ainsi que Brandon Clarke, l’ailier-fort de Gonzaga et son profil unique. A cela vient s’ajouter un rajeunissement conséquent de l’effectif, des paris sur l’avenir mais surtout la prolongation du joueur le plus régulier de la fin de saison : Jonas Valanciunas. Mais le plus grand pari de la franchise fut sans conteste l’embauche de Taylor Jenkins au poste de d’head coach, l’ancien assistant de Mike Buldenhozer se retrouvant avec un effectif, une alchimie et une identité à créer.
Le début de saison ? Une entrée en matière compliquée, une défense inconstante, une attaque en manque de repères… Jusqu’à ce soir du 28 octobre 2019, où les Grizzlies remontent un écart de 39 points, portés par le duo Morant-Valanciunas, et terrassent les Nets de Kyrie Irving, débloquant enfin le compteur de victoires. La saison sera riche en émotions, Memphis passant du fameux Grit’n’Grind historique de la franchise à une attaque typique d’un ancien assistant de Budenholzer qu’est Jenkins : un rythme élevé, et une attaque concentrée sur l’accès à la raquette et le sacrosaint tir à 3pts.
Les victoires sont certes maigres, mais le groupe progresse : Valanciunas étoffe sa palette offensive et fournit inlassablement son 20/10 chaque soir, Dillon Brooks s’affirme de plus en plus comme joker offensif et Morant, encore timide, prend ses marques au fur et à mesure de ses tentatives d’assassinats de pivots à chaque dunk. Coach Jenkins aborde le mois de décembre avec un bilan de 6 victoires pour 14 défaites, logique mais frustrant. Surtout, il annonce avoir identifié les faiblesses tactiques de son effectif, et plutôt qu’accabler son cinq majeur, va piocher les solutions dans sa second unit.
Jones, Melton, Clarke, Jackson (Josh) vont ainsi être responsabilisés, voir leur temps de jeu augmenter et, avec leur agressivité, complémentarité et athlétisme, ces derniers vont combler les brèches du système de jeu de Memphis. La PACE (le rythme) augmente encore, les stops défensifs se multiplient, les bancs adverses craquent et les Grizzlies concluent décembre avec un bilan de 18 victoires pour 22 défaites, se rapprochant d’une place en playoffs inespérée et inattendue.
La suite ? Un run en janvier qui ramène la franchise dans un bilan positif, une série de blessures qui empêche l’effectif d’être à 100%, le trade d’Iguodala, Crowder et Solomon Hill, et l’arrivée de Justise Winslow dans le Tennessee. Malgré les obstacles, la peau du grizzli vaut chère, et il ne compte pas lâcher sa place en playoffs. Carte blanche est donnée au trio Morant-Brooks-Valanciunas, qui portent toujours plus un effectif combattif, mais limité. Les apports du Hustle (la franchise de G-League affiliée à Memphis) comblent comme ils le peuvent les faiblesses criantes du roster, à l’image d’un John Konchar devenu coqueluche dans le Tennessee avec sa bonne défense et son apport au rebond. L’effectif est en surrégime, les blessures de plus en plus nombreuses et la pandémie causée par le COVID-19 offre finalement un répit inespéré qui va permettre de reposer les cadres du groupe.
Commence alors un mano à mano avec la franchise concurrente de Portland, également meurtrie par la malchance et les blessures, mais portée par un Damian Lillard stratosphérique. Memphis a un maigre espoir, perd Tyus Jones, mais voit Jaren Jackson Jr conclure sa saison en boulet de canon : 3pts, contres, rebonds, Triple J est au four et au moulin et semble enfin avoir trouvé la solution pour ne plus être en foul trouble… Avant de rejoindre, lui aussi, une infirmerie déjà bondée.
La bataille pour la 8è place s’achèvera sur une défaite amère, 122-126, dans un match à haute tension marqué par un jeu haché, des isolations nombreuses et un Ja Morant encore trop jeune pour pouvoir tenir la dragée haute à Damian Lillard et les siens. Memphis, en bon grizzli, tombe les armes à la main et clôture sa saison avec de nombreux espoirs, un groupe jeune, et des décisions à prendre dans une free agency atypique : le front-office va-t-il se reposer sur ses acquis ? Comment combler les faiblesses sans sacrifier sa flexibilité financière ?
In & out : le point sur le roster
Ils ont quitté l’équipe : Dusty Hannahs (Grèce), Josh Jackson (Detroit ), Jarrod Uthoff (New Orleans ), Yuta Watanabe (Toronto),
Ils ont rejoint l’équipe : Desmond Bane (via draft – TCU, NCAA), Sean McDermott (two-way contract – Butler, NCAA), Jontay Porter (non-drafté en 2019 ), Killian Tillie (two-way contract – Gonzaga, NCAA ), Xavier Tillman (via draft – Michigan State, NCAA), Jahlil Tripp (Pacific, NCAA).
Le roster à ce jour :
Meneurs : Tyus Jones, De’Anthiony Melton, Ja Morant,
Arrières : Grayson Allen, Desmond Bane, Dillon Brooks, Marko Guduric,
Ailiers : Kyle Anderson, Mario Hezonja, John Konchar, Sean McDermott, Justise Winslow,
Ailiers-forts : Brandon Clarke, Jaren Jackson Jr, Jontay Porter, Kilian Tillie,
Pivots : Gorgui Dieng, Xavier Tillman, Jonas Valanciunas.
Les tendances de l’automne
One for the money, two for the show
Le general manager Zach Kleiman aborde la draft 2020 sans pick au premier tour mais avec des besoins conséquents. Memphis a cruellement besoin de combler le départ de Jae Crowder et Solomon Hill (et dans une moindre mesure la disparition de Josh Jackson). Sur le frontcourt, le trio Jaren Jackson Jr, Brandon Clarke et Jonas Valanciunas est prometteur, jeune mais Memphis ne peut décemment compter sur Gorgui Dieng et Anthony Tolliver en sortie de banc sur toute la longueur d’une saison.
Les besoins sont donc identifiés : de la défense, du shoot, des qualités athlétiques. Autant de besoins qui seront comblés en une série de trade via les sélections à la draft de Desmond Bane et Xavier Tillman, dont les profils collent parfaitement à l’ADN de ces Grizzlies next gen. Le même soir, Killian Tillie et Sean McDermott décrocheront les deux contrats two way de la franchise, qui leur permettront de venir prêter main forte aux Grizzlies si besoin est.
A l’ouverture de la free agency, D’Anthony Melton voit sa combativité et son hustle être récompensés via un contrat de 35 millions sur 4 ans. Jontay Porter (le frère de Michael, arrivé blessé en cours de saison) et John Konchar seront également signés sur plusieurs années pour compléter le projet de développement de la franchise (avec respectivement 6 millions sur 3 ans, et 9 millions sur 4 ans). Memphis conclue sa free agency rapidement, garde de la flexibilité financière pour l’été 2021 et a préservé son corps de jeunes joueurs tout en le renforçant sur les postes d’ailier et pivot. On est pas loin du perfect.
Focus sur la saison 2020-21 des Grizzlies
Bataille sur le poste d’ailier titulaire
En scène, 4 protagonistes : Justise Winslow, Kyle Anderson, Desmond Bane et Dillon Brooks. Quatre profils différents, chacun avec des faiblesses marquées : blessures pour les deux premiers, manque d’expérience pour Bane et inconsistance pour Brooks.
Si Winslow part avec un avantage certain grâce à sa polyvalence, coach Jenkins devra rapidement trancher pour recréer la dynamique qui a caractérisé son équipe l’an dernier.
Dillons Brooks est sans conteste le joueur qui doit le plus prouver après un passage dans la bulle contrasté. N’écoutez pas les avis peu éclairés de ceux qui l’ont découvert au mois d’août, durant lequel il était l’une des rares solutions offensives dans un effectif décimé : Brooks est un arrière à la palette offensive très large, qui peut et va peser dans un effectif en manque de scoring. A lui de retrouver son rang.
Desmond Bane sera quant à lui la principale attraction sur le banc de Memphis cette saison. Evoluant sur les postes 2/3, il comble parfaitement les lacunes des Grizzlies sur le papier, via son shoot, sa défense agressives et des fondamentaux très solides. À 22 ans il semble déjà NBA ready… Au point de reléguer Brooks à un rôle de 6è homme à terme ? L’avenir nous le dira.
Jonas Valanciunas : un trade en cours de saison ?
L’intérieur a tout du profil intéressant pour une équipe contender qui voudrait se renforcer en cours de saison. De plus, Valanciunas possède un contrat peu onéreux (14 millions cette année, 15 l’an prochain) au regard du rendement du guerrier lituanien sur le parquet, qui peut sans se fatiguer multiplier les performances à 20pts/10 rebonds. La draft récente de Tillman n’a fait qu’alimenter des rumeurs de plus en plus nombreuses à son sujet. Plus le guerrier de l’Est performera, plus vite son souhait de retrouver une équipe à ambitions se concrétisera : Memphis n’aura plus qu’à prêter l’oreille pour obtenir la meilleure contrepartie possible.
Le fond, la forme, mais pas le résultat
Sur le terrain, que peut-on attendre des Grizzlies et de coach Jenkins ? Nul doute qu’il y aura de la continuité dans ce jeu rapide et agressif développé l’an dernier, avec un Ja Morant encore plus agressif dans sa prise de décision et un Jaren Jackson Jr qui, on l’espère, reviendra au très bon niveau qu’il a su afficher dans la bulle. Le duo Valanciunas/Clarke a le potentiel pour continuer à terroriser les raquettes adverses avec du jeu au poste, une vraie maîtrise du pick and roll, et suffisamment de shoot extérieur pour libérer l’espace pour Jaren Jackson ou Ja Morant.
Dans le jeu, on devrait avoir droit à une PACE élevée, des tirs à 3pts plus nombreux avec un meilleur taux de réussite (avec enfin l’ajout de shooteurs) et, on l’espère, une défense extérieure ENFIN améliorée depuis le départ de l’emblématique Tony Allen. Si Memphis veut exister cette saison, Memphis doit et devra défendre.
Memphis possède sur le papier tous les ingrédients pour jouer ce rôle de poil à gratter dans une conférence Ouest toujours plus relevée. Avec un groupe jeune, talentueux, ils peuvent tenter d’accrocher une place en playoffs. Mais au final, le résultat pourrait être un peu plus décevant que les attentes, et il n’y aurait rien d’illogique pour autant. Au regard des énormes recrutements récents à l’Ouest, où toutes les grosses cylindrées de la conférence se sont renforcées, et où certaines équipes ont clairement changé de statut, Memphis fait figure de petit poucet.
Nul doute que les Grizzlies auront l’occasion de marquer la saison de leur empreinte en réalisant quelques hold-up biens sentis, et en remportant quelques victoires plus accessibles face à des équipes de leur gabarit. C’est là l’ambivalence du cas Memphis : la franchise peut potentiellement gagner plus de matchs que la saison passée, sans pour autant que sa place au classement final s’améliore.. Et il n’y a rien de dramatique là-dedans, bien au contraire.
En résumé, une saison longue, éreintante mais pleine de sensations… Avec un Jaren Jackson MIP ? Hot take !
Au final, quel(s) objectif(s) ?
Viser un spot entre la 10è et 11è place, bien évidemment trop peu pour prétendre à un lottery pick élevé, où à lutter pour une place en play-in. Entre 30 et 35 victoires pour un effectif jeune, qui doit encore se faire les crocs dans une conférence Ouest toujours plus relevée.
Cette saison doit encore servir de transition pour présenter un projet sportif attractif et solide en 2021, avec une free-agency riche en agents libres de haut niveau et une classe de draft à très haut potentiel (à l’heure où nous écrivons cette preview).
L’avis éclairé de @GrizzliesFR
Quels sont tes attentes cette saison ? Un axe de jeu en particulier à suivre ?
Patience et développement. Encore une fois, peu importe que l’on fasse les playoffs, le play-in ou quelconque format voulu par la NBA, l’important sera de noter les progrès de chacun pour répondre à la question du développement de chaque joueur : est-ce chaque joueur du roster peut s’inscrire, à moyen et long terme, comme ayant un réel apport pour des Grizzlies contenders ?
Un joueur à suivre ?
J’ai hâte de découvrir la plus-value que peut enfin apporter Justise Winslow à ce groupe. Arrivé à la deadline en 2020 mais blessé, on l’attend impatiemment sous son nouveau maillot. Il peut être le poste 3 qui permettrait de faire franchir un cap à ce jeune groupe. En dehors de Justise, on a également hâte de suivre l’évolution individuelle de chacun des jeunes : confirmation pour Ja ? fin des doutes sur Jaren ? Brooks plus réfléchi et régulier ? Où se situe le plafond de Brandon Clarke ?
Que penses du fait que la concurrence à l’Ouest se soit fortement renforcée ? Au point de poser le doute sur des joueurs ?
La quasi-totalité des représentants s’est renforcée et en dépit d’une superbe saison écoulée, Memphis reste une équipe en cours de reconstruction. Par ses moves, le front-office a montré qu’il ne sacrifierait pas de pièces pour précipiter un rush, mais qu’il garderait toujours en tête un horizon à long terme. Memphis sera sûrement moins bien placé que l’an dernier avec sa 9è place, mais rien de dramatique puisque l’objectif de la saison est le contenu et non le bilan chiffré brut.
La trade deadline devrait jouer un rôle déterminant, vois-tu Memphis y être actif cette saison ?
Une fois de plus, je ne pense pas qu’on sera force de proposition pour cette deadline… Mais le téléphone ne sera pas bien loin, à mon avis. Si une bonne offre permettant de récupérer un prospect ou du pick se présente, le font-office risque ne pas laisser passer l’occasion. Anderson ? Valanciunas ? Ils sont quelques uns à être potentiellement des monnaies d’échange avec une vraie valeur ajoutée pour des équipes contenders.
Merci d’avoir répondu à nos questions, on vous souhaite une saison tout autant excitante que l’an dernier !