Frustrés par des années de reconstruction bancale ne menant à rien, les Suns ont entrepris des changements salutaires à l’été 2019. La direction a compris que sans un travail de fond sur l’identité même de la franchise, elle continuerait de s’embourber dans la médiocrité et d’empiler les prospects en attendant que la magie opère d’elle-même.
Pour mener à bien ce travail, il fallait des hommes d’expérience à des postes clés, et c’est ainsi que Monty Williams et Ricky Rubio sont entrés en scène. Le premier devait être le garant du projet de jeu, le second devait pallier au déficit de la franchise en termes d’organisation sur le parquet. L’objectif à court terme ? Regagner une crédibilité perdue, retrouver le goût de la victoire et se rassurer, tout simplement.
Durant la période “pré-Covid”, Phoenix a évolué dans des sphères plus élevées que d’habitude. Le bilan comptable était toujours négatif, mais un collectif était indéniablement en train de prendre forme, dans le sillage d’un Devin Booker pleinement libéré par l’arrivée d’un autre playmaker.
Puis vint la parenthèse enchantée de l’été durant laquelle les Suns, derniers invités dans la bulle d’Orlando, ont mis au tapis tous leurs adversaires pour s’offrir 8 victoires consécutives à la surprise générale. De quoi croire, jusqu’au bout, à cette qualification en playoffs qui les fuit depuis 2010.
Il y avait donc un certain niveau d’engouement autour de la franchise à l’amorce de l’intersaison, engouement sur lequel il fallait capitaliser. Au lieu de poursuivre tranquillement sur leur lancée, les Suns ont décidé qu’il était temps pour eux d’appuyer sur l’accélérateur. Et de le faire avec force.
Bienvenue dans une nouvelle dimension.
In & out : le point sur le roster
Ils ont quitté l’équipe : Aron Baynes (Toronto Raptors), Cheick Diallo, Ty Jerome (Oklahoma City Thunder), Frank Kaminsky (Sacramento Kings), Jalen Lecque (Indiana Pacers), Elie Okobo, Kelly Oubre Jr (Golden State Warriors), Ricky Rubio (Minnesota Timberwolves),
Ils ont rejoint l’équipe : Ty-Shon Alexander (two-way), Jae Crowder, Langston Galloway, Damian Jones, E’twaun Moore, Johnathan Motley (contrat de 10 jours), Abdel Nader, Chris Paul, Jalen Smith,
Le roster à ce jour :
Meneurs : Langston Galloway, Chris Paul, Cameron Payne,
Arrières : Ty-Shon Alexander, Devin Booker, Jevon Carter, E’twaun Moore,
Ailiers : Mikal Bridges, Cameron Johnson, Abdel Nader,
Ailiers forts : Jae Crowder, Johnathan Motley, Dario Saric, Jalen Smith,
Pivots : Deandre Ayton, Damian Jones.
Les tendances de l’automne
Dans le jargon, on appelle ça une masterclass.
L’arrivée de Chris Paul dans l’Arizona traduit parfaitement l’état d’esprit actuel de la franchise. Phoenix ne veut pas simplement être une équipe à la lutte pour le play-in tournament, mais redevenir une place forte sur laquelle il faut compter. Le projet ? Profiter de la présence d’un meneur de légende durant deux saisons, faire grandir les jeunes à son contact, et donner à Devin Booker le meilleur supporting cast qu’il n’ait jamais eu. Tout simplement.
Le risque est certain, mais la manœuvre est habile. Le salaire de Paul est mirobolant (41 millions de dollars) et à 35 ans, la moindre blessure peut avoir des conséquences dramatiques. C’est un fait, inutile de le nier. Cependant, Phoenix est parvenu à conserver sa monnaie d’échange la plus convoitée (Mikal Bridges) et n’a pas eu à sacrifier d’atouts sur le moyen terme en dehors d’un tour de draft 2022 – si vous avez soif de détails quant à ce transfert, c’est par ici.
Les départs de Kelly Oubre Jr et Ricky Rubio sont difficiles à encaisser, tant ces deux joueurs ont contribué au retour en grâce des Suns. Faire venir CP3 a un prix, et James Jones était prêt à le payer.
Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas arrêté en si bon chemin. Jevon Carter et Dario Saric, excellents en sortie de banc dans la bulle, ont été prolongés à des prix très corrects. Mais ce sont surtout les signatures de Jae Crowder, Langston Galloway et E’twaun Moore qui viennent mettre la cerise sur le gâteau de cette intersaison. Avec la Mid-Level Exception et des contrats minimum comme seule réserve financière, Jones est allé chercher 3 vétérans aguerris qui correspondent parfaitement aux besoins de l’équipe.
On ne présente plus Crowder, archétype du 3&D par excellence et symbole du nouveau pouvoir d’attraction de ces Suns; en contact avec 14 franchises, le finaliste sortant a choisi de poser ses valises dans l’Arizona, un signal fort. Ses deux compagnons de Free Agency viendront eux apporter du métier et du scoring sur un banc qui en a cruellement besoin. Le tout pour une bouchée de pain.
En l’espace d’un mois, Phoenix a donc ajouté un futur Hall of Famer dans ses rangs, densifié considérablement sa rotation, tout en gardant les visages du futur de la franchise. Que demande le peuple ?
Focus sur la saison 2020-2021 des Suns
Devin Booker dans la meilleure configuration de sa carrière
2020 nous a permis de rester enfermé chez soi sans avoir à se justifier d’avoir un aperçu des dégâts que pouvait générer Devin Booker sur un parquet lorsqu’il était entouré convenablement. Toujours capable d’inscrire 25 points dans son sommeil, l’arrière a encore épuré son jeu pour gagner en efficacité, tout en gérant de mieux en mieux l’équilibre entre scoring pur et playmaking pour ses petits camarades.
Dès lors, son association avec Chris Paul ne peut que faire saliver. A l’image d’un pilote de Formule 1, qui fait ses armes sur une voiture correcte avant de monter dans le meilleur bolide du circuit, Booker, après s’être régalé aux côtés de Rubio, s’apprête à découvrir la crème de la crème des partenaires de backcourt. Plus à même de représenter un danger grâce à son tir, Paul pourrait permettre à Booker de jouer encore plus sans ballon, en profitant de la gravité de son meneur pour se démarquer à l’opposé.
Avec ces deux monstres pour mener la barque et focaliser l’attention de la défense, le reste de l’effectif a tout pour se régaler et on attendra de Monty Williams une organisation collective léchée. Phoenix possède un roster taillé pour le basket de 2020, avec de multiples combinaisons à disposition du coach pour s’adapter à l’opposition. On a de l’ailier capable de sanctionner de loin et de jouer sur plusieurs postes, de l’arrière besogneux qui peut dégainer si l’occasion se présente, du sixième homme très polyvalent en la personne de Dario Saric, du rookie de 2m08 doté d’un bon tir extérieur… et du pivot pétri de talent, qui aura beaucoup de choses à prouver.
Deandre Ayton à la croisée des chemins
Si nous avions à parler franchement, on vous dirait que la saison sophomore de Deandre Ayton a été décevante. Entre ses problèmes extra-sportifs (contrôle positif à un diurétique, test Covid manqué), sa difficulté à dominer les rencontres quand elles s’offrent à lui, et cette nonchalance toujours présente dans son jeu, le chantier pour prouver qu’il peut être le lieutenant idéal de Booker sur le long terme est loin d’être achevé.
Bonne nouvelle pour Dédé, il va bénéficier d’un sacré catalyseur pour sa carrière. Dans une Ligue où le pick and roll est quasiment élevé au statut de religion, pratiquer cet exercice en duo avec Chris Paul constitue l’assurance de recevoir le ballon dans les meilleures conditions possibles soir après soir. De quoi noircir la feuille de temps en temps certes, mais on en attend beaucoup plus. Les qualités du pivot bahaméen ne font aucun doute, reste désormais à savoir si ce contexte exceptionnel lui permettra, enfin, d’enchaîner les performances.
Le travail à accomplir semble être plus mental que technique. On ne crachera pas sur un renforcement de sa palette offensive ou sur une progression en défense, mais on espère surtout que l’homme qui a été drafté devant Luka Doncic trouve en Chris Paul le mentor à même de lui faire passer un cap dans son attitude sur le parquet. Ayton doit être en mesure de peser sur la rencontre et de planter 20 points tous les soirs, point final. Et s’il a besoin de se faire pourrir régulièrement par Paul / Booker / Crowder / Monty Williams / la mascotte pour y parvenir, qu’il en soit ainsi.
Performer en toutes circonstances
Sur le papier, Phoenix a tout ce qu’il faut pour être une équipe redoutable. L’attaque peut rapidement devenir une équation insoluble et la défense possède tous les profils nécessaires pour être un édifice solide, avec plusieurs spécialistes dans ses rangs (Paul, Crowder, Bridges, Carter).
Cependant, il y a toujours l’inconnue majeure des blessures, à laquelle cette équipe est plus exposée que ses concurrentes. Disons les choses comme elles sont, Phoenix aura en permanence une épée de Damoclès au-dessus de la tête, sur laquelle est gravée l’expression “blessure sérieuse de Chris Paul”.
Pour gérer au mieux ce risque, le meneur risque de passer par la case load management à la moindre alerte physique, ou durant les périodes chargées du calendrier. Si les Suns veulent croire aux playoffs, ils devront apprendre à gagner avec leur meneur, évidemment, mais aussi sans lui.
La bonne tenue de l’équipe en l’absence de Paul, sur un match complet ou tout simplement lorsque celui-ci est sur le banc, fera partie des défis majeurs dans le coaching de Monty Williams. La second unit a été drastiquement renforcée, il n’y aura donc pas d’excuse pour justifier des avantages galvaudés ou des titulaires sur les rotules à la mi-saison.
Seul réel créateur en plus de Paul, Devin Booker devrait donc retrouver régulièrement son rôle de “Point Book”, l’idée étant de profiter de la profondeur de l’effectif pour aligner suffisamment de tireurs/défenseurs autour de lui, et le laisser porter la charge de l’animation offensive. Avec le vivier à sa disposition, Williams aura de quoi expérimenter tout un tas de lineups et de rotations. A lui de trouver les bonnes formules pour rendre cette équipe dangereuse sur 48 minutes.
Au final, quel(s) objectif(s) ?
Phoenix doit gagner beaucoup de matchs et se qualifier pour les playoffs, c’est tout. Croire en l’avantage du terrain est osé, mais pas déraisonnable.
A la différence des saisons précédentes, la pression sur les résultats sera immense, et la machine aura intérêt de démarrer très vite. Étant donné le nombre d’équipes en lice pour la postseason à l’Ouest, un retard à l’allumage serait des plus préjudiciables.
Qui dit pression, dit aussi opportunités. Malgré l’incorporation de vétérans de qualité, le trio Cam Johnson-Mikal Bridges-Deandre Ayton jouera un rôle crucial cette année et bénéficiera d’un cadre exceptionnel pour accélérer son développement. Les victoires sont une priorité, mais le moyen terme ne saurait être mis de côté.
James Jones a sublimé les ruines des années précédentes pour bâtir un effectif profond, versatile et équilibré. Un effectif qui doit offrir à cette franchise sa meilleure saison depuis 10 ans. Le message envoyé à Devin Booker est des plus clairs, il est maintenant temps de s’adresser à toute la ligue.
L’avis éclairé, avec @SunsFR
Quel sentiment prédomine suite à cette intersaison 5 étoiles ?
Une ambition affichée de façon assez limpide de la part de la franchise. Bien que l’échantillon très court de l’expérience dans la bulle d’Orlando ne permet pas d’affirmer avec certitude que les Suns vont s’asseoir à la table des grands, ces derniers se sont appuyés dessus comme pitch pour attirer des renforts à l’intersaison. Ce 8-0 a marqué les esprits dans la sphère NBA. Notamment chez les joueurs, les agents libres. Un Hall of Famer comme Chris Paul qui pointe Phoenix comme destination prioritaire à Sam Presti lorsqu’il lui demande où il aimerait être transféré de préférence est un signe très fort. Cela prouve le changement de regard vis à vis d’une franchise qui n’a fait qu’être raillée depuis une dizaine d’années. Son arrivée est aussi une preuve qu’en Arizona, on veut garder Booker et on fera tout pour en tentant de lui offrir les meilleures armes possibles. Paul, Crowder pour la MLE alors que la moitié de la ligue le veut, Moore, Galloway. Ce sont des cibles intelligentes, obtenus à un coût raisonnable et pouvant parfaitement s’imbriquer dans le collectif naissant et déjà très prometteur. Avoir également conservé Saric et Carter pour des tarifs sous le marché est aussi un énorme coup, ce sont deux joueurs cruciaux dans cette équipe. Ils aident à solidifier l’ensemble.
Les Suns ont recruté plusieurs joueurs réputés pour leur impact défensif. Penses-tu que l’équipe soit suffisamment complète pour frapper à la porte du top 10 de la ligue dans ce domaine ?
L’avenir de le dira. C’est un objectif réaliste en effet. L’idée de base étant surtout de ne pas descendre de plusieurs paliers entre starting unit et bench unit. Les Suns étaient très courts en rotations viables la saison dernière, surtout avec les quelques blessures qui ont émaillé leur parcours. Maintenant, tu regardes l’effectif, tu peux légitimement penser que ça va être compétitif du premier au treizième joueur. Certaines questions subsistent. La perte de Baynes n’a pas été réellement compensée. Damian Jones est moins fort des deux côtés du parquet et offre un profil totalement différent de ce que proposait l’australien. Jalen Smith n’est qu’un rookie, il aura sa chance bien évidemment mais c’est difficile de quantifier son impact défensif dès maintenant bien qu’il ait des dispositions dans le secteur. Mais il est certain que les arrivées de Crowder, Moore et Galloway feront oublier Oubre.
Quel(s) joueur(s) attends-tu au tournant, maintenant que l’équipe doit prendre une nouvelle dimension ?
On le rabâche quasiment depuis sa draft. C’est Ayton qui a toutes les clés de l’avenir des Suns en main. C’est sa troisième saison. Il doit lever tous les doutes et aider à porter cette franchise vers le haut. Son manque de professionnalisme doit être un lointain souvenir. Il peut en grande partie élever le plafond de cette équipe, mais il doit en prendre conscience. Les grandes gueules de l’effectif ne le rateront pas au tournant. On peut être certain que CP3, Book et Crowder vont le tanner pour lui faire rentrer dans le crâne à quel point il peut être dominant dans cette ligue avec les attributs physiques qu’il a en lui. Si c’est le cas et si Bridges continue de progresser, les Suns vont être ultra dangereux et pénibles à jouer.
De façon générale, quel scénario idéal vois-tu se dessiner pour la saison à venir ?
Un départ en fanfare. Le début de saison est primordial pour donner le ton. C’est difficile d’affirmer que tu veux aspirer aux PO voire à un éventuel avantage du terrain si tu ne le montres pas d’entrée sur le parquet. Les Suns doivent partir fort pour montrer à l’ensemble de la NBA qu’ils ne sont pas là pour plaisanter. Pour cela, il faudra que les pièces s’imbriquent bien et que chacun comprenne son rôle. D’où l’intérêt d’avoir signé une majorité de vétérans qui savent très bien ce qu’on attend d’eux.