Après une saison régulière d’Euroleague passionnante, huit équipes ont coiffé au poteau un peloton extrêmement compétitif (il n’y a que deux victoires de différence entre le 4ème et le 9ème) et se sont qualifiées pour les Playoffs de la meilleure compétition européenne. L’équipe Europe de QiBasket vous présente ses traditionnelles previews des oppositions. Dynamiques récentes, forces en présence et oppositions clés sont étudiées pour bien appréhender la série !
C’est un duel d’équipes en début de cycle qui nous attend. Avec 21 victoires et 13 défaites chacune, l’opposition entre Milan et Munich promet de faire des étincelles. Ces deux équipes entamaient cette année une nouvelle ère : la deuxième année du projet Messina et Chacho Rodriguez pour l’équipe all-star de Milan et le début de l’ère Andrea Trinchieri en Bavière. Le technicien italien affronte d’ailleurs ici le club de sa ville natale, et le club qui lui a donné ses premières expériences dans le monde professionnel – il y a été assistant pendant six ans, de 1998 à 2004. Et on ne peut que louer ses mérites. Il a porté cette année une équipe bien loin des standards individuels des mastodontes européens. Parti de 8 victoires et une 17ème place en 2019-20, le Bayern s’est propulsé à la cinquième place, bien loin de notre prédiction qui les voyait vivre une saison encore morose au fond du classement.
Pour Milan, cette quatrième place est une belle satisfaction (nous les avions placés 7ème dans notre preview), notamment après une très bonne deuxième partie de saison qui a rattrapé un début de compétition poussif. L’équipe d’Ettore Messina arrive en playoffs sur une très bonne dynamique et avec un effectif presque au complet, une anomalie dans une saison empestée par les blessures. Bien aidée par des vétérans de la compétition, Milan, qui restera la seule équipe italienne en Euroleague l’année prochaine, ne cache pas son ambition de retrouver le Final Four.
Opposition en saison : 2-0 pour Milan.
La première opposition entre les deux clubs, lors de la première journée de la compétition, a donné le ton : ces deux équipes sont d’un niveau très proche. L’écart n’a jamais excédé cinq points, Milan s’imposant de deux petits points en prolongation, grâce à un tir miraculeux de Shavon Shields à 9 secondes du terme.
Le deuxième match, lui, pourrait nous amener à nuancer notre propos. Une large victoire de Milan, avec un bel apport de Kevin Punter, le meilleur scoreur milanais, blessé lors du premier match. Défaite 75-51 pour le Bayern qui passe à côté de son match offensivement : 36% à 2 points, 14% à 3 points, 20 balles perdues pour 8 passes décisives.
Les clés tactiques de la série
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Les changements sur écran du Bayern peuvent-ils enrouer la machine milanaise sur pick and roll ?
Il est commun de qualifier une opposition de choc des styles. La confrontation entre l’attaque flamboyante de l’Olimpia, la quatrième la plus prolifique de la compétition (81.4 points de moyenne) et la défense disciplinée du Bayern, quatrième meilleure défense aux points encaissés de la saison.
La force de l’attaque milanaise s’explique forcément par la qualité de ses créateurs : Sergio Rodriguez est toujours un des meilleurs meneurs du continent, Kevin Punter est un formidable scoreur d’isolation et Malcolm Delaney est un excellent créateur. La multiplication des talents sur les lignes arrières permet de créer des tirs ouverts à 3 points, des situations de catch and shoot dans lesquelles Gigi Datome (50% à 3 points ( !!)), Zach Leday (49%) et Michael Roll (43%) se régalent.
Résultat des courses : Milan est la meilleure équipe de la compétition au pourcentage à trois points et génère 1.29 points par tir en catch and shoot, un chiffre absurde.
Le Bayern a toutefois démontré sa capacité à gêner les écrans adverses. Si Andrea Trinchieri est un des coachs offensifs les plus créatifs, le technicien italien privilégie la simplicité dans sa défense de pick and roll : changer sur les écrans (défense privilégiée sur 55% des écrans porteurs cette saison), limitant les décalages et les opportunités immédiates. Jalen Reynolds, doté d’une mobilité latérale surprenante vu son gabarit, est capable de contenir la plupart des arrières sur de courtes distances. C’est moins le cas de son “remplaçant” (Reynolds ne débutant pas habituellement les rencontres) au poste de pivot, Leon Radosevic, ce qui forcera le Bayern à mettre à l’épreuve leurs rotations défensives et leur défense collective bien huilée lors de la saison régulière.
La clé pour le Bayern sera, s’ils décident de changer sur les écrans porteurs, de contenir les arrières milanais, qui pourraient prendre de vitesse les intérieurs bavarois. Chacho Rodriguez est, entre autres, avide des situations où il se retrouve avec un pivot comme défenseur primaire.
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Le Bayern peut-il forcer Milan à perdre des balles ?
Milan est également une équipe conservatrice en attaque. C’est même l’équipe qui perd le moins de ballon de la compétition, avec un peu moins de 11 par rencontres (pour 16 passes décisives).
Une des clefs tactiques de la série pour le Bayern sera de forcer les Milanais à perdre des balles, pour pouvoir courir et générer des paniers en transition, un domaine où excellent notamment Vladimir Lucic et Wade Baldwin.
Les signes sont positifs sur ce point pour le Bayern. Leur défense a été la grande raison de leur succès de prestige face à l’Efes Instanbul lors du round 30, tenant les Turcs, la meilleure attaque du championnat à 79 points, dont seulement 33 en deuxième mi-temps. Une pression que le coach stambouliote Ergin Ataman a loué en interview d’après-match : « nous avons fait beaucoup d’erreurs contre leur défense homme-à-homme qui change sur les écrans » ; « Nous n’avons pas bien joué aujourd’hui, mais c’est parce que le Bayern a montré une très bonne et très intelligente défense ». Surtout, le Bayern avait ce soir là forcé 15 pertes de balle (ils en perdent habituellement 11 par soir), et les a limités à 13 passes décisives, leur plus faible total de la saison. De bonne augure contre une l’attaque bien huilée qu’est Milan.
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La bataille du rebond : Milan a-t-il une solution intérieure face à Jalen Reynolds ?
Si Wade Baldwin a souvent pris feu cette saison, même contre des grosses écuries (29 points contre le Barca, 22 contre le CSKA), le salut offensif du Bayern pourrait bien venir de Jalen Reynolds. L’Américain de 26 ans a brillé et s’est affirmé comme un des meilleurs pivots de la compétition. Excellent joueur au poste, où il est à la fois prolifique et efficace, il pourrait poser problème à une défense de Milan qui manque de densité physique sur le poste 5. Evidemment, Kyle Hines sera en mission sur Reynolds, et il a, lors de leurs confrontations, montré qu’il pouvait sporadiquement limiter l’Américain, ici bien aidé par l’aide de Zach Leday
L’effort défensif devra toutefois être collectif, et les ajustements tactiques d’Ettore Messina seront intéressants à voir durant la série : va-t-il laisser Hines sur Reynolds et vivre avec le résultat ? Ou instaurer un système d’aide important, comme il le fait ici avec Malcolm Delaney, qui descend bas pour gêner le post-up ?
La solution est peut être de forcer Reynolds ligne de fond et l’amener dans l’aide (qui arrive tardivement ici) ?
Dans tous les cas, un élément clef de l’attaque du Bayern sera la capacité à Jalen Reynolds à se muer en passeur lors de ses actions au poste bas, un domaine dans lequel il n’a pas particulièrement brillé cette année (seulement une passe décisive par match).
Limiter les opportunités de deuxième chance du Bayern sera pour Milan, une des pires équipes de la compétition au rebond défensif, une priorité. L’équipe d’Ettore Messina ne pourra pas laisser réitérer la domination de Reynolds, qui avait, lors du match aller, capté 9 (!!) rebonds offensifs.
A quoi s’attendre ?
La défense du Bayern va sûrement ralentir l’attaque bien huilée de Milan. Encore faudra-t-il que l’attaque suive le rythme. Sera-ce assez pour contrebalancer l’armada offensive de Milan ? L’adresse à trois-points des italiens, une constante sur toute la saison, va amener les Bavarois à devoir trouver une production offensive, en dehors de la création individuelle de Wade Baldwin et la domination intérieure de Jaden Reynolds. Les contributions de Paul Zipser et Vladimir Lucic seront primordiaux si le Bayern veut rivaliser avec le scoring milanais. Les ajustements défensifs d’Ettore Messina et de son staff contre l’ogre Reynolds pourraient faire la différence et priver le Bayern de son arme offensive la plus efficace.
La multiplication des armes offensives de Milan est toutefois un luxe inégalable : avec au moins cinq joueurs capables de scorer 15 points sur un match (Kevin Punter, Shavon Shields, Zach Leday, Chacho Rodriguez, Malcolm Delaney) et de se relayer, le Milan a tout d’une équipe dangereuse sur une série de 5 matchs.
Au final, avantage donné à Milan. Il est difficile d’imaginer le Bayern ne pas gagner un match minimum, et les voir en gagner deux ne serait toutefois pas surprenant. Dans tous les cas, cette série s’annonce passionnante.