Un coup de tonnerre frappa la conférence Est. Ultra-favoris de leur demi-finale de conférence, les Sixers ont finalement trébuché face aux Hawks d’Atlanta qui n’ont jamais rien lâché. Après un sweep en 2020 au premier tour contre Boston et une élimination cruelle en 2019 face aux Raptors de Kawhi Leonard, il s’agit d’une troisième déconvenue en autant d’années. Il se murmure d’ores et déjà en coulisse que le Process tel qu’on le connaît actuellement a irrémédiablement pris du plomb dans l’aile.
En Pennsylvanie, l’heure est ainsi à la recherche de fautifs. Si certains semblent à l’abri des critiques (on pense à Joël Embiid, blessé au genou et loin d’être mauvais malgré des tonnes de perte de balles, mais également à Seth Curry), d’autres en prennent pour leur grade. C’est le cas de Doc Rivers, encore incapable de hisser son niveau aux joutes printanières. C’est également le cas de Tobias Harris, qui, en l’absence de De’Andre Hunter, aurait dû dominer les ailes sur l’ensemble de la série. C’est surtout – et avant tout – le cas de Ben Simmons. Lâché par son coach en sortie de game 7, mais également par son ancien colocataire camerounais, le first pick de la draft 2016 est sous le feu de tous les projecteurs.
S’il a effectivement constitué un lourd boulet sur la jambe de Philadelphia, l’on peut se demander quelles seraient les configurations idéales qui permettraient au “meneur” de revenir à son niveau de multiple All-star.
Le petit Benjamin est attendu à l’accueil
Les chiffres de cette demi-finale de conférence sont accablants pour le numéro 25 des Sixers. Les statistiques brutes ne sont pourtant pas affreuses : 9,9 points (60% au tir), 6,3 rebonds, 8,6 passes décisives. Certes, on remarque déjà où le bât-blesse, et c’est vers le panier adverse qu’il convient de tourner le regard. Pourtant, ce qu’on n’a pas encore dit, c’est que sur les 6,4 lancers-francs tentés chaque soir, Benjamin n’en a rentré que 2,1, soit… 33,3% de réussite.
S’il n’est certes pas connu pour avoir des mains en or lorsqu’il s’agit de jeter le ballon vers le cercle, Simmons n’est pourtant pas complètement manchot. En carrière, il affiche ainsi 60% de réussite sur la ligne, dont 61,3% en cette saison raccourcie 2020-21. Ce n’est pas Byzance, mais c’est quasiment le double de sa moyenne face à Atlanta. Notons tout de même pour prétendre à l’exhaustivité que depuis le All-star break, il n’affiche que 53,1% de réussite aux lancers, contre 67,1% avant.
Le problème n’est donc pas physique ni technique ; il paraît surtout mental. Doc Rivers l’a d’ailleurs confirmé récemment :
“C’est mental, nous le savons tous. Cela a toujours été le cas […]. J’ai déjà connu ça avec DeAndre Jordan, qui a traversé les mêmes choses pendant les Playoffs et même tout au long de sa carrière”.
Si Dédé appréciera sûrement, force est de constater que s’agissant de son meneur, Rivers n’est pas dans le faux. Les Hawks ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, eux qui ont allègrement pratiqué le Hack-a-Simmons au game 5 (4/14 aux lancers).
Cette faiblesse mentale, Simmons semble la cultiver depuis longtemps en ce qui concerne son tir. Catalogué comme “joueur sans shoot” à sa draft, il n’a pas progressé dans l’exercice depuis lors. Pire encore, il traîne sur la toile des vidéos de sa Summer League, où il ne rechignait pas à prendre des jumpshot à 2 points lorsque la défense adverse lui laissait trop d’espaces. Vous imaginez cela ? Ben Simmons qui pull-up ?
C’est dire si sa confiance en son tir est sur la pente descendante depuis 2017. Le nombre de tirs à trois-points tentés en carrière est là pour en témoigner : 34 tentatives en 275 rencontres de saison régulière, 2 tentatives en 34 rencontres de playoffs… Cela pose évidemment des problèmes de conception d’équipe. On sait qu’aujourd’hui, il est particulièrement malaisé d’aligner deux “non-shooteurs” ensemble sur le terrain. Or, Philadelphia possède également dans son roster des joueurs comme Matisse Thybulle ou Dwight Howard, qui font également du mal au spacing de l’équipe. Joël Embiid, lui, s’est mué en très bon artilleur cette saison (37,7% de réussite de loin), mais il est tellement plus efficient à l’intérieur que c’est un sacrilège que de lui demander d’écarter le terrain pour favoriser les pénétrations de ses coéquipiers.
Nous le sous-entendons à demi-mot : il n’est donc pas certain que l’association Simmons-Embiid soit véritablement viable dans la quête d’un titre NBA. Doc Rivers l’a également dit en filigrane, alors qu’un journaliste lui demandait si Simmons pouvait être le meneur titulaire d’un équipe championne :
“Je ne connais pas la réponse à cette question pour l’instant. Il galère sur la ligne des lancers-francs et c’est devenu un poids dans cette série, sans aucun doute”.
Les termes ne sont pas flatteurs et mettent en exergue le malaise qui règne autour de Ben Simmons. Ce malaise, qui serait donc mental, ne se retrouve d’ailleurs pas que sur la ligne des lancers-francs.
En effet, en se penchant un peu sur ses statistiques lors des moments chauds des rencontres, on s’aperçoit que l’Aussie disparaît tout bonnement. Prenons comme témoin marquant de cette affirmation ses performances au sein des 4e quart-temps. Sur l’ensemble des 7 rencontres, il a disputé 55,5 minutes de jeu dans le dernier quart-temps. En saison régulière, en 32,5 minutes, il tentait 10 tirs en moyenne (soit 15,6 tirs sur 55,5 minutes). Or, sur l’ensemble de ces 7 quatrième quart-temps, Simmons n’a tenté que… 3 tirs, soit un tir toutes les 18,5 minutes !
S’il a converti ses 3 tentatives, il est encore plus grave de s’apercevoir que deux de ces trois tirs ont été pris lors du game 1 et que sur l’ensemble des 4 dernières rencontres, il n’a pas dégainé une seule fois au sein des 12 dernières minutes de la rencontre ! S’il créé évidemment pour les autres, Simmons ne s’est pas seulement mué en non-shooteur (comprenez “incapable de tirer avec précision”), il est tout bonnement devenu un non-tireur tout court.
Ceci est bien évidemment illustré par cette action lunaire du game 7, alors que les Hawks menaient 88-86. Après avoir enroulé Gallinari, Simmons s’est ouvert la voie (royale) vers un dunk qui aurait remis les deux équipes à égalité. Au lieu de cela, il passa la balle à Thybulle, qui manqua son tir et qui ne rentra qu’un seul des deux lancers qu’il tenta ensuite. Pour Embiid, il s’agit tout bonnement du tournant de la série :
“Je vais être honnête. Pour moi, le tournant du match, c’est le moment où… on a laissé passer un dunk ouvert et on n’a mis qu’un lancer-franc au final“.
Une action qui termina de parachever une immense disasterclass pour l’Australien. Lâché par son coach, son franchise player et très certainement une partie des supporters de l’équipe, Ben Simmons a-t-il encore un avenir à Philadelphia ? Dans l’affirmative, est-ce seulement souhaitable ? En effet, n’est pas fou celui qui prétendrait que le numéro 25 gagnerait à voir si l’herbe est plus verte ailleurs.
Benjamin Button ?
La première question que l’on peut se poser est la suivante : Ben Simmons est-il un meneur ? Si l’on s’en tient à ses mensurations, on serait tenté de dire que non. Avec ses 211 centimètres et ses 108 kilos, il est plus imposant que de nombreux intérieurs qui peuplent la NBA. Et si Magic Johnson a démontré qu’un “grand” pouvait aisément tenir le poste 1, force est de constater que la comparaison ne résiste pas à une quelconque analyse.
Certes, Simmons est un très bon créateur pour autrui, notamment en transition. On a vu, au départ de Jimmy Butler, que la création au périmètre lui posait bien plus de problèmes. La faute, entre autre à nouveau, au fait qu’il soit totalement inoffensif derrière l’arc et que la défense n’a donc pas besoin de le cibler très haut, à l’inverse d’un Damian Lillard ou d’un Stephen Curry par exemple.
Dès lors, la solution n’est-elle pas là, juste sous nos yeux ? Pour que Simmons (re)devienne une star, ne faut-il pas simplement le placer sous les cercles ? Dans ce cas-ci, l’association avec Joël Embiid serait tout bonnement vouée à l’échec, et l’Aussie serait prié de quitter la Pennsylvanie. Tentons d’abord de prouver que Simmons serait bien mieux dans ses baskets au poste 5, avant d’envisager quelles seraient les destinations qui pourraient lui sied.
Quels styles de jeu ?
Un Simmons au poste 5 nécessite d’abord que les 4 autres joueurs qui portent son maillot sachent dégainer de loin. En tant que non-shooteur, l’actuel numéro 25 paraît être une option de choix. Ses statistiques depuis le début de sa carrière sont bonnes au cercle : minimum 68,7% de moyenne sur une saison. En somme, ce sont des statistiques de pivot. C’est mieux, par exemple, que Jonas Valenciunas. C’est aussi bien que Domantas Sabonis ou Zion Williamson. Autrement dit, sous le cercle adverse, Ben Simmons est efficient.
S’il l’est, ce n’est pas forcément grâce à l’utilisation massive du jeu en transition. Parmi les joueurs all-star présents dans la Ligue aujourd’hui, Simmons est celui qui dispute le plus de possessions de ce style (28,3 % de fréquence). Ce nombre est d’ailleurs le 7e de l’ensemble de la NBA. Pourtant, avec uniquement 1 point marqué par possession de transition, Simmons n’affiche que le 322e total de la Ligue. Notons, pour la pure funfact, que c’est Ntilikina qui clôt ce classement de l’efficience en transition, avec seulement 0,29 point scoré par possession.
Pour y pallier, ne serait-il pas possible de multiplier les situations de pick & roll avec Simmons en guise de poseur d’écran et de roll man ? Les échantillons de la saison passée ne nous permette pas de tirer une conclusion, puisque le “meneur” australien n’a disputé ce genre de possession que 0,3 fois par rencontre en saison régulière. L’hypothèse ne semble pourtant pas totalement farfelue, tant sa longueur, son physique et son honnête capacité à terminer au cercle lui permettent, sur le papier, de s’inscrire pleinement dans cette tactique.
En somme, à notre sens, Benjamin Simmons devrait être déresponsabilisé. Si ses capacités dans le jeu de passe doivent faire de lui un ball handler dans une équipe, il n’est pas forcément nécessaire qu’il soit le principal dépositaire du jeu des siens. Son jeu sans ballon n’est d’ailleurs pas forcément un frein, et l’on constate qu’il est à l’aise dans les coupes (18,3% du temps), avec 1,43 point par possession. Lui ôter la balle des mains lui permettrait de se rapprocher du panier adverse et, par conséquent, de constituer à nouveau une menace pour l’équipe adverse.
Quelles équipes ?
On l’a compris, avec la présence d’Embiid dans la raquette des Sixers, il semble illusoire d’y placer également Simmons. Par conséquent, l’avenir que l’on envisage pour lui paraît se dessiner ailleurs. Si toutes les équipes ne semblent pas être bâties pour l’accueillir, le fit est certain avec plusieurs franchises.
Accusez-moi de prêcher pour ma paroisse, mais la meilleure destination pour l’Australien paraît être Dallas. De prime abord, le fit est très bon à la fois pour le joueur et pour la franchise Texane. Simmons pourrait ainsi être placé au poste 5 et être entouré, pour l’heure, de 4 shooteurs : Luka Doncic, Tim Hardaway Jr (s’il resigne), Dorian Finney-Smith, Maxi Kléber, par exemple. Nous excluons sciemment Kristaps Porzingis du schéma, pour une raison évidente que l’on expliquera ci-dessous. Entouré par des tireurs, Simmons aurait la raquette rien que pour lui, et sa présence ne semble pas être rédhibitoire pour les pénétrations de Doncic. Il pourrait alors profiter du playmaking et du pouvoir d’influence du Slovène pour s’épanouir à nouveau, en temps que troisième option offensive de l’équipe.
D’ailleurs, voyons le positif ; si Simmons venait à intégrer l’effectif de Dallas, il n’y a aucun risque que Jason Kidd, nouveau Head Coach de l’équipe, vienne détruire son shoot.
L’arrivée de Simmons paraît également optimale pour les Mavericks. Tout d’abord, il est un excellent défenseur, capable de s’occuper de tous les postes ou presque. Il permettrait, à son échelle, de combler les trous béants laissés par la défense texane depuis des années. Surtout, il pourrait occuper à merveille le rôle de second porteur de balle, qui manque tant à Luka Doncic dès que les rencontres de playoffs arrivent. Or, on a remarqué qu’en seconde période, en raison de la fatigue, Doncic devenait de moins en moins efficient. De même, la création de Dallas devenait amorphe dès que l’européen s’asseyait sur le banc. À cet égard, Simmons serait le parfait complément pour s’occuper de la création lorsque son meneur est sur le banc ou commence à s’essouffler.
Le bémol de ce plan rapidement dressé, c’est la contrepartie. Si Simmons devait poser ses valises à Dallas, il y a fort à parier que la contrepartie principale soit Kristaps Porzingis, dont le salaire est similaire. On voit pourtant mal ce que les dirigeants de Philadelphia feraient du géant Letton, qui ne pourra évidemment pas être titulaire dans la raquette et dont le salaire est bien trop élevé pour débuter une rencontre sur le banc. Par conséquent, à moins d’envisager un trade incluant a minima 3 équipes, l’opération nous semble vouée à l’échec.
Quid, dès lors, de la piste Portland ? La question de la contrepartie paraît réglée, puisque CJ McCollum est sur le départ selon les dernières informations. Or, les postes du backcourt ne constituent pas la force majeure de Philly, et l’intégration du flamboyant arrière ne devrait poser aucun souci. De surcroît, à nouveau, le salaire des deux protagonistes coïncident.
Chez les Blazers, Simmons prendrait-il place dans la raquette à côté de Nurkic ? Pour le spacing de l’équipe, ce ne serait pas idéal, puisque le Bosnien n’est pas non plus un aficionados du tir lointain. Aux côtés de Lillard, Powell et Covington, Ben Simmons apporterait à nouveau sa défense élite, et profiterait de l’espace et du danger créés par l’ensemble de ses coéquipiers. Le risque, toutefois, est de créer un embouteillage dans la raquette Orégonaise, au sein de laquelle on retrouve notamment Zach Collins, Nassir Little, Carmelo Anthony, Harry Giles ou encore Enes Kanter. Il s’agirait alors pour Portland de dégraisser son secteur intérieur pour attirer un poste 2 / 3 qui pourrait évoluer aux côtés de Norman Powell.
Le fit paraît également être bon du côté de Minneapolis, mais également de Boston. Toutefois, on imagine mal comment Simmons pourrait porter un maillot vert l’an prochain, puisque Brad Stevens ne lâchera aucune de ses deux jeunes stars. Le trade est plus aisément envisageable avec les Wolves, si le front-office accepte de mettre D’Angelo Russell dans le package. S’il serait alors un dépositaire important du jeu des loups, Simmons constituerait surtout une raquette théoriquement impressionnante avec Karl-Anthony Towns, qui n’est pas contre le fait de s’éloigner du cercle avec efficacité. Minnesota aurait alors en son sein un trio jeune et prometteur, avec KAT, Anthony Edwards et Ben Simmons.
Nous ne passerons pas en revue l’ensemble des 26 équipes non mentionnées jusqu’alors. Par son jeu atypique mais aussi son salaire, le transfert ne sera pas forcément évident à mettre sur pied. Pour autant, malgré les critiques et les blocages psychologiques, nul doute que Ben Simmons saura apporter de très belles choses à sa future franchise.