Quelle équipe peut s’offrir le luxe de se priver de son premier marqueur, premier rebondeur ? Bien peu en NBA ? Combien le font alors que ce joueur est encore jeune et est adoré par sa fan base ? Une seule et il s’agit de Memphis.
26 juillet, 22h26 alors que la draft approche, le front office des Grizzlies danse le tango avec celui des Pelicans. La première franchise revient tout juste de ses premier playoffs, la seconde souhaite terriblement entourer sa star Zion. Au rythme des pas endiablés, on s’échange des mots doux, des piques assassines et on cherche chez l’autre ce que l’on a pas à la maison. Les Pels savent déjà qui ils vont drafter, Memphis veut tenter un dernier pari et libérer sa rotation intérieure. Un dernier talent, un dernier risque, un dernier sacrifice ? Jonas part ainsi en échange de Bledsoe, Adams et un pick qui deviendra Ziaire Williams.
La News provoque l’hystérie dans la communauté. Celui qui incarne si bien la franchise ? Le monstre au poste bas ? La dernière pièce restante du trade de Marc Gasol ? Entre joie de monter dans une draft pleine de talent et tristesse de voir son géant partir, la communauté des Grizzlies est déchirée.
Nous allons volontairement délaisser les cas Adams, Bledsoe et Williams. Portons plutôt notre attention sur le soldat Valanciunas et pourquoi Memphis a sacrifié son colosse.
Un modèle de constance et de remise en doute
Jonas Valanciunas n’a eu de cesse de progresser à Memphis depuis son arrivée. Se délestant de plusieurs kilos, améliorant son jeu off ball notamment en démontrant des progrès croissants sur son shoot. Proposant désormais une bonne vision de jeu pour trouver ses shooters dans le corner, ce surplus de playmaking a également largement contribué au niveau offensif de l’équipe. Le tout, en maintenant une régularité rare au poste bas. Inlassablement Jonas a broyé les défenses adverses. Ses feintes subtiles, son footwork élégant contrastant avec la puissance et la rage qu’il mettait. 2 saisons pleines en 20 pts 10 rebonds avec des performances de mammouth. 31 pts, 20 rebonds contre Golden State. 34 pts, 22 rebonds dont 12 offensifs face à Indiana. 29 pts, 20 rebonds et 4 contres face aux Wizards. Des statistiques bien fournies qui ont fait de lui la première option en attaque de son équipe. Mais pourquoi l’échanger si celui est si dominant ?
Une solution, des problèmes
Premier problème évident : ce que Jonas apporte en attaque doit être compensé en défense. Pas le plus rapide, agile et vertical, pose nécessairement des réactions en chaîne sur un poste aussi important en défense. Aligner Valanciunas longtemps a contraint Coach Jenkins à devoir proposer chaque soir une défense en drop. Parfait en saison régulière pour cacher son pivot, assez en Playoffs ? D’autant que Valanciunas n’est pas le seul qui nécessite d’être couvert. Autre coupable : Ja Morant. Memphis grâce au formidable travail défensif de Brooks et Slowmo a proposé une bonne défense mais qui craignait terriblement les tirs extérieurs. Forcés de sans cesse compenser pour limiter les drive et mid range, aligner Valanciunas, c’était également prendre le risque de recevoir une pluie de trois points.
Cela s’est ressenti face aux équipes avec des ball handlers et de shooters élite. Une caractéristique que possèdent l’ensemble des équipes contenders de cette ligue. Ajoutez à cela des Gobert, Lopez, Ayton, Adebayo, Embiid et le problème se dessine naturellement. Dans une grande majorité d’oppositions, Valanciunas n’est pas alignable en post-saison. Constat cruel qu’a fait Memphis dans la série face au Jazz où les 4 extérieurs ont profité sans cesse des espaces dans la défense des Grizz tandis que Gobert retenait Valanciunas. Impossible de le nourrir sous peine d’être doublé, impossible de le cacher en défense, impossible d’espérer mieux.
En attaque si Jonas est d’une grande efficacité, son jeu au poste demande du temps, fige le tempo et prive du ballon ceux qui en ont le plus besoin. Jenkins a fait le choix payant de se reposer sur son trio Morant/Brooks/Slowmo. Choix payant autant sur la série que sur le long terme. Morant semble avoir enfin débloqué ce palier mental, cette agressivité naturelle qui caractérisent les meilleurs meneurs. Y a il toujours besoin d’un joueur au plancher haut si le plafond d’une équipe explose ?
Sacrifier le présent pour préparer l’avenir
Jenkins disciple de l’école Buldenhozer prône un basket de polyvalence offensive et défensive. Il est ainsi compliqué d’aligner un pivot à l’apport avant tout offensif. Surtout quand il est spécialiste dans son domaine et ne peut pas suivre un rythme, à savoir, un tempo qui maximiserait les joueurs autour de lui. Et si au final le meilleur rôle possible pour Valanciunas n’était pas celui concocté par Nick Nurse ? Ce 6eme/7eme homme qui sur un faible temps de jeu mais avec plusieurs séquences avec ballon apporte points, rebonds et densité ? Un rôle que Memphis avait su accorder à Zach Randolph dans sa dernière saison.
Memphis a ainsi fait le choix de sacrifier le court-terme et son niveau de plancher pour se donner l’opportunité d’augmenter son plafond, alléger sa masse salariale pour pouvoir signer JJJ, Morant et s’ancrer vers un basket plus all-around.
Si les Pelicans sont dans l’optique d’aller en Playoffs, Memphis veut se donner la chance à moyen de terme de passer un voire plusieurs tours. Cela passe par responsabiliser ses jeunes talents, hausser le ton en défense et toujours plus mettre en valeur ses stars de demain. Le cas Valanciunas peut être comparé à celui de joueurs comme Ricky Rubio, Mason Plumlee, Taj Gibson ou Vince Carter dernièrement. Des joueurs qui assurent un plancher de jeu, du leadership, de l’expérience mais sont des joueurs de passage, qui permettent à un effectif jeune de franchir un pallier avant de prendre le chemin d’un autre défi.
La belle histoire entre Memphis et Jonas Valanciunas ne se termine donc pas de la meilleure des façons mais le géant lituanien aura en peu de temps marqué les esprits de toute une fan base de par ses dunks rageurs et son toucher rare. Tel les chevaliers qui ont dû s’incliner face à l’arrivée des armes à feu, le géant Jonas doit laisser sa place à quelqu’un d’autre. Merci pour tout Jonas, Jèga Forever.