Dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 avril, la série entre les Bucks et les Bulls débutera. Ces deux franchises de la division centrale n’abordent pas l’affrontement avec les mêmes dynamiques. D’un côté, les Daims, grandissimes favoris, ont obtenu au bout d’une lutte un peu particulière le seed 3. En effet, la deuxième meilleure équipe de la conférence Est semblait destinée à affronter les Nets, ce qui a sûrement joué dans les têtes au moment des derniers matchs. Si les 10 dernières rencontres ont laissé place à quelques trous d’airs (6 victoires pour 4 défaites), les Bucks sont en forme si on en juge les derniers gros duels : victoire face aux Celtics, Bulls, Nets et Sixers dans la dernière ligne droite.
De l’autre côté, les Bulls, qui conclurent la saison bien plus difficilement. Longtemps accrochés au wagon de tête, les taureaux lâchent prise en deuxième partie de saison, à coup de blessures et de contre performances face aux grosses cylindrées. De quoi laisser la voie libre aux Bucks ?
Penchons-nous sur le duel dans la raquette, qui devrait théoriquement pencher en faveur des Bucks. Comment les Bulls pourraient-ils limiter la casse et se donner une chance de survivre ?
Giannis, la lettre grecque indéchiffrable
29,9 points, 11,6 rebonds, 5,8 passes, plus d’une interception et d’un contre en 67 matchs et 33 minutes de moyenne. Une fois n’est pas coutume, Giannis Antetokounmpo a fait parler la foudre lors de l’exercice 2021-2022. D’un point de vue statistique, brute comme avancée, son année est quasiment un copié collé de la saison 2020-2021.
Si certaines équipes peuvent proposer des armes pour freiner des joueurs de son calibre, les Bulls, eux, ne sont pas les mieux armés. C’était plutôt le cas du Heat au premier tour, qui, malgré le sweep, ont maintenu Giannis à 23pts de moyenne à 45% au shoot et à 1/16 longue distance sur la série. A titre d’exemple, Giannis, c’est 55% aux FG en cette saison régulière et 29% derrière l’arc. Il faut dire qu’avec un défenseur intérieur élite comme Bam Adebayo dans ses rangs, défendre le grec est un peu plus facile que pour d’autres franchises. En 17 minutes de face à face, il n’a encaissé que 10 points, à 18% au tir. Concrètement, si l’on se fie au système de calcul des partials possessions, expliqué ici, le double MVP inscrivait un point toutes les 9,11 possessions face à l’intérieur du Heat.
A titre de comparaison, pour Capela, lorsque les Hawks et les Bucks se sont croisés en finales de conférence, cela arrivait toutes les 3,2 possessions, et toutes les 2,4 possessions lorsqu’il était défendu par Ayton en finales NBA.
Ce qui apparaît comme étant la kryptonite de Giannis serait donc un intérieur très mobile, suffisamment grand et costaud pour être dissuasif et capable de supporter le post-up, et tout cela au sein d’une défense de fer, composée d’autres chiens de gardes pouvant effectuer des switchs et aides si le besoin s’en fait sentir.
Sur cette séquence, la force physique et la rapidité de Bam empêchent Giannis de finir en transition au panier, soit les points qu’il met habituellement le plus facilement.
Sur celle-ci, toujours aussi solide et bien aidé par l’ensemble du Heat, Antetokoumpo est obligé de prendre un shoot compliqué.
Mais malheureusement (ou heureusement selon les parties), il n’y a pas de Bam Adebayo à Chicago. Sur le poste, Patrick Williams, Derrick Jones Jr, Tristan Thompson et, dans une moindre mesure, Nikola Vucevic, en fonction des situations, devraient se partager la majorité du temps de défense sur Giannis. Et aucun ne semble être en mesure de l’arrêter.
Patrick Williams était censé être le poste 4 titulaire cette saison. Mais rapidement blessé, il a passé la majeure partie de l’exercice à l’infirmerie. Si le sophomore est prometteur, il n’est de retour sur le terrain que depuis le 20 mars, et il ne joue plus de 20 minutes par soir que depuis le 29 mars. Ajoutons à cela son manque d’expérience (moins de 100 matchs joués en pro), et son “petit” physique (2m01, 97kg) à côté de l’animal grec. Dur de ne pas imaginer un massacre.
Subissant la blessure de Williams de plein fouet, Billy Donovan a dû innover. Pour cela, il a souvent joué avec quatre petits joueurs (souvent Ball ou Dosunmu, Lavine, Derozan et Javonte Green) pour accompagner Vucevic. Pourtant, celui qui semble le plus à même d’aller au casse pipe pour permettre au jeune ailier fort de souffler, c’est le vétéran Tristan Thompson. Si le sophomore devrait souffrir de son manque de physique, l’ex-Cavaliers aura probablement du mal niveau mobilité. Lourd (115kg pour 2m06), et sur la pente descendante, il devrait néanmoins apporter de la viande sur attaque placée.
Stopper Giannis Antetokounmpo sera une sacrée mission pour Chicago, et nul doute que si le multiple All-Star limite ses déchets aux jump-shots et à proximité du panier, la confrontation va devenir un véritable calvaire pour les intérieurs de Windy City.
Jrue Holiday, le facteur X
Si Giannis est la première force de frappe des Bucks, Jrue Holiday aura également fort à faire lors de cette série. Si ses partenaires comme Middleton, Allen ou Lopez multiplieront les tentatives longues distances pour dégager la raquette à Giannis (5è plus gros total de tentatives longue distance et 5è meilleur pourcentage de réussite avec 36,6%), Holiday aura lui deux missions autres : assurer la création et ardemment défendre sur les deux meilleures superstars adverses.
Le playmaking
Pour illustrer le mal que peut causer l’ex guard de NOLA à Chicago,revenons sur les dernières rencontres de régulière.
Face aux Bulls, le 5 avril, Jrue scora 11 petits points, récupéra 6 rebonds et surtout distribua 13 passes décisives.
Sur la totalité de celles-ci, 6 seront à destination de Brook Lopez, 3 pour Giannis et Middleton et une pour Portis. Le match suivant, face aux C’s, le meneur réitera une grosse performances : 8 passes décisives agrémenteront ses 29 points et 8 rebonds. Avec toujours les mêmes cibles prioritaires : 3 passes à destination de Lopez et le même nombre pour le grec. Et cette tendance s’en ressent dans les stats : plus de 30% des passes réceptionnées par le pivot viennent des mains du meneur. Le second à passer le plus la balle à Lopez est Giannis, avec “seulement” 19% de passes captées par le pivot provenant du double MVP.
Lorsque l’on connaît cette relation privilégiée entre Holiday et Lopez ainsi que l’importance de ce dernier dans les systèmes offensifs de son équipe (voir vidéo ci-dessous), les Bulls auront fort à faire pour empêcher son impact, qui sera sûrement l’une des clés de la série.
Sur cette séquence, si Giannis est si libre pour se rendre au panier et que les aides sont très tardives, notamment venant de Dosunmu, c’est en grande partie à cause de Brook Lopez et son adresse longue distance qui effraie tout le monde.
Le défenseur élite
Mais Jrue aura aussi beaucoup de pain sur la planche de l’autre côté du terrain. En effet, les deux forces de frappe majeures des Bulls sont des guards, et le meneur est l’un des meilleurs joueurs défensifs du pays sur ces postes. Nominé 3 fois dans les All Defensive Team, dur de savoir s’il s’occupera plus du cas Derozan ou du cas Lavine. Lors d’un des seuls matchs ou les trois protagonistes étaient sur le terrain ( rencontre du 22 mars), le Bucks a plutôt été assigné au numéro 8 de Chicago, tandis que Wes Matthews gardait DeMar.
Lors de ce match, Zach Lavine a été limité à 21 points à 6/16 au tir.
Tout au long de la rencontre, on a pu voir certaines des forces défensives du champion. Dès la première possession offensive de Lavine, Jrue impose une pression très haute. Si Lavine s’en sort bien ici, avec un bon écran de Vucevic, ce pressing est un terreau favorable à la fatigue, et donc aux turnovers.
De plus, le meneur navigue très bien entre les écrans. Si Vucevic ou Thompson peuvent mettre des screens appuyés, Holiday se resitue souvent très bien, et sa vivacité aussi bien au niveau des jambes que des bras lui permettent de revenir gêner l’attaquant sans faire faute.
Enfin, c’est un excellent meneur au poste bas. Massif pour son poste, il arrive, en cas de switch, à rendre la vie difficile aux intérieurs qui tenteraient de le post-up.
Jrue Holiday est un joueur complet, et nul doute qu’il rendra la vie dure d’un côté comme de l’autre aux Bulls. Si offensivement, Caruso ou Dosunmu sont armés pour réduire son apport, son impact défensif devrait causer la vie dure à Lavine, DeRozan et consorts. D’autant plus que l’absence de Lonzo Ball lui permettra encore plus de liberté. Il sera sans aucun doute un élément essentiel du succès (ou non) de son équipe sur la série.
Quid des éléments hors terrain ?
Si la vérité du terrain a sa volonté propre, dur de ne pas voir des éléments hors parquets bénéficiant plus à une équipe qu’à l’autre.
La dynamique et l’expérience
15 défaites sur les 21 dernières rencontres de saison régulière. Une victoire pour 15 défaites face aux top 3 des deux conférences (la seule victoire est face à Boston le 1er novembre 2021). Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Taureaux ne sont pas au maximum de leur forme. Et en face d’eux, les daims arrivent à pleine vitesse (15 victoires sur les 21 derniers matchs).
Sur le papier, les dynamiques sont inversées. D’autant plus que le matraquage médiatique autour de cette fameuse série de défaite face aux cadors de la ligue a peut-être fragilisé le mental de l’équipe. Ajoutons à cela le manque flagrant d’expérience de certains gros temps de jeux des Bulls (Lavine, Dosunmu, Patrick Williams) et nous retrouvons un cocktail qui peut vite tourner au vinaigre. A moins que cette qualification en playoffs, espérée depuis 2017, ne galvanise les troupes, provoque un sursaut d’orgueil et fasse oublier la fin de saison poussive ?
Les blessures
Comme tout au long de cette saison, les Bulls vont aborder les Playoffs avec de nombreux doutes sur les joueurs qui seront à 100% de leurs capacités ou non. C’est notamment le cas des lignes arrières, décimées toute l’année. Lonzo Ball serait déjà out pour toute la post-season, tandis que Caruso enchaîne les pépins physiques. Si ce dernier devrait être de retour pour les Playoffs, il a manqué les trois dernières rencontres de régulière et personne ne sait quel sera exactement son état. Dans une moindre mesure, Coby White, qui a subi une entorse de l’orteil, était forfait lors de la dernière rencontre. Repos ou réelle gêne ? Impossible de savoir.
Enfin, le cas Lavine inquiète. Touché au genou, il ne sera pas au top de sa forme lors de la série selon les insiders de l’Illinois.
Si on ajoute à cela le retour tardif de Patrick Williams, dur de savoir dans quel état physique sera cet effectif au moment d’aborder le game 1 de ce premier tour.
Qu’attendre de cette série ?
Difficile de voir un motif d’espoir pour ces Bulls. Lavine, Derozan voire Vucevic ont les capacités individuelles pour aller gagner un match ou deux, mais le gap collectif semble trop grand entre les deux formations.
Cette confrontation sera également l’occasion de voir Billy Donovan de retour en post-season, après les campagnes passées sur le banc d’OKC. Vivement critiqué depuis des années pour son manque de créativité dans les systèmes, il sera opposé à l’un des plus grands tacticiens de la ligue. Sur ce plan aussi, le duel semble déséquilibré.
Alors que cette série approche à grands pas, les Bucks apparaissent comme grands favoris. Mais la NBA nous a déjà réservé de nombreuses surprises, pourquoi pas une élimination au premier tour du champion en titre ?
Match-up :
Milwaukee Bucks : 85%
Chicago Bulls : 15%