La nouvelle est tombée il y a quelques jours, sortie de nulle part ou presque : les Minnesota Timberwolves ont monté un échange avec le Utah Jazz autour du pivot français, Rudy Gobert. Bien que quelques murmures s’étaient fait entendre ici ou là, personne ne croyait au bien fondé de ces rumeurs. Oui, il était logique de voir Minnesota renifler le marché pour trouver un pivot défensif et rebondeur, mais avec la présence de Karl-Anthony Towns sur le poste, il était presque impensable de voir un tel mouvement se produire. D’autant que la draft de Walker Kessler, gros contreur sur le circuit universitaire, laissait penser que les Wolves s’étaient contentés de cette cible. D’autant également que le nouveau président de la franchise, Tim Connelly, est reconnu pour la qualité de ses Drafts à Denver, mais bien moins pour ses trades.
Pourtant, Kessler n’aura pas fait long feu dans la région des lacs. Lui qui fait partie du très gros package envoyé par Minnesota pour s’attacher les services de Rudy Gobert. A peine arrivé, Connelly aura donc décidé de faire bouger les lignes, et pas qu’un peu ! Le management des Wolves s’est délesté d’un immense capital de Draft : pas moins de quatre premiers tours (2023, 2025, 2027, 2029 protégé top 5) et un swap en 2026. Côté joueurs, la franchise envoie Patrick Beverley, Jarred Vanderbilt, Malik Beasley, Leandro Bolmaro, et Walker Kessler donc.
Gobzilla
Commençons très simplement : les Minnesota Timberwolves ont récupéré Rudy Gobert. Et même si l’on reviendra sur l’aspect tactique – ses opportunités et ses risques – dans un second article, il faut tout de même saluer la prise d’initiative de la franchise. Nous parlons ici d’un triple All-Star, et surtout d’un triple Défenseur de l’Année. Une performance le mettant dans un club très fermé, aux côtés de Dwight Howard, Ben Wallace et Dikembe Mutombo. Et faisant de lui l’un des meilleurs défenseurs de la NBA, et certainement le meilleur protecteur d’arceau. Le français a déjà dominé la ligue à plusieurs reprises aux rebonds et aux contres, tout en affichant une belle régularité. Sur les quatre dernières saisons, Gobert a toujours joué plus de 66 matchs, en tant que titulaire et joueur de majeur du Jazz.
Avec Rudy, Minnesota ne se contente donc pas de combler des besoins plus qu’évidents dans l’effectif, mais s’assure les services d’un monstre absolu dans ces domaines : défense intérieure, rebonds, taille. Mais surtout, la franchise a décidé de prendre un virage qu’elle pensait nécessaire. En tant que petit marché, il est toujours difficile pour les Timberwolves d’attirer des gros joueurs libres. C’est donc par des prises de risques via les transfers que Minnesota peut espérer passer un cap. L’avenir dira si le pari est gagnant, mais on ne pourra pas dire que Tim Connelly n’aura pas essayé.
En récupérant le pivot français, la franchise s’assure un coeur de joueurs sous contrat pour plusieurs années avec Towns, Edwards, McDaniels et Gobert donc. Reste à savoir ce qu’il adviendra de D’Angelo Russell, dont le contrat s’achèvera en fin de saison.
Aucun joueur majeur perdu
C’est le tour de force réalisé par Tim Connelly et ses équipes dans ce trade. Les Timberwolves n’ont pas cédé leur deux têtes d’affiche Karl-Anthony Towns et Anthony Edwards, et dans une moindre mesure D’Angelo Russell. Ils ont même conservé Jaden McDaniels, que le Jazz a pourtant réclamé dès le départ. Danny Ainge aurait fortement insisté en ce sens, et le refus de Minnesota était d’ailleurs le point bloquant des négociations, entrainant une compensation par des picks de Draft supplémentaires. Les Wolves tiennent beaucoup à leur jeune ailier, pour lequel de nombreuses équipes NBA se seraient renseignées ces dernières semaines. Un joli coup de Connelly donc, car le potentiel de McDaniels semble assez haut, alors qu’il est déjà un bon défenseur, et même plutôt prometteur de l’autre côté du parquet.
Les Timberwolves ciblaient Rudy Gobert depuis des semaines et l’ont eu sans abandonner Jaden McDaniels. Ils voient cela comme une immense victoire, qu’importe le prix.
Bien sûr, Minnesota a perdu des joueurs significatifs dans l’affaire, mais c’est un moindre mal dans un transfert de cette envergure, et pour un joueur comme Rudy Gobert. En lâchant Beverley et Vanderbilt, les Wolves sont orphelins de deux titulaires, et surtout deux guerriers qui ont clairement contribué au changement de mentalité observé la saison dernière. Le premier est bien connu de la ligue pour sa ténacité et sa langue bien pendue, mais force est de reconnaître que PatBev a fait un bien fou au vestiaire des loups. De son côté, Vanderbilt a lui aussi amené une énergie et une combattivité folles, malgré une baisse de régime en fin de saison, certainement due à la fatigue. Il a d’ailleurs fait partie des excellents défenseurs de la ligue depuis son poste d’ailier-fort. Deux joueurs importants donc, mais dont la perte n’est pas si dramatique, surtout en comparaison de l’apport potentiel de Gobert.
Beverley sera remplacé sur le poste d’arrière par Anthony Edwards, jusqu’à présent utilisé en 3, tandis que McDaniels intègrera certainement le cinq de départ au poste d’ailier. C’est évidemment Karl-Anthony Towns qui prendra la place d’ailier-fort pour laisser Rudy en pivot, un pari avec lequel le principal intéressé est totalement en phase. Et si, comme énoncé plus haut, nous reviendrons plus tard sur le plan tactique, le cinq de départ des Timberwolves semble franchement plus alléchant sur le papier.
En parallèle, Minnesota n’a pas vraiment affaibli son banc non plus. Le recrutement de Kyle Anderson, la prolongation de Taurean Prince et les éventuels mouvements à venir permettent à Minnesota de conserver un effectif fourni et plutôt équilibré. Pour ce qui est de Malik Beasley, c’est Jaylen Nowell qui est supposé prendre sa place, en obtenant un temps de jeu plus élevé. De ce point de vue, le transfert fait totalement sens et n’a en aucune mesure dépouillé le roster.
Avenir hypothéqué ?
En abandonnant 4 premiers tours de Draft et un swap, Minnesota a créé la sensation, et clairement divisé parmi les réactions à propos du trade. Nombreux sont ceux à penser que la franchise a hypothéqué son avenir de manière excessive voire inconsciente, si le projet venait à échouer. Et si les doutes autour du fit tactique peuvent être légitimes, on le verra, le succès d’un transfert n’est jamais garanti. En ne protégeant aucun de ses picks envoyés à Utah, Minnesota prend clairement un risque. Comme expliqué, la franchise a même accentué cette menace en tenant à conserver Jaden McDaniels, et là encore c’est l’avenir qui dira si Connelly a eu raison de croire en son ailier à ce point.
Pour autant, deux nuances sont à apporter. Tout d’abord, d’un point de vue du marché. On l’a vu ces dernières années, les contreparties pour des joueurs majeurs ont explosé – Jrue Holiday, et plus récemment Dejounte Murray. Il est donc plutôt logique de voir Minnesota payer le prix fort pour un élément aussi fort que Rudy Gobert, dont le contrat s’étale encore sur 4 ans ! On le voit ces derniers jours, les transferts pour Kyrie Irving et surtout Kevin Durant sont extrêmement compliqués à mettre en place.
D’autre part, Minnesota pourrait récupérer son capital de Draft en cas d’échec du projet. Avec Towns et Gobert sous contrat longue durée, ces deux joueurs resteront des assets de valeur dans les années à venir. De quoi récupérer des joueurs, ou des picks de Draft pour reconstruire autour d’Edwards, voire McDaniels. Si le risque pris existe réellement, il peut être tempéré par les perspectives en fonction du succès de ce projet.
Un move suffisant pour gagner ?
En réalisant ce transfert, les Timberwolves affichent clairement leur ambition : gagner vite. Les futurs actionnaires majoritaires et déjà très présents Marc Lore et Alex Rodriguez, ont laissé entendre qu’ils étaient prêts à des efforts financiers pour atteindre cet objectif. Si la mayonnaise prend, l’effectif de Minnesota a de quoi faire pâlir bon nombre d’adversaires. Pour autant, ce transfert peut-il être suffisant pour gagner le premier titre NBA de l’histoire de la franchise ?
La saison prochaine, trois joueurs seront payés au salaire maximum : Towns, Gobert, et Russell. Sans leur faire offense, aucun d’eux n’appartient au top joueurs 10 NBA, et l’on peut se demander si ce Big Three est capable de mener une équipe au titre. Cependant, Tim Connelly est parvenu à maintenir une profondeur et une qualité d’effectif autour de ses joueurs majeurs. Finalement, trois joueurs seront des vecteurs essentiels du succès éventuel des Timberwolves. D’Angelo Russell d’un côté, qui cristallise les critiques depuis sa mauvaise série de Playoffs face à Memphis. En fin de contrat la saison prochaine, reste à voir ce que décideront les Wolves à son sujet. Le marché, encore une fois, ne favorise pas à une signature à bas prix. Et le remplacer par mieux serait loin d’être aisé. Jaden McDaniels sera lui aussi capital, Tim Connelly ayant clairement misé sur lui. Sa progression des deux côtés du terrain est primordiale dans le projet des Wolves. Mais c’est évidemment Anthony Edwards qui sera observé par tous. Si l’arrière se hisse parmi les meilleurs joueurs NBA, à un vrai niveau de All-Star indiscutable, alors les ambitions de Minnesota peuvent atteindre les sommets.
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Finalement, l’avenir des Timberwolves passe par de nombreux facteurs, et il faudra que plusieurs planètes s’alignent. De notre point de vue, ce transfert fait du sens pour Minnesota, mais le succès n’est évidemment pas garanti. Comme nous l’expliquerons dans un article à venir très prochainement, l’essentiel des interrogations se situent sur le plan tactique. Si Chris Finch parvient à créer une machine qui tourne, Minnesota pourra viser haut. Très haut.