Qui se rappelle de Milos Teodosic ? Bon, les suiveurs d’Euroleague s’offusqueront devant cette question, puisque le Serbe joue toujours (36 ans, Etoile Rouge de Belgrade), mais pour les jeunes férues de NBA, moins sur.
Teodosic c’est ce meneur de jeu qui a fait briller la Serbie pendant des années. Il avait construit sa réputation dans les grands moments. A l’Euro 2011, Joakim Noah le découvrait : “Il y a beaucoup de joueurs que je ne connaissais pas. Le meneur de jeu Teosic, c’est comme ça qu’il s’appelle ? Non, Teodovic ? Non, Teodosic ? Ouais voilà, c’est vraiment beau à voir, c’est du haut niveau. Façon Jason Kidd, Steve Nash. Ses passes, sa vision du jeu c’est quelque chose que tu dois respecter. C’est vraiment un grand joueur.” En 2013, il avait, une première fois, attiré les yeux de la grande ligue en désossant les Timberwolves dans un match de présaison avec les CSKA Moscou (26 points, 9 passes décisives, 5 rebonds. Victoire 108 – 106). Cette icône avait décidé de faire la bascule en 2017. Après avoir tout gagné chez lui, il se donnait un nouveau challenge, à 30 ans, aux Clippers.
Durant l’été, l’enthousiasme de Doc Rivers augurait du meilleur : “Il n’y a pas de coïncidence. Quand Milos est sur le terrain, DJ (DeAndre Jordan) se transforme en Usain Bolt et traverse le terrain à toute vitesse. Il veut vous donner le ballon”. Les premiers pas étaient plus qu’encourageants, dans une toute petite rotation à 9 joueurs, il intégra immédiatement le 5 majeur au coté de Beverley, Galinari, Griffin et Jordan avec un apport significatif (+16,6 de NetRating lorsqu’il était sur le terrain, – 2,9 sans lui, 25 min/match les deux premiers mois). Malheureusement, cette arrivée se fit un ou deux ans trop tard. Le corps de Milos étant fatigué, les blessures ont coupé court à l’expérience et ont épuisé ses dernières ressources défensives.
Ce détour par Teodosic permet de rappeler qu’un joueur élite d’Euroleague peut tout à fait avoir un impact en NBA. A condition d’arriver dans de bonnes conditions, dans une équipe qui vous veut, et qui a un plan pour vous. Aujourd’hui, c’est le plus gros palmarès du vieux continent depuis Milos qui arrive en NBA. Un autre Serbe du nom Vasilije Micic.
Jugez plutôt : vainqueur de l’Euroleague en 2021 et 2022, MVP du final four les deux fois, MVP de l’Euroleague pour la saison 2020-2021 et meilleur marqueur en 2021-2022. Cet été, il a signé un contrat de 23,5 millions de dollars sur 3 ans pour arriver à Oklahoma, dans une équipe qui a bien besoin de ses talents.
Pourquoi a-t-il bien fait d’accepter ce challenge ? Pourquoi l’attaque, et le projet, d’OKC ont besoin de lui ? Comment peut-il aider cette équipe ? Tentons d’y répondre en se projetant sur la saison à venir.
Le “Scouting Report” de Vasilije Micic
On pourrait faire un raccourci et dire que Micic est une sorte de Luka Doncic du pauvre.
Toujours frustrant d’adjoindre l’adjectif “pauvre” a un tel joueur, mais on est proche de la réalité. A l’Anadolu Efes, il était celui par qui tout se déclenchait. Souvent, le jeu européen est pris en exemple pour son expression collective, mais la réalité est moins romantique. De plus en plus, il se résume en une succession de pick and roll tant les porteurs de balle sont efficaces. Micic est un joueur habitué à beaucoup avoir la balle en main, à créer pour lui et les autres.
Sur le playmaking, en utilisant les statistiques pour avoir quelques points de repères, il avait un usage à 23,4% (USG%) et un ratio assist à 29,38% (le pourcentage de panier marqués par ses coéquipiers qui sont issus d’un passes décisive de Micic – AST%). C’est une comparaison hasardeuse, mais transposé à la NBA, cela le situe autour d’un Fred VanVleet ou d’un D’Angelo Russell. Micic est connu pour ses lectures sur le pick et sur les drives, capable aussi bien d’accrocher l’intérieur que de ressortir pour un shooteur.
C’est aussi, voire surtout, un scoreur. Sa première qualité, c’est son shoot extérieur (35-36% à trois points lors des trois dernières saisons) avec un range assez rare. Micic peut shooter de très loin, ce qui oblige les intérieurs adverses à monter et à lui ouvrir la raquette. La saison dernière, il prenait 4,5 tirs dans la raquette par match, plus que 90% des autres joueurs, intérieurs compris. Avec une adresse intéressante (57%) qui est à contextualiser avec les règles européenne : à chaque fois qu’il pénètre un grand l’attend. Le jeu NBA, plus ouvert, devrait lui permettre de mettre à profit ses qualités. C’est également un très bon shooteur de catch and shoot (43% des deux corners) et on expliquait ce besoin dans la preview du Thunder.
Enfin, ce qui a fait la légende de Micic, c’est son leadership, qui se traduit dans le clutch. C’est un fabuleux joueur de money time. Par exemple, lors du final four 2022, il avait brillé en demi et en finale. Contre l’Olympiakos, d’abord, en envoyant un buzzer beater à trois points pour accéder à la finale (77-74). Puis, contre le Real Madrid, en jouant toutes les possessions des cinq dernières minutes (victoire 58-57). On s’arrête là, mais la liste est (très) longue.
Comme beaucoup de ces joueurs, sa défense est moins notable. Il profite de ses attributs physiques (meneur de jeu de 1m95) pour tenir la distance. Son importance dans le jeu de l’Efes était telle qu’il était couvert. Couvert par le règlement, qui permet d’avoir un intérieur en permanence dans la raquette, et par le plan de jeu.
Quelle attaque à OKC, et quel besoin ?
La vraie question de cet article est de savoir pourquoi OKC l’a fait venir ? Et comment il peut apporter quelque chose au jeu du Thunder en s’insérant dans le plan de Mark Daigneault ?
L’année dernière, Oklahoma disposait d’une attaque que je me permettrais de qualifier de “old school“, compte tenu des standards NBA :
- OKC était la 8e équipe qui jouait le plus de pick and roll se terminant par un tir du porteur de balle (18,4%). Ce qui est à cumuler avec l’ensemble des autres situations initiés par un pick and roll.
- Elle était la 10e qui utilisait le plus l’isolation (7,9%).
- Le Thunder profitait également de ses stops défensifs pour accélérer le jeu et jouer en transition (4e équipe, 19%).
Ce schéma est porté par deux joueurs : Shai Gilgeous-Alexander et Josh Giddey. Le “problème” est que le niveau d’efficacité des deux extérieurs est inégal. Oui, SGA est l’un des joueurs les plus efficaces de la ligue dans ces registres. Lorsqu’il était sur le terrain, sans Giddey, OKC affichait un Net Rating de +8,51, porté par une attaque prolifique (120,57 d’offensive rating). A l’inverse, quand le Canadien sortait et que Giddey prenait la main, l’efficacité chutait drastiquement : -4,09 de Net Rating, mais surtout 111,2 d’offensive rating.
La timeline d’OKC est à la croisée des chemins. A la fois, il est nécessaire pour eux de laisser leurs jeunes joueurs continuer à se développer pour un jour viser le titre, Josh Giddey en tête. Mais, en même temps, ils se doivent d’accrocher les Playoffs pour continuer à prendre de l’expérience. L’enjeu est de poursuivre les développements tout en gagnant en efficacité. C’est là qu’on comprend tout l’intérêt du recrutement de Micic.
Quel rôle pour Micic ?
Le Thunder a besoin d’un 6e homme pour rééquilibrer les forces en présence, et amoindrir l’impact des sorties de Shai.
Dans le roster de l’année dernière, les 3e et 4e porteurs de balle étaient Jalen Williams et Tre Mann. Inscris dans un cursus de progression, leur saison a été intéressante, notamment pour Williams. Mais ils ont affiché des limites au niveau supérieur. Pendant le Play-in, Tre Mann a disparu de la rotation, et Williams est passé d’un rôle de connecteur (29,9% de tirs pris en catch and shoot, 20% d’usage après le All-Star Game) à un rôle de finisseur (55% de tirs pris en catch and shoot, 12% d’usage durant les deux matchs du Play-in)
Daigneault a besoin d’un appui à Josh Giddey pendant la douzaine de minute d’absence de sa star pour que son équipe ne sombre pas. Il a également besoin d’un joueur qui ne le castrera pas et Micic a tout pour l’être.
D’abord parce qu’il arrive avec un statut de joueur européen en deuxième partie de carrière et, dans l’histoire de la NBA, ceux qui ont réussi sont arrivés avant leurs 26 ans (exception faite à Arvydas Sabonis). Par conséquent, et c’est assez clair dans les différents échanges avec la presse, il n’exige pas grande chose. Ensuite, parce qu’il sait vivre sans ballon.
Évidemment, c’est un meneur de jeu, pour maximiser ses qualités, il faut que Micic ait la balle dans les mains. Mais il jouait cette saison avec des gros porteurs de balle : Shane Larkin, Will Clyburn, voire Rodrigue Beaubois.
Enfin, parce que c’est le meilleur joueur du vieux continent sur pick and roll des trois dernières saisons et qu’il sera plus à même de suppléer Giddey et Shai que tout autre joueur du roster.
C’est un pari XXL que ce transfuge, pour ce joueur qui a tout accompli en Europe. Mais, on sait aussi qu’il n’a jamais été obsédé par la perspective NBA : « Honnêtement, c’était le dernier été que je courais après la NBA. Passé cet été, je n’aurais plus considéré un départ pour la NBA, car j’avais la sensation qu’atteindre le plus haut niveau en Europe était aussi très compliqué. Y rester et jouer à ce niveau, c’est quelque chose de très, très difficile. J’étais aussi très heureux là-bas. Mais je suis très content que ça se soit finalement produit, parce que j’ai travaillé pendant neuf ans pour y arriver, et je pense que ça en valait la peine ».
Même s’il s’y rend une année ou deux trop tard (sa dernière saison a été moins impressionnante que les deux d’avant), tout porte à croire qu’il a eu des garanties de temps de jeu. Il ne serait pas surprenant de le voir tourner autour d’une vingtaine de minutes par match, et, vu les besoins du Thunder, il a tout pour faire son trou.
NB : pour les stats avancées d’Euroleague, 3stepsBasket