Chez les Rastafaris, Zion est utilisé pour décrire une sphère spirituelle saine, comme le paradis sur Terre. Mais, quand on pense au début de carrière de Zion, on se demande si le destin n’a pas décidé de lui jouer un mauvais tour. Quatre ans après sa draft, l’enfant de Caroline du nord n’a joué que 114 matchs, soit 29 matchs par saison.
Avec l’arrivée de Victor Wembanyama, je me rappelle de l’attente que je pouvais avoir à l’aube de la première saison de Zion Williamson. L’excitation lors de son premier match, face au Spurs, particulièrement. Avec les saisons qui passent, l’excitation aurait pu s’estomper. Avec les blessures qui s’enchaînent, l’attente aurait pu s’effilocher. Avec les déceptions, l’espoir aurait pu s’effacer. Et pourtant, nous voilà en 2023, à quelques jours du début de la saison, avec tout en haut de ma liste de souhaits, une saison complète de Zion.
Pourquoi est-ce-que j’ai toujours autant d’attente pour Zanos ? Parce que les 3650 minutes passées par Zion sur le terrain de basket ont été particulièrement encourageantes, sur le plan collectif comme sur le plan individuel. On va d’abord décortiquer le profil individuel, avant de plonger dans son impact collectif. Les deux étant tout aussi impressionnants.
“La puissance, dès qu’j’arrive”
Qu’on l’aime, qu’on le déteste, Zion a peu de tendresse envers les cercles. Sur sa seule saison “complète”, 81% de ses tentatives étaient prises au cercle. Pour contextualiser, c’est la même fréquence que Dwight Howard ou Clint Capela. Pour atteindre le cercle, Zion sait utiliser sa puissance, mais pas seulement. Il ne fait pas partie de ces stars qui vont créer leur propre tir au cercle. Plus de la moitié de ses paniers au cercles sont assistés. En comparaison Luka Doncic est assisté sur moins de 20% de ses paniers au cercle.
Mais, contrairement à un “rim-runner” classique, il propose une grande variété d’action pour aller au cercle. Les New-Orleans Pelicans aiment l’utiliser comme poseur d’écran, ou sur des dribbles hand-offs. Comme il est à l’aise balle en main, il est possible de déséquilibrer les défenses en l’utilisant comme porteur de balle qui se transforme en screener.
Sauf que la mobilité et l’intelligence de Zion permettent aussi d’autres alternatives. Il est en recherche constante de lignes de coupes, ce qui permet (si ses coéquipiers le voient) d’obtenir des alley-oops facilement. Un défense “top-lock” par exemple, où un défenseur va vouloir couper la passe vers Zion, va ouvrir ces lignes de cuts qu’il adore. Il adore aussi partir d’une position au poste, se retourne en mettant le défenseur derrière et part au cercle d’une simple impulsion. Beaucoup de ses paniers assistés au cercle viennent aussi des contre-attaques sur lesquelles, en 2020/21, Zion était aussi efficace que Giannis Antetokounmpo.
Virevoltant, il prend la défense à contre temps
Avec plus de 12 drives par matchs en 2020/21, ou en 2022/23, Zion sait aussi se créer ses propres occasions au cercle. Son handle et sa verticalité, alliés à sa puissance, font passer tous les joueurs pour des mismatchs. À chaque action, la défense doit faire le choix de mettre un joueur d’un poids similaire, ou d’une rapidité similaire. Mais, la combinaison des deux n’existe pas. Bien sûr, la défense est une discipline collective, mais ne pas avoir la possibilité de ralentir son premier pas vous mets dans de beaux draps.
Son aspect surnaturel lui permet de prendre la défense à contre temps. Ses impulsions vers le cercle rappellent celles des arrières les plus athlétiques, sauf que c’est un bus de 130 kilogrammes qui vous arrive dessus. De plus, c’est un gaucher qui n’est pas handicapé par sa main droite. Bien sûr, il préfère finir à gauche du cercle, mais son handle de meneur lui permet aussi de punir les défenses qui tenteraient de lui ouvrir la droite du cercle.
Son profil atypique permet d’avoir des Pick and Roll avec des Guards et des Pivots comme poseur d’écran. Rares sont les joueurs qui semblent aussi difficiles à arrêter des deux côtés du Pick and Roll. Sa démonstration de force en décembre 2022 contre les Wolves m’a particulièrement marqué. Néanmoins, malgré des qualités uniques, il perd un peu en efficacité lorsqu’il crée pour lui-même. Sauf qu’il possède deux armes redoutables pour pallier ça : les lancers-francs et les rebonds offensifs.
C’est moche mais ça marche
On rentre dans la partis sans highlights et avec beaucoup de chiffres de l’article, Doliprane recommandé.
D’abord les lancers-francs. En carrière il a pris 955 lancers-francs pour 1866 tirs tentés, ce qui traduit un FT Rate de 51%. Pour le contextualiser, c’est deux fois plus que la moyenne de la ligue, et donc un FTr+ de plus de 200. C’est mieux que Shaquille O’Neal en carrière. Ces lancers-francs sont obtenus pour toutes les raisons mentionnées plus haut. Il arrive tellement à casser les défenses et les premières lignes, que les intérieurs sont parfois obligés de faire faute. Tel un chasseur, il identifie aussi quand les défenses ne sont pas correctement placées, et s’empresse de s’enfoncer dans les brèches.
Alors oui, son pourcentage aux lancers-francs n’est pas élite. Avec 69% en carrière, Zion fait partie de ces joueurs, comme Doncic ou Giannis, qui seraient monstrueusement efficaces avec des progrès aux lancers. Néanmoins, 69% au lancers-francs, c’est 1.38 point par tir, soit juste en dessous du MVP Nikola Jokic en termes d’efficacité.
L’autre arme cachée de Zion est sa capacité à prendre ses rebonds offensifs. Lors de ses tentatives au cercle, il crée parfois tellement de chaos que le défenseur n’a pas le temps de préparer l’action de prendre le rebond. Son corps, ou plutôt sa carrure, à quoi il faut ajouter son second jump, font de lui un rebondeur offensif féroce. D’après Ben Taylor, son % de réussite au cercle augmente de 4% si on enlève les tentatives ratées mais rattrapées par un rebond offensif. Soit une augmentation de 67% à 71% sur ses tentatives au cercle en 2020/21.
Impact avec un grand Z
Pour comprendre l’impact de Zion Williamson, j’ai décidé d’utiliser le fameux WOWY. WOWY est l’acronyme de With or without you, et non, ça n’a rien avoir avec U2. Le WOWY est un moyen de comprendre l’impact d’un joueur sur les performances de son équipe. Néanmoins, cette métrique fonctionne pour des créateurs primaires en attaque, ou des protecteurs d’arceaux en défense, mais pas pour des joueurs de rotation. Zion et ses responsabilités offensives peuvent clairement être corrélées avec les performances offensives de son équipe.
Offensivement, sur les 3650 minutes où Zion était sur le terrain, les Pelicans avaient un offensive rating de 117. Sur les 1877 minutes où il était sur le banc, cet offensive rating dégringolait à 110,5. Une différence de +6,5 points par 100 possessions en attaque, c’est la différence entre l’attaque de Detroit et celle de Dallas en 2022. Alors oui Zion est un scoreur fabuleux, avec un style unique. Mais surtout, et c’est le plus important au basket, il génère de l’attaque pour son équipe.
Avec Zion sur le terrain on constate une augmentation de l’efficacité à 2pts, à la fréquence au rebond offensif et à la fréquence au lancers francs. Il y a même sûrement un peu de variance à trois points qui pourrait augmenter le WOWY offensif de Zion Williamson. Mais, est-il capable de passer aussi bien que les autres gros moteurs offensif de la NBA moderne ?
Passeur d’opportunité
En terme de moteur offensif, il n’est pas l’équivalent d’un Jokic, qui génère un avantage de +11,8 sur la même période. Mais c’est proche d’un Luka Doncic qui lui génère un avantage de +7,2 depuis la saison 2019/20. Ce qui diffère de ces deux moteurs offensifs qui utilisent beaucoup la passe, c’est peut être la manière et surement l’impression visuelle. Oui, Zion n’a pas le jeu de passe de Doncic (ni le volume !), mais il peut faire profiter ses coéquipiers des espaces qu’il crée.
Il génère tellement de gravité, qu’il n’a pas besoin d’être un passeur élite pour en profiter. Il sait identifier les surcharges défensives qu’il cause, et arrive à trouver ses coéquipiers. Quelques skip passes, mais aussi des passes simples vers le dunker post quand l’intérieur monte sur lui. Il possède aussi la capacité de punir sur des kick-outs. Oui, rien d’incroyable en terme de passing. Mais il casse tellement les défenses, il force tellement de déséquilibres, que son passing suffit. C’est un passeur volontaire qui sait reconnaître les décalages qu’il crée.
Scoring, efficacité et rayonnement collectif, c’est ce que j’ai voulu faire transpirer de cet article qui dégouline d’espoir. En Octobre, il est encore temps d’être optimiste. Nous sommes encore face à une page vierge, à la croisée des chemins, à un carrefour de la route de Zion. Nous avons maintenant toutes les cartes en mains pour suivre la 5e saison d’un joueur unique. D’un attaquant percutant, électrisant, polarisant mais surtout très impactant.