Il y a encore quelque temps, le lauréat pour le titre de pire équipe NBA aurait été une lutte sans merci entre les Houston Rockets et les Detroit Pistons. Si comme moi, vous redoutez l’idée de regarder des matchs médiocres ou à sens unique, il va sans dire que vous avez peu vu jouer les Rockets ces 3 dernières saisons.
Toutefois, l’été dernier avait donné la sensation que la franchise s’était attaquée à ses problématiques. En premier lieu, elle avait licencié Stephen Silas, head coach qui semblait sans idée, tant en attaque qu’en défense. Puis, elle avait commencé à ramener une multitude de vétérans qui pouvaient contribuer et aider à construire une identité collective. Pour parachever les arrivées côté joueurs, on apprenait que le nouveau coach s’appellerait Ime Udoka : une bien bonne nouvelle au regard de ce qu’il avait réalisé durant sa seule année à la tête des Celtics.
Bref, l’intersaison 2023 des Rockets était réussie et promettait une saison à venir d’un acabit très différent des précédentes.
Les Rockets : une équipe où tout était à faire
La franchise a beaucoup drafté ces dernières saisons. A tel point que durant notre Preview 2024 des Rockets, les arrivées de vétérans me paraissaient à la fois salvatrices, quoiqu’inquiétantes quant aux choix qu’ils seraient nécessaires de faire pour tenter de développer un maximum de sa jeunesse.
Ime Udoka arrivait à la tête d’une équipe où tout était à faire. Défensivement, les jeunes Rockets se complaisaient depuis 3 ans dans les bas fonds de la NBA. En dépit de plusieurs joueurs intéressants dans le domaine, aucune consigne claire ne semblait s’appliquer et le manque global d’engagement était criant lors des rares visionnages de cette équipe. C’était pourtant en attaque que l’équipe était la plus exaspérante : succession de pick & roll sans animation autour, isolations chaque fois que la balle ne savait pas où aller (c’est-à-dire souvent) : les Rockets donnaient l’impression d’être incapables d’exploiter le talent de ses ouailles.
La paire Kevin Porter Jr – Jalen Green en charge de l’attaque laissait hautement perplexe et le reste du potentiel de l’équipe semblait ignoré. Alperen Sengun, en tête de liste, qui aurait pu être le point d’ancrage de l’attaque devait au contraire se contenter des miettes, tandis que Jabari Smith Jr, drafté en 2022 produisait une saison rookie bien triste dans un rôle extrêmement limité (comme son jeu offensif ?). Alors que la franchise venait de drafter Amen Thompson et Cam Withmore pour agrandir une réserve déjà pléthorique, un changement s’imposait sous peine de gâcher ce “young core“.
Dans ce contexte, des choix risquaient d’être faits, et Kevin Porter Jr a finalement facilité la tâche de la franchise en commettant des actes de violences conjugales qui terminaient d’enterrer son histoire avec Houston.
Puis soudainement, une toute nouvelle équipe débarqua.
Et soudain, Houston redevient une franchise NBA
Depuis le début de saison, les Rockets sont simplement méconnaissables. Sans être brillants offensivement, tout le monde semble enfin trouver sa place. Si tous ne peuvent prétendre à un rôle majeur, on ressent une volonté collective de contribuer selon les directives données et, après 20 matchs, cela semble suffire pour être cohérent. Cela pourrait paraître peu, connaissant les progrès nécessaires pour trouver son compte en défense (et donc un équilibre). Pourtant, c’est bien là tout le succès de ce début de saison : le temps où Houston réalisait une opération porte ouverte est révolu. A la place, c’est une défense de haute volée qui a pris place. Et si on ne rappellera jamais assez que le début de saison doit être pris avec des pincettes, c’est à ce stade le renversement le plus inattendu qui soit.
Puisqu’il serait impossible de couvrir toutes les raisons de ces changements, je vous propose d’en découvrir 4 pour se faire une idée de ce qui a permis de transformer l’équipe sur ces 20 premiers matchs.
1 – Un axe Fred Van Vleet – Alperen Sengun
Deux choses pour commencer.
1 / Vous n’entendrez pas parler d’Amen Thompson, qui, comme en Summer League, nous a quitté prématurément à cause d’une entorse à la cheville.
2 / C’est la fin de la traction Jalen Green – Kevin Porter Jr, et c’est là un changement que nous appelions de nos vœux.
A la place, Ime Udoka a fait la chose la plus cohérente qui puisse être faite : faire appel au meneur vétéran débarqué pendant l’été (Fred Van Vleet) et l’associer à répétition à son pivot (Alperen Sengun), fier représentant d’une nouvelle lignée d’intérieurs capables de dribbler, passer, voire shooter à l’occasion. Le jeu collectif des Rockets part donc désormais de ce tandem qui exécute un haut volume de Pick & Roll, mais qui contrairement aux Rockets version Silas, remet la balle à haut volume dans les mains de son intérieur via du Short Roll.
Dans la phrase précédente, ce n’est d’ailleurs pas tant la notion de haut volume qui compte, mais bien celle de short roll. Je m’explique, voici le nombre de P&R joués par les Rockets et le nombre de balles distribuées à son pivot l’an passé Vs ce début de saison :
Saison 2022-2023 | Saison 2023-2024 | |
Nombre de P&R | 22,4 | 20,1 |
Part de P&R | 19,50% | 18,50% |
Nombre de touches de Sengun | 56 | 61 |
Si on se base sur les chiffres seulement, on se dit que peu de choses ont changé.
Pourtant, la zone où les ballons sont touchés varie beaucoup, car c’est toutes les qualités du pivot qui sont ainsi utilisées différemment. L’an passé, nombre des ballons joués par l’intérieur étaient près de la peinture. En ce faisant, il était mis dans des situations de post-up ; ce qui sous-entendait dans le jeu de Silas que Sengun devait scorer ou profiter des aides pour scorer. Utiliser le poste bas comme outil de création donc.
Toutefois, sous Udoka, en lui donnant beaucoup plus de ballons poste haut, il le met dans des positions beaucoup plus favorables pour utiliser son jeu. Puisqu’il est servi après l’écran il bénéficie d’un avantage à exploiter. C’est là que ses qualités techniques, notamment en tant que passeur, de l’intérieur, sont finalement optimisées :
De même, il est rendu plus dangereux au scoring. Là où dans des situations de post-up, la panoplie du joueur se limite aux différents moves qu’il peut faire poste bas, quand il est en mouvement à réception du ballon, c’est toute sa polyvalence qui peut être exploitée. Shoot, drive, travail au poste. En tant que triple menace, le joueur devient plus susceptible de prendre la défense au dépourvu.
Ainsi, complémenté par un Van Vleet très en verve ce début de saison, les Rockets sont plus cohérents offensivement. Un constat qui ne sied, d’ailleurs, pas qu’à la colonne vertébrale de l’équipe.
2 – Jalen Green, un nouveau joueur ?
Depuis le début de saison, j’ai beaucoup lu que Jalen Green était un joueur différent, tandis que d’autres louent Ime Udoka pour une utilisation bien meilleure de l’arrière.
Des affirmations qui me semblent plutôt fausses. Là encore, le joueur ne me semble pas avoir effectué des progrès, tout du moins offensivement, qui soient particulièrement marquants.
En revanche, deux choses ont réellement changé :
- Il n’est plus utilisé comme la source majeure de production offensive de son équipe (cf notre partie précédente), ce qui le rend ainsi, beaucoup plus viable
- Il défend à un tout autre niveau, ce qui change considérablement sa valeur d’un point de vue collectif
En cela, on peut dire que Jalen Green est un joueur différent. Pour autant, imaginer un recalibrage du joueur est erroné.
Pour preuve, l’essentiel des possessions menées par l’arrière sont toujours, en termes de fréquence, proportionnellement les mêmes :
- des pick & roll (41% cette saison, contre 43% la saison précédente),
- de l’isolation (10% cette saison, contre 11,5%)
- de la transition (13,5% cette, contre 11,5%)
Alors oui, il prend significativement plus de tirs sur catch and shoot (+5pts), il a légèrement plus d’opportunités en transition, mais le cœur de son jeu reste le même. D’ailleurs, si l’échantillon est encore faible, on note tout de même que son efficacité globale est identique à la moyenne de ses saisons rookies & sophomore. Son jeu offensif n’affiche en réalité pas de progrès tangibles permettant de le considérer comme un nouveau joueur.
Toutefois, plus dépositaire de l’attaque des siens, ses défauts sont moins exposés. Son engagement nouveau en défense permet de le laisser sur le terrain sans craindre qu’il soit exploité par l’équipe adverse comme un mismatch et, il semble appliquer en attaque les consignes qui lui sont données dans le ciblage des défenseurs adverses, acceptant une variance dans ses responsabilités d’un match à l’autre. Ce faisant, sa valeur a changé.
3 – Une défense d’un tout autre calibre
Cet été, les Rockets ont fait venir Dillon Brooks et Jeff Green, certainement deux vétérans qui dans leur esprit, permettraient de porter un changement de mentalité voulu par l’addition d’un coach (Udoka), avant tout perçu comme orienté vers ce côté du terrain.
Il va sans dire, que de ce point de vue, ce qui aurait pu être une transition s’est mué en transformation. En l’espace d’un training camp, c’est le jour et la nuit dans le Texas.
29eme defensive rating de la saison passée, avec 118,6pts encaissés pour 100 possession, les Rockets émergent comme le 4eme defensive rating de la ligue avec 109,7pts encaissés pour 100 possessions. Un énorme différentiel qui risque d’être rogné la saison avançant (les attaques sont toujours plus efficaces en 2eme partie de saison), mais ce changement de statut pour l’équipe est palpable à l’écran.
Les Rockets ont des consignes claires, mais également une énergie et une volonté de bien défendre qui rappellent que le coaching est crucial en NBA. Aucun joueur ne semble désintéressé de ce côté du terrain, et le mix de jeunesse et de qualités athlétiques présents dans l’effectif apparaissent désormais exploités.
Entre Dillon Brooks, Jae’Sean Tate, Tari Eason, Reggie Bullock, Jabari Smith Jr, Jeff Green ou encore Jalen Green, Udoka possède une panoplie de joueurs denses, physiques, capables de garder des joueurs de différents gabarits. Ce faisant, on a également la confirmation que Sengun est loin d’être un défenseur médiocre, jouant plus que convenablement son rôle de dernier rempart.
Mais ça donne quoi, sur le terrain ?
Le premier élément marquant, outre l’engagement collectif dans le domaine, c’est à quel point il est difficile d’exploiter les Rockets en transition. Segment du jeu qui donne le plus de points faciles aux équipes, la transition est un cauchemar face à Houston.
C’est d’une part la seconde équipe qui en autorise le moins de toute la ligue (14,5% des tirs pris contre Houston seulement), c’est aussi l’équipe qui autorise la plus faible efficacité sur ces séquences 0,93 points par tirs pris ! La médiane se trouvant à 1,13pts par tir pris.
Pour vous donner un ordre d’idée, ils n’encaissent que 14,7pts par match sur transition :
- Les 15è, les Knicks, en encaissent 6,7 de plus,
- Les derniers, le Jazz : +10,4,
- Les Rockets l’an passé… 12,5 de plus.
Et au global ?
Au global, les Rockets sont une équipe qui a décidé de prouver de ce côté du terrain. Très bons sur le repli défensif, très agressifs sur les porteurs de balles adverses, tout en faisant les efforts sur les close-out quand un opposant est dans une position ouverte. En prime, les Rockets sont pour le moment impeccables sur le rebond défensif, pour offrir un minimum de secondes chances à l’adversaire (6eme au %REBONDS captés en défense).
Ce surplus d’énergie a néanmoins deux défauts que le temps va éprouver. Tout d’abord, il coûte beaucoup en énergie, il conviendra ainsi de voir s’il survit à l’épreuve du temps (la longue saison NBA), ainsi qu’à des séries éventuelles de défaites qui pourraient survenir. En outre, il faudra surveiller la tendance de l’équipe à faire beaucoup de fautes, afin que cela ne devienne pas un problème si des blessures s’invitaient dans leur saison.
4 – Discipline tactique
Enfin, les Rockets méritent en ce début de saison des louanges pour la rigueur démontrée.
En attaque : cibler le mismatch
Offensivement, on ne peut pas dire que Houston soit une équipe particulièrement impressionnante. D’une part parce qu’ils ne sont pas flamboyants de ce côté du terrain, d’autre part parce que leur système offensif est assez simple. Pourtant, soir après soir, les joueurs appliquent le plan et savent cibler la brebis galeuse.
Opposés au Thunder le 7 décembre, ils ont attaqué le maillon faible à répétition. Objectif ? Générer des switchs pour permettre à Sengun d’attaquer Josh Giddey. Quand il tombe face à un extérieur ? L’attaquer également.
L’attaque d’Ime Udoka consiste simplement à mettre un joueur en difficulté pour forcer des aides. Une fois l’avantage créé, il suffit alors d’exploiter le mieux possible les décalages.
Dans la même veine, le 12 novembre, face à des Nuggets privés de Jamal Murray, les hommes d’Udoka font face à un monstre à 2 têtes : Michael Porter Jr et Nikola Jokic. Réalisant que le reste de l’équipe est peu en verve, les Rockets vont tenter de briser la troupe de Mike Malone en attaquant à répétition l’ailier des Nuggets, qui en dépit de nets progrès défensif, va prendre l’eau. Le plan des Rockets est simple: fatiguer l’adversaire, essayer de le mettre en foul trouble pour faire d’une pierre deux coups : asphyxier un MPJ indispensable ce soir-là et éventuellement le pousser à sortir pour 6 fautes. La stratégie va s’avérer payante, notamment auprès d’un Jalen Green très maladroit, qui va trouver l’essentiel de ses points sur la ligne des lancers.
En défense : accepter la douleur
Défensivement transcendés depuis le début de saison, l’équipe s’en tient également au plan.
Plutôt que de monter des plans collectifs pour arrêter les stars adverses, les Rockets préfèrent accepter de prendre des coups et maintenir une grosse pression sur leurs coéquipiers.
D’un point de vue philosophie, les Rockets font ce qui doit se faire à l’heure actuelle : tenter de garder l’adversaire loin de la raquette. Leur défense extérieure de très belle facture facilite grandement la vie d’Alperen Sengun qui peut prouver sa prise d’expérience dans la couverture du Pick & Roll (à moins que ce soit tout simplement parce qu’il est plus facile de défendre le P&R quand votre premier rideau est beaucoup plus impliqué). Cette volonté de priver l’adversaire de l’accès à la restricted area est pour le moment un succès. Les Rockets sont seconds au plus faible nombre de tirs concédés dans cette zone et dans la première moitié du tableau au pourcentage au tir.
Avec les nombreux éléments évoqués précédemment, il est facile de pratiquer une défense faite de nombreux switch, qui limite fortement les espaces disponibles pour les équipes adverses, et fait jusqu’ici d’Houston, non pas seulement une équipe élite pour priver l’accès au cercle, mais également une bonne défense sur le tir à 3pts : 9è en nombre de tirs autorisés derrière la ligne et 7eme en adresse de ses adversaires sur ce début de saison.
En somme, le plan est clair, forcer le tir à mi-distance, ne rien abandonner. Et après 21 matchs, les Rockets se montrent d’une discipline de fer.
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Maintenant, il faut que ça dure
On ne le dira jamais assez, mais les bonnes surprises de début de saison se transforment parfois en véritables désillusions.
Pour autant, ces Rockets sont méconnaissables, transfigurés par un changement clair de direction. Intenses, disciplinés, appliqués, l’arrivée d’Ime Udoka et de vétérans décidés à changer les choses ont galvanisé un groupe qui enfin, ressemble à une équipe de basket.
Désormais, il faut réussir à garder le cap, et qui sait, s’inviter comme un acteur de la conférence Ouest.