Depuis combien d’années parlons-nous des « sublimes losers », les Ewing, Malone, Barkley ou autre Baylor, qui, malgré de superbes carrières, n’ont jamais eu en main le fameux graal, le trophée O’Brien ? Que de regrets, de talents non récompensés. Avec le temps, les fans de NBA ont fait émerger le terme de « sublime losers ». Mais durant les années où LeBron peinait à obtenir son premier titre (oui, cette époque a existé), un gag récurrent faisait surface dans la websphère des basketteurs : « Scalabrine a plus de titres que LeBron ». Est alors apparue la catégorie que nous appellerons les « golden losers ». Par ce terme, on entend des joueurs improbables, qui posent les pieds sur un parquet NBA, d’une discrétion telle que personne ne se rappellera qu’ils étaient là. Et pourtant, ces petits gredins terminent leurs carrières NBA dans l’oubli, mais dans leurs cartons, il y a un petit anneau qui manque injustement à tant de stars ! Chez QiBasket, on adore fouiller pour trouver ces petites perles de notre NBA history. Huitième profil, huitième « Golden Loser ».
Un, deux ou trois looks improbables
Ce golden loser ne va pas vous surprendre. Tôt ou tard, son arrivée dans ma liste était une évidence. Il est même l’un des Golden Losers les plus connus des parquets et des fans NBA, tant il a su incarner ce rôle avec brio et consistance. Tout est golden et tout est loser chez cet homme : un début de parcours prometteur, un talent indéniable et une draft bien haute pour terminer en bout de banc de bout de banc bien bas, le costume et les DNP comme quotidien NBA, mais pour finalement parvenir à un bilan plus doré que Patrick Ewing, Charles Barkley ou Karl Malone. A cela s’ajoute un look… assez variable sur lequel j’émets quelques sentiments perplexe… Tel un ado qui se cherche, notre homme a varié les faciès en jouant sur ses capacités capillaires qui semblaient plus à la hauteur que son talent NBA,…
Pourtant, cet homme fut un bon prospect, et il fut un joueur pris au sérieux. En NCAA, personne n’a douté de sa force et ses compétences pour intégrer la grande ligue. Mais hélas pour lui, le destin cruel des oubliés de la NBA, les Bobcats, les moqueries de Kobe à son propos devant les millions de téléspectateurs du Jimmy Kimmel Show, et les costumes trop amples sont bel et bien l’essentiel de ce que l’on se rappelle lorsqu’on parle… d’Adam Morrison.
L’étoile montante, malgré les soucis de santé
Adam naît dans le bon vieux Montana en cette année bénie de 1984. Le basket est déjà présent dans la famille, puisque John Morrison, le papounet, est coach de basket depuis de nombreuses années, et a entraîné des équipes de jeunes lycéens dans plusieurs écoles différentes. La famille vit bien, très bien, peut-être même un peu trop puisque le petit Adam débute son existence avec un physique quelque peu dodu ! Dodu mais volontaire, car le gamin souhaite perdre du poids, notamment par le plus beau sport du monde : le basket ! Il commence avec son lycée dans le Washington, à Mead, là où sa famille a récemment déménagé. Adam perd alors 14 kilos, un succès qui est malheureusement vite éclipsé par un camp d’entraînement qui se passe très mal. En effet, le jeune Adam titube, vomit, frissonne, bégaye son basket et ne parvient à rien faire. Il est au bord de la syncope… la perte de poids a-t-elle été trop rapide ? Au contraire, il était temps qu’Adam corrige son régime, car ces symptômes lui font découvrir son diabète.
Mais c’est là qu’Adam Morrison va attirer l’œil des coachs. Le gamin, parfois au bord de l’hypoglycémie, à deux doigts de tomber dans les pommes sur le parquet, arrive quand même à planter sévère ! Et pourtant, les scouts universitaires le sous-estiment quelque peu au départ, alors que son équipe au lycée de Mead ne perd qu’un seul match lors de sa meilleure saison. Au niveau national, il est placé en 26e position des ailiers shooteurs parmi les lycéens, une insulte à son talent, qu’il va s’empresser de corriger à l’Université.
La confirmation à Gonzaga
Les années dorées d’Adam Morrison sont devant lui, mais pas pour longtemps, faut pas abuser. Plus sérieusement, à son arrivée aux Bulldogs de Gonzaga, Morrison se propulse sur la grande scène : une première pige à 11 points par match, avec un titre de champion de la WCC (West Coast Conference) et une nomination dans la WCC All-Freshman Team. L’année suivante, rebelote, mais le coco tourne à 19 points ! Il se permet quelques cartons, montant à 43 points par exemple, et répétant la quarantaine à plusieurs reprises. Les années suivantes, c’est carrément l’excitation autour d’Adam, parce que le Monsieur fait son average à 28 points cette fois, oui messieurs.
La voie de la NBA lui semble désormais ouverte. Lui qui avait commencé comme ramasseur de balle dans l’équipe universitaire, notre ami -hélas- diabétique, est devenu une rockstar, qui termine certes sa carrière des campus sur une défaite en sweet-sixteen en crève coeur, mais il est surtout co-National player of the year, avec un certain J.J.Redick de l’université de Duke. Le tout, avec un style toujours aussi… regardez par vous-même.
Drafté par Michael, lui-même.
Nous sommes en 2006, la NBA stabilise sa géographie. Peu de mouvements sont à signaler, les Grizzlies ont quitté Vancouver pour Memphis, les Hornets ont quitté leur nid de la Caroline du Nord pour la Louisiane et la Nouvelle-Orléans. Conséquence : la ville de Charlotte se retrouve orpheline de la NBA, alors que les fans s’étaient attachés en nombre à la franchise aujourd’hui revenue de ses cendres. Mais la ligue constate qu’elle approche de la trentaine de franchises, comme la NHL et les deux ligues professionnelles de baseball. Cet équilibre du chiffre 30 semblant être l’assurance de la pérennité du bon business d’une ligue américaine, la NBA décide de compléter ses lignes et d’équilibrer ses conférences. C’est cette situation qui permet en partie la création d’une nouvelle franchise à Charlotte : les Bobcats !
Nouvelle franchise signifie tours de drafts supplémentaires, et recherche rapide de talents immédiats. Et les Bobcats se servent allègrement et tentent une première pige avec Eddie House, Emeka Okafor, Gerald Wallace, Jason Kapono, Jahidi White ou Kareem Rush. Les résultats ne se font pas attendre : 18 victoires, 64 défaites. L’année suivante, on ajoute Raymond Felton, pour une amélioration notable : 26-56. La troisième année, on se dit que ça serait bien quand même de rendre la franchise orangeâtre un poil attractive quand même… Mais il faut avouer que si Emeka Okafor déçoit, Raymond Felton et Gerald Wallace semblent être des jeunes sur les bons rails. Arrivés en 2004 dans la ligue, les Bobcats sont cependant au fond de la conférence Est en 2006. Et comme Vancouver en son temps, l’image de l’équipe ne séduit pas. C’est donc le moment idéal pour recruter un joueur en mal de création artistique en termes de look.
Et en quelle position est sélectionné notre Adam, lui qui venait tout juste d’intégrer TeamUSA pour des essais au mondial 2006 ? Disons que le moustachu pourra se vanter de n’avoir eu qu’Andrea Bargnani et Lamarcus Aldridge au-dessus de lui. Charlotte fait donc une croix sur Brandon Roy, Rudy Gay, J.J.Redick, Thabo Sefolosha, Rajon Rondo, Kyle Lowry ou Paul Millsap. Mais détrompez-vous, cette alléchante liste arrive très bas dans la draft de 2006. Charlotte pensait donc avoir vu bon en recrutant l’impressionnant scoreur de Gonzaga. Et pourtant, on est en droit de douter, car le recrutement d’Adam Morrison est en réalité le premier fait d’arme d’un patron de franchise qui avait recruté Kwame Brown autrefois… oui, le Grand Mike lui-même.
Deux piges et demi aux Cats, et puis…
A 22 ans, Adam est un joueur qui veut tenir ses promesses et la confiance de la jeune franchise. Et il faut avouer, la première année fait vite tomber sous la table ma série de vannes sur son look : 11.8 pts, 2.9 rbds, 2.1 ast et 78 matchs joués, dont 23 en titulaire et surtout 29 minutes par match ! Du bon. Dès son premier match, Morrison parvenait à se distinguer avec 14 points pour rassurer le patron Jordan sur son choix. Mais il reste du travail, car le shoot d’Adam est cafouillis, et sa défense laisse à désirer.
La deuxième année va-t-elle confirmer la montée en puissance du premier Stache-bro ? Non, car nous parlons d’un Golden Loser modèle, et le Golden Loser trouve toujours son chemin vers son destin : le titre au rabais. Alors comment a procédé notre expert ? Déjà, une bonne blessure bien sale au genoux en pré saison suite à un choc avec un futur partenaire qui lui aussi a un beau CV de Golden Loser : Luke Walton. Saison 2 annulée donc : DNP x 82. La troisième année, ça va un peu mieux pour les Bobcats, notamment grâce à l’apport de certains joueurs qui à l’époque étaient scandaleusement sous-estimés (je parle de Boris Diaw bien sur) mais avec un effectif sur la bonne voie qui arrivera l’année suivante à ses premiers Playoffs avant que l’ami Michael ne décide de repartir à zéro complet.
Ensuite : dans cette progression collective, Adam a complètement endossé son habit de draft bust, et tourne à un légendaire 4 points par match. Et l’habit du Golden Loser sera bientôt là aussi. Malgré 44 matchs joués depuis le début de la saison, Charlotte abandonne d’ores-et-déjà ses espoirs sur Adam, et le pousse au rang de 19e roue du carrosse. Ce genre de joueur qu’un coup de vent implique dans un trade rapide, pour faire office purement de monnaie d’échange.
Et c’est exactement ce qu’il se passe, sauf que le destin va donner à Adam la chance de sa vie, la chance d’une vie. En 2008, les Lakers dépendent de Kobe, mais il manque un lieutenant pour retrouver les sommets de la NBA : Pau Gasol est donc recruté, mais la finale face aux Celtics tourne au vinaigre pour Vino Bryant. L’année suivante, Trevor Ariza semble être un ailier plus intéressant que Vladimir Radmanovic, au profil limité et qui n’a pas su beaucoup apporter en 2008. Mais voilà, L.A n’a pas forcément besoin d’un role player central, alors que l’équipe est déjà bien garnie avec Fisher, Odom, Bynum et bien sur Ariza. Il faut simplement compléter l’effectif avec un ou deux gars de rotation. Ainsi, et alors que les Lakers sont à quelques semaines de retrouver le titre, Adam Morrison et Shannon Brown sont échangés contre Radmanovic.
La team golden loser ?
On est en droit de se demander comment les Lakers ont réussi à aller au bout en 2009 avec Luke Walton, D.J. M’Benga, Shannon Brown, Adam Morrison et le légendaire Golden Loser Sun Yue qui eut son article aussi ! Cette équipe de champions NBA, pourtant pilier dans la légende de Kobe, a vraiment été mon vivier de Golden Loser, je dois l’admettre !
Allez hop, on active la Golden Lose : 8 matchs joués, le reste sur le banc en costard, et le résultat est immédiat :
Pas un, pas deux… OK deux c’est quand même pas mal
La bague en poche, mais des cheveux en moins, Adam est bien, tranquille, pas matière à se plaindre, sinon de la concurrence en terme de lose avec Sun Yue. Mais le Golden Loser #3 quitte le navire rapidement, faisant d’Adam le Loser sublime et ultime. La saison 2009-10 est légèrement plus sympa pour Adam qui joue 31 matchs malgré tout. Mais à 25 ans, le Bulldog de Gonzaga ne fréquente certainement plus les high scores, puisqu’il culmine à 2.4 pts par match, pour 7 minutes joués. Mais la sainte lose est avec Adam, qui s’offre un modeste second titre avec une équipe qui entre dans le panthéon du basket. Non seulement à 25 ans, sans bouger le doigt (la photo ci-dessus étant une exception) Adam est double champion NBA en 2010, mais il va se permettre le luxe de disparaître de la NBA pour toujours juste après ! Quant à son rôle au sein des Lakers, je laisse Kobe vous résumer la chose :
https://www.youtube.com/watch?v=Qm0u2XuNq3Y
Et après ? Rien, ou presque
Il faut avouer, que malgré son talent, la personnalité d’Adam semble poser problème. Non pas que le jeune homme est perturbant, mais il est assez renfermé. Alors que le Jimmy Kimmel show lui propose de faire amende honorable et de rejoindre ses coéquipiers, Kimmel lui demande alors où il souhaite aller pendant les vacances. Kobe et les autres, hilares, résument : “Jimmy, tu dois le faire parler sinon il ne dira rien”, alors que Morrison lâche un discret, mais étrange “rester ici”, comprendre ici, sur le plateau. Plus tard, ce sera un bad buzz lorsqu’un journaliste propagera la fausse information assurant qu’il posséderait un abri anti-atomique, le faisant passer pour plus étrange qu’il ne l’était déjà. Plus tard, il ne manquera pas de raconter la difficulté qu’il a eu à refaire son image après ça.
Les Lakers ne conservent pas Adam, pas plus que les Wizards qui lui offrent une place au training camp, sans aller plus loin. Le double champion NBA, légende NCAA de Gonzaga, 3e pick de draft, s’éteint totalement et s’éloigne pour toujours des parquets NBA. 5 saisons, une seule complète, 2.2 points de moyenne sur les deux dernières, mais qui se terminent par deux titres.
Alors il reste quoi ? Les championnats qu’on adore regarder non ? Porto Rico, Mexique, Mongolie, troisième division grecque ? Pas aussi sombre que cela heureusement, puisque Morrison tente une pige… A l’Etoile Rouge de Belgrade. La Serbie est une terre de basket, cela pourrait être une bonne porte de sortie pour Adam ? Non, car il ne reste que 8 matchs, pourtant complets et plus appréciables niveau stats (15pts/match), mais avant de se blesser à nouveau. Puis en 2012, c’est la Turquie au Besiktas, pourtant là aussi terre de basket, mais encore une fois pour un passage éphémère.
Retour aux sources
Adam retournera aux Etats-Unis en 2012. Son objectif ? La NBA, mais ce ne sera que la D-league, dans laquelle il retrouve un peu de temps de jeu sous les équipes appartenant aux Nets, puis aux Clippers. Puis, dans un dernier battement de cœur, les Blazers proposent un contrat à Adam ! La rédemption ? Le retour aux parquets ? Evidemment non, il sera coupé quelques jours plus tard. Alors Morrison abandonne l’idée de jouer au haut niveau, et se focalise sur sa femme et ses deux enfants, en revenant à Mead, dans le Washington, pour y devenir coach de son ancienne équipe de Lycée, après que Gonzaga lui ait par ailleurs proposé de le former à ce rôle avant de prendre en charge Mead. Un geste d’affection pour une équipe universitaire qui a su reconnaître la chance d’avoir Adam dans son équipe, au contraire des suivantes.
Aujourd’hui, Adam Morrison vit des jours paisibles avec sa famille qui, très tôt dans sa carrière, est restée sa priorité. Bien que le basket fut une part importante de sa vie, sa santé et ses amours ont empêché le Bulldog de sombrer dans des ligues mineurs en mode globetrotteur. Lui-même expliquera que ses passages dans les Balkans et en Turquie furent brefs en partie parce que les médicaments étaient plus difficiles d’accès pour son diabète. Morrison reconnaîtra volontiers son manque de muscle et sa difficulté à se remettre des blessures pour mieux progresser dans la NBA, ce qui est tout à son honneur.
Cher Adam, tu as su combattre la maladie, atteindre le sommet du basket, et tu as refusé de sombrer dans l’anonymat du sportif écarté pour être avant tout un bon père. Mais ton petit passage avec Sun Yue et les copains Lakers pour attraper les deux bagues tout en restant dans ton beau costume ne saurait passer sous les radars ! Toute l’équipe de QI basket salue la famille Morrison dans le Washington et nomme papa Adam Golden Loser numéro 8 !