A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 1 sur l’équipe féminine, c’est par ici !
Épisode(s) précédent(s) :
Épisode 1 – A la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Episode 2 – Premiers trophées et période trouble (1932 à 1945)
Multiplication des matchs
A compter de 1932, ça y est ! Les « bleus » peuvent enfin proposer quelques affiches de manière un peu plus fréquente. Un classique contre la Belgique, une rencontre contre le Portugal, puis la Suisse et la Belgique de nouveau. La naissance de la Fédération Française de Basket-Ball en 1932, son adhésion à la Fédération internationale de Basket-Ball (FIBB qui deviendra FIBA en 1935) et sa reconnaissance par le Conseil National des Sports en 1934 va également permettre d’avoir un cadre juridique et une structure permettant l’organisation d’une équipe officielle internationale. D’autant que les tricolores semblent enchaîner quelques victoires : 39 à 19 contre la Suisse, 52 à 18 contre la Belgique, puis 52 à 32 contre le Portugal, suivi d’un second affrontement terminé par une victoire 79 à 37 contre les lusitaniens !
Une première compétition internationale
Les matchs internationaux, c’est bien beau, mais alors que les féminines ont déjà les médailles autour du coup, qu’attendent les garçons pour se mesurer aux autres nations du basket en compétition ? La réponse n’arrive en 1935 avec le championnat d’Europe, dont nos Eurobasket sont les dignes héritiers. La compétition a lieu à Genève et porte d’ailleurs le nom de Championnat d’Europe de Genève. Notre premier groupe porte les noms de Hell, Rudler, Roland, Flouret, Boël, Rouga, Cohu et Hemmerlin. Ils sont la première équipe de France à jouer une compétition. Et pour quel résultat ? Une cinquième place.
Honorifique me diriez-vous. Et pourtant, dès leur premier Euro, les bleus prennent une fâcheuse habitude à grelotter des genoux, en particulier lors du premier match contre la Tchécoslovaquie perdu 21 à 23 : « Il est vrai qu’avec 5 sur 21 aux lancers, dont trois loupés de Hemmerlin dans la dernière minute, les bleus se sont vaguement « suicidés ». » (La grande histoire du basket français ; L’Equipe ; p73). Rater son premier match et donner le sentiment d’avoir peur de gagner…on n’a pas fini d’entendre cette histoire ! Notons au passage que l’équipe tchèque était composée de membre de la YMCA de Prague !
La France ira donc en consolante, laissant la Lettonie vers le premier titre européen de l’histoire. Mais les bleus vont se ressaisir rapidement, ils battent l’Italie 29 à 27, puis retrouvent nos copains belges pour une victoire 49 à 30. Trois petits matchs donc, mais pour deux victoires.
Premiers Jeux Olympiques
1936 est une année marquante pour le sport. Dans un monde de plus en plus tournée vers le fascisme, la haine et le sentiment de supériorité, le sport va une nouvelle fois jouer son rôle symbolique d’union des peuples. Car cette année-là, c’est bien dans le repère du nazisme que les athlètes doivent se jeter. L’Olympiastadion de Berlin, loin de sa forme actuelle, bleutée, moderne et harmonieuse, est alors un impressionnant bloc de béton armé dont le stade possède malgré tout encore quelques formes aujourd’hui. Et deux ans après que le capitaine de l’équipe de foot d’Italie prenait la coupe du monde de football en main devant le Président de la République française avec un salut fasciste, c’est bien devant le leader du nazisme Adolf Hitler que notre équipe de France de basket parade.
Ces hommes portent du numéro 3 au numéro 16, ils s’appellent Prud’homme, Boel, Onimus, Rudler, Hell, Thezé, Caqué, Flouet, Etienne, Carrier, Cohu, Couturier, Fontaine et Leclere. Ils sont trois sélectionneurs à emmener cette équipe : Kretzschmar, Orial et Kriegk. Chacun regardera le dictateur dans les yeux.
Mais fort heureusement, un autre homme posera son regard sur eux : James Naismith lui-même viendra voir jouer les basketteurs français durant le tournoi. Hélas, la campagne olympique sera brève : défaite contre l’Estonie 29-34, puis contre la Chine, 38-45. Le créateur du basket nous fera l’honneur commenter le jeu français de l’époque : « La formule française est incontestablement plaisante, mais pas suffisamment structurée pour espérer rivaliser avec la méthode américaine. » (La grande histoire du basket français ; ibid ; p74). En somme, un beau jeu, mais pas encore taillé pour gagner, où même obtenir une médaille, cela va changer.
Championnat d’Europe 1937 : la première médaille
Un an plus tard, un second championnat d’Europe emmène la France à Riga, en Lettonie. L’historien Gérard Bosc décrit la préparation : « [Elle] a été quasiment inexistante, puisqu’on ne savait pas trois semaines avant le départ, si la délégation pourrait se rendre en Lettonie » (Une histoire du Basket Français… ; Presses du Louvres ; Gérard Bosc ; Tome I ; p53). Mais les bleus sont bien sur le parquet letton le 3 mai 1937 pour l’ouverture du championnat, tenant fièrement le drapeau tricolore en main.
Est-ce que les français vont tenir compte des commentaires avisés tenus en 1936 par le créateur même de leur sport favoris ? Visiblement oui, car les bleus, cette fois-ci dans une compétition divisée en deux groupes, défont les polonais 29 à 24, puis les tchécoslovaques 26 à 19. Arrive alors le match décisif contre les lettons. Devant leur public, les baltes ne vont pas céder et vaincre la France 26 à 20. La France, la Pologne et la Lettonie terminent à 5pts dans leur groupe…mais c’est bien la France et la Pologne qui passeront. Hélas, en demi-finale, la bande à Cohu, Lesmayoux et Flouret échouent face aux italiens qui perdront eux-mêmes face aux lituaniens en finale. Mais les bleus battent de nouveau la Pologne pour la petite finale et obtiennent, 7 années après leurs collègues féminines, leur première médaille, en bronze.
Une première médaille d’Or, puis d’argent
Alors que la grande Exposition Universelle revient poser le pied à Paris, en 1937, la FFBB s’était imaginé profiter de l’événement pour organiser un tournoi international. Son nom : le Tournoi des Nations. Une compétition éphémère qui ne survivrait pas à l’événement qui lui servait de contexte. Mais il devait également servir à justifier la rénovation de structures sportives. Habile. Gérard Bosc révèle cependant que la compétition avait été acceptée par la FIBA pour compenser la non-attribution de l’Euro à la France pour 1939 ! (Une histoire du basket Français ; Tome I; p55). Habile.
Les bleus, avec quelques nouveaux comme Ronner et Poulangeon, vont aller chercher le Grand Chelem ! Ils vont se défaire de l’Allemagne, (dont l’équipe était essentiellement composée de militaires de la Wechmacht), la Belgique, la Suisse. Puis arrive l’ultime match contre la Lettonie. Un petit point d’avance, et voilà les bleus champions d’une compétition qu’ils avaient créée, juste pour eux.
Sauf que ce petit jeu qui vous paraitrait chauvin, très français, tout le monde le jouait en réalité : les Nazis avaient les « Jeux fascistes », l’URSS organisait des « Jeux ouvriers ». Et l’Allemagne profite de l’année 1938 pour organiser son tournoi : le Tournoi de Berlin. Mais les français se saisissent de l’événement pour montrer que leur victoire à Paris n’était pas un fruit du hasard. Toujours avec de nouvelles têtes : Frezot, Bounaix, Gonnet, Ambroise et Wittewronghel, la France bat de nouveau les allemands, puis les anglais. L’organisation du tournoi, forçant la France à jouer deux fois dans la même journée, les fera perdre le match ultime face à l’Allemagne. Les bleus repartiront avec l’argent.
Un dernier Euro avant les heures sombres
L’ambiance en Europe devient irrespirable. Le fascisme, la haine et la menace de la guerre ont envahi le continent, et le seul uniforme que les sportifs entrevoient est désormais celui de l’armée. L’équipe de France de football perdra beaucoup de talents, celle de basket-ball ne fera pas exception.
Quelques semaines avant les premiers bombardements et coups de canon, le championnat d’Europe s’organise à Kaunas, en Lituanie, terre de basket, et la France y est bien entendu présente. Le précédent championnat semblait avoir imposé la formule des poules puis tournoi éliminatoire, mais celui-ci instaure une poule unique à 8 équipes. Mais la France va commencer par une remarquable victoire : 76 à 11 contre la Finlande ! Puis victoire contre la Pologne (36-32) et l’Italie (31-24). Médaille en vue !
Sauf que la Lituanie remet les français, alors presque tous en permission militaire, à leur place de manière sèche : 48 à 18. S’en suit une seconde rouste contre la Lettonie : 45 à 26. Malgré deux victoires pour terminer le tournoi contre la Hongrie et l’Estonie, la France échoue d’un petit point à saisir une nouvelle médaille.
Et pendant la guerre ?
Quand la déclaration de guerre est faite, c’est un peu chacun pour sa peau. Quand le territoire n’est pas encore envahis, l’esprit n’est pas vraiment à
l’idée d’organiser de gentilles rencontres amicales balles en main avec le voisin…La France est cassée en 3 parties avec une sous gouvernement allemand, une sous gouvernement vichiste, et une troisième sous gouvernement italien. Les championnats sont fractionnés et devant la gravité du conflit et les hommes envoyés au front, ou engagés dans les poches de résistance, il est évident que les sports n’ont plus d’importance. Et pourtant, c’est bien en plein conflit en 1942 que la France, regroupant des joueurs de zones occupée et libre, affrontent la Suisse, pays neutre au milieu d’un continent en guerre. Une victoire 24 à 16, qui ne restera pas dans les mémoires. On notera cependant, que quelques semaines après ce match aura lieu la première rencontre de l’équipe de France junior ! Pour le reste, les bleus, feront des apparitions éphémères, à l’arrache. En 1943, ils battront l’Espagne, après avoir logé, nous précise Gérard Bosc, dans…une maison close… (Une histoire du basket Français, tome I, p72).
Et puis plus rien, la France s’efface et sombre dans un monde qui termine sa dernière guerre. Mais le basket continuera de grandir dans les clubs, les académies et les sections féminines également, tout comme la FFBB qui va continuer son développement. Mais la France devra attendre la fin de la guerre pour revenir, et débuter l’une de ces plus prestigieuses périodes !
Prochain épisode :
Un retour en grâce dans l’après-guerre (1948 à 1963)