A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 1 sur l’équipe féminine, c’est par ici !
Episode 3 – Un retour en grâce dans l’après-guerre (1948 à 1963)
Rapide mais turbulent retour à l’existence
La guerre est finie ! Le sport va revenir au gout du jour, et le basket a survécu et a continué à se développer. En 1945, il ne reste que deux ans à vivre sans…la NBA. Et en France, la FFBB se trouve rapidement un nouveau Président, d’abord intérimaire, puis permanent en la personne de Charles Bozard qui va avoir la lourde tache de remettre le basket français en ordre de marche le plus vite possible, dans une France qui est redevenue indivisible.
C’est pourtant sans sélectionneur officiel que les bleus retrouvent vie, et prennent une défaite d’entrée face à la Belgique (42 à 30), en octobre 45, puis une seconde face à la Tchécoslovaquie (56 à 42) en 1946. La France se trouve enfin son sélectionneur en la personne de Michael Ruzgis. Gérard Bosc note la très mauvaise ambiance autour de la sélection nationale, avec une querelle entre anciens et nouveaux et la pression de la presse sportive. (Une Histoire du basket Français, Tome I, p87).
Deux Eurobasket prometteurs
Après cette période trouble, la France est bel et bien en ordre de marche. Ils s’appellent Buffière, Busnel (on en reparlera rapidement de ces deux là), Goeuriot, Girardot, Lesmaypoux, Tartary, Frezot… et ils sont le renouveau de l’équipe de France qui arrive à Genève en 1946. Ils ne feront pas dans le détail : victoire 65 à 11 contre l’Angleterre, 47 à 18 contre les Pays-Bas, avant de chuter contre l’Italie et la Hongrie, mais obtenant la 4e place. Mais on signale encore et toujours des soucis dans la gestion du collectif, ainsi que des tensions.
Cette quatrième place est cependant prometteuse, et la France va maintenir sa progression jusqu’à l’Eurobasket suivant qui va se tenir en 1947 à Prague. Cette fois, les bleus vont montrer les muscles pendant deux ans et battre les tchécoslovaques, les italiens, les suisses, les belges, par de grosses marge avant de se présenter en avril à l’Euro. Est-ce que la France va être capable
d’assumer son statut ? Le sélectionneur Michael Ruzgis a créé un groupe solide après deux années, et la confirmation se fait d’entrée : 100 à 6 contre l’Autriche ! Vous en redemandez ? 67 à 30 contre la Bulgarie. Ce départ en trombe se coupe malheureusement tout aussi rapidement : défaite contre la Belgique, puis la Tchécoslovaquie, de nouveau. La France terminera la compétition au format plus que difficile à comprendre, avec des groupes, des groupes intermédiaires et au final un classement fait au ratio victoire-défaite, remporté par l’URSS. Malgré une claire progression, l’effectif peine à cacher de grosses guerres d’égos, et termine à une bonne 5e place, derrière les belges…et l’Egypte. Mais le travail de Ruzgis est salué par la remise du prix spécial de la tactique.
Robert Busnel, le premier « vrai coach ».
En 1947, Ruzgis s’en va et laisse la place à celui à qui il avait succédé : Robert Busnel. Pour Gérard Bosc, ce changement ravit tout le monde : « Les vacances à peine terminées, Busnel effectue une revue de détail des basketeurs français. […] Il « enseigne, corrige, fulmine ». Le petit monde du basket est sous le charme : journalistes, dirigeants, joueurs ne jurent que par Busnel. ». D’autant que le bonhomme gère les filles et les garçons. Il rénove l’effectif qui s’était embourbé dans les querelles entre joueurs de clubs rivaux. Michael Busnel gagne son surnom de « Magicien du basket ». Et ce magicien a pour objectif l’Eurobasket 1949, mais pour cela, il faudra d’abord faire ses preuves à Londres aux jeux olympiques.
1948 devait être une étape pour les bleus, dont le sélectionneur n’est cependant, dans la réalité, pas si apprécié de tous, notamment suite à quelques histoire de soutien financiers au cœur de certaines instances de la FFBB, mais qu’importe, son efficacité est prouvée. D’ailleurs, c’est après seulement 3 épisodes de cette série que l’on parle des sélectionneurs de l’équipe de France, tout simplement parce que c’est bien Busnel que l’on surnommera le premier véritable coach du basket français. Dans leur ouvrage « Géants, toute l’histoire du basket français » Philippe Cazaban et Daniel Champsaur (qui a eu la gentillesse de me donner accès au centre de documentation de la fédération), rappelle le choix de Busnel : « [Il] est recruté pour ses talents de joueur, certes, mais aussi pour sa capacité à constituer une équipe qui gagne » (Géants, Chronique éditions, p142). Il sera même à l’origine de « Basket-ball magazine » et d’un “livre de prières” autour du basket-ball…si si. Mais le sélectionneur français est un élève du basket lui aussi, Basketball Magazine nous révèle d’ailleurs que c’est bien en arrivant à Londres qu’il découvre le tir en suspension ! (Basketball Magazine, juillet 2019, p 50). La revue de la FFBB nous précise également que pour cette occasion spéciale, les bleus eurent le privilège de faire leur préparation à Fontainebleau !
Le tournoi commence dans la Hurrington Arena de Londres. Il est vaste, avec 4 poules de 6 équipes, des tournois de classements jusqu’à la 24e place ! Il faudra se battre de A à Z. La France se défait de l’Iran, de Cuba, de l’Irlande, et ne cède que face au Mexique. La 2e place du groupe est assurée, direction les quarts. Les bleus arrivent à bout du Chili d’un petit point (53-52), puis font face au Brésil en demi-finales, pour une victoire 45 à 33, les bleus sont en finale ! En face d’eux ? Les américains bien sûr, qui ne donneront aucun espoir : 65 à 21. Gérard Bosc rappellera un détail qui donnait le ton de la rencontre : « A l’entre-deux […] l’américain Bob Curland (2.13m) saute contre Derency (1.91m) » (Une histoire du basket français Tome I, p108). Mais la France est bel-et-bien médaillés d’argent aux Jeux Olympiques, pour la première fois de son histoire. Cette médaille sera remise dans le stade mythique de Wembley.
Un second échec en finale, dans l’Eurobasket le plus étrange de l’histoire
La période de doute est partie, la France est une place forte du basket mondial et y joue les premiers rôles. L’Eurobasket 1949 est désormais un objectif de titre européen ! De nouvelles têtes arrivent : Perniceni, Matalou, Zewets, Salignon, Chalifour, mais toujours sous la direction de Busnel. Les bleus ne perdent plus leurs matchs amicaux !
1949 arrive. La règle de la FIBA était la suivante : le vainqueur de l’Eurobasket organisera le suivant, sinon, cela sera le second, mais aucun pays ne pourra cependant organiser deux fois de suite la compétition. Cette règle archaïque va avoir une conséquence historique : l’URSS refuse l’organisation qui doit donc revenir aux tchèques…qui avaient organisé l’édition 1947. Et voilà la FIBA absurdement bloquée. Le site Basket-retro.com explique alors l’incroyable choix de la fédération : organiser la compétition…en Egypte ! : « Depuis 1935, les Egyptiens, devant l’absence de concurrence africaine, se mêlaient en effet à la lutte pour le championnat d’Europe. Dernier en 1937, ils montrèrent de très bonnes dispositions pour leur deuxième participation à l’Euro en décrochant le bronze dix ans plus tard ». (https://basket-retro.com/2017/09/05/eurobasket-1949-et-legypte-fut-championne-deurope/) . Mais pourquoi ce choix ? Certes, il avait pour vertu de promouvoir le basket en Afrique, ainsi que de permettre à des nations intercontinentales de se présenter au paysage du basket européen, comme la Turquie, devenue grande terre de basket aujourd’hui. Mais cet euro, en 1949, posera d’immense soucis logistiques et de déplacement, et face aux changements d’organisateurs, ils ne seront que 7 pays à se présenter sur le terrain…dont 3 non européenne.
Mais qu’importe, la bande à Busnel va faire parler son basket : victoires contre les Pays-Bas, le Liban, la Turquie, la Grèce, la Syrie. L’Egypte, devant son public, ne lâche rien et justifie sa précédente médaille de 1947. Les deux nations se font face à l’ultime match. Gérard Bosc explique cependant le désastre : « [les Français] sont anéantis par la chaleur, et pour quelques-uns, la dysenterie » (Une Histoire du basket français, Tome I, p109). Bref, les bleus cèdent aux égyptiens et à leur fervent public, défaite 57 à 36, et une nouvelle fois, c’est la médaille d’argent, mais l’or était bien plus à portée qu’en 1948.
L’arrivée des coupes du monde
Avec des cadres solides, comme Chocat, Salignon et Desaymonet, la France entend rester au plus haut niveau, surtout avec un championnat qui se professionnalise de plus en plus, et un sélectionneur toujours plus impliqué dans la vie de la FFBB, peut-être même trop pour certains. Busnel publie notamment ces premiers « Cahiers techniques ».
La 2e place des bleus en 1949 leur vaut ticket pour Buenos Aires, en Argentine. Pourquoi faire ? Participer au tout premier championnat du monde de basket-ball, organisé par la FIBA. Pour préparer cette compétition, un tournoi se déroule à Naples, sous le nom de Coupe Mairano, durant lequel Busnel répète ses partitions avec son groupe, qui va bientôt intégrer un jeune du nom de Robert…Monclar.
Puis, nos bleus se présentent en Argentine en octobre 1950. Les Salignon, Chalifour, Desaymonet, Marsolat, Perniceni, Swidzinski et Monclar justement, prennent la balle en main dans un tournois que la FIBA semblent avoir mal organisé, certaines équipes jouant plus que d’autres. Le départ est frustrant avec une défaite face aux locaux argentins. Les bleus patinent et peinent à battre l’Equateur, le Pérou, avant de finalement chuter pour de piètres matchs de classement : Chili, Egypte, Argentine encore, USA et Brésil, se défont de la France, qui termine 6e.
Toujours placés, jamais gagnants
La France reste une équipe forte, oui, mais jamais dominante. Et les résultats au grès des compétitions, bien que prolifiques, ne se soldent jamais par une victoire ultime. Mais elle va rester une période dorée. Ainsi, malgré un championnat du monde décevant, les bleus sont médaillés de bronze en 1951 à l’Eurobasket organisé en France. Certains auront une impression de déjà vu en lisant cela. Encore une fois ce sont les Monclar, Salignon, Chocat, mais aussi Guillou, Vacheresse et toujours sous la direction de la légende Busnel que la France veut tenter de gagner « son » Euro.
Les bleus se défont de l’Italie, du Luxembourg et de la Suisse, prennent la tête de leur poule au premier tour, puis passent le second devant la Turquie, la Belgique et la Bulgarie. Une demi-finale face aux tchécoslovaques se présente à Paris ! L’équipe de France, toujours plus expérimentée, est héroïque, mais chute encore si près du but (59 à 50). L’URSS remportera un nouveau titre, pendant que la France prendra le bronze dans la difficulté face à la Bulgarie.
Les années qui vont suivre seront une série d’espoirs déchus : 2e au tournoi d’Istanbul en 1951, 3e à la coupe Mairano de Naples en 1952, 8e aux Jeux Olympiques d’Helsinki la même année, 3e de nouveau à l’Eurobasket en URSS en 1953, dans un championnat qui se joua…en plein air ! La bande à Busnel recrute de nouvelles têtes et reste toujours un effectif solide et redoutable.
Mais cela ne va pas faire changer l’éternel statut d’outsider des bleus : 4e à la coupe Mairano de 1954, puis, au Brésil la même année, 4e aux championnats du monde. Busnel a beau renouveler efficacement son équipe au gré du temps, la France ne parvient pas à casser ce plafond de verre. Elle termine ainsi 9e à l’Eurobasket 1955, en dépit d’une éclatante victoire 103 à 56 face aux Anglais et 96 à 26 face au Danemark. Comme à Moscou, les bleus joueront en extérieur…et parfois même, en intérieur entre deux mi-temps. Le tendance est à la baisse : les bleus terminent bons derniers de l’Eurobasket 1957, avec 7 défaites pour 7 matchs, et ne jouent pas de coupe du monde en 1959.
Hormis quelques victoires d’orgueil en rencontres amicales et une victoire contre le champion d’Europe hongrois en 55, il y a de moins en moins à se mettre sous la dent. Les jeux Olympiques de Melbourne en 1956 offriront une parenthèse, avec une 4e place pour les Buffière, Monclar, Haudegand, et surtout Beugnot et ses 2m08, qui terminera meilleur marqueur de l’équipe durant le tournoi. Les bleus joueront même devant plus de 10 000 spectateurs et profiteront de l’absence de cadors européens qui n’ont pas fait le déplacement jusqu’en Australie.
La fin de l’ère Busnel et de son âge d’or
En 1959, la France parvient à attraper une nouvelle médaille de bronze à l’Eurobasket, au terme d’un tournoi interminable à 3 tours. Mais la réputation des bleus leur vaudra la visite de deux des plus grandes légendes de la NBA et des Celtics de Boston : Red Auerbach, et Bob Cousy. Est-ce que cette visite motivera les hommes de Busnel ? Visiblement oui, mais encore une fois, pas assez. L’Eurobasket 1959 d’Istanbul, puis la 4e place à l’Eurobasket suivant, et une honorable 5e place aux championnats du monde en 1963, seront les ultimes faits d’armes de la génération d’après-guerre. D’autant que Busnel finit par se ranger plutôt vers les institutions de la FFBB et quitte le poste d’entraineur et le laisse à un de ses anciens joueurs : Buffière.
Pour Philippe Cazaban et Daniel Champsaur, cette époque était le « Premier âge d’or des équipes de France », qui allait précéder une époque d’oubli : « les bleus réussissent à ramener trois médailles de trois championnats d’Europe successifs. L’équipe se qualifie pour les grandes compétitions internationales des années 50 et y fait bonne figure […] six podiums entre 1948 et 1959 » (Géants, toute l’histoire du basket-ball, chronique éditions, p125). A cette période faste devait suivre une ère d’oubli pour l’équipe de France masculine.
Prochain épisode :
Aux oubliettes (1964 à 1983)
Épisodes précédents :
Episode 1 – A la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Episode 2 – Premiers trophées et période trouble (1931 à 1945)