Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @thibdesign vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Tracy Lamar McGrady Junior, plus communément appelé “T-Mac”, est né le 24 mai 1979 en Floride. Évoluant majoritairement au poste d’arrière, ses mensurations lui permettent néanmoins d’être facilement décalé au poste d’ailier si le besoin s’en fait ressentir. Il est vrai qu’avec ses 2m03 et sa petite centaine de kilos (les sources varient, entre 95 et 103 kilos …), il semble être parfaitement taillé pour jouer au poste 3. A titre de comparaison, les arrières titulaires en NBA pour la saison 2019 – 2020 mesurent, en moyenne, 1m94, les plus grands culminants à 2m01 (Fournier, Huerter et autre Brooks).
Néanmoins, c’est bien en tant qu’arrière, et donc avec un avantage physique certain sur ses vis-à-vis, que McGrady a évolué la majorité de sa carrière. Son profil de jeu est connu de tous. Passeur plus qu’honnête, bon rebondeur, il se distingue surtout comme étant l’un des meilleurs scoreurs de sa génération, rien que cela. Talent indéniable, il donne l’impression qu’absolument tout ce qu’il effectue est simple, tant sa fluidité et son langage corporel renvoient une image d’aisance. Cet aspect est d’ailleurs renforcé par son regard de “droopy”, ce qui lui a également valu le surnom de “The Big Sleep”.
Vous l’aurez compris, Tracy McGrady était un talent hors norme. Reste désormais à voir ce qu’il a réalisé au cours de sa carrière dans la Grande Ligue. Et, nous aurons l’occasion de le souligner, s’il a tutoyé certains sommets peu visités en NBA, il reste également l’un de ces What If frustrants, tant sa carrière aurait pu, aurait dû, prendre une autre tournure.
Action !
Nous retrouvons les premiers pas basketballistiques de McGrady au lycée d’Auburndale, toujours dans l’État floridien. Il y disputa, de manière assez anonyme, trois saisons entre 1994 et 1996, avant d’aller effectuer son année senior en Caroline du Nord, du côté du lycée de Mount Zion Christian Academy, à Durham. A côté du basket, il jouait également au baseball. D’ailleurs, pour l’anecdote, après sa retraite NBA, il tentera une carrière dans le baseball de haut niveau, sans succès probant.
Alors qu’il était arrivé en Caroline du Nord en “inconnu”, T-Mac va saisir une opportunité unique qui va faire exploser ton talent aux yeux du monde entier. Ainsi, Sonny Vaccaro, connu dans l’univers de la balle orange pour avoir fait signer Michael Jordan chez Nike, et accessoirement créateur de “L’Adidas ABCD Camp”, va proposer au jeune McGrady de venir participer audit camp. Il faut dire que celui-ci rassemblait, de 1984 à 2007, l’élite mondiale des jeunes basketteurs. Le jeune joueur en parle, bien entendu, mieux que quiconque :
“Personne n’avait la moindre idée de qui était Tracy McGrady (à cette époque). Vaccaro m’a donné une opportunité, et j’ai joué contre les meilleurs joueurs du monde du moment. J’ai quitté le camp en tant que prospect n°1 du pays”.
Puisqu’en effet, l’anonymat de McGrady ne va plus durer longtemps. Après avoir particulièrement brillé lors du camp, l’arrière va confirmer ses performances de haute volée au lycée, au point de récolter des distinctions individuelles : McDonald’s All-American Team, National Player of the Yeat (désigné par le média USA Today), ou encore North Carolina’s Mr Basketball. Et alors qu’il aurait pu faire une entrée fracassante dans l’immense majorité des facultés réputées du pays, McGrady va, au contraire, profiter de la règle qui permettait, jusqu’en 2006, aux lycéens de se présenter à la draft NBA.
Revenons très rapidement ce point d’histoire. Jusqu’en 1971 et la décision Haywood v. National Basketball Association, rendue par la Court Suprême Américaine, les joueurs devaient effectuer quatre années à l’Université pour prétendre à rejoindre la NBA. Les jeunes joueurs dominants de l’époque allaient donc parfois se faire les dents en ABA, à l’instar de Spencer Haywood ou encore de Moses Malone, avant de partir rejoindre la NBA, Ligue majeure de l’époque. A contrario, au mois de juillet 2005, la NBA a décidé de fixer de nouvelles conditions pour s’inscrire valablement à la draft : avoir 19 ans et avoir effectué au moins une année d’Université. C’est le parcours, par exemple, qu’a suivi Zion Williamson.
Entre les deux périodes, les jeunes joueurs pouvaient directement passer du lycée à la NBA. Tel fut de cas de certaines immenses stars, comme LeBron James, Kobe Bryant ou Kevin Garnett. Tel fut également le cas pour Tracy McGrady, sélectionné en 9ème position de la draft 1997 par les Toronto Raptors, derrière, entre autre, Tim Duncan ou Chauncey Billups.
Bien qu’hyper talentueux, T-Mac n’en reste pas moins un adolescent dans un monde d’adultes. C’est donc tout naturellement qu’il débutera sa carrière sur le banc, dans une équipe de Toronto catastrophique (bilan de 4 victoires et 21 défaites au 31 décembre 1997, 16 – 66 à la fin de la saison). A posteriori, il décrira sa saison rookie comme “un véritable enfer”. Son premier entraineur, Darrell Walker, n’avait pas pris pour habitude d’intégrer durablement son arrière rookie dans la rotation. Il restera sur le banc, voire même en tribune, à douze reprises jusqu’au limogeage de Walker, pour mauvais résultats. Et lorsqu’il foulait le parquet, son temps de jeu variait énormément : 23 minutes pour le quatrième match NBA de sa carrière, contre les Pacers (défaite -28, 10 points, 11 rebonds et 2 passes décisives), et 5 minutes lors de la rencontre suivante, trois jours plus tard.
McGrady supporte mal la situation, et cela se ressent manifestement sur son travail personnel, le plongeant dans une sorte de spirale négative. Spirale qui sera brisée par la nomination de Butch Carter au poste de coach, qui acceptera de titulariser le jeune joueur si celui-ci effectuait plus d’efforts à l’entrainement. La carrière de Tracy McGrady était alors lancée. Si, au final, sa première saison n’est pas forcément convaincante (il ne sera pas dans la All-Rookie Team), et que sa saison sophomore est écourtée par le lock-out qui frappe la Ligue, il se fait, petit à petit, un nom dans le microcosme de la NBA. Remplaçant durant cette seconde saison, l’arrière a du mal à régler la mire : 9,3 points par rencontre en 22,6 minutes de temps de jeu, mais surtout un vilain 43,6% au tir, dont 22,9 % à trois-points. Rien d’alarmant, rappelons que le bonhomme n’avait alors que 19 ans.
Sa troisième saison sous le maillot violet frappé du Raptor est de loin la plus convaincante. Il forme un duo surathlétique avec son lointain cousin, Vince Carter. Épargné par les blessures, ce qui ne sera pas le cas de toute sa carrière, il parviendra à augmenter l’ensemble de ses statistiques, alors qu’il restait encore un joueur de banc (34 fois titulaires) : 15,4 points, 6,3 rebonds, 3,3 passes décisives, 1,1 interception, 1,9 contre à 45 % au tir. A titre accessoire, il prendra part à l’immense show que fut le Dunk Contest cette année-ci, où Vince Carter réalisa ce qui peut être considéré comme la plus belle performance de l’Histoire (1min20 ci-dessous).
Et alors même qu’il semblait avoir pris la mesure du “niveau de jeu NBA”, McGrady va être envoyé, le 3 août 2000, au Magic d’Orlando contre un seul first pick. Pourtant, collectivement, cette troisième saison au Canada fut prometteuse, avec une première qualification en playoffs de l’Histoire de la franchise (certes, sweep au premier tour contre les Knicks). Rappelons en effet que la franchise n’a été créée qu’en 1995, et n’avait donc pas connu, avant la saison 1999 – 2000, les joies des joutes printanières (ni celles d’un bilan positif).
Ce transfert dans sa Floride natale va être une véritable aubaine pour T-Mac. Portant le numéro 1 en hommage de son idole, Anfernee Hardaway, il va enfin devenir titulaire indiscutable. Il est d’ailleurs censé former un one-two punch d’exception avec Grant Hill, qui restait sur une saison à presque 26 points scorés. Hill va néanmoins se blesser très rapidement, et les clés du camion vont donc être remises à McGrady. Son début de saison donne le la. Et s’il ratera trois rencontres (un pour suspension, deux pour blessures), son début de mois de décembre est stratosphérique :
- 1 décembre 2000 vs Nets : 31 points, 9 rebonds, 4 passes décisives, 1 interception, 3 contres, dans une victoire (+3),
- 2 décembre 2000 (back-to-back) @ Nets : 40 points, 10 rebonds, 3 passes décisives, 3 interceptions, 3 contres, à 18/32 au tir, dans une victoire (+21),
- 5 décembre 2000 vs Celtics : 29 points, 6 rebonds, 2 passes décisives, 2 interceptions à 14/28 au tir, dans une victoire (+3),
- 7 décembre 2000 vs Nuggets : 36 points, 12 rebonds, 4 passes décisives, 2 interceptions, 1 contre à 15/31 au tir, dans une victoire (+10).
Ce qui nous offre, sur ces quatre matchs, une moyenne de 34 points (50,4% au tir) et 9,3 rebonds. Ce ne seront pas ses seuls cartons de cette saison 2000 – 2001, qui le verra devenir All-Star pour la première fois de sa jeune carrière. En fin de saison, il frôlera la barre des 50 points (49, contre les Wizards). Au final, en tant que première option offensive de la franchise, il mènera le Magic aux playoffs. Toutefois, et cela va devenir un running gag, Orlando va se faire immédiatement éliminer par les Bucks.
Il sera tout de même nommé Most Improved Player de la saison. Et pour cause, le bon statistique est ahurissant : 26,8 points (+11,4), 7,5 rebonds (+1,5), 4,6 passes décisives (+1,3). Il convient tout de même de faire remarquer que si l’amélioration est flagrante et doit être soulignée, le temps de jeu a également drastiquement augmenté par rapport à la saison précédente (+9 minutes, pour atteindre 40,1 minutes de moyenne).
L’explosion de McGrady ne sera pas qu’un one shot. Il disputera au total quatre saison sous le maillot du Magic, en terminant All-Star à chaque fois. Il disputera les playoffs à trois reprises (les trois premières saisons), en étant toujours éliminé au premier tour. Mieux encore, il terminera meilleur scoreur de la Ligue deux saisons consécutives. En 2002 – 2003, il inscrira ainsi 32,1 points par rencontre, et réalisant certaines séquences hors du commun. Voici, par exemple, ses moyennes statistiques entre les 5 mars et 1 avril 2003, soit quatorze rencontres :
Plus de 37 points de moyenne (et 44 % à trois-points, une adresse qui lui était jusqu’alors inconnue), en dépassant la barre des 40 points à quatre reprises, et surtout en menant le Magic à la victoire à huit reprises, malgré un effectif moyen. Précisons tout de même que seuls 15 joueurs sont parvenus à terminer une saison NBA avec au moins 32 points scorés de moyenne. Parmi eux, si l’on excepte le plus méconnu Charlie Scott (hall of famer et joueur offensif incroyable), on ne retrouve que des légendes dans ce classement, parmi lesquelles : Wilt Chamberlain, Michael Jordan, Kareem Abdull-Jabar, Elgin Baylor, Kobe Bryant et autre Kevin Durant. Et Tracy McGrady. C’est dire si, dans son prime, l’arrière du Magic affichait un niveau de jeu absolument incroyable. Il était tout simplement inarrêtable, ni plus ni moins.
Il maintiendra son niveau de jeu individuel la saison suivante. Mieux encore, il entrera dans le “club des 60 points” lors d’une rencontre opposant le Magic aux Wizards, le 10 mars 2004. Dans l’une des rares victoires d’Orlando (qui s’est écroulé collectivement cette saison-ci, 23 victoires), T-Mac va planter 62 points, avec 10 rebonds et 5 passes décisives, à 54,1 % au tir. Ce sera l’une des rares satisfactions d’une saison bien morne en Floride, dont l’issue va provoquer son trade à Houston, contre Steve Francis, Cuttino Mobley et Kelvin Cato. Et à l’instar de ce que l’on a pu dire pour Nate Thurmond, McGrady ne va pas tarder à se mettre en évidence sous ses nouvelles couleurs.
L’oscar de la saison 2004 – 2005
La saison 2004 – 2005 est déjà sa huitième dans la Grande Ligue, lui qui n’affiche qu’un quart de siècle au compteur. C’est également, nous l’avons dit, sa première saison au Texas, chez les Rockets. L’effectif possède déjà une énorme star, en la personne de Yao Ming, un pivot ultra-dominant et qui n’était pas encore, à cette époque, sujet à d’énormes problèmes physiques. On retrouve également dans le roster quelques joueurs de talents, tels que Vin Baker, Rod Strickland ou le vieillissant Dikembe Mutombo.
Le casting est donc loin d’être moche, et McGrady prend immédiatement ses marques dans le collectif. Il termine ainsi son premier mois de compétition avec des moyennes – certes en baisse – plus qu’honnêtes : 22,1 points, 5,4 rebonds et 5,7, malgré des difficultés au tir (42,3 % de réussite). Il faut dire qu’il n’est désormais plus l’unique leader offensif de sa franchise, puisque Ming doit être nourrit dans la raquette.
Et pourtant, si sa saison sera finalement aussi bonne que les précédentes, ce n’est pas grâce à elle que T-Mac est aujourd’hui l’oscar de l’année 2004 – 2005. Comme cela a déjà pu être le cas dans cette série, nous avons retenu McGrady pour une seule et unique rencontre, qui revêt, encore aujourd’hui, un aspect paranormal. Pas forcément pour sa ligne statistique, puisqu’il ne scorera “que” 33 points, soit sa dix-huitième meilleure marque de la saison. Évoquons ensemble cette rencontre du 9 décembre 2004, au cours de laquelle les Rockets recevaient leur voisin de San Antonio, dans un derby texan.
Avant la rencontre, on ne donne pas cher de la peau de McGrady et sa bande. Le début de saison de Houston va cahin-caha, avec un bilan de 8 victoires pour 11 défaites. En face, les Spurs détruisent tout ce qui bouge et qui ne porte pas un maillot vert (deux défaites contre les Sonics, pour un bilan total de 16 victoires pour 4 défaites).
La logique statistique sera suivie sur le terrain. Tim Duncan réalise un véritable chantier des deux côtés du terrain : 26 points, 18 rebonds et 7 contres. Si Tony Parker est peu inspiré (5 petits points, mais un plus minus de +10), les Spurs comptent dans leur rang l’un des meilleurs défenseurs extérieurs que la NBA ait vu, Bruce Bowen. Côté Rockets, Ming et McGrady sont beaucoup, beaucoup trop seuls. En 162 minutes cumulées, les huit coéquipiers des deux bonhommes n’inscriront que 21 points ! Ce n’est pas faute, pourtant, de disposer de quelques tickets shoots (2/7 pour Bob Sura, 2/10 pour Juwan Howard, 2/10 pour Maurice Taylor …).
Houston est donc, fort logiquement, mené d’une dizaine de point à une minute de la sirène finale : 74 – 64. D’une claquette de géant, Ming viendra offrir ses deux derniers points à sa franchise (27 pour lui). 74 – 66 à 52 secondes du terme.
Vous l’aurez compris, alors que tout laissait à croire à une victoire aisée des Spurs, les Rockets vont parvenir à renverser la tendance, dans une remontada que même le PSG n’aurait peut être pas concédée. Sur la remise en jeu, Padgett intercepte la balle et vient dunker au dessus de la caboche d’un Parker peu inspiré sur l’action. Quoi qu’il en soit, San Antonio mène toujours de 8 points à une petite quarantaine de seconde de la fin du match. C’est exactement le moment choisit par Tracy McGrady pour offrir au spectateur du Toyota Center l’un des plus grands coup de chaud de tous les temps.
Avant toute chose, rappelons que McGrady n’a jamais été un scoreur régulier à trois-points. Il affiche un timide 33,8 % de réussite en carrière et, dans son prime, n’a jamais dépassé les 39 % de réussite sur une saison complète (39 % étant une moyenne plus que correcte). Et en cette saison 2004 – 2005, il était en grande difficulté dans ce compartiment du jeu : 27,5 % de réussite pour 5,4 tentatives par rencontre. Pire encore, il restait sur un immonde 2 / 17 dans l’exercice sur les deux derniers matchs. D’ailleurs, lorsque le chronomètre affichait 40 secondes de jeu restant dans cette rencontre face aux Spurs, T-Mac n’était qu’à 1 / 8 derrière l’arc.
Et pourtant, l’irréel va se produire. On dit souvent qu’un grand joueur continuera de tirer même s’il a raté ses douze derniers tirs. McGrady va le démontrer. D’ailleurs, vu l’écart au tableau d’affichage, il n’est clairement pas étonnant de le voir tirer à trois-points. Ce qui l’est, par contre, c’est la grâce divine qui va le toucher durant 35 secondes.
Revenons au parquet. 76 – 68 lorsque la balle revient dans les mains du numéro 1 des Rockets. Bruce Bowen effectue, comme d’habitude, une presse tout terrain épuisante. McGrady va le déborder, puis dégainer sur la tête de Devin Brown. Ficelle. 76 – 71. Sur la possession suivante, Houston fera faute pour envoyer les Spurs sur la ligne des lancers-francs. Sans succès, puisque les deux lancers seront inscrits. +7 pour San Antonio, 30 secondes à jouer. T-Mac va, une nouvelle fois, se défaire de Bowen (bien aidé par l’écran viril de Yao Ming), et lâcher un tir peu académique sur Tim Duncan, droit comme un i devant lui. Ficelle et faute, le fameux panier à quatre points. 78 – 75. Le Toyota Center devient assourdissant et les Spurs commencent à avoir la tremblote.
En vieux briscard, Popovich prendra un temps mort opportun, et San Antonio fera circuler la balle pour gagner de précieuses secondes, avant d’inscrire deux lancers-francs, à nouveau. 80 – 75 à 16 secondes du terme. La remise en jeu d’Andre Barrett n’est pas loin d’être catastrophique, et McGrady réceptionne tant bien que mal la gonfle. Il remonte le demi-terrain avec Bowen dans le short, avant de lâcher un immense tir primé. Le ballon ne touchera même pas l’arceau. Il reste 11 secondes, et les Rockets ne sont plus menés que de 2 points.
La balle de match est dans les mains des Spurs. Devin Brown laissera toutefois la gonfle lui échapper, offrant ce qui pourrait être la dernière possession aux Rockets. La suite appartient à l’Histoire, avec un H majuscule. Cette fois-ci, T-Mac remonte tout le terrain. Lorsqu’il s’approche de l’arc, deux joueurs adverses se dressent devant lui. Ce qui ne l’empêche pas, une fois de plus, une ultime fois, de prendre sa chance …
“Here comes McGrady, no time-out, McGrady … For the win … YES !” – Le commentateur
Effectivement, la bonne défense collective n’empêchera pas le franchise player des Rockets de scorer à nouveau. 81 – 80. Pour la première fois de la rencontre, Houston est devant. Il reste 1,7 secondes à jouer. La dernière tentative de Tony Parker est ratée. Les Rockets, au terme d’un come-back hallucinant, remportent cette rencontre face à l’ogre San Antonio. L’ambiance est telle, dans le Toyota Center, qu’on aurait pu croire à une victoire dans un game 7 de finale NBA. Il n’en est rien, ce n’était qu’un vingtième match de saison régulière. Et pourtant, chacun sait qu’il vient d’assister à l’Histoire.
Résumons au mieux ces 35 dernières secondes. 13 points, à 4/4 au tir à trois-points. Une performance digne de celle réalisée en 1995 par Reggie Miller contre les Knicks (8 points en 9 secondes), ou celle de Klay Thompson en 2015 (37 points en un quart-temps). Vous pourrez revivre, ci-dessous, cette minute lunaire :
Une performance qui lui collera ad vita eternaem l’étiquette de joueur ultra-clutch, peut-être de façon excessive. Mais là n’est pas le sujet du jour. Une chose est certaine : les spectateurs des Rockets qui, déçus de la nouvelle triste performance des leur, ont quitté l’arène en avance, doivent encore s’en mordre les doigts aujourd’hui, quinze ans plus tard. Et comprenez-les : ils ont raté un morceau d’Histoire, l’une de ces prestations que l’on voit une ou deux fois toutes les décennies, grand maximum.
Le générique de fin
La fin de la saison 2004 – 2005 sera une franche réussite, les Rockets terminant avec un bilan de 51 victoires pour 31 défaites. Mais devinez-quoi ? Houston perdra au premier tour des playoffs contre Dallas. Au final, de toute sa carrière, jamais T-Mac ne sera parvenu à dépasser ce premier tour de post-season en tant que joueur impactant.
Il évoluera sous les couleurs blanche et rouge de Houston jusqu’en février 2010, et un trade chez les Knicks, où il ne restera qu’une demi-saison. En six saisons dans le Texas, il aura disputé 303 rencontres pour 22,7 points de moyenne. Il faut dire qu’à compter de la saison 2005 – 2006, il sera de plus en plus souvent sujet aux blessures, notamment au dos, aux chevilles ou aux genoux. Entre 2008 et 2010, il ne jouera que 71 matchs pour les Rockets. Il effectuera une dernière saison complète, en sortie de banc, du côté de Détroit en 2010 – 2011, avant de signer du côté d’Atlanta pour ce qui devait être sa dernière saison.
Il n’en sera finalement rien, puisqu’il signera, le 16 avril 2013, chez ses meilleurs ennemis, les San Antonio Spurs. On ne peut même pas dire qu’il y jouera un rôle mineur, puisque sur les 6 matchs de playoffs disputés (5,2 minutes de moyenne), il ne scorera absolument aucun point. Il était toutefois à une poignée de seconde de remporter une bague, puisque les Spurs menaient de trois points face au Heat avant que Ray Allen ne viennent les crucifier d’un shoot légendaire.
Tracy McGrady prendra sa retraite NBA à l’issue de cette défaite au game 7 des finales 2013. Il reste en mémoire comme le scoreur référence du début du siècle, dans la même caste que Kobe Bryant. C’est vous dire si, individuellement, le joueur était ultra-dominant. Avec, comme cerise sur le gâteau, ce coup de chaud incroyable en plein hiver 2004.
Malheureusement, jamais le succès collectif ne fut au rendez-vous, et ses blessures trop récurrentes l’empêchent de figurer correctement dans les classements all-time. A l’heure de la rédaction de ces lignes, voici le palmarès du bonhomme :
- Hall-of-famer : introduction en 2017,
- All-star à sept reprises,
- All-NBA team à sept reprises, dont deux fois dans la All-NBA first team (2001 – 2002 et 2002 – 2003),
- Most improved player en 2001,
- Meilleur scoreur de la Ligue à deux reprises,
- 69ème meilleur scoreur de l’Histoire, avec 18 381 points marqués.
Un palmarès bien loin d’être infamant, mais tout aussi loin de refléter le talent générationnel du joueur. D’où le sentiment de frustration évoqué au début de notre article. Cependant, plus de cinq ans après sa retraite, ce n’est plus la frustration que nous gardons en tête, mais bel et bien ses coups d’éclat, qui lui ont valu d’innombrables hommages.
Crédits et hommages
Comme le rappelle le comité du Hall-of-fame, Tracy McGrady reste un joueur ayant scoré plus de 18 000 points, avec en plus de cela 5 000 rebonds dans la besace et 4 000 offrandes offertes aux copains. Et s’il garde collé au corps l’image d’un looser, il a tout de même récolté les louanges de certains de ses anciens adversaires. Parmi tant d’autres, citons les mots que Kobe Bryant, pourtant avare en compliments, a dédié à T-Mac, dans son livre :
“Tracy était incroyable. Il était incroyable parce qu’il pouvait tout faire. Je crois que je lui ai dit ça, d’ailleurs, une fois. Je lui ai dit qu’il pouvait faire tout ce que je fais sur un terrain de basket, mais qu’il faisait 2m03. Il pouvait tout faire. Il n’avait aucune faiblesse. C’était un cauchemar de défendre sur lui”.
Que dire de plus ? Pour l’anecdote, rappelons que lors du All-Star Game 2002, McGrady s’est fendu d’une action d’exception, en réalisant un alley-oop pour lui même, en envoyant la balle contre la planche. S’il n’a pas inventé le geste, on retrouve parfois celui-ci affublé du nom “la McGrady”. Ce qui n’est pas le pire des hommages, et qui nous permet d’entendre parler du bonhomme lorsque les joueurs contemporains tentent ce type d’action.
Au bout du compte, c’est sa première franchise, les Toronto Raptors, qui lui a montré le plus de considération, en lui consacrant une vidéo de ses meilleurs highlitghts sous le maillot Canadien, suivie d’une standing ovation du public. La preuve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir rapporter une bague pour être apprécié du public.
La preuve également que Tracy McGrady fut un joueur fascinant. Un What If ?, certes, mais si beau à voir évoluer en pleine forme. Au final, n’est-ce pas lui qui, dix années durant, a rendu le plus beau des hommages qui soit, au sport qu’est le basketball ?
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99),