Alors qu’on voyait Brooklyn jouer le rôle de l’oiseau pour le chat, force est de constater que l’oiseau avait des ailes en plomb pour distribuer quelques gifles dans la bulle, avec notamment un Caris LeVert étincelant et un Timothé Luwawu-Cabarrot sorti du bois. A Orlando, les Nets ont fait plus que de la figuration, clairement. De son côté, Toronto n’a pas forcé son talent outre mesure, et s’est montré présent dans les gros matchs face aux contenders, hormis Boston, mais même si on sent que la bête somnole, qui serait assez bête pour aller chatouiller le museau du Raptor qui dort d’un oeil, d’autant plus quand celui-ci est champion en titre ?
Le bilan des saisons
Je ne sais pas s’il est réellement utile de refaire en intégralité le film de la saison des deux équipes, tant la période sans match fût longue. Consacrons nous plutôt à ce qui s’est passé dans la bulle, sans oublier à qui l’on a à faire.
Du côté de Toronto, après avoir essuyé une pluie de moqueries sur la valeur du titre acquis face aux Warriors, les Canadiens ont eu à cœur de prouver que la perte de Kawhi Leonard n’allait pas altérer la qualité de l’équipe. Si l’attaque a forcément perdu en qualité intrinsèque, c’était sans compter sur le génie de Nick Nurse, et sans compter sur l’homme qui ne cessait jamais de progresser, j’ai nommé Pascal Siakam. De joker de luxe, Siakam s’est muté en véritable go-to-guy chez les Raptors, se montrant toujours capable de punir en transition avec son physique avantageux tout en ayant ajouté cette année à son arsenal offensif un tir longue distance qu’il n’hésite pas à user plus fréquemment.
Évidemment, la perte d’un joueur de la trempe de Leonard se fait tout de même ressentir (13è attaque de la ligue), et même si des joueurs comme Van Vleet ou Siakam, pour ne citer qu’eux, peuvent prendre littéralement feu par moment, les choses se compliquent nécessairement face à des défenses plus dures, à l’image du match contre Boston dans la bulle dernièrement.
Mais surtout, à Toronto, la défense s’est encore resserrée. Autour d’un collectif rôdé, avec des principes défensifs de coach Nurse assimilés par l’intégralité du roster, les aides s’enchaînent avec une grâce et une efficacité absolue, et donnent parfois l’impression à l’équipe adverse qu’il n’y a pas 5, mais 10 joueurs en face d’eux, en permanence. Que ce soit à l’intérieur, les ailes ou à la mène, les Raptors ont des joueurs capables de faire les efforts à tous les postes, et les positions sont assez souvent même doublées : bref, aucune équipe dans la ligue ne peut prétendre avoir une réponse facile, voire efficace, face à cette défense.
Dans la bulle, Toronto a honoré son statut de contender sérieux en montrant les dents contre les grosses cylindrées : Lakers, Nuggets, Sixers, Bucks, … Bref, on a posé le drapeau sur la montagne pour bien montrer à la concurrence que les griffes sont solidement plantées dans le trophée Larry O’Brien pour le back-to-back.
Côté Brooklyn, la saison a été mouvementé, au propre comme au figuré.
Si on savait que Kevin Durant manquerait la saison entière à cause d’une blessure, les Nets pensaient pouvoir compter sur Kyrie Irving pour être le fer de lance de l’équipe. Malheureusement, celui-ci se blessa assez rapidement, et fut contrait d’observer les siens sur le banc de touche pendant 26 matchs. De retour aux affaires mi-janvier, Uncle Drew n’aura tenu que 9 matchs avant de prendre la décision de faire opérer son épaule douloureuse, et de finir la saison sur le banc, définitivement. Le duo KD-Kyrie faisait rêver : il faudra patienter encore un peu pour l’apercevoir.
Le 10 mars 2020, nouveau tournant dans la saison des Nets, et c’est le coach Kenny Atkinson qui prenait la porte. Si les raisons n’ont pas été communiquées et claires de suite, un changement de coach à cette période de l’année n’augure en général rien de bon. Atkinson fut remplacé par Jacques Vaughn, qui a eu le mérite de remettre une ambiance positive dans son groupe, et qui aura profiter de la bulle de Disney World pour donner du temps de jeu à ses joueurs, en essayant de recréer le liant nécessaire à la réussite, tout en maintenant un niveau de basket agréable à regarder pour les fans.
Avec un duo DeAndre Jordan-Spencer Dinwiddie out pour disputer la fin de saison en raison de soucis de santé (COVID-19, vous connaissez ?), les Nets essuyèrent quelques moqueries à l’approche de l’échéance de la reprise sur les parquets. Pourtant, articulés autour d’un Caris LeVert de haut vol, et s’appuyant sur les envolées d’un Timothé Luwawu-Cabarrot en feu sur les derniers matchs des Nets, et sur des soldats, à l’image de Joe Harris ou Jarett Allen, toujours aussi précieux, les Nets feront taire les mauvaises langues qui pensaient qu’ils viendraient en tongues à Orlando. Au final, Brooklyn va pouvoir défier les Raptors sans aucune pression, et avec un objectif clair pour chaque joueur : réussir son entretien d’embauche pour la saison prochaine.
Les match-up clés
Caris LeVert vs la défense des Raptors
Si Toronto ne possède pas réellement de gros scoreurs, le scouting report de Brooklyn est limpide de ce point de vue-là : Caris LeVert est l’homme à abattre pour contrôle Brooklyn offensivement. Le bonhomme est en très grande forme, avec une pointe à 37 points contre Portland, qui jouait pourtant sa survie pour les playoffs. Et côté Raptors, comme évoqué ci-dessus, défendre des artificiers, on connait bien et on sait plutôt très bien faire. Si Norman Powell devrait avoir la préférence, les solutions de back-up ne manquent pas, et il faudra alors que Caris relève un à un les défis défensifs qui lui seront présentés, en faisant les bons choix en un minimum de temps. Si LeVert réussi ce pari, il faudra sérieusement penser à lui pour le futur des Nets pour accompagner KD et Kyrie. S’il ne le relève pas… Qui pourrait lui en vouloir ?
Jarrett Allen vs les intérieurs de Toronto
Que faire quand on est un jeune intérieur de Brooklyn et qu’on s’apprête à se taper avec Marc Gasol et Serge Ibaka dans une série au meilleur des 7 ? Et qu’en plus de cela, on est pas exactement – voire pas du tout – au niveau des deux messieurs précités ? Et bien j’espère que Jarrett aura trouvé la réponse d’ici lundi, sinon ça risque de piquer fortement, et les maux de tête risquent d’être légions.
On pourrait résumer le combat simplement : d’un côté, de l’expérience à ne plus savoir quoi en faire et une complémentarité certaine ; de l’autre, une jeunesse – esseulée qui plus est – qui veut parfois bien faire, mais qui ne réfléchit que trop rarement. On connaît tous les highlights des contres d’Allen, mais défendre correctement au cercle, ce n’est pas que ça, et il y a fort à parier que Nick Nurse va vouloir appuyer rapidement et fortement sur ce point faible des Nets qu’est la protection de cercle. Le COVID-19 ayant laissé DeAndre Jordan à la maison, on se demande vraiment comment les Nets vont faire pour éviter de prendre la sauce à l’intérieur, ou plutôt combien de temps la résistance qu’ils opposeront fera illusion…
A quoi s’attendre?
Difficile à dire mais une chose est sûre, Brooklyn va jouer le couteau entre les dents et ne voudra pas être ridicule. Lorsque Durant et Irving sont arrivés, il est devenu clair pour la grosse majorité de l’effectif que si vous ne faisiez pas bonne impression, vos jours allaient être comptés. On ne fait pas venir deux superstars de la trempe de KD et Kyrie avec pour objectif de jouer des demi-finales de conférence. De là, deux possibles : soit un joueur prouve qu’il à sa place dans le roster et sauve sa peau et son futur, soit il n’y parvient pas, et a toutes les chances de se retrouver dans un trade flingué à la deadline, ou pire, sera buy-out pendant la période du marché de printemps où les équipes fignolent les rosters en vue des playoffs. Si certains doivent se montrer, c’est l’heure.
Caris LeVert voudra sûrement se prouver à lui-même, mais également à ses deux futurs franchises players, qu’il est un lieutenant solide et qu’il peut guider une second unit par exemple, pour permettre aux stars de souffler.
Du côté de la franchise canadienne, Toronto ne voudra pas traîner. On le sait, la récupération est primordiale dans le sport de haut niveau, encore plus en fin de saison, et encore plus quand vos ambitions sont au niveau de celles des Raptors, champions en titre. Si Toronto arrive à museler à chaque match l’impact offensif de LeVert, que la défense prend à la gorge la moindre offensive des Nets et qu’offensivement, Siakam, Gasol, Ibaka et consorts font du petit bois de la raquette de Brooklyn, on ne voit pas bien ce qui sauvera ces derniers d’un coup de balai. Le champion en titre doit monter en régime pour se préparer à la suite de la compétition, et les Nets seront un sparing partner de qualité pour ce faire.
On attend des Raptors des matchs solides et sérieux des deux côtés du terrain. Parce qu’on est exigeant, on se ferait un plaisir de voir un Kyle Lowry confirmer que les playoffs ne lui font plus peur, et mèner son équipe à la victoire chaque soir, agissant comme un métronome et un chef d’orchestre de renom qu’il sait être. Ce n’est pas encore l’heure de complètement réveiller les Raptors, mais la première marche est importante alors autant ne pas se louper et se mettre de suite dans le rythme de ces playoffs très particuliers.
Calendrier
Game 1 : lundi 17 août, 10h00.
Game 2 : mercredi 19 août, 19h30.
Game 3 : vendredi 21 août, 19h30.
Game 4 : lundi 24 août, 00h30.
Game 5 (si besoin) : mardi 25 août, horaire à définir.
Game 6 (si besoin) : jeudi 27 août, horaire à définir.
Game 7 (si besoin) : samedi 29 août, horaire à définir.
Pronostic : 4-0 pour Toronto
Il manque trop d’éléments cette année à Brooklyn pour enfoncer les Raptors au point de leur faire perdre un match, il y a trop d’aspects à gérer, et trop peu d’hommes aux qualités requises pour faire le taff. J’aimerais croire au Caris LeVert game mais même seul à 40 pions, je ne pense pas que ça suffira pour mettre à mal le collectif ultra-solide des Raptors.
Même si Toronto ne pourra pas profiter de l’ambiance électrique de sa salle et des massages de Drake, les hommes de Nurse restent un collectif qui nécessite beaucoup que de nombreuses qualités individuelles et collectives soient rassemblées pour les mettre au tapis, ce que Brooklyn n’a pas, du moins pas cette année.
Car oui, il convient d’insister sur ce point : si l’année prochaine on retrouve les mêmes équipes sans blessés ou cas de COVID, le pronostic pourrait être nettement plus tendu à faire. Mais pour le moment, il faut surtout que Brooklyn se montre, et que Toronto en sorte une pour la mettre sur la table.
Bonne série à toutes et à tous !