En février 2017, soit il y a désormais plus de 4 ans, un adolescent de 15 ans faisait trembler la planète basketball : 92 points dans une rencontre, agrémentés de 9 passes décisives. A l’époque, la vidéo fait débat. Alors que les lycéens américains sont secoués par la performance de la sensation LaMelo Ball, beaucoup s’avèrent critiques et doutent de la faculté de l’adolescent à transposer cela au plus haut niveau. Pourtant, une telle performance n’a rien d’anodin, même au niveau high school. A fortiori quand, malgré l’absence de défense et le rythme effréné du match, on voit ledit adolescent refuser des paniers ouverts pour offrir des tirs faciles à ses coéquipiers.
Une chose est sûre, le frêle joueur a roulé sa bosse depuis, passant par l’Europe (très brièvement) puis l’Australie (NBL) aux dépends de la formation américaine avant de se présenter à la draft 2020. Et si le talent était indéniable, le joueur aura fait couler beaucoup d’encre jusqu’à ses premiers matchs en NBA. Frère de Lonzo Ball, lui-même prospect majeur par le passé, fils de l’exubérant et très médiatique LaVar Ball, tendancieux pendant les entretiens pré-draft, star des réseaux sociaux depuis son plus jeune âge, il était pourtant compliqué de dire qui était, et quel joueur était LaMelo Ball avant ses premiers matchs au plus haut niveau.
Pourtant, depuis son arrivée dans la Grande Ligue et d’autant plus depuis sa titularisation, les superlatifs manquent pour qualifier le jeune meneur. Enthousiasmant, génial, spectaculaire, étonnant sont autant de mots qui viennent à l’esprit pour évoquer le début de carrière du rookie. Alors qu’il a déjà transformé les Charlotte Hornets en une véritable “League Pass Team“, nous allons essayer de tracer le profil du joueur et de s’interroger sur le potentiel de la jeune star. Quel joueur ? Quelles progressions possibles ? On essaiera de prendre des risques en envisageant les évolutions envisageables.
LaMelo Ball, un profil rare
Il est difficile de faire de véritables comparaisons entre LaMelo Ball et ses prédécesseurs en NBA. Des parallèles avec certains grands noms de la Ligue sont possibles, mais il y autant à piquer dans le jeu que dans son attitude pour LaMelo. Cette saison, les Charlotte Hornets sont devenus réellement fascinants. Dans la victoire comme dans la défaite, ils offrent des rencontres terriblement agréables à regarder. Difficile de ne pas créditer James Borrego pour son animation offensive. Mais impossible d’écarter l’outil principal de cette douce folie qui habite l’équipe : LaMelo.
Il y a chez le joueur de 19 ans quelque chose de magnétique. Entre sa volonté de faire briller ses coéquipiers, son sens de la passe qui n’est pas sans rappeler un certain Jason Williams, de sa volonté de chercher le spectaculaire, mais aussi son état d’esprit général qui contribue largement à l’absence de complexe de cette équipe. Car oui, sur un terrain, le jeune Ball s’amuse, et c’est communicatif. A la manière d’un Stephen Curry ou d’un Dwight Howard, il ne donne pas l’impression de tricher, arborant fièrement un grand sourire. LaMelo est là pour s’amuser et cette mentalité contagieuse se transmet à ses coéquipiers qui bénéficient autant de son talent, que de cette forme de leadership malgré-lui. Le baskeball reste un jeu, et on peut très bien y jouer sans le prendre trop au sérieux. Cette simplicité transpire du rookie et a déjà conquis l’ensemble de la franchise de Caroline du Nord.
Mais alors, quel joueur est LaMelo Ball ?
Un passeur génial, évidemment
Quand Lonzo Ball est arrivé en NBA, on s’attendait à voir un passeur génial, un défenseur féroce et un piètre shooteur. Eh bien son cadet partage cette première qualité. Car oui, au même titre que son frère, LaMelo est un joueur qui voit le jeu comme peu peuvent s’en vanter à travers le monde. Mieux, il est aussi capable de trouver des angles de passes complètement dingues, en particulier pour un prospect aussi jeune. S’il est aussi spectaculaire, les raisons sont multiples. LaMelo est grand (entre 1m98 & 2m03 selon les sources), rapide, doté d’une superbe vision de jeu qu’il utilise très bien en transition et qu’il transpose également sans difficulté sur demi-terrain.
Ainsi, il n’est pas étonnant de voir les Hornets partir en trombe dès que Ball récupère un ballon. Et puisqu’il est un bon rebondeur (nous y reviendrons) et très capable de couper les lignes de passes, son équipe n’en est que plus efficace offensivement (2è équipe au nombre de paniers marqués en transition). Pour ne rien gâcher, sa connexion avec Miles Bridges et les autres athlètes de l’équipe fait des étincelles depuis son arrivée, produisant pléthore d’highlights.
Et le fait est… qu’il sait quand ses coéquipiers sont les seuls à pouvoir chercher ses passes.
Son sens du timing mais aussi sa faculté à adapter sa passe aux qualités de ses coéquipiers fait alors le reste. Pour un coach, posséder un joueur capable de comprendre les habitudes de ses coéquipiers et de le servir sur leur point fort est la qualité éminente d’un meneur. A ce stade de sa carrière, on sait déjà que c’est la principale force du rookie. Ainsi, dans les deux exemples suivants (deux actions coup sur coup face aux Rockets), il montre être tout aussi capable d’aller chercher Miles Bridges pour un panier “facile” en transition…
… Que capable, dans une peinture bardée de ses adversaires, de placer une passe lobée pour trouver le seul joueur en position d’aller chercher le ballon à une telle hauteur. Autrement dit, il évalue parfaitement les qualités de ses coéquipiers que de ses adversaires. Et il sait comment faire briller les autres.
Si LaMelo est déjà aussi efficace, c’est par sa virtuosité. Certains joueurs brillent tôt par leur maturité ; lui illumine son équipe par une forme de génie et malgré son apparente nonchalance. Du haut de sa vingtaine de matchs en NBA, il possède déjà la panoplie complète : no look-pass, effets dans ses ballons, angles improbables combinés à un geste très vif et déjà diaboliquement précis à ce stade de sa carrière. Il semble pouvoir absolument tout faire. S’il n’a pas encore la maestria d’un Jason Williams auquel nous le comparions plus tôt, cela semble pourtant un objectif atteignable d’ici quelques saisons. D’autant que le jeu actuel facilite le mouvement et propose d’autant plus d’opportunités de trouver un coéquipier ouvert au loin ou de bénéficier de coupes à foison.
Puisqu’il est capable de délivrer des passes en bonne position sans pour autant regarder ses coéquipiers, il peut d’ores-et-déjà manipuler les défenseurs et compliquer les aides. Ainsi, comme avec d’autres passeurs de renoms, ses coéquipiers doivent être prêts à tout moment à réceptionner une passe et dégainer. Sur la séquence suivante, il donne toutes les indications d’un joueur qui va attaquer son vis-à-vis. Résultat, les deux défenseurs des Grizzlies, dont la consigne est de protéger la raquette sans accepter le switch, vont tenter de l’acculer. Le joueur n’a toutefois pas besoin de se retourner pour savoir que PJ Washington est resté en tête de raquette et si la défense anticipe la passe, LaMelo délivre cette dernière immédiatement, sans stopper son dribble, sans le regarder et dans le dos. Bien conscient des qualités de son rookie, James Borrego propose du mouvement off-ball pour créer des hésitations en défense, pour forcer des choix. Et Ball les exploite avec une détonante aisance.
En effet, il lit déjà les déplacements de ses coéquipiers et n’a pas besoin de voir Washington pour savoir où il se trouve. Le simple fait de voir Rozier couper et Martin à 45 degrés dans sa corner gauche lui indique la position de son coéquipier.
Si sur la séquence précédente, la défense de Memphis est à remettre en cause, il ne faut cependant pas penser qu’il punit uniquement les fautes adverses. Il est tout à fait à même de chercher des angles improbables pour faciliter le mouvement du ballon.
Si les Hornets sont aussi amusants, c’est aussi parce que les renversements de Ball facilitent le spacing de l’équipe.
Ainsi, ici, vous pouvez facilement comprendre comment il bonifie ses coéquipiers. La défense s’attend à une passe vers son partenaire de pick&roll, mais il va chercher Graham dans le corner pour sanctionner l’aide de Van Vleet. Comme il voit le jeu très tôt, et qu’il fait son choix de passe très rapidement, il ne laisse pas le temps aux défenseurs de réagir. De fait, il donne tout le temps à son coéquipier de prendre un tir ouvert :
Ou sur cette action où il renverse rapidement sur Hayward, dans un angle inattendu, reconnaissant qu’il faut profiter du 5 vs 4 immédiatement :
De même, puisqu’il est déjà assez mature dans sa lecture, il peut hâter le jeu comme dans l’attaque précédente, ou à l’inverse se montrer très patient pour forcer la défense à se concentrer sur lui. Ici, il va par exemple utiliser son corps pour rester devant son vis-à-vis et feindre l’attaque du panier jusqu’au bout pour forcer l’aide de l’intérieur adverse, ceci afin de déclencher une passe dans le dos pivot. Un modèle de temporisation et une faculté, déjà, à ne pas se précipiter balle en main. Quant à la feinte, suivie de la passe, son talent fait le reste :
Beaucoup de vidéos pour cette première partie. Mais difficile de ne pas être tenté de mettre en image le jeu de passe du meneur. Alors qu’il n’a pas encore joué la trentaine de rencontres NBA, il a déjà été difficile de faire le tri tant il a déjà laissé des passes variées et spectaculaires.
Alors que dire du jeu de passe de LaMelo Ball ?
A ce niveau embryonnaire de sa carrière, il est évident qu’il a tout d’un prodige en la matière. On est autant impressionné par sa polyvalence à la passe que son sens inné du spectacle. S’il n’a pas encore la précision d’un Jason Williams ou la maîtrise des meilleurs meneurs dans sa gestion du ballon, il a toutes les armes pour être l’un des top meneurs de cette nouvelle décennie.
Toutefois, il ne faut pas survendre le LaMelo actuel. Son sens du spectacle s’accompagne inéluctablement d’un goût du risque.
Certaines de ses passes sont parfois très risquées, et à ce titre il est un joueur dispendieux en ballon. Dans le 16eme percentile (donc parmi les pires) au pourcentage de ballons perdus à son poste, il est fort probable que LaMelo ne soit jamais un meneur hyper sûr et propre (façon Chris Paul). Moins solide que certains des grands meneurs au même âge, ce n’est pas que le joueur en semble incapable, mais plutôt que cela peut être compliqué de devenir sûr balle en main sans dénaturer la douce folie de son jeu. Les progrès viendront plutôt de son handle ou de son attaque du panier que de ses choix de passes.
Ainsi, si le voir gagner en rigueur n’a rien d’impossible, est-ce totalement souhaitable ? Il devrait progresser en la matière quand sa mécanique se fera à la vitesse des défenseurs en NBA. Toutefois, plus proche des Nash & Kidd (dans le style), on devrait le voir continuer à distribuer des passes spectaculaires, quitte à faire plus de déchets que certains meneurs plus traditionnels. Et au fond, il serait ingrat de s’en plaindre.
Défense & rebond : les a priori étaient-ils vrais ?
Si la côte de LaMelo Ball était très incertaine, c’était notamment à cause de sa réputation en défense. Il y a 4 ans, quand les scouts commencèrent à sérieusement se pencher sur le cas du jeune lycéen, il était alors petit (environ 1m65) et beaucoup plus chétif qu’il ne l’est actuellement (82 kgs en début de saison), sans pour autant s’activer de ce côté du terrain. Le problème, c’est que les années passant, ce dernier n’a pas montré une volonté croissante de faire les minimas en défense. De fait, il s’est construit une réputation de défenseur médiocre, dont l’investissement n’est pas encore au niveau de ce qu’on est en droit d’attendre pour la NBA.
Dans le championnat australien, ses prestations défensives firent grincer des dents, bien que sa côte est restée solide dans une cuvée de draft 2020 globalement assez faible. Mais alors, désormais en NBA, qu’a-t-on pu observer de la part de LaMelo ? Et que peut-on attendre de ce dernier d’ici quelques années ?
Évaluer un rookie n’est pas facile. Surtout après une poignée de match. Et si l’exercice est périlleux en attaque, il l’est encore plus lorsqu’on parle de défense. Pourquoi ? Parce que très rares sont les rookies qui s’adaptent rapidement au gap qui existe entre les attaques en université, dans les autres championnats du monde et celles de la NBA. Entre la densité de talent, la vitesse de jeu et les qualités athlétiques, il n’est pas rare de devoir attendre quelques années avant que certains joueurs deviennent des défenseurs corrects. Par ailleurs, la défense encore plus que l’attaque dépend des joueurs autour de soi, de l’identité de l’équipe et de l’organisation de cette dernière. De telle manière que ce soit globalement compliqué d’évaluer les chiffres d’un joueur ou l’impact réel d’une bonne ou mauvaise défense sur des prestations personnelles. A fortiori sur les lignes extérieures.
Toutefois, essayons-nous à l’exercice.
L’activité
On dit souvent que la défense est une question de volonté. Un dicton qui ne s’avère pas toujours vrai. Néanmoins, de ce point de vue, le début de saison de LaMelo est excessivement satisfaisant. N’ayant pas vu grand chose de lui avant ses premiers pas en NBA, je ne peux m’empêcher d’être agréablement surpris par son activité en défense. Non seulement ses jambes sont très actives, mais cela ne se limite pas à cela. En effet, le meneur se bat pour passer sur les écrans, pour récupérer son joueur quand il tente une interception, ou essaie d’apporter d’une aide et s’avère plutôt doué pour rattraper les espaces que les joueurs se créent.
En conséquence, il ne laisse pas des tirs faciles à ses vis-à-vis, ce qui représente déjà une victoire pour les coachings staffs qui n’assistent pas à un joueur obnubilé par l’attaque et foncièrement désintéressé par l’autre côté du terrain. Dans une NBA de plus en plus tournée vers la chasse aux mismatchs, voici une première bonne nouvelle : LaMelo n’est pas feignant en défense, il n’est pas complètement perdu comme des tas de rookie et n’a pas un physique qui en fait une cible désignée pour des joueurs plus grands, puisque comme susmentionné, il est étonnement long pour son poste… et n’a que 19 ans.
Quel type de défenseur ?
Alors, grosso modo, comment décrire sa défense ? Quels sont ses principaux atouts ?
Tout d’abord, il est doté d’une vitesse latérale tout à fait honorable. Cela lui permet de ne pas se faire dépasser par les meneurs adverses. Une double bonne nouvelle donc puisque ses longs bras lui permettent ainsi d’avoir les mains actives sur les porteurs adverses. Comme beaucoup de joueurs instinctifs et dotés d’une bonne vision, il possède des mains précises pour perturber le porteur de balle.
A ce titre, comme beaucoup de joueurs dotés d’un bon QI basket, ses lectures en défense permettent de perturber la circulation du ballon adverse en se positionnant entre les lignes de passes, et en s’élançant dans le bon timing. Cela peut donc permettre de dévier des ballons, mais également d’en récupérer. Rappelons que cet élément est d’autant plus important qu’il brille particulièrement en transition. Et s’il est à l’origine de l’interception (il est actuellement 10è de la ligue en interception/match), il peut donc directement pousser le rythme en contre-attaque. Un exemple de ces bonnes lectures ?
Par ailleurs, il possède de bons appuis. Cela lui permet de compenser certains décrochages ou à l’inverse, de venir sur une aide puis de rattraper un décalage. Cette faculté fait d’autant plus merveille que grâce à sa taille, il peut switcher sur des défenseurs plus grands sans risquer de devenir un mismatch garanti (il faudra tout de même s’étoffer pour mieux encaisser des adversaires plus lourds). Ainsi, puisqu’il démontre de l’envie en défense, cela permet de voir certaines actions comme celle-ci, où il peut contester à plusieurs reprises des adversaires, parfois en partant de très loin :
Ici, il vient dans un premier temps aider sur Siakam. Puis, il va contester le tir d’Anunoby, forcer un marcher (non sifflé) et revenir contrer le shoot.
En somme, LaMelo est déjà un défenseur capable d’être un plus pour une équipe. S’il manque encore d’expérience, a encore tendance à perdre son vis-à-vis sur certaines séquences, n’est pas aussi conscient de ce qui se passe autour de lui qu’en attaque et va continuer de faire des erreurs de débutants, il y a fort à parier qu’il puisse se développer en défenseur solide avec les années.
Sa lecture du jeu, ses longs segments et la promesse de s’étoffer physiquement avec les années offrent autant de belles promesses à saisir. S’il n’y a pas un potentiel All-Defensive Player en lui, savoir qu’il est tout sauf ce piètre défenseur annoncé à sa draft, dès lors qu’il est impliqué en défense, est un excellente nouvelle pour son équipe.
Puisqu’on en est à la défense, il est au passage important de parler brièvement de ce son sens du rebond. Bien que la qualité soit normalement anecdotique pour un meneur, le format du basket actuel pousse les joueurs à sortir des cadres pré-conçus. A ce titre, comme d’autres guards, Ball peut donner des coups de mains au rebond. Un élément bienvenu pour deux raisons : aider les intérieurs & partir plus vite en transition. En l’occurrence, étant un joueur instinctif et grand, il arrive à contribuer à l’effort collectif, même au milieu des arbres. Et si la performance est notable, c’est surtout parce que dans un effectif mal équipé en la matière, le rookie est déjà l’un des 3 principaux rebondeur de la franchise.
Par ailleurs, si vous voulez plus de compléments sur la défense de LaMelo, vidéos à l’appui, n’hésitez pas à consulter cette excellente analyse de Ben Taylor.
Le scoring
Puis, vient la dernière partie de son jeu, le scoring. Là encore, on a entendu pas mal de choses sur le meneur et force était de constater que ses talents de shooteurs pouvaient être remis en cause. Doté d’une mécanique très étrange durant ses années high school, ce dernier a petit à petit redéfini son geste avec les saisons. De quoi obtenir un tir absolument parfait ? Pas vraiment. On voit encore encore régulièrement celui-ci changer sa position, notamment dans le bas du corps, et on sent qu’il doit encore beaucoup shooter pour définitivement, à terme, régler son geste.
Le truc, c’est qu’on s’attendait à un shooteur absolument médiocre, comme l’était son frère, le premier échantillon de tir de LaMelo est en réalité plutôt étonnant. Sans être transcendant, il affiche un +43% au tir dont 35% à 3 points. Rien d’exceptionnel mais pas loin d’être un tireur productif et respectable. Plus étonnant encore, ses chiffres se sont déjà bonifiés au cours des dernières semaines, laissant sous-entendre qu’il affiche ses premiers progrès avec l’avancée de sa première saison. Plus globalement, avec ses 50,5 de TS%, il s’inscrit légèrement au-dessus de la moyenne à son poste (53eme percentile). Mais du coup, là encore, est-ce qu’on peut envisager, à terme, voir LaMelo Ball devenir un gros scoreur en NBA ?
Pour se faire une idée, il faut préciser deux choses.
- Premièrement, l’échantillon est encore assez faible et sa mécanique de tir peut laisser entrevoir un shooteur qui pourrait avoir des hauts et des bas.
- Deuxièmement, l’absence de public semble tendre à accroître l’adresse des shooteurs, ce qui sous-entendrait que le comparer à d’autres rookies, dans l’histoire, pourrait être un peu tronqué par le contexte actuel… Mais également qu’une fois les publics revenus, ses pourcentages puissent chuter.
L’attaque de la raquette
En NBA, nul tir n’est plus rentable qu’un tir pris dans la peinture, et à ce titre, être capable de partir à l’assaut des raquettes est crucial, a fortiori pour un joueur bien plus grand que la moyenne de son poste, qui peut donc abuser des défenseurs plus petits. De ce point de vue là, bonne nouvelle, puisque LaMelo n’hésite pas à profiter de cet avantage de taille pour dominer des joueurs plus courts physiquement. On imagine que s’il prend du muscle dans les années à venir, ce travail n’en sera que facilité.
Quand il parle en drive, on est cependant loin d’un finisseur élite dans cette zone. Avec ses 1,14 points par tirs tentés dans la raquette (restricted area), il ne s’élève pas dans les hautes sphères de la NBA. Grosso modo, on peut dire que ses changements de vitesses sont bons, que ses appuis aussi, mais que sa finition n’est pas encore au niveau pour pleinement profiter de sa taille. A ce titre, il a dû mal à pleinement exploiter ses qualités quand des intérieurs viennent contester. Il n’arrive pas à terminer facilement et n’est pas encore très bon pour provoquer des contacts suffisants pour obtenir la faute.
Ci-dessous, deux exemples de séquences fréquentes, celles-ci face au Utah Jazz, où Ball doit pouvoir aller chercher des lancers francs (voire marquer avec la faute).
Avec seulement 2,4 lancers francs tentés par rencontre, on ne peut dire qu’il sait provoquer le contact. Et bien que cette tendance est généralisée chez les Hornets (25e au nombre de LF obtenus), c’est dommageable pour un extérieur avec son physique et prenant plus de 36% de ses tirs dans la raquette. Bien sûr, ce nombre devrait augmenter avec les années et être facilité par un changement de statut auprès des arbitres. Toutefois, il y a un vrai chemin pour en obtenir au moins 6-7, ce qui lui permettrait d’obtenir des points faciles (on parle d’un joueur avec +80% de réussite aux lancers pour cette 1ère saison).
Néanmoins, LaMelo est long, plutôt vif sur son premier pas, représente donc un mismatch par sa taille sur son poste naturel et un mismatch face aux intérieurs qui ne peuvent le suivre. S’il progresse dans sa finition – ce qui peut se faire – et apprend à obtenir des lancers, il n’en sera que plus dangereux… Et notamment à la passe.
C’est un pavé important de sa construction, car il reste beaucoup de travail dans les autres zones de shoot.
La mi-distance
Il y a quelques semaines, j’évoquais la faculté de scorer aux 3 niveaux : raquette, mi-distance et 3 points. Être à même d’être un danger partout complique le travail d’une défense, logiquement, puisqu’elle ne peut plus faire d’impasse. Les progrès de Zach LaVine, en la matière, étant par exemple particulièrement ahurissants, prouvent l’important de cette polyvalence pour un scoreur.
Toutefois, concernant LaMelo, nous le disions, il n’est pas un shooteur naturel. Bien que ses +80% aux lancers soient encourageants quant à sa faculté à devenir “bon”, il n’en reste pas moins que la zone d’entre deux démontre bien le travail qui reste à fournir.
A ce jour, la principale force notable du joueur est son floater. Une arme parmi les plus difficiles à maîtriser mais que ce dernier semble pouvoir dégainer de différentes distances et avec une certaine fiabilité.
Le souci, c’est qu’hormis ce “move“, le joueur ne peut vraiment s’aventurer dans cette zone qu’il maîtrise assez mal. Avec 34,6% dans la raquette (hors de la restricted area) et 39,1% à mi-distance, le joueur rapporte peu et il semble le savoir puisqu’il s’y aventure avec parcimonie. Si la bonne nouvelle se situe dans sa conscience de cette limite actuelle, la mauvaise, c’est qu’il en est moins dangereux et difficile à garder.
Or pour devenir un meilleur joueur sur Pick&Roll, phase sur laquelle il se doit de produire à haut niveau, il va devoir devenir plus dangereux dans la raquette et dans sa faculté à coûter des points à mi-distance. A ce jour, LaMelo ne score que 0,88 points par tir sur P&R. Un élément notable et dommageable au vu de son profil, d’autant plus dans une équipe en difficulté dans cette séquence de jeu (23e au rendement et à la fréquence d’utilisation).
Le tir à 3 points
S’il y a bien un domaine dans lequel LaMelo surprend, c’est son tir longue distance, voire, et c’est tout le paradoxe, dans son tir très longue distance. Alors qu’il est en difficulté sur le tir préféré des shooteurs naturels (le corner 3), il est beaucoup plus à l’aise dans les autres zones. Surtout, il est extrêmement efficace sur les tirs au-delà de 8 mètres. Car oui, alors qu’il était annoncé comme en délicatesse avec son tir, non seulement Ball prend des 3 points, mais il se permet en plus de les prendre de (très) loin. Bien que cet élément puisse être l’amorce d’une critique, il s’avère qu’il peut se targuer d’avoir mis 22 de ses 51 tentatives à ce jour.
Si l’échantillon est bien sûr faible, il faut se rendre compte que :
- C’est le tir sur lequel il est le plus rentable
- C’est mieux que Damian Lillard (même si volume plus élevé pour le Blazer)
- C’est mieux que Stephen Curry (même si volume plus élevé pour le Warrior)
C’est d’autant plus remarquable, à ce stade, que ce sont généralement des tirs compliqués. A savoir des pull-up 3.
Avec 2,2 tentatives de ce type par rencontre, un taux de réussite de 35,4%, LaMelo peut, s’il tient le rythme, devenir un véritable danger de loin. Une bonne nouvelle s’il arrive à régler sa mécanique avec les années. En revanche, ce serait préjudiciable si cette dernière restait aléatoire et contribuait à faire de lui un joueur inconsistant. Il va de soi qu’en maintenant son niveau autour de sa short chart actuelle, le joueur obligerait les défenses à le défendre très haut, ce qui maximise son champ d’action dans tous les compartiments du jeu.
Quant au catch&shoot, si LaMelo Ball en tente 3,2 par rencontre, sa réussite actuelle (35,9%) en fait une menace honorable. Bien que, compte tenu de l’échantillon vraiment restreint et d’une mécanique encore instable, il soit difficile de vraiment tirer des conclusions à ce sujet. Ou de l’utiliser pour extrapoler son statut de shooteur à long terme.
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Alors, quel avenir pour LaMelo Ball ?
En fin de compte, il me semble assez évident que LaMelo s’est déjà installé comme une part prépondérante du futur des Charlotte Hornets. A ce jour, il est déjà, à seulement 19 ans, un playmaker génial avec une marge de progression qui semble infinie. Tout indique qu’il pourrait être un des passeurs les plus spectaculaires de la décennie en cours et marquer les esprits pour cette habilité.
Sa défense, quant à elle, me semble plus que prometteuse, ce qui permettra à ses coachs d’être très libre quant à son utilisation. Dans la NBA actuelle, être un poids en défense tout en étant une pièce majeure de l’attaque peut s’avérer très compromettant pour une équipe. Cela devrait, s’il reste aussi impliqué qu’actuellement, ne pas être un problème. Au contraire.
Concernant son scoring, il est encore délicat de vraiment définir où se trouvent les limites du joueur. Il n’est certes pas dangereux dans les 3 zones, mais possède encore plusieurs années pour parfaire son shoot et apprendre à se jouer des défenses. Plus le jeu se ralentira pour lui, plus il stabilisera sa mécanique et plus il débloquera son potentiel global.
A ce jour, il m’apparaît comme un futur All-Star incontestable. Et s’il est encore trop tôt pour connaître ses limites, il y à fort à parier qu’il soit capable d’enfin générer un enthousiasme réel autour des Hornets dans les années à venir. Et ça, c’est déjà une victoire pour une franchise plutôt connue pour vivre dans l’ombre d’une conférence pourtant, peu reluisante.