Le sujet du trophée de Most Valuable Player semble intemporel. Aujourd’hui, alors que les franchises ont disputé la grosse moitié de leurs rencontres de saison régulières (si elles n’ont pas eu de report.s), plusieurs médias se sont déjà adonnés à la traditionnelle vidéo sur les prétendants au trophée : LeBron James ? Joël Embiid ? … Nikola Jokic ?
Loin de nous l’envie de nous prononcer aujourd’hui sur le sujet. Non pas qu’il ne soit pas pertinent. Cependant, il nous est apparu qu’en l’absence de critères stricts, établis et unanimement partagés, cette discussion autour du futur MVP tourne inévitablement à la cacophonie.
C’est là, il nous semble, le nœud du sujet : jamais la NBA n’a énoncé de véritables critères dans l’attribution de son trophée de MVP, ni la moindre forme de hiérarchie entre les différents critères tacitement admis. Comme d’autres trophées, pourriez-vous rétorquer avec justesse. Cependant, à l’inverse par exemple du titre de rookie de l’année, le MVP semble fondé sur des critères officieux, qui restent toujours d’actualité alors même qu’ils sont, dans les faits, dépassés depuis longtemps. Comme s’ils possédaient, eux aussi, une date de péremption.
Pire, il semble que ces critères éculés profitent de tout un système incapable de se remettre en question. Alors que la NBA a changé, que les statistiques avancées ont prouvé que tout élément se doit d’être (re)contextualisé et que toute réalité brute n’est pas forcément bonne à dire, personne ne vient contester la façon dont est remise ce trophée pourtant considéré comme le Graal individuel de la balle orange.
À travers cet article, il vous est proposé de militer avec nous pour une actualisation et une véritable “critérisation” du trophée individuel le plus disputé.
Le plus “valuable”, vraiment ?
Avant toute chose, et surtout avant d’entrer dans les débats, il convient de prendre la portée de ce que signifie “Most Valuable Player”. C’est surtout le second des termes qui nous occupera ici, tant les deux autres ne posent pas de véritables soucis de compréhension.
Traduit littéralement, “valuable” signifie “précieux”. C’est cette signification qu’il convient d’ailleurs, selon nous, d’octroyer au trophée : joueur le plus précieux. Pour qui, pour quoi ? Pour son équipe, naturellement. Autrement dit, si l’on s’en tient à l’appellation même du trophée, le MVP est le joueur le plus influent sur les résultats de son équipe.
Nous pouvons donner quelques exemples pour tenter d’être concrets. Dans cette saison 2020 – 2021 si particulière, le nom qui nous vient immédiatement à l’esprit est celui de Stephen Curry. Nombreux sont ceux qui se demandent si le meneur des Warriors réalise aujourd’hui sa meilleure saison en carrière, lui qui fût MVP à deux reprises, en 2015 et 2016 (unanime pour le second). Il faut dire qu’au-delà des chiffres, qui rappellent effectivement le cœur de la domination des Warriors du milieu des années 2010, Curry est désormais l’unique dépositaire du jeu de son équipe, orpheline de Kevin Durant et de Klay Thompson. Si aujourd’hui Golden State se retrouve en position de disputer les playoffs (9ème, à 2 victoires de la 6ème place avant le break), c’est grâce à l’extraordinaire saison de son meneur de jeu, qui a disputé 38 des 40 rencontres de son équipe.
En effet, le roster des Warriors ne fait rêver personne. Si Draymond Green semble retrouver certaines de ses couleurs et que James Wiseman a tout le potentiel d’une future belle pioche dans la raquette, les saisons de Kelly Oubre Jr (7 / 51 à trois-points sur les 10 premiers matchs !) et d’Andrew Wiggins sont loin de permettre à la franchise de prétendre à autre chose qu’une nouvelle loterie en mai prochain. A l’instar d’un Nikola Jokic pour Denver, Curry est l’artisan principal et quasi-unique de la saison des siens.
À cela, il faut ajouter un détail important ; l’un comme l’autre sont les uniques dépositaires du système de jeu de leur équipe. La “motion offense” de Golden State n’est rendue possible que par l’activité de Stephen Curry, l’incroyable inertie de son jeu sans ballon et sa faculté à être aussi dangereux balle en main que sans (ce qui est d’ailleurs quasi-unique parmi les superstars NBA). Nikola Jokic, quant à lui, est la pièce centrale du jeu offensif des Nuggets. En étant le premier pivot de l’histoire à proposer un tel volume de création, il est l’unique dépositaire de la très bonne attaque des Nuggets qui gravite autour de son playmaking et permet à n’importe quel joueur de trouver ses positions préférentielles en se montrant actif sans ballon.
N’est-ce pas là tout le sens de la formule “Most Valuable Player” ? Le tableau ci-dessous devrait permettre de vous convaincre :
Alors certes, son impact défensif reste négatif pour le collectif. Quand il est sur le terrain, les adversaires voient leur offensive rating augmenter également. Pour autant, malgré le faible échantillon, on s’aperçoit que Golden State est incapable de gagner sans lui et que le net rating du meneur est très largement positif. En d’autres termes, il impacte très positivement le jeu des Warriors et leur permet, aujourd’hui, d’être dans la course aux matchs printaniers d’une conférence toujours très relevée.
Et pourtant, si l’on en croit le MVP tracker de basketball-reference, Stephen Curry ne se retrouve pas dans les 10 premiers de la course au titre de MVP 2021. Au sein de ce top 10, on ne retrouve bien évidemment que d’exceptionnels joueurs. Cependant, à l’inverse de Curry, certains se trouvent dans des rosters très compétitifs, qui permettent aux joueurs en question de viser le titre NBA : James Harden, Joel Embiid, Giannis Antetokounmpo, LeBron James, Kawhi Leonard, Kyrie Irving, pour ne citer qu’eux.
Notons que dans le débat populaire, Nikola Jokic est loin d’écraser autant le débat que ne le laisse penser le graphique ci-dessus. Si vous ouvrez l’application de l’oiseau bleu ou lisez l’essentiel des médias basketball, vous verrez que les questionnements tournent surtout autour d’une lutte à deux têtes, qui oppose Joel Embiid et l’inusable LeBron James.
Nous en reparlerons, mais n’est-ce pas un comble, si on retient notre acception du mot “valuable”, de considérer que le MVP doit avoir en fin de saison un exceptionnel bilan collectif ? Chacun le sait, aucune superstar ne peut gagner toute seule. La NBA ne croit cependant pas aux miracles solitaires. Par contre, un franchise player peut, seul, impacter positivement le bilan de son équipe.
Prenons l’exemple de James Harden, actuel second du classement ci-dessus. Il évolue aux côtés de Kevin Durant, Kyrie Irving et autres excellents role players. Dès lors, quand bien même il réalise effectivement une excellente saison (25,3 points, 8,8 rebonds, 11,3 passes décisives, meilleurs pourcentages en carrière au global et à trois-points), nul doute que les Nets sauront remporter les rencontres qu’il ne disputera pas. Il est peut-être le joueur le plus fort de la saison. Ce qu’il fait depuis son arrivée à Brooklyn permet non seulement de redorer son blason populaire, mais est également d’un niveau basketballistique ahurissant. Cependant, est-il le joueur le plus valuable ? C’est là où le bât blesse ; les votants n’opèrent aucune distinction entre ces deux éléments, qui ne sont pourtant pas identiques.
Ainsi, littéralement, le MVP n’est pas le meilleur joueur de la saison. C’est pourtant l’acception que la croyance populaire lui prête. Il s’agit du joueur le plus influent sur les résultats de son équipe.
Nous pourrions ici toucher une limite de notre analyse. Pourtant, nous n’estimons pas que le joueur le plus précieux pour son équipe doive impérativement se trouver dans une franchise moyenne, à l’instar d’un Curry aujourd’hui. Un joueur peut être extrêmement “valuable” pour son équipe alors même que celle-ci est excellemment bien construite et possède en son sein d’autres options pour être compétitive. C’est l’exemple de Joel Embiid. Le pivot camerounais côtoie Ben Simmons et Tobias Harris, mais également des role player loin d’être démunis de talents. Sans lui, Philadelphia saurait certainement, sur la durée d’une saison, accrocher aisément le wagon des playoffs de la conférence Est. Sauf qu’avec lui, les Sixers sont en tête de leur conférence. Le gap est immense.
Ainsi, pour mieux comprendre nos développements à venir, il convient de garder à l’esprit la définition qui nous semble être la plus adéquate d’un MVP : le joueur le plus précieux, le plus impactant, pour les résultats de son équipe.
Dès lors, inévitablement, nous rencontrons d’énormes discordances avec la réalité du trophée.
Des critères officieux dépassés… et pourtant confortés
Nous le disions en introduction ; si la NBA n’a jamais proclamé haut et fort les critères retenus pour désigner le MVP d’une saison régulière, certains d’entre eux, plus officieux, sont cependant toujours pris en compte, sauf (très) rares exceptions.
Ainsi, le MVP est toujours, ou presque, intégré dans le roster d’une franchise qui a terminé dans le top 3 de sa conférence. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, au 21ème siècle, il n’est arrivé qu’une seule fois que le Most Valuable Player de la Ligue ne figure pas sur le podium de sa conférence : Russell Westbrook en 2017.
* la saison 2011 – 2012 a été raccourcie par un lock-out.
Ce critère officieux pose plusieurs problèmes, que nous aurons l’occasion d’étudier plus en détail ci-dessous.
Au-delà de ces résultats collectifs, qui pèsent donc dans la balance depuis la toute première édition (1956), le MVP possède impérativement un curriculum vitae de statistiques brutes impressionnantes. Ainsi, depuis 1974 et l’introduction des interceptions et des contres dans les statistiques officielles de la Ligue, le MVP est un joueur qui présente en moyenne les statistiques suivantes : 26,8 points, 9,4 rebonds, 5,9 passes décisives, 1,4 interception, 0,6 contre. Le constat est exacerbé au cours des 10 dernières années, au cours desquelles nous pouvons constater qu’avec la déportation du jeu vers les postes arrières, l’importance du scoring dans la course au MVP a été multipliée, aux dépens, fort logiquement, des rebonds. Ainsi, depuis Derrick Rose en 2011 et jusqu’au deuxième trophée de Giannis Antetokounmpo, le MVP type de la décennie 2010 affiche : 28,4 points, 7,9 rebonds, 7,2 passes décisives, 1,6 interception, 0,7 contre de moyenne.
Le bilan collectif et les statistiques ont été, de tout temps, des critères majeurs dans l’attribution du titre de MVP. C’est simplement leur degré d’importance qui a varié avec les décennies. À l’époque de Bill Russell, c’est surtout l’écrasant bilan des Celtics qui permirent au pivot de remporter 4 titres. Le meilleur exemple est également le plus connu, avec la saison 1961 – 1962 :
- Bill Russell, MVP : 18,9 points, 23,6 rebonds, 4,5 passes décisives en 45,2 minutes, avec un bilan collectif de 60 victoires pour 20 défaites,
- Wilt Chamberlain, 2nd : 50,4 points, 25,7 rebonds, 2,4 passes décisives en 48,5 minutes, avec un bilan collectif de 49 victoires pour 31 défaites,
- Oscar Robertson, 3ème : 30,8 points, 12,5 rebonds, 11,4 passes décisives en 44,3 minutes, avec un bilan collectif de 43 victoires pour 37 défaites,
- Elgin Baylor, 4ème : 38,3 points, 18,6 rebonds, 4,6 passes décisives en 44,4 minutes, avec un bilan collectif de 54 victoires pour 26 défaites.
Et cela, c’est sans parler de Jerry West ou de Walt Bellamy, qui présentent eux aussi des chiffres d’un autre temps. Avec le recul qui est le nôtre, il nous paraît certain qu’à chiffres égaux, Bill Russell ne serait pas nommé MVP aujourd’hui face à une telle concurrence. Osons même dire que la probabilité qu’il se fasse dépasser par les trois autres monstres n’est pas minime. Ainsi, dans les années 1960, le bilan collectif était un critère prépondérant.
Par la suite, l’importance des deux critères officieux s’est uniformisée. Donnons l’exemple de Bill Walton avec les Blazers, qui cumulait des statistiques brutes extraordinaires et un bilan collectif qui ne l’était pas moins. Ce n’est que postérieurement, avec l’arrivée des extérieurs scoreurs boulimiques que l’importance du scoring dans la ligne statistique s’est accrue. Avec des exceptions, certes, celles de Steve Nash par exemple. Mais nous l’avons dit ; aujourd’hui, le MVP score en moyenne près de 27 points tous les soirs.
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On constate que ces critères officieux n’ont pas varié d’un iota, ou si peu, depuis le début des années 1960. Alors qu’il est unanimement admis que la Grande Ligue de Chamberlain constitue “la préhistoire”, les votants, les médias et les fans continuent inlassablement d’appliquer les mêmes critères pour déterminer, pour les uns, qui sera MVP de la saison, pour les autres, qui mérite de l’être. Comme si les fondations du monument ne devaient absolument pas être remises au goût du jour avec l’ensemble des autres éléments du basket-ball américain. Pourtant, en 60 ans, le jeu, le matériel, le calendrier, les salaires, les règles et les statistiques ont changé drastiquement.
Par exemple, Stephen Curry gagne cette année l’équivalent du salaire annuel de Maurice Stokes de 1958 en l’espace de 4 heures (20 000 $), alors même que celui-ci possédait un statut similaire à celui du meneur des Warriors ; celui de véritable superstar. Que dire de l’évolution du matériel (les stars jouaient en Converse !), de celle du jeu déployé (hélio-centré autour d’un pivot dominant et tout tourné vers la raquette) ou de l’internationalisation de la Ligue ! Autrement formulé, nous pourrions jouer au jeu des 1 000 différences entre la NBA de 1960 et celle de 2021.
Et pourtant, envers et surtout contre tout, les critères de désignation du MVP demeurent similaires. Alors qu’ils pouvaient être pertinents à une époque où il était impossible de revisionner une rencontre, où celles-ci n’étaient pas analysées sous toutes leurs coutures grâce à des instruments statistiques précis, ils semblent aujourd’hui obsolètes et ne sont plus en phase avec la réalité.
Ce qui étonne, c’est que le jeu dans sa globalité a suivi l’évolution des instruments mathématiques et des technologies mises à disposition de n’importe qui pour mieux le comprendre. Alors que la croyance populaire tend à marteler que les Suns de Steve Nash possédaient une défense horrible, nous savons désormais que si elle n’était effectivement pas bonne, elle est loin d’afficher la médiocrité que la légende lui prête. Plusieurs mécanismes, notamment dans les statistiques avancées, permettent de dépasser le constat froid et parfois inadapté des chiffres bruts qui constituent la ligne statistique “de base” : points, rebonds, passes, interceptions, contres.
Car tout l’enjeu est ici ; les statistiques brutes, mises en avant dès qu’il s’agit d’évoquer le trophée, ne permettent pas de déterminer quel est le joueur le plus précieux pour sa franchise. Comment le nombre de points inscrits permettrait-il de comprendre l’impact d’un joueur sur son équipe ?
L’insaisissable notion de “valuable” par les critères
Le principal problème engendré par ce trio de critères officieux est l’élimination de certains joueurs de la course au MVP avant même que la saison ne commence. Si nous voulions parler par image, nous dirions que des concurrents sont mis hors course sur la ligne de départ. Il est aujourd’hui inenvisageable de donner le titre de MVP à un joueur qui marque moins de 20 points par soir, même s’il s’agit d’un défenseur exceptionnel, ou tout simplement d’un joueur qui possède une influence incommensurable sur les victoires des siens.
Pour la saison actuelle, nous pouvons citer l’exemple de Jimmy Butler. Son inconvénient est d’avoir raté 14 rencontres (bilan de 4 / 10 pour le Heat, même s’il convient de préciser qu’il n’était pas le seul absent du roster). En sa présence, Miami remporte 69,2 % de ses matchs. Plus encore, son impact sur le jeu des hommes de Spoelstra est quasi-unique ; c’est simple, au cours d’une même rencontre, lorsqu’il est sur le banc, Miami fait absolument tout moins bien : moins d’efficacité au tir, moins de rebonds, moins de passes, d’interceptions, de contres. Une statistique cristallise tout cela : avec Butler sur le parquet, le Heat affiche un net rating de 8,1. Sans lui ? -6,9. La différence est colossale.
Et pourtant, quand bien même aurait-il disputé l’ensemble des rencontres, Butler n’aurait très probablement pas été dans la “vraie” course au MVP. Certes, on aurait parlé de lui. Il aurait peut-être terminé 5ème. Cependant, et nous nous trompons peut-être, il n’aurait pas été intégré dans la “Galaxie” d’Embiid, James voire de Jokic, sans que cela ne soit véritablement explicable.
Au-delà, la prise en compte du bilan collectif pose souci à l’heure d’estimer quel est le joueur le plus valuable. La notion sous-entend que le bilan du MVP n’a pas à être mauvais. Si tel était le cas, en quoi le joueur aurait-il impacté positivement le jeu des siens ? Ainsi, selon nous, le mot valuable comprend la nécessité d’avoir des résultats a minima encourageants. Par contre, il ne nécessite pas que les prétendants au trophée se cantonnent aux équipes présentent sur le podium de leur conférence, comme c’est pourtant le cas.
En effet, pour figurer sur ce podium, il est bien souvent nécessaire d’avoir en son sein une véritable star. Aujourd’hui, à l’Est, Philadelphia possède Joel Embiid et Ben Simmons, les Nets ont en leur sein Irving, Harden et Durant, tandis qu’Antetokounmpo évolue chez les Bucks. Le constat est légèrement différent de l’autre côté du pays, quand bien même Donovan Mitchell, Rudy Gobert, Devin Booker ou Chris Paul termineront à coup sûr, ou presque, dans une All-NBA Team cette année. En embuscade derrière les Suns, les Lakers de LeBron James et Anthony Davis et les Clippers de Kawhi Leonard et Paul George restent proches de la tête.
Pour autant, et nous avons effleuré l’idée précédemment, pour prétendre à terminer sur ce podium, le roster ne peut pas uniquement comporter qu’une superstar et 14 bouts de bois à côté ; l’effectif doit avoir été pensé intelligemment et avoir été articulé autour de sa star.
Voyez-vous le problème ? La conception du roster, la distribution des contrats, le recrutement … L’ensemble de ces éléments, absolument essentiels à toute équipe qui souhaite avoir des prétentions au classement de la saison régulière, sortent du domaine de compétence des joueurs. Et pourtant, on en tient indirectement compte dans l’attribution du trophée de MVP, en tenant compte du bilan collectif.
Autrement formulé, dans sa mouture actuelle, ledit trophée récompense certes les performances individuelles d’un joueur, mais également tout le travail réalisé par le G.M pour bâtir une équipe compétitive et à même de soutenir son franchise player et celui du coaching staff pour donner à ce groupe une cohérence. On ne récompense donc pas l’individu le plus valuable, mais un très bon joueur intégré dans une très bonne équipe.
Tout ceci pourrait parfaitement être accepté … à condition de renommer le trophée décerné en fin de saison régulière. En l’état actuel, il serait plus opportun que le trophée se nomme “Best player in a top team”. C’est moins sexy, on vous l’accorde. La disparition du bilan collectif dans l’attribution du trophée, qui est le critère le plus inadéquat aujourd’hui, permettrait d’appeler le trophée “Best player in the League”. Ça aurait un peu plus de gueule, et cela collerait à la réalité.
Vers un trophée MVP capable de contextualisation et pondération ?
Puisque ce n’est pas envisageable, il nous semble opportun de recentrer les critères désignant le Most Valuable Player … autour du joueur lui-même et de son influence positive sur son équipe. Exit donc, vous l’aurez compris, la nécessité d’être présent sur le podium de sa conférence, critère qui récompense autant les têtes pensantes de la franchise que son meilleur joueur. Exit, également, la seule prise en compte des statistiques brutes. Il n’est bien évidemment pas question de récompenser du trophée le plus prestigieux de l’année un joueur qui affiche 12 points, 4 rebonds et 2 passes décisives de moyenne. Restons sérieux.
Finalement, s’il semblait nécessaire de critiquer le modèle actuel, il est d’autant plus important de proposer une alternative, une base pour reconstruire l’élection du MVP. Si les critères tacites actuels peuvent toujours représenter une base de travail, il convient toutefois de les remettre au goût du jour et de leur apporter des éléments pour donner du recul aux votants. De fait, voici bloc par bloc quelques propositions qui permettraient de relativiser les critères actuels.
Le classement NBA
Nous l’avons dit, la principale source de discorde avec le système actuel s’avère être le classement équipe. Il va sans dire que considérer que le MVP doit être top 3 de sa conférence pour pouvoir prétendre au trophée a de quoi surprendre à plus d’un titre, et surtout sur l’absence de recul que prennent les votants. En effet, la NBA a un fonctionnement qui lui est propre au sujet de la construction de son calendrier. Doit-on rappeler que les équipes jouent plus souvent contre les équipes de leur conférence et, a fortiori, de leur division ?
Dans l’hypothèse où nous le ferions, doit-on revenir sur le fait que toutes conférences et divisions ne se valent pas ? Autrement dit, si le classement représente la qualité d’une équipe, il est également très dépendant du niveau de la conférence et de la division au sein desquelles une franchise est placée. De fait, il est inégalitaire par nature. C’est donc aux votants de s’arranger pour prendre en compte cette dimension de la manière la plus objective possible.
Dès lors, comment faire ? Abolir la notion de classement ? Il serait tout de même étonnant de voir un joueur recevoir le trophée de MVP tout en ratant le train pour les playoffs. Il s’agit de trouver un équilibre entre les anciens critères et leur mise à jour.
De la même manière, peut-on considérer que tout joueur qui accède à la post-saison doit être légitime dans la course au MVP ? Sans aller jusque là, la solution pourrait, effectivement, être l’octroi d’une plus grande flexibilité à ce critère. Afin qu’il ne conserve pas une place (trop) prépondérante dans le débat, il serait idéal de contextualiser les résultats acquis, en accompagnant le classement de statistiques complémentaires :
- nombre de victoires/défaites face aux équipes possédant un bilan positif ;
- nombre de victoire/défaites face aux équipes possédant un bilan négatif ;
- ratio de victoire au sein de sa conférence ;
- ratio de victoire face à l’autre conférence ;
- nombre de rencontre(s) manquée(s) par le joueur et ses coéquipiers ;
- bilan de l’équipe uniquement sur les matchs joués par le joueur.
Par ce biais, chaque votant pourrait avoir en tête une idée assez précise de l’adversité rencontrée, mais également des aléas qui auront jalonnés la saison. Un exercice est influencé, directement ou non, par énormément d’éléments ; et s’il est impossible de tous les synthétiser, il est primordial d’offrir un contexte à ces simples données que sont le classement et le bilan. Afin non pas de donner une nouvelle vérité, mais d’apporter de la nuance à ce que les votants et fans observent de près, de loin et avec leur propre subjectivité.
Les statistiques
Comme cela a été précédemment énoncé, les MVP ont, par nature, des statistiques excellentes. Elles ont pris une place capitale dans le débat qui entoure les votes. Et pour cause, dans une Ligue dominée par des stars héliocentriques, qui se trouvent au four du scoring et au moulin de la création, les statistiques sont essentielles pour se constituer un bon CV. Jusqu’ici, nous ne voyons aucun problème. Mais à l’aune des statistiques avancées et de la faculté à contextualiser et relativiser qu’elles offrent, pouvons-nous nous contenter de la lecture de ces chiffres pour désigner quel est le joueur qui contribue le plus aux succès de son équipe ?
Pour réussir à réellement se faire une idée de ce qu’apporte un joueur à son effectif, de nombreux éléments doivent être étudiés :
- l’efficacité, tout d’abord. Le TS% & eFG% peuvent permettre de se faire une idée plus claire de la facilité d’un joueur à scorer, et donc de relativiser le scoring brut par la précision du joueur et les fautes provoquées. Le nombre de points par tir pris (PPS), peut également donner une meilleur idée du danger que représente un joueur balle en main,
- les points provoqués, ensuite. Cela comprend le scoring, les points marqués sur passes décisives, les screen assists… Quel est finalement le volume total de points provoqués de manière directe et indirecte par le joueur ? Le classement est-il toujours le même lorsqu’on ne valorise pas que ce qui est produit directement par le joueur (tirs pris et lancers francs marqués) ?
- La création. On y retrouve l’AST%, le USG% ou le taux d’AST/TO. Ils peuvent permettre de contextualiser le nombre de passes décisives réalisées. Est-ce que le joueur fait tourner la gonfle facilement ? A-t-il tendance à conserver énormément le ballon ? Est-il propre balle en main ou, à l’inverse, génère-t-il un déchet important ? L’idée ici est de faire la différence entre un joueur très tourné vers le collectif et celui qui sert ses coéquipiers sans véritablement leur laisser une possibilité de s’exprimer,
- le critère du on/off, enfin. Il semble nécessaire de regarder la menace que représente une même équipe avec et sans sa star. Il permet d’évaluer par opposition, le niveau de jeu affiché lorsque le joueur est sur le terrain et sur le banc. Cela peut autant montrer la différence qu’il fait, que les limites de l’effectif avec lesquelles il doit composer. C’est ce que nous mettions en avant en parlant de Stephen Curry ci-dessus. Offensive rating, defensive rating, eFG%, AST%, %REB, les prismes d’analyses sont aussi multiples que variés.
L’idée est évidemment de dépeindre à quel point le joueur est indispensable ou non au bon fonctionnement de son roster. Cela permet de s’approcher plus aisément de la notion de valuable. Et ici, de faire la différence autant par la comparaison des individus, qu’en contextualisant l’analyse par la valeur réelle des effectifs.
Utiliser les indices
Évoquons enfin les indices. Parfois controversés pour les plus basiques, ils permettent tous, à des degrés différents, de mettre une réalité en perspective. Avec plus ou moins de justesse, certes. Ils ne sont pas une fin en soi et ne doivent pas suffire à élire le MVP. En revanche, ils devraient avoir leur place dans la discussion, ou à tout le moins, contribuer à l’alimenter et à remettre en cause certains jugements hâtifs, fondés sur l’émotion ou les critères bruts. D’autant plus que ces indices sont aujourd’hui nombreux, de plus en plus variés et tendent à prendre en compte le niveau de l’équipe, l’impact du joueur sur le résultat … Nous pouvons citer le Win Shares, le PER, le Box Plus/Minus (BPM), l’Adjusted Plus/Minus (APM), le VORP, le RAPTOR ou encore le LEBRON.
Toutes ces métriques, de la moins complète à la plus exhaustive, cherchent à décrire la réalité du terrain et la manière dont les joueurs transforment leur équipe, sans tenir compte du classement, de l’émotion ou des préférences du public. Et si elles ne donneront jamais une vérité absolue, elles permettent d’éviter ce que nous faisons tous : apprécier la course au Most Valuable Player par le biais de notre seule subjectivité.
Puisqu’en effet, et il convient peut-être de conclure ainsi, cette subjectivité demeurera toujours. Basée sur l’émotion et le supportérisme, elle est indissociable du sport. Des éléments tels que l’esthétique, la sympathie ou le style du joueur viendront toujours dans une mesure plus ou moins importante impacter la vision que se fait le public d’un joueur. Par cet article, nous tenions néanmoins à apporter notre pierre à l’édifice quant à l’élection et la perception de ce trophée. Nous parlions ci-dessus du cas de Jimmy Butler. Nous aurions pu évoquer celui de Damian Lillard. Que doit-il faire pour se retrouver véritablement un jour dans la course au MVP ? Il ne possède pas un moins bon bilan collectif que Nikola Jokic. Cependant, à l’inverse de la star serbe, il ne révolutionne pas son poste ; son bilan collectif, seulement très correct, ne lui est donc pas autant excusé.
Que dire de Kawhi Leonard, dont la présence sur le parquet influence immensément le jeu des Clippers (11,1 de net rating avec lui, -1,5 sans) ?
Il demeure le sentiment que certains doivent prouver plus que les autres pour devenir des candidats crédibles à ce trophée. Aux votants, désormais, de crever ces plafonds de verre, qui tendent à nuire à l’égalité des chances ne semblent fondés sur rien d’autre que la subjectivité des observateurs.