A 26 ans, Cameron Payne est en passe de découvrir les finales NBA. Drôle d’histoire pour le meneur remplaçant des Suns, qui a brillé en finale de conférence au relais de Chris Paul, absent pour protocole sanitaire. De son premier passage de la grande ligue, il ne restait pas grand chose. Ou un quelque chose qui se situait entre la triste trajectoire de carrière et une impression un peu grotesque. Pour certains, il restait l’image d’un joueur très incomplet, incapable de s’imposer en NBA. Pour d’autres, celle du joueur qui captait l’attention à chaque avant-match par ses danses grand-guignolesque avec Russell Westbrook. Enfin, il y avait les moqueries des fans des Bulls, qui l’avaient nommé “capitaine du tank de Chicago”, ou cette déclaration terrible du staff de la franchise avant de le couper :
Nous savions dès le deuxième entraînement qu’il ne pouvait pas jouer au niveau NBA.
Cette citation obtenue d’une source anonymisée du staff de Chicago, cruelle par son impact potentiel, n’en était pas moins vraie. Cameron Payne, malgré une draft élevée (14eme choix 2015) par une franchise pas dénuée de flair dans l’exercice du scouting, avait pourtant vu sa carrière tourner au vinaigre. Après 2 saisons à OKC, durant lesquelles il passa beaucoup de temps en G-League ou sur le banc, il était envoyé chez les Bulls. Là encore, le joueur passera de la NBA à l’équipe affiliée pour glaner du temps de jeu. Mais la franchise croit peu en ses chances, et pendant 2 saisons, il tentera de s’imposer dans la rotation, en vain. Finalement, il est coupé et rejoint les Cavaliers, mais ne survivra pas à son second contrat de 10 jours. Durant l’été 2019, il signe un contrat avec les Toronto Raptors, sauf qu’une fois de plus, il ne convainc pas et est coupé début octobre. Le téléphone ne sonne plus, Cameron Payne n’est plus dans l’agenda des franchises NBA.
N’ayant pas vu les parquets NBA depuis janvier 2019, il se décide à prendre une des seules opportunités qu’il obtient et file vers les Shanxi Loongs, en Chine. Une fois le championnat terminé, il repasse par la G-league dans l’espoir de se rapprocher des regards de la grande ligue.
Et puis…
Alors que la ligue s’apprête à sortir de sa léthargie après avoir construit un solide plan pour affronter la pandémie mondiale, une opportunité va frapper à la porte de Payne. La franchise de Phoenix fait partie des invités in-extremis de la bulle. Et les Suns galèrent depuis plusieurs saisons à garnir leur poste de meneur. Il suffit d’un coup de fil pour que le joueur fasse ses bagages et débarque dans l’enceinte de Disney pour s’offrir une nouvelle chance de lancer sa carrière.
Et comme souvent en NBA, tout est une question d’alignement. Le bon effectif, le bon encadrement, la bonne façon d’aborder le jeu. Cameron Payne sait qu’il doit saisir sa chance et croit en lui. Les Suns ont des choses à prouver et vont devenir l’une des belles histoires de la Bulle NBA. L’équipe qui squatte les bas fonds depuis trop longtemps rate les Playoffs mais sort invaincu de ses 8 matchs à Orlando. Et au milieu de tout cela, Payne brille de mille feux. Il renaît de ses cendres dispersées au quatre coins de la ligue et de ses parquets. Il tire à 51,7% de loin, il va même jusqu’à prendre des tirs en isolation pour faire la différence. Il montre aussi qu’il peut mener. Pas maestro ultime mais capable de servir ses coéquipiers sur leurs positions préférentielles.
Les Suns sont conscients que quelque chose s’est passé et que le jeune guard est une part de cette réussite collective. L’espoir revient en Arizona et Cameron Payne ne quittera plus la rotation. Dans l’été, les Suns font l’acquisition de Chris Paul. Et puis Jae Crowder rejoint l’escouade. Soudainement, Phoenix ne fait plus rire personne. C’est un prétendant à l’avantage du terrain. Peut-être même au titre. Et le nouveau meneur remplaçant a un rôle à jouer là-dedans. Et à vrai dire, il va prouver que sa place se situe bel et bien dans une grande équipe.
Pas de rechute
Pour que cela fonctionne, Cameron Payne doit arriver avec le même état d’esprit. Voir son rêve se faire la malle lui a sans doute appris quelque chose : rien n’est acquis. Si avoir été un grand nom en NCAA n’assure pas le succès, ce ne sont certainement pas 8 rencontres qui vont lui garantir une place. Alors le joueur va travailler pour ne pas que son été à Orlando soit considéré comme un coup de chaud sans lendemain, sans régularité. Et s’il n’est évidemment pas possible de maintenir des pourcentages aussi diaboliques que ceux affichés dans la bulle, il va prouver qu’il peut rester très efficace, même sur une longue (72 matchs) et éprouvante saison NBA (calendrier raccourci) :
Le joueur inefficace de début de carrière ressemble à de l’histoire ancienne. Et il va réussir à finalement s’imposer comme un indispensable dans la rotation des Suns.
Un maillon essentiel ?
Si Cameron avait déjà confirmé son statut pendant la saison régulière, l’équipe allait se tourner encore plus largement vers le back-up durant les Playoffs. Dès le 1er match, Chris Paul, décidément frappé par une malédiction, est touché à l’épaule. Le “Point God” est diminué et ne peut réellement shooter comme il aimerait. Il continue de créer, mais on le sent, Cameron Payne va avoir un rôle plus grand à jouer. Pour ne rien faciliter, c’est le champion en titre, lui aussi diminué ; mais pas abattu qu’il va falloir achever. Les Lakers, sûrs de leur défense peuvent s’appuyer sur une multitude d’excellents défenseurs extérieurs. Mais une fois de plus, le remplaçant des Suns ne se débine pas. Il joue 32min dans le match 2, 26 & 25 minutes dans les matchs 3 et 4, fini certains d’entre eux, et continuent d’afficher des pourcentage impressionnant, pour un remplaçant, dans une série si défensive. Dans le Game 5, ses 16 pts en 18minutes vont considérablement aider les Suns à dominer dans les grandes largeurs des Lakers privés d’Anthony Davis.
L’ensemble de la NBA découvre ce nouveau Cameron Payne, sur la grande scène des Playoffs, dans une série disputée. Pour les fans des Suns, ou ceux qui ont suivi son parcours de plus près, la surprise est moindre. Cameron Payne était un des premiers maillons manquants pour cette équipe de Phoenix.Toute la saison, Chris Paul et lui ont démontré à quel point les avoir à la mène pouvait transfigurer le collectif :
Quand Paul est sur le terrain sans Payne, les Suns dominent largement leurs adversaires. Et pour cause, CP3 est l’un des meilleurs meneurs de l’histoire. Plus étonnant, quand Payne est sur le terrain sans Paul, les Suns dominent encore plus largement leurs adversaires. L’opposition n’est pas forcément la même : mais le phénix des Suns réussi à avoir le même genre d’impact que son titulaire. Et s’il faut une preuve supplémentaire : les Suns sont généralement dominés quand aucun des deux n’est aligné sur le terrain. C’est dire à quel point il contribue à remplir ce manque, qui fît cruellement défaut aux Suns pendant plusieurs saisons précédentes.
Et le chef d’œuvre…
Après avoir largement dominés les Nuggets (4-0), avec un Chris Paul au firmament, les Suns attendaient leur futur adversaire plein de confiance et reposés. Tout semblait idyllique à Phoenix. Avant que Paul ne soit rattrapé par le protocole Covid de la NBA… Alors qu’ils s’apprêtent à affronter des Clippers eux aussi diminués, mais plus solidaires que jamais, Phoenix doit faire sans son leader pour les deux premiers matchs à domicile. Une absence qui peut mettre la pression sur un groupe moins expérimenté que celui de Los Angeles.
Pourtant, les Suns vont répondre très fort. Le Game 1 est très maîtrisé et bien préparé, et Payne assure tranquillement : 11pts, 9asts. La revanche est plus compliquée. Devin Booker très facile dans la première rencontre, trébuche (31,3% au tir). Phoenix va s’en remettre à De’Andre Ayton, toujours étincelant et cette fois, décisif. Mais surtout, à un Cameron Payne qui va choisir le meilleur moment pour la plus grande rencontre de sa carrière. Il fait la totale. Il sert à la perfection ses coéquipiers, notamment Ayton en grande forme face aux intérieurs des Clippers. Il score, et prend même des tirs difficiles, qui font la différence, dans une rencontre où la défense prend les devants, à l’image de ce mouvement en plein trafic et arrêté, sans option pour créer le danger :
Il termine la rencontre avec 29 pts, 9 passes décisives et une victoire cruciale pour aborder les matchs à l’extérieur serein, enfin renforcés par Chris Paul. Si Payne jouera un rôle moindre dans la série, son équipe continue de gagner les minutes où il sera présent sur le terrain, même dans la défaite. Et si ce sera finalement Chris Paul qui réalisera un chef d’œuvre pour la qualification dans le match 6, on notera, coïncidence ou pas, que les deux défaites des Suns dans cette série auront eu lieu sur les deux matchs au temps de jeu le plus faible pour Payne (4 min dans le Game 3 et défaite de 14pts ; 13min dans le Game 5 et défaite de 14pts).
Désormais, les finales tendent les bras au meneur de 26 ans. Et qui sait ?… Peut-être réservera-t-il une dernière surprise de taille aux Phoenix Suns, dans la quête du titre…