Les Milwaukee Bucks sont les nouveaux champions NBA. 2021 fut finalement l’année de la réussite pour Giannis et ses coéquipiers. Au sortir d’une déception majeure dans la bulle, sèchement éliminés par le Miami Heat, outsider en chef 4-1, les doutes étaient permis pour Milwaukee. Certes, le Heat possédait plusieurs armes pour chasser les daims :
Une palanquée de shooteurs en réussite, un coach ingénieux et capable de s’adapter (Erik Spoelstra), de nombreux ailiers costauds et polyvalents défensivement (Jimmy Butler, Jae Crowder, André Iguodala) et surtout, un pivot défensif capable d’encaisser la charge du grec tant par sa vitesse latérale, que sa puissance physique (Bam Adebayo). Le résultat n’en était pas moins sévère. Milwaukee ne réussissait pas à attaquer Miami et Mike Budenholzer ne proposait pas tout le panel d’adaptation défensif que l’effectif semblait permettre. Ni, il ne donnait suffisamment de temps de jeu à ses stars pour tenter de renverser la vapeur.
Comme une litanie, le choix du coaching staff faisait grincer des dents. Et après une blessure d’Antetokounmpo, les Bucks, favoris à l’Est, voyaient leurs rêves de grandeurs partir en fumée.
Dès lors, l’intersaison fut placée sur l’idée de plusieurs paris ambitieux. Tant pour Giannis, auréolé de son premier MVP des finales, que pour la franchise, désireuse de se donner toutes les chances.
Le tout, pour le tout
Parmi les grands coupables des deux dernières campagnes de Playoffs : Eric Bledsoe. Malgré la reconnaissance pour son travail en saison régulière, le meneur sort de deux échecs en post-saison. Un échantillon qui semble suffisant à la franchise pour en arriver à ce constat : Bledsoe est le joueur à remplacer pour faire passer un cap à la franchise. Milwaukee a en effet échoué, entre autres choses, parce que la seconde force de création balle en main qu’est supposée être le meneur n’est pas assez dangereuse balle en main. Et aussi extrêmement maladroite.
Pourtant, il représente ce que la franchise souhaite dans le profil. Un joueur capable de porter la balle, féroce défensivement et d’avoir des coups de chauds offensifs. Ce qu’il réussit à faire en saison régulière.
Et c’est sûrement pour cela qu’elle va jeter son dévolu sur Jrue Holiday. Parmi les joueurs les plus courtisés de la ligue, le guard des New-Orleans Pelicans semble avoir fait son temps en Louisianne. C’est notamment ce que semble penser la franchise qui sait qu’elle peut gagner gros en échangeant son meneur trentenaire. Holiday est l’un, si ce n’est le, défenseur extérieur le plus intraitable en NBA. Capable d’éteindre n’importe quel adversaire, il représente également un upgrade à la mène et un scoreur plus doué que Bledsoe.
Puisque le joueur est désiré par de nombreuses équipes bien armées pour lui offrir un pont en or, Milwaukee va alors faire un choix très risqué. Pour l’attirer, l’équipe va prendre un risque aux conséquences lourdes en cas d’échec : parier leur avenir sur ce dernier. En effet, alors que certaines stars NBA (Paul George, Anthony Davis, Russell Westbrook) sont récemment parties contre une palanquée de jeunes et tours de draft, les Bucks vont décider de donner la même valeur au meneur. À la façon d’un système boursier, les Bucks donnent des actifs futurs (à la valeur variable) contre une valeur sûre maintenant. Et si la franchise ne gagne pas à court terme, alors la reconstruction sera très douloureuse. On détaille notamment la stratégie et ses risques dans cet article.
Le package envoyé par Milwaukee : Eric Bledsoe, George Hill et plusieurs picks : 1er TDD 2020 (via Indiana), 1er TDD 2024 (swap), 1er TDD 2025 (sans protection), 1er TDD 2026 (swap), 1er TDD 2027 (sans protection)
Jrue Holiday devient ainsi la 3eme pièce forte de Milwaukee, en lieu et place de Bledsoe, qui fait chemin inverse. Et si la saison régulière va conforter le Wisconsin sur la talent du joueur, c’est en Playoffs que ce dernier est attendu au tournant.
Un effectif raccourci
Si les Bucks se sont souvent vus reprochés la force du Plan A des Bucks, mais l’absence de réel plan B selon le profil de l’adversaire, il ne fait nul doute que Mike Budenholzer a pris conscience de cette faille. Il passera d’ailleurs, une bonne partie de l’exercice 2021 à expérimenter en défense. Quittant régulièrement sa défense en drop pour du switch, plus rarement pour de la zone.
En revanche, un autre défaut souvent pointé du doigt, aura été la tendance du coach à jouer des rotations trop larges et à trop souvent limiter le temps de jeu de ses stars dans les joutes de post-saison. Déformation professionnelle de l’école-Popovich, ou difficulté humaine à couper de la rotation des joueurs qu’il a employé toute la saison, le problème existait bel et bien.
Et Milwaukee semble avoir fait un choix clair durant l’intersaison : Adieu l’extra-profondeur dont ils bénéficiaient.
Durant l’intersaison 2020, les Bucks ont vu partir : George Hill, Ersan Ilyasova, Sterling Brown, Marvin Williams, Wesley Matthews, Kyle Korver ou encore Robin Lopez – et ce après avoir perdu Nikola Mirotic l’intersaison précédente. Parmi les renforts envisagés, PJ Tucker et Torrey Craig. Mais le second, inutilisé sera coupé en cours de cette saison.
Le risque est important, les Bucks ne possèdent comme rotation évidente pour les Playoffs qu’une poignée de joueurs : PJ Tucker, Bobby Portis et Pat Connaughton. Plus loin sur le banc, le stratège des Bucks ne possède que Brynn Forbes voire Jeff Teague en dernier recours.
Autrement dit, si Holiday se blesse, l’équipe n’a personne pour tenir la mène. Et même sur les autres postes, les rotations sont très légères.
Toutefois, l’effet positif est au rendez-vous . Durant ces Playoffs, le temps passé en moyenne sur le terrain par ses stars semble en accord avec leur statut. Pour comparaison :
- En 2019 : Middleton & Giannis jouent respectivement 34 minutes par match en moyenne,
- En 2020 : Middleton joue 35 minutes par match et Giannis seulement 30 en moyenne,
- En 2021 : Middleton joue 40 minutes par match, Holiday 39 et Giannis 38.
Le pari de Giannis Antetokounmpo
Mais si toute la franchise s’est engagée pour donner au Grec une véritable chance de les porter jusqu’au trophée Larry O’Brien, ce dernier aussi a fait un choix “risqué”. Alors que le joueur n’avait jamais caché qu’il ne resterait que si l’équipe cherchait vraiment à poursuivre le titre, que de nombreux observateurs étaient sceptiques sur son avenir dans le Wisconsin, Giannis s’est engagé avec la franchise. Plus tôt que nécessaire.
Alors qu’il était l’un si ce n’est le plus gros poisson de la free agency 2021, il n’a pas attendu le résultat de la saison avant de s’engager pour 5 années supplémentaires avec les Bucks. Un choix qui ne sécurisait pas contre vents et marées son avenir avec la franchise, mais qui lui offrait moins de liberté pour choisir sa destination et qui permettait à Milwaukee d’envisager le futur en cas de départ de ce dernier. Mieux, en prenant ce pari, il protégeait toute l’équipe des questions et rumeurs autour de son futur départ.
Un choix médiatiquement intelligent puisqu’il faisait de cette saison, une année tournée vers la réussite collective et pas une année de test, synonyme de dernière chance après deux échecs marquants pour le joueur et la franchise. Un choix évoqué durant l’interview à l’issue du match 6 et qui semble donner d’autant plus de satisfaction au bout de la route.
J’aurai pu aller dans une Superteam, mais j’ai choisi la voie difficile et je l’ai fait.
Alors oui…
Alors oui, comme tout pari, il nécessite de la réussite. Les Nets ont joué largement diminués, sont passés à un pied de Kevin Durant de subir une estocade et Milwaukee qui jouait sur une rotation courte a évité la perte de son trio durant la quasi-totalité de la campagne. La blessure effrayante de Giannis, qu’on pensait grave ne lui a fait manquer que deux rencontre face à Atlanta. Seule la blessure de Donte Di Vicenzo aura été de longue durée.
Toujours est-il que, cette bonne santé globale qui était indispensable avec un effectif raccourci a abouti sur une réelle chance de titre pour les Bucks. Cette chance, les Bucks ont su la saisir envers et contre tout. Par deux fois menés 2-0, ils ont su trouver les ressources pour inverser la tendance, dominant physiquement leur adversaire en imposant une défense de fer et une présence au rebond de tous les instants.
La défense de Jrue Holiday, mainte fois louée, ne fit jamais meilleure impression que dans ces finales où il s’est chargé de Chris Paul et Devin Booker. Proposant une copie parfaite, multipliant les actions au hustle et menant le jeu avec intelligence. PJ Tucker, recruté en cours de saison et parachuté titulaire suite à la blessure de Di Vicenzo fut exemplaire, comme à son habitude.
Et même si Jrue Holiday n’aura pas été le joueur offensif qu’il peut être : son adresse globale plus proche de celle des campagnes de Bledsoe que de ses standards. Il a su faire la différence dans des rencontres clés. Face aux Nets d’abord, puis contre Atlanta, notamment en l’absence de Giannis. Et si sa copie contre les Suns, est une fois de plus, marquée par la maladresse, son coup de chaud au Game 5 fut une part fondamentale de la récupération de l’avantage du terrain et donc, du sacre à domicile dans le match suivant.
Oui, le risque paie.