LeBron James et les Lakers semblent chaque jour plus proches du précipice.
Alors que l’équipe est en pleine débandade, enchaînant les défaites comme des perles, sans pouvoir se cacher derrière “la manière”, les rumeurs de gronde en coulisses se font de plus en plus insistantes.
Tantôt, on entend que LeBron James envisage une rupture nette et définitive avec Los Angeles. Tantôt, on entend que le King souhaiterait la tête de Rob Pelinka, pourtant autrefois proche du joueur.
La vérité, c’est que rien de cela ne paraît improbable au regard de la situation, et encore moins jamais-vu dans le schéma classique de James.
On se doutait que l’histoire d’amour entre James et les Lakers n’était pas faite pour durer. Mais peut-être parce qu’on pensait, qu’au fond, la dernière étape de cette relation serait la retraite de l’ailier. L’idylle entre la franchise pourpre et or et LeBron n’aura pas démarré de la plus belle des manières, mais elle s’est rapidement prouvée fructueuse, lorsqu’en 2020, le trophée Larry O’Brien était brandi.
Elle a néanmoins, de toute évidence, pris assez peu de temps pour battre de l’aile.
Mais est-ce une surprise ? N’est-ce pas finalement, depuis maintenant plus d’une décennie en NBA, la trajectoire classique de ses relations à ses franchises ?
Au regard de son parcours, LeBron James m’apparaît de plus en plus comme un fossoyeur de franchise. Depuis son arrivée à Miami, le joueur et ses équipes vivent les mêmes relations. Intenses indubitablement, fructueuses sans aucun doute, mais aux fins aussi brutales que délétères pour ceux qui, laissés dans le sillage du King, sont contraints à tenter de colmater les brèches d’un passage coûteux en sacrifices.
“Mec c’est eux qui m’ont arraché, j’étais pas méchant à la base”
Si LeBron était accusé d’infidélité, peut-être choisirait-il ce vers d’Akhenaton comme justification.
Il y a quelque chose dans sa carrière qui tient de la prise de conscience de sa propre naïveté. Il fut un temps où LeBron a cru en la fidélité, j’en suis sûr, ou il a cru qu’une relation construite pour les bonnes raisons serait forcément couronnée de succès.
C’était le temps des promesses et de la sincérité. Quand LeBron a promis une bague à Cleveland, lui le natif d’Akron, il y croyait sincèrement. Très certainement s’est-il vu porter longuement les couleurs de la franchise, les dresser au firmament et a-t-il pensé pouvoir endosser le poids du monde sur ses larges épaules.
Et puis, vint l’heure de la prise de conscience : les promesses d’une équipe compétitive n’engageait que celui qui les écoutait. Et Mo Williams restait toujours le meilleur coéquipier qui lui ait été donné de côtoyer. Alors en 2010, las d’attendre, il choisit de dire la vérité. L’erreur ultime : The Decision. La rupture scénarisée.
Et vint l’esclandre, le rejet, le statut de traître. Une erreur certes. Mélange de pêché d’orgueil et de volonté d’assumer qui ont changé drastiquement la manière dont il était perçu en NBA. Et sa manière de la percevoir, sans nul doute.
Alors il a évolué. Penchant inexorablement vers le personnage que l’on connaît aujourd’hui. Peut-être plus froid dans son approche du business de la grande ligue. Moins prompt à s’engager, et surtout, beaucoup plus lucide dans sa communication. Fini l’heure de la sincérité.
Depuis cette époque, il semble s’appliquer des préceptes bien différents : dire à ceux qui l’écoutent ce qu’ils souhaitent entendre, et faire ce qu’il veut ensuite. Une vision plus politique que romantique de la gestion de sa carrière.
Miami Heat, l’usure
En 2010, lorsque LeBron James et Chris Bosh rejoignent Dwyane Wade au Miami Heat, c’est aussi une histoire d’amitié. Lorsque la nouvelle tombe, une fois la stupeur passée, les ambitions sont claires. Not 1, not 2, not 3… Cette rengaine, vous la connaissez tous.
Et il est vrai, que si l’équipe manque de profondeur en première saison, le trio a de quoi faire frémir la concurrence. James atteint son prime, Wade y est déjà et Bosh a tout du parfait numéro 3. Si 2011 restera une terrible gifle, leçon d’humilité nécessaire pour le trio, la suite va s’avérer très juteuse pour le joueur et la franchise. 2 MVP pour LeBron, 2 titres pour la franchise, le tout couronné de 2 MVP des finales pour James… et 4 finales NBA. On se dit que tout ne fait que commencer lorsqu’en 2014, l’équipe certes fatiguée, se retrouve une quatrième fois en finale pour une revanche face aux Spurs.
Mais le terme de “fatigue” est-il adapté ?
Wade semble avoir entamé son déclin, et le supporting cast apparaît en bout de course. Parce que son schéma, LeBron l’a peut être découvert sous la houlette de Pat Riley, à Miami. Durant son passage, la franchise aura tranquillement sacrifiée sa jeunesse pour des vétérans, empilant les Shane Battier, Mike Miller, Ray Allen, Chris Andersen, Rashard Lewis, James Jones, Joël Anthony…
Des joueurs solides, dont ils savaient quoi attendre, jusqu’au moment où l’année de trop arriverait. Des options à bas coût, qui n’offrait en fin de cycle, plus la moindre perspective pour la franchise. Et c’est sûrement ça qui a fini par prendre le pas sur le Heat en 2014. L’usure du temps qui passe sur un groupe surmené par de longues campagnes.
Le nouveau LeBron, celui qui avait appris qu’être entouré n’était pas acquis, n’eut donc aucun état d’âme lorsqu’il fallut prendre la décision. Le même été, il prit ses valises et partit pour une nouvelle conquête. On ne lui demanderait plus de perdre son temps, pendant qu’il laissait à d’autres la possibilité de mettre en valeur ou de gâcher ses années.
Retour à Cleveland.
Cleveland Cavaliers, épisode 2
LeBron James est de retour en ville. Et d’une certaine manière, l’histoire est belle. Celui qu’on surnommait l’Élu revient pour accomplir sa prophétie. Il vient ramener un titre à cette ville qui n’a connu que la défaite.
Venu réparer le passé, LeBron enchaîne les déclarations rassurantes. Il est heureux d’être de retour à la maison, et il vient guider la jeunesse que la franchise a rassemblée depuis son départ en 2010. Parmi eux : Kyrie Irving, Dion Waiters, Tristan Thompson, Andrew Wiggins, Anthony Bennett, Sergey Karasev, Seth Curry ou Tyler Zeller. Le King ne tarit pas d’éloges sur cette jeune garde et affirme vouloir les “porter vers la victoire“.
Pourtant, communication et actions n’entrent pas en concordance. Andrew Wiggins ne portera jamais les couleurs de Cleveland et est le centre d’un échange pour Kevin Love, embarquant avec lui Anthony Bennett. Deux des trois premiers choix de drafts de Cleveland sont déjà balayés. Dion Waiters va rapidement faire les frais de l’arrivée de James également : permettant l’acquisition de JR Smith et Iman Shumpert.
Dans le même temps, une vielle garde débarque. Mike Miller & James Jones renouent avec James, Shaw Marion rejoint son ancien adversaire, Brendan Haywood, Kendrick Perkins arrivent et la franchise va chercher Timofey Mozgov. Le roster a changé de forme et beaucoup de jeunes n’ont pas passé l’été. Karasev, Curry, Zeller n’ont pas survécu à cet essorage.
Seuls le talent confirmé Kyrie Irving et Tristan Thompson survivront à cette seconde ère James.
Et pour s’assurer que la franchise y mette les moyens, cette fois, LeBron a trouvé une tactique imparable. Tous les étés, il signe un contrat de 2 ans. Une année garantie, et une sur laquelle il a une option. En cas de blessure, il peut rester, sinon, il a le choix entre prolonger ou s’en aller. Une épée de Damoclès qui vise à jouer le titre tous les ans, en poussant la franchise à réitérer ses efforts en toutes circonstances.
Alors bien sûr, là encore, les résultats sont au rendez-vous. Finales en 2015, 2016, 2017 et 2018. Un titre NBA en poche et des batailles sanglantes avec une des meilleures équipes de l’histoire. 2015 semblait en bonne voie sans une pluie de blessures, et qui sait ce qu’aurait donné la suite sans l’arrivée inopinée de Kevin Durant à Golden State.
Pourtant, la dernière saison est rude. Kyrie veut sortir de l’ombre de James, et derrière LeBron, c’est une flopée de vétérans ou de joueurs en quête d’une seconde chance.
D’un côté, les Kendrick Perkins, Dwyane Wade, Kyle Korver, José Calderon, Channing Frye ou JR Smith en quête d’une dernière danse. De l’autre, des joueurs qui cherchent à se relancer comme Jeff Green, Derrick Rose voire George Hill. La saison verra se succéder 24 joueurs dans le roster.
LeBron les portera sur ses épaules en finales. Mais comme en 2014, il est seul, surhomme, au milieu d’humains émoussés.
Et une fois de plus, alors que la franchise tire la langue, James partira, le sentiment du devoir accompli, mais sans coup férir, laissant une franchise en cendres, une fois l’objectif atteint.
Direction la Californie
Alors que le projet de Cleveland est exsangue, LeBron fait un choix fort : rejoindre les Los Angeles Lakers. Arrivé à ce stade de la carrière, on comprend les intérêts de James. LA offre les opportunités de finir confortablement une très longue route. Il possède déjà plusieurs maisons dans la ville, les opportunités business et cinéma sont nombreuses. L’endroit parfait pour finir en beauté et préparer la suite.
Bien sûr, on ne sait pas encore à cette époque, que 4 ans plus tard, James ferait encore partie de l’élite en NBA. Plus nécessairement aussi dominant, mais toujours proche des sommets.
A son arrivée, ce groupe ressemble à celui de Cleveland, 4 ans plus tôt. De la jeunesse : Lonzo Ball, Brandon Ingram Kyle Kuzma, Josh Hart, Alex Caruso, Ivica Zubac, Thomas Bryant… etc.
A ce stade de l’article, vous vous imaginez ce que dira LeBron en arrivant. Il est content de jouer avec cette jeunesse et souhaite la guider. Il débarque “excité de jouer avec la jeune garde” et a “hâte de leur apprendre des tas de choses“, les gens ne se rendant pas assez compte d’à quel point les “jeunes ont faim de savoir“.
A sa décharge, malgré quelques renforts vétérans, une bonne partie de cette jeunesse sera présente au lancement de la saison 2018-19. Les débuts sont hésitants mais James réussi à les mettre en bonne position pour les Playoffs. Malheureusement une blessure arrive et les jeunes peinent à maintenir l’équipe dans le wagon. A son retour, pourtant, les signes d’impatience arrivent et la rumeur tombe : les Lakers cherchent à attirer Anthony Davis. Malgré le refus des Pelicans d’accorder leur stars aux Lakers, le ver est dans la pomme et on le sait, quand on en arrive à ce point, difficile de ne plus regarder en arrière.
A l’été 2019, l’inéluctable se produit et la jeune garde est complètement écartée. Après les départs de Zubac, Bryant, et autres non cités, c’est au tour de Lonzo Ball, Brandon Ingram et Josh Hart de s’en aller. Avec des tours de draft à foison, évidemment.
Comment en vouloir à LeBron ? Davis est l’un des grands noms de la ligue, un renfort suffisant pour aller chercher le titre. Dans le même temps, bien sûr, c’est l’arrivée des vétérans en fin de parcours ou en quête d’une seconde vie en NBA : Avery Bradley, Rajon Rondo, Dwight Howard, Jared Dudley, Markieff Morris, Danny Green.
Mais ça, c’est la version qui fonctionne. Car entre temps, il y a deux années de volonté de s’améliorer inlassablement. Et les habituels penchants pour les noms clinquants, même au bout du rouleau.
Et aujourd’hui, nous avons peut-être la version la plus extrême du process-LeBron. L’effectif ne possède presque plus de jeunesse. Autour : LeBron James & Carmelo Anthony (année 18), Trevor Ariza & Dwight Howard (année 17), Russell Westbrook (en déclin) & Deandre Jordan (rincé et en année 13), ou encore Avery Bradley de plus en plus à la peine.
Et alors que LeBron ne paraît plus capable de tout faire pour une équipe, cette dernière a complètement explosé dans la course aux Playoffs et n’existe encore que par celle au Playin.
En cause, probablement, le forcing de James (et Davis) ayant entraîné le départ d’une multitude de cadres pour Russell Westbrook. Alors oui, le front-office aurait pu dire non, oui, dans une ligue où un grand nombre de franchises n’ont jamais gagné de titre, cette méthode a à chaque fois fait ses preuves. Mais enfin, dire non à LeBron, était-ce vraiment envisageable ?
Finalement, quelle est la conséquence ? L’impossibilité d’être compétitif sur le long terme dans une même franchise (cycles de 4 ans), le besoin de trouver une autre équipe en possession de ses assets pour rester au niveau. C’est la voie choisi par LeBron après 7 ans d’une patience mal récompensée à Cleveland.
Une histoire pas terminée
Alors bien sûr, LeBron pourrait rester un Laker et faire mentir ce “schéma”. Mais force est de constater que la relation entre James et Los Angeles commence à battre sérieusement de l’aile. Les opportunités d’amélioration semblent bouchées et le choix de Westbrook fut un luxe de trop.
Par ailleurs, contrairement à ce que la franchise et lui pouvaient anticiper en 2018, James a encore de belles années à faire valoir. Ce qui n’était pas acquis alors qu’il aura bientôt 38 ans à la fin de l’exercice. D’ailleurs, LeBron James souhaite jouer une saison avec Bronny James, son fils ainé, avant sa retraite.
Toujours est-il que l’imaginer demander un échange cet été n’a rien d’une folie. Après tout, il a rempli son contrat avec les Lakers. Sa seule saison loin des blessures aura permis de faire de la franchise la plus titrée de la NBA, prenant la tête face au rival de Boston.
Pour ce faire, LeBron semble être devenu cet amant bafoué, qui décide de se passer de sentiments pour obtenir ce qu’il veut.
Et si cet article s’avérait vrai, et que LeBron croyait encore pouvoir gagner une bague, alors peut-être qu’il lui reste une dernière aventure avant de boucler la boucle avec son fils. Et peut-être nécessite-t-elle une nouvelle franchise pour l’entourer.