Après une saison menée de main de maître et achevée à une inattendue 2ème place de la Conférence Ouest, les Memphis Grizzlies connaissent leurs adversaires pour ce premier tour de Playoffs : les Minnesota Timberwolves.
Les loups ont arraché leur place en postseason à l’issue d’un énorme match de play-in face aux Clippers, marqué par les superbes performances de D’Angelo Russell et Anthony Edwards, mais aussi la déroute de Karl-Anthony Towns. Avec cette qualification, les Wolves valident une saison solide, la première depuis 2019, et une 7ème place verrouillée depuis plusieurs semaines déjà.
Cette série s’annonce déjà comme l’une des plus attrayantes du premier tour, entre deux des trois équipes les plus jeunes de la ligue.
La bataille intérieure
Si Karl-Anthony Towns a connu un play-in très compliqué, marqué par l’agressivité défensive des Clippers, il sort également de sa meilleure saison en carrière. 24.6 points, 9.8 rebonds et 3.6 passes décisives pour 59% d’efficacité globale et un flambant 41% à 3 points. KAT a enfin laissé pousser ses griffes. S’il appartient au gratin des intérieurs depuis plusieurs saisons déjà, il semble enfin être traité et attendu comme tel : une match-up très difficile à négocier pour toutes les équipes. Envoyer un intérieur physique au risque de subir un barrage de tir à 3 points ? Envoyer un ailier fort plus mobile mais moins puissant et plus mis en difficulté au poste bas ?
KAT face à lui-même
Si le cliché veut que KAT ne jure que par la ligne à 3pts, la réalité est tout autre tant il propose une palette offensive large. Il est capable de scorer dans toutes les zones, et même de porter la balle. Seul point noir de son jeu ? Un grand nombre de fautes le place dans le haut de la ligue (deuxième derrière Jae’Sean Tate avec 3.6 fautes par match) et de turnovers (plus de 3 par match). Notamment un grand nombre de fautes offensives (68), avec une certaine tendance à jouer des coudes un peu trop hauts. S’il n’a aucun mal à se déjouer de son adversaire une fois dos au panier, il peine plus lorsque son défenseur parvient à se maintenir devant lui et est encore une cible privilégiée pour un défenseur en aide, qui peut alors surgir pour lui arracher le ballon.
Il s’est montré capable de contrer les prises à deux, bien plus fréquentes cette saison, mais a parfois encore du mal à jouer simple dans ces situations, ou à gérer l’agressivité des défenseurs, notamment lorsque cette prise à deux s’effectue très haut sur le terrain, et en début de possession. On l’a vu contre les Clippers, le fait d’être souvent malmené loin du ballon par Nicolas Batum ou Marcus Morris a tendance à le frustrer, et l’empêcher évidemment de recevoir la balle dans de bonnes conditions. Le match face aux Clippers a sûrement donné des idées à Taylor Jenkins !
Pour Towns, tout reposera sur le contrôle de soi et l’aptitude à rester dans les matchs. Bien trop souvent, le pivot est mentalement sorti de ses matchs à cause de la frustration causée par l’arbitrage (parfois justifiée, mais aussi souvent amplifiée par le joueur) ou par l’agressivité des défenses adverses le menant à des pertes de balle. KAT peut alors se morfondre, montrer des signes d’agacement, et se mettre à déjouer. Son match face aux Clippers en est le meilleur exemple. Cependant, au cours de cette déroute, le pivot a montré quelques – courtes – minutes intéressantes à ce sujet : au retour des vestiaires, alors qu’il était en foul trouble, KAT s’est calmé et a laissé le ballon en attaque, pour se concentrer sur le rebond offensif en étant bien placé sous le cercle. L’espace de quelques instants, il a géré sa frustration et changé son approche du jeu pour contrer la tactique très efficace des Clippers. Dommage que cela ait peu duré, même si ce moment reste une séquence sur laquelle il peut s’appuyer dans des situations identiques à l’avenir.
Le jeu du chat et de la licorne ?
Cependant, hormis Brandon Clarke peut-être, Memphis ne dispose pas de profils similaires à celui de Batum sur le plan défensif. Le choix logique voudrait que Adams soit envoyé en mission sur lui, sa puissance et son jeu rugueux apparaissent comme étant une solution logique pour contenir Kat. Le problème étant que si Adams est un pivot mobile et avec un bon sens du placement, il ne peut pas sur l’ensemble d’un match espérer suivre Towns, notamment derrière les écrans où le jeu off ball de Towns est d’une grande létalité. Cela revient également à priver Memphis de son meilleur rebondeur face à une équipe qui propose un 5 majeur athlétique et qui n’hésitera pas à s’empaler sous l’arceau pour récupérer des secondes chances.
D’autant que Minnesota a montré que la taille et le rebond pouvaient être de très gros inconvénients de leur roster, malgré la présence d’extérieurs capables dans ce secteur. Jarred Vanderbilt, impressionnant en première moitié de saison, était plus fatigué ces dernières semaines, et son état physique sera donc déterminant dans cette bagarre. À l’inverse, Memphis est l’équipe la plus prolifique tant aux rebonds offensifs que défensifs. Un véritable enjeu pour les Timberwolves. À noter que les Grizzlies sont ceux qui réalisent le plus de box outs au rebond offensif, tandis que Minnesota figure parmi les bons élèves aux box outs sur rebond défensif. Une belle bataille nous attend donc sous le cercle des loups lors des échecs au tir de Memphis.
L’occasion semble parfaite pour Jaren Jackson Jr de se montrer et de confirmer la belle progression qu’il a connu cette année défensivement. S’il reste dans le top 3 des joueurs qui commettent le plus de fautes, il a prouvé match après match ses progrès physiques et sa compréhension de jeu, s’affirmant désormais comme un des meilleurs défenseurs à son poste et un candidat DPOY. Il peut désormais tenir au poste bas contre des pivots plus lourds que lui, reste toujours autant mobile et sait parfaitement utiliser sa grande envergure pour venir en aide ou empêcher un tir extérieur. Si Adams va commencer les matchs, il risque de ne pas les finir. Taylor Jenkins se repose beaucoup sur son duo d’intérieurs bondissants Clarke/JJJ. Capable de couvrir plusieurs postes et d’intervenir sur plusieurs zones du terrain, le duo devrait logiquement se relayer pour contenir la menace qu’est le meilleur big man shooter de la ligue.
C’est, selon nous, l’opposition majeure de cette série. Ja Morant et Anthony Edwards s’affronteront indirectement tandis que JJJ et Towns devront se rendre coup pour coup, autant au poste bas qu’au large. Encore une fois, la clé de la victoire pour Memphis va venir du fait que si Towns est bien contenu par son défenseur, cela fournira des opportunités aux défenseurs extérieurs de créer des situations de turnover. Si Towns a progressé dans son jeu de passe et sa vision du jeu, il reste encore une cible privilégiée pour les défenseurs les plus sournois. Attendez-vous à voir Desmond Bane, D’Anthony Melton et Dillon Brooks rôder près de lui.
Les scoreurs extérieurs
On a deux équipes chargées sur les lignes extérieures. Qu’est-ce qu’on fait ?
Tenir Russell ou limiter Edwards ?
Le duo d’arrières scoreurs des loups ne réussit pas à Memphis. D-Lo est d’ailleurs le meilleur scoreur sur les quatre oppositions entre les deux franchises cette saison, avec 30 pions en moyenne dont 37 lors du dernier affrontement fin février. Certes, Dillon Brooks n’était pas présent lors des dernières oppositions entre les deux équipes. Mais la complémentarité de Russell et Edwards pose de nombreux soucis à la défense de Memphis.
Si les Grizzlies peuvent adapter leur schéma de jeu comme ils l’ont souvent fait cette année, leur défense de prédilection reste celle du modèle Budenholzer, verrouiller la raquette quitte à s’exposer à une pluie de 3 points. Un choix risqué face à la septième attaque de la ligue qui propose un cinq majeur avec 4 shooters et un jeu off ball léché. Si les Wolves ne sont que 12èmes à l’adresse extérieure, ils restent l’équipe qui en prend (41.3) et en rentre le plus (14.8) dans la ligue. Si l’on considère que Ja Morant, léger en défense, sera placé face à Beverley, il reste donc Edwards et Russell à gérer.
Le premier est un formidable dynamiteur, capable de transpercer une défense en puissance comme de prendre feu à distance. Le second a fait beaucoup de mal aux Grizzlies en partant tête de raquette, que ce soit sur du hand-off ou avec des écrans posés haut par les pivots. Le meneur pose alors un problème insoluble aux Grizzlies.
S’il est défendu en drop coverage (le pivot redescend protéger le cercle), il peut shooter dans sa zone préférentielle. Si le pivot est plus agressif, il peut alors le dépasser et aller finir au cercle, ou placer un floater.
Russell sort d’une saison régulière en 18 points, 7 passes décisives et des pourcentages corrects. Il est l’électron libre du cinq majeur, celui qui bénéficie le plus des écrans de Towns et Vanderbilt, dans un jeu off-ball qu’il a amélioré cette année. Son mid range est à l’origine de plusieurs comebacks cette saison, une zone du terrain que les Grizzlies laissent volontairement vide, et qui est donc une source de points faciles pour D Lo.
Edwards, quant à lui, prouve qu’il mérite sa place à la draft 2020. Dans un registre très différent de son compère, son jeu de slasher et son premier pas incisif sont l’objet de nombreux décalages dans les défenses adversaires. Memphis se doit donc d’y opposer un joueur qui a le coffre et la puissance nécessaire pour tenir le pitbull sous peine de voir ses intérieurs s’exposer à des fautes.
La clé de la victoire viendra des efforts fournis par le duo d’arrière du Tennessee. Brooks devrait être placé sur Russell où sa meilleure envergure et sa vitesse devraient lui permettre de suivre le meneur au bandeau. Bane quant à lui sera davantage dans un combat en cage face à Edwards, où la puissance de son haut du corps sera mise à rude épreuve. Les fautes ne sont pas un problème pour ces deux joueurs car derrière se trouvent des Melton, Konchar et Tyus Jones qui ont le bagage défensif et l’expérience pour contenir les arrières feu follet des Wolves.
Cependant, si Minnesota s’appuie sur du talent individuel, Memphis misera davantage sur son approche collective. Équipe qui génère le plus d’interceptions et de contres de la ligue, les Grizzlies vont logiquement appliquer le même système de jeu : limiter les zones de passe, forcer les isolations longues et les tirs à distance compliqués.
The Mor Ant the best ?
Sur l’ensemble de la saison, jouer contre Minnesota n’a pas spécialement réussi à Ja. Au contraire, ses stats ont été moins bonnes sur l’ensemble des oppositions face à la meute du Minnesota, avec “seulement” 20 points de moyenne sur les quatre confrontations. De quoi s’inquiéter ? Pas vraiment, car encore une fois il est compliqué de comparer les oppositions tant les deux équipes ont évolué au fur et à mesure de la saison. Morant sort de sa meilleure saison en carrière, postule à plusieurs récompenses individuelles et rentre dans la caste des meneurs élites.
Avec sa capacité à driver et finir fort au cercle pour plus grande force, il peut poser de gros problèmes aux Wolves si ces derniers maintiennent une défense en hedge, c’est-à-dire avec une grosse agressivité très haut sur pick-and-roll. Morant peut alors dépasser avec sa vitesse et se projeter vers le cercle. Dans ce cas, les aides seront primordiales côté Minny, avec Vanderbilt ou encore Edwards, qui peuvent venir couper l’accès au cercle, mais risquant de laisser un shooteur libre.
Peut-être que Minnesota tentera de défendre en drop coverage, alors Ja risque de devoir plus s’appuyer sur son midrange pour utiliser les failles laissées par la défense en drop de Minnesota. De là à en attendre un écart statistique ? Pas vraiment, Ja prend moins de 2 tirs dans cette zone là avec une efficacité basse de de 26%. Coach Jenkins n’a donc que peu de raisons de demander à sa star de faire quelque chose qu’il ne maîtrise pas. En revanche, même dans ces conditions Morant est capable d’attaquer la raquette des Wolves pour pousser Towns à faire des fautes sur lui et/ou la défense des Wolves à libérer des shooters autour de lui. Il a très bien su faire cela l’an dernier face au Jazz malgré un Rudy Gobert retranché dans sa raquette. Nul doute qu’il devrait hausser son niveau de jeu et être encore une fois le fer de lance de l’attaque de Memphis.
Lors du dernier match de régulière, Minnesota avait usé de ces deux types de défense pour contrer le meneur. En opposition directe à Morant, les Wolves ne peuvent envoyer “que” Beverley et McLaughlin, éventuellement Edwards. Bien servi par les écrans d’Adams et un système de jeu en attaque qui lui libère la raquette, Morant a tous les ingrédients en main pour réaliser une grande série.
Deux équipes jeunes, et de grands bavards
Si d’un point de vue technique et tactique, la série peut sembler équilibrée, l’expérience va clairement dans le sens des Grizzlies malgré leur jeune âge. Les oursons ont déjà connu les Playoffs, notamment la saison dernière après un passage par le Play-in. Depuis, Memphis a gagné en stabilité et en maturité, avec l’explosion de Bane et le remplacement de Valanciunas par Adams. Plusieurs joueurs ont donc connu les joutes de postseason, au contraire de Wolves très inexpérimentés de ce point de vue. Quelques campagnes par ci par là, mais le seul habitué sera bien sûr Patrick Beverley.
Comme tout au long de la saison et lors du Play-in, le meneur sera donc un élément essentiel des jeunes loups. On s’attend également à le voir parler, hurler, encore et toujours. Avec face à lui un Dillion Brooks coutumier du trash talking également.
De manière générale, l’aptitude à contrôler les moments chauds sera un facteur majeur. Les deux équipes partagent la même capacité à rester dans les matchs, et les gagner, sans leurs stars respectives. On a ainsi vu les Grizzlies savoir se passer de Ja Morant, pendant que les Wolves ont connu des passages à vide de D’Angelo Russell ou Anthony Edwards pendant la régulière, et bien sûr de KAT lors du Play-in. Le collectif prime toujours, venant compenser lorsque le talent ne suffit plus. En revanche, la tendance des Wolves à déstructurer leur jeu, à moins exécuter par séquences, pourrait leur coûter cher, surtout offensivement.
Quoiqu’il en soit, l’état d’esprit sera l’une des clés de cette série, entre deux équipes au mental d’acier, et des groupes de guerriers très soudés.
Qu’attendre de cette série ?
Sur le papier, Memphis est grand favori par son classement et sa régularité tout au long de la saison. Pourtant, la série est souvent annoncée comme la plus excitante à l’Ouest, et peut-être même du premier tour en général.
Les deux équipes ont des profils similaires, même si les Grizzlies ont semble-t-il un train d’avance dans leur développement, et un effectif plus profond. Si nous focalisons notre analyse sur les titulaires, les bancs auront également un rôle majeur à jouer. Celui de Memphis est impressionnant de profondeur et de complémentarité, tandis que celui des Wolves est plus inconstant mais capable de refaire un retard à tout moment.
Là où des joueurs comme Melton ou l’ancien loup Jones sont capables de gérer et de poser le jeu, les loups comme Beasley ou Nowell peuvent prendre feu au scoring. Dès lors, les rotations des coachs Jenkins et Finch seront primordiales. Les deux ont clairement réalisé de magnifiques saisons à la tête de leurs équipes, et seront mis à l’épreuve lors de cette série. Si les rotations de Jenkins sont claires, celles de Minnesota ont été très fluctuantes tout au long de la saison. Un avantage pour s’adapter, mais on sait que les rosters sont plus resserrés en Playoffs, et les temps de jeu plus importants. Si Chris Finch a réussi à maintenir tous ses joueurs impliqués, il va devoir continuer ainsi. On pense par exemple à Jordan McLaughlin, pas utilisé face aux Clippers mais souvent précieux cette saison.
Côté physique, on attend également de voir dans quel état seront les Wolves, diminués en fin de saison alors que les joueurs semblaient parfois épuisés (Vanderbilt notamment), alors que leur énergie est un élément primordial de leur jeu. L’absence de Taurean Prince, exemplaire ces dernières semaines, a particulièrement pesé face aux Clippers, et l’on attend de connaître sa condition pour cette série.
Finalement, on attend de Memphis qu’elle confirme son excellente saison régulière et ses évidents progrès, devenant une place forte de l’Ouest. Du côté de Minnesota, on doit voir un duo KAT-DLo passer un cap au plus haut niveau, et un Anthony Edwards qui confirme son explosion aux yeux de la ligue.
Matcu-up
Memphis Grizzlies : 80%
Minnesota Timberwolves : 20%