Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Le 80ème épisode est consacré à un immense joueur, de son équipe, de son temps et de l’histoire : Elgin Baylor.
Il était une fois dans l’Ouest
Michigan, 1946
Notre histoire débute loin des strass et paillettes de Los Angeles. Et pour cause ; nous voici dans le Michigan de l’après-guerre, plus précisément à Deaborn, ville de 100 000 habitants située à l’ouest de Detroit. C’est là, sans grand bruit, que la franchise des Detroit Gems a été fondée en 1946. Elle évolue en NBL, l’une des ancêtres de notre NBA actuelle. Nous n’avons pas ouvert les livres d’histoire pour vérifier, mais il se peut que le bilan comptable de l’équipe à l’issue de sa première saison soit tout bonnement… le pire de tous les temps : 4 victoires, 40 défaites, merci bonsoir.
Comme c’était fréquemment le cas en cette époque, l’institution a très rapidement connu des difficultés financières qui ont menacé son existence. Elle a donc été vendue dès 1947 à un duo d’hommes d’affaires, qui ont immédiatement pris deux décisions : déménager la franchise à Minneapolis puis, logiquement, modifier son nom. C’est ainsi que les Detroit Gems ont laissé leur place aux bien plus connus Minneapolis Lakers.
C’est dans ce tout nouveau décor que la franchise a commencé à bâtir sa légende. Alors qu’une Ligue concurrente dans laquelle évoluait un certain George Mikan a périclité au bout… d’un mois d’existence, le futur du joueur s’est joué au tirage au sort. Chacune des franchises de la Ligue possédait quelques 9 % de chance de récupérer le pivot, qui était de très loin de meilleur joueur de cette époque.
Le vent du destin a soufflé en direction de Minneapolis. Autour de son nouveau joyau, la franchise remporte 5 titres : un en BAA (1949), 4 en NBA (1950, 1952, 1953, 1954). Sans contestation possible, les Lakers étaient alors la plus grande franchise de basketball américain. C’était néanmoins sans compter sur l’arrivée, de l’autre côté du pays, d’un certain Bill Russell à Boston. À compter de cet instant, la face de la Ligue a été diamétralement modifiée et le bleu clair des lacs du Minnesota est désormais supplanté par le vert des celtes de la côte Est.
La retraite de Mikan a sonné le glas des ambitions des Lakers, qui n’allaient cependant pas tarder à renaître de leurs cendres. En effet, un jeune homme, encore assis sur le bancs de la fac, est en train de révolutionner la manière dont doit se jouer le basketball. Le très bondissant Elgin Baylor fait en effet les beaux jours des universités d’Idaho, puis de Seattle (31,3 points, 19 rebonds de moyenne en trois années), avant de se présenter à la draft 1958. Par un nouvel heureux hasard, Minneapolis venait justement de terminer sa saison sans playoffs, pour la première fois de sa jeune histoire. Avec 19 petites victoires, la franchise récupère le premier choix de la draft et ne s’est pas faite prier pour sélectionner Baylor, qui n’a pas tardé pour s’imposer comme l’un des immenses monstres de la NBA.
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Pendant ce temps-là, entre le district of Columbus, l’Idaho et l’État de Washington
Pour assister à la naissance d’Elgin Gay Baylor, il convient de remonter au 16 septembre 1934 et de se rendre à Washington D.C. Cette naissance, d’ailleurs, a failli ne jamais voir le jour – si l’on nous passe l’expression. En effet, les parents du futur Elgin étaient loin de rouler sur l’or et avaient d’ores et déjà quatre estomacs enfantins à nourrir. C’est peu dire qu’il n’était pas dans leur plan d’avoir un cinquième enfant. Dès lors, lorsqu’elle a appris qu’elle était à nouveau enceinte, Uzziel Baylor se rend chez un médecin qui, malgré l’interdiction, pratique l’avortement. Il la met toutefois en garde sur les risques d’un tel acte et se montre manifestement suffisamment persuasif pour que la mère accepte de le devenir à nouveau.
C’est dans ce contexte finalement peu réjouissant qu’ Elgin a grandi. Dans un État où la ségrégation sévit toujours, les afro-américains sont loin d’avoir accès à l’ensemble des commodités, et notamment les terrains de sport. Pire, ils sont victimes d’humiliation, comme ce soir où le père des cinq enfants, John Wesley, a été contraint par deux agents de police de fouetter sa fille aînée, coupable d’avoir giflé une adolescente qui l’avait affublée d’un sobriquet que sa couleur de peau laisse aisément deviner. Un acte que le tout jeune Elgin n’a jamais pardonné à son paternel.
Comme souvent face à l’oppression, la minorité se réfugie dans la pratique sportive. Comme Arvydas Sabonis (dans un contexte tout autre, il est vrai), Elgin Baylor va devenir un symbole de sa cause grâce à la balle orange, qu’il a commencé à tâter à l’âge de 14 ans, avec ses deux frères. Parce que lorsqu’il s’agit de mettre un ballon dans un panier, la couleur de peau ne compte jamais. L’adresse, le talent et le travail, par contre, sont prépondérants. Or, tout cela, le jeune Elgin en avait à revendre. Il transcende encore un peu plus de racisme ambiant en devenant le premier joueur de couleur à être nommé joueur de l’État, lors de sa dernière année de high school. Nommé meilleur joueur de sa conférence lycéenne à trois reprises, Elgin Baylor dominait à un niveau tel qu’aucun observateur américain ne pouvait ignorer son existence.
Par contre, ils pouvaient faire le choix de l’ignorer. Et c’est ce qu’il s’est passé. Aucun gros programme n’a fait d’offre à Elgin Baylor, alors même que l’ailier venait de terminer un exercice avec quelque 36 points de moyenne. Qu’à cela ne tienne. Il part pour l’Université d’Idaho, où il termine sa première année invaincu (15 – 0). Surtout, il y score 53 points… marque record qui tient toujours aujourd’hui. La suite, nous l’avons racontée : Baylor rejoint la faculté de Seattle, où il a continué le massacre des défenses adverses.
En se présentant à la draft au terme de sa troisième année, le joueur ne le savait pas, mais il avait l’avenir de la franchise de Minneapolis entre ses deux mains. Littéralement.
Coup de foudre à Los Angeles
Opération sauvetage
À la fin des années 1950, il arrivait qu’un joueur soit drafté mais qu’il ne rejoigne pas immédiatement le monde professionnel. La pratique était d’ailleurs toujours en vigueur quelques vingt ans plus tard, puisque Larry Bird, bien que sélectionné en 1979 par Boston, n’a fait ses premiers pas sous le maillot vert que l’année suivante.
Ce risque, la direction des Lakers ne pouvait pas se le permettre en 1958. La très mauvaise saison de l’équipe a eu des conséquences terribles sur les finances de l’institution, qui se trouvaient dans un rouge inquiétant. À une époque où le sponsoring ou le marchandising n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, une grosse part de l’argent venait de la billetterie. Sauf que plus personne ne venait assister aux piètres performances des Lakers.
Pour relancer l’intérêt, il fallait attirer Elgin Baylor, qui s’était taillé une réputation de joueur exceptionnel et novateur. À plusieurs égards, d’ailleurs. D’abord, en étant beaucoup plus vertical que ses compagnons de jeu. Rabbit est en effet celui qui a fait décoller le basketball du plancher des vaches, en lui apportant une dimension physique nouvelle. Ensuite, et cela va de paire, en choisissant de tirer à une seule main, ce qui ne se faisait pas. Peu orthodoxe et inconsciemment, Elgin Baylor est ainsi celui qui a popularisé le jump shot, l’arme si recherchée en 2022 en NBA.
Pour s’assurer les services du premier choix de la draft 1958, Bob Short, propriétaire des Lakers, lui a fait une offre de 20 000 $. Comme toujours, le montant fait aujourd’hui sourire. Néanmoins, en 1958, il s’agissait d’une somme colossale. Et pour cause, Short a déclaré plus tard que si Baylor avait refusé l’offre, “c’était terminé, nous aurions fait banqueroute“. Or, pour être certain qu’une personne ne puisse refuser l’offre qu’on lui soumet, il faut faire en sorte qu’elle ne puisse pas l’être. Et, comme vous vous en doutez, le stratagème a fonctionné.
Sous les ordres de coach John Kundla, Baylor fait ses grands débuts en NBA le 22 octobre 1958, face à Cincinnati. Résultat ? Une victoire de 20 points et une ligne statistique historique : 25 points, 13 rebonds, 6 passes décisives. Entouré de Hot Rod Hundley, Dick Garmaker, Larry Foust et Vern Mikkelsen, l’ailier écrase la concurrence. Les résultats collectifs ne sont toutefois pas reluisants, en témoigne la série de 9 défaites en 10 rencontres au mois de novembre.
Ses performances lui permettent de disputer un premier All-star game, dont il est nommé MVP. Dans une division ouest très faible, elles permettent aussi à Minneapolis de conserver le cap des playoffs malgré un bilan négatif. Sa saison se termine par un coup d’éclat, toujours face à Cincinnati (et toujours victoire + 20 !). Avec 64 % de réussite au tir, Baylor claque 55 points. Il s’agit d’un record pour un rookie à l’époque, avant que Wilt Chamberlain vienne le souffler, de peu, l’année suivante (58 points). Il s’agit surtout du 3ème total de l’histoire, derrière les 63 points de Joe Fulks (en 56 tirs !) et les 61 de Mikan.
Minneapolis et ses 33 victoires (38 défaites) rallie donc les playoffs, en prenant la seconde place de sa division, qui ne comportait certes que 4 équipes. Auréolé de son trophée de rookie de l’année, Baylor manque son premier match de manière exceptionnelle : 14 points à 2 / 17 au tir. Son réveil permet aux Lakers de prendre le meilleur sur les Pistons, pour, déjà, se retrouver en finales de conférence, face aux Hawks, qu’ils battront en 6 matchs.
L’opération sauvetage est une totale réussite. Un an après avoir frôlé la faillite, voilà Minneapolis en finale NBA, face à des Celtics pas encore hégémoniques. Il n’en demeure pas moins que la première pierre d’un running gag cynique a été posé lors de ces finales : défaite des Lakers (4 – 0) face à leurs rivaux de l’Est, qui ont remporté là leur second titre, un an après avoir échoué au même stade face à Bob Pettit et Cliff Hagan.
The Big Hurt
Nous n’allons pas passer en revue l’ensemble des 14 saisons qu’Elgin Baylor a passé sur les parquets de la Grande Ligue. Comme nous avons pris l’habitude de le faire lorsqu’on abordons la carrière d’un joueur extraordinaire mais mésestimé (plus qu’être mésestimé, Baylor est surtout perçu comme un loser ultime, ce qui fait oublier le joueur qu’il était), nous nous contenterons d’évoquer ses plus grands coups d’éclat. Et ils sont nombreux.
Nous sommes en 1959 et la NBA connaît son premier véritable âge d’or. Wilt Chamberlain, Bob Pettit, Bill Russell, Bob Cousy, Dolph Schayes, Elgin Baylor et bientôt Oscar Robertson et Jerry West rythment la vie de la Ligue, en claquant des records qui nous paraissent aujourd’hui inatteignables. L’Angelenos, justement, entame sa seconde saison professionnelle sur un tempo inégalable. Dans une équipe qui ne va remporter que 25 matchs (50 défaites, mais une qualification en playoffs !), Rabbit inscrit 52 points et prend 21 rebonds pour la soirée inaugurale (défaite -1 face à Detroit). Il y a très exactement eu 100 performances de ce genre dans toute l’Histoire et hormis Chamberlain (89x …), seul Baylor est parvenu à la réaliser plusieurs fois (5, en tout).
Le 9 novembre 1959, les Lakers retrouvent leurs bourreaux des dernières finales NBA. Dégainant à tout va et prenant près de la moitié des tirs de son équipe, Baylor va terrasser le géant vert (victoire de Minneapolis 136 – 115), en scorant 64 points (53 % au tir), auxquels il ajoute 17 rebonds et 8 passes décisives. Jamais personne n’a réédité une telle performance depuis lors. En terme statistique, l’ailier et son numéro 22 est alors le plus grand joueur de tous les temps, avec Chamberlain, évidemment. Les chiffres qu’il présente à la fin de la saison le confirment : 29,6 points, 16,4 rebonds et 3,5 passes décisives de moyenne. Et le bonhomme n’était pas encore dans son prime.
Malgré un bilan collectif catastrophique, les Lakers disputent les playoffs, et passent même un tour, en venant à bout des Pistons (2 – 0). Ils chutent en finale de division face aux Hawks, en 7 matchs. Baylor termine la campagne en tant que meilleur scoreur (33,4 points sur les 9 matchs). Il le sera à nouveau les 3 années suivantes.
La franchise est désormais implantée à Los Angeles, d’où elle ne bougera plus. Jerry West rejoint le roster et s’impose comme la seule option offensive viable derrière Baylor (17,6 points de moyenne, seule saison en dessous des 20 points). L’ailier, lui, poursuit son inexorable marche en avant, en devenant seulement le second athlète à conclure une saison avec plus de 34 points de moyenne (34,8). Nous vous laissons deviner combien ils sont aujourd’hui, en 2022. La réponse est donnée en fin d’article.
Ce troisième exercice est avant tout ponctué par la 12ème rencontre de la saison, disputée dans l’écrin du Madison Square Garden. Les Lakers y dominent les Knicks sur le score de 123 – 108. Côté NY, Willie Naulls inscrit 35 points. Côté LA ? L’histoire a tout simplement été écrite. Elgin Baylor a converti 28 de ses 48 tentatives, ainsi que 15 de ses 19 lancers, pour achever son récital avec 71 points. Il devient là le tout premier joueur à atteindre et dépasser la barre si symbolique des 70 points. En gros gourmand, il a également attrapé 25 rebonds. Au-delà des chiffres, le plus impressionnant reste peut-être la réaction de Jonny Green, l’un de ses adversaires du soir :
“Elgin n’a rien fait d’inhabituel ce soir. C’est une performance typique “à la Baylor”, ses coéquipiers ont aménagé le terrain et il a shooté, en prenant le rebond s’il manquait. C’était juste du Elgin Baylor, un joueur tellement fantastique“.
La routine, donc. Il faut dire que le surlendemain, l’ailier en passait 52 aux Pistons, avant d’en marquer 51 contre la même équipe 5 jours plus tard. Le tout en jouant au poste d’ailier, alors même que la Ligue appartenait aux intérieurs. Car s’il prenait des brouettes de rebonds, Baylor n’était pas un colosse. Il est en effet listé à 1m96 pour 102 kilos. Cela fait très certainement de lui le meilleur extérieur rebondeur que la Ligue ait connu.
Avec un bilan toujours négatif (36 – 43), les Lakers rallient à nouveau des playoffs, pour un résultat identique à celui de la campagne précédente. Detroit est écarté en 5 matchs (40, 49, 26, 47 et 35 points pour Baylor…) et St. Louis vient à bout des hommes de Fred Schaus en 7 rencontres. Sur l’ensemble de la campagne, soit 12 matchs, Rabbit a marqué 395 points. Nous vous laissons faire le calcul. Ah oui, il a aussi gobé 163 rebonds, pour la route.
Le plus fort, peut-être, est que le joueur est parvenu à accroître sa production statistique alors même que Jerry West tournait en 31 / 8 / 5,5. Car voici venu non pas le temps des cathédrales, mais celui de la plus grande saison statistique que le basketball ait vue : 1961 – 1962. Des OVNIS dans tous les sens, des chiffres lunaires et des superstars dans toutes les équipes, au point qu’il est possible de faire la moue devant les 19 points et 23,5 rebonds du MVP, Bill Russell.
Blessé une partie de la saison (47 matchs disputés), Baylor réalise pourtant son meilleur exercice en carrière. Et pour une fois (effet Jerry West), les résultats suivent, au point que les Lakers vont terminer en tête de leur division, et par conséquent être exemptés de premier tour des playoffs. Nous pourrions passer en revue l’ensemble des 47 rencontres de la saison régulière et nous ébahir devant chacune d’entre elles, ou presque. Parlons cependant de la plus monstrueuse. Dans la salle des Warriors, alors installés à Philadelphia, Los Angeles s’impose 151 – 147, après 3 prolongations. Baylor, lui, fait face à Chamberlain. Le duo va propulser la soirée dans une autre sphère, celle dont on doit se souvenir.
Et pour cause. Le pivot des Warriors réalise ce qui demeure sa seconde performance la plus connue en carrière – c’est dire ! – avec 78 points et 43 rebonds. En face ? Le triple-double de West (32 / 11 / 10) est totalement éclipsé par les 63 points, 31 rebonds et 7 passes décisives d’Elgin Baylor. Rappelons qu’il était ailier et qu’il luttait avec le meilleur rebondeur de tous les temps pour attraper ses rebonds.
4ème du classement du MVP (38,3 points, 18,6 rebonds, 4,6 passes décisives), Baylor se lance dans la campagne de playoffs en venant, à nouveau, à bout des Pistons en 5 matchs. Le (re)voilà en finale NBA, face aux Celtics, dont le roster est rempli de stars à tous les postes… sauf à celui d’ailier. Il n’en fallait pas plus pour que le lapin se transforme en dragon.
Le bal s’ouvre sur une défaite cinglante (- 14), mais, déjà, avec 35 points d’un numéro 22 qui met Tom Sanders, pourtant réputé pour être un très bon défenseur, dans sa poche. Si l’adresse est fréquemment douteuse, comme c’était régulièrement le cas en cette époque, le récital se poursuit sur les 6 autres rencontres de la série. 36 points pour recoller à 1 – 1, puis 39 pour prendre l’avantage. Si Boston égalise à 2 – 2 (38 points, 14 rebonds, 6 passes décisives), c’est bien L.A qui s’offre la première balle de titre NBA. Et, encore une fois, Baylor a marqué l’histoire. Ses 61 points (22 rebonds, 1 passes décisive) constitue, aujourd’hui encore, un record en finale NBA.
Ses 75 points inscrits à cheval sur les deux dernières rencontres (34 et 41) ne permettront pas aux Lakers de soulever à nouveau le trophée NBA. Une constante au cours de cette décennie, puisque les Lakers s’apprêtent à s’incliner en finales NBA face aux Celtics à 5 autres reprises.
Révolution
1963, 1965, 1966, 1968, 1969. Chacune de ces années, les verts ont pris le dessus sur les pourpre et or en finales NBA. L’addition est d’ailleurs encore plus salée, puisque les Lakers se sont également inclinés en finales 1970 face aux Knicks, avant, enfin, de briser la malédiction en 1972, nous y reviendrons rapidement.
Nous disions en préambule que Baylor a passé 14 années en NBA. Factuellement, l’assertion est vraie. Néanmoins, sportivement parlant, il n’en a vraiment disputé “que” 12. Les deux dernières ne peuvent en effet pas véritablement être comptées, si l’on se souvient que l’ailier n’a pris part qu’à 2 rencontres en 1970-71 et 9 l’année suivante.
Il faut dire que lorsque commence la saison 1962-63, Rabbit est déjà âgé de 28 ans. Il ne s’agit pourtant que de sa 5ème saison professionnelle. Ce sera sa dernière en tant que véritable première option des Lakers, avant de passer le témoin au plus jeune Jerry West. Il termine donc tout naturellement sa saison avec quelques 34 points de moyenne, avant de redescendre, les années suivantes, à des hauteurs perceptibles par les simples mortels (généralement autour de 26 points de moyenne par match, tout de même !). Néanmoins, pour ne pas vous noyer sous les chiffres, et parce que les défaites des Lakers en finales NBA ont été racontées à de maintes reprises, nous allons axer la suite et fin de notre article sur un autre sujet.
Attachons-nous plutôt à évoquer le poids, l’impact, l’influence d’Elgin Baylor sur la NBA en cette époque. S’il est un aspect de son jeu qui n’est jamais évoquée, c’est bel et bien son shoot. Il faut dire que les statistiques ne sont pas nécessairement flatteuses : 43,3 % de réussite en carrière, sur ses quelques 23 332 tentatives. C’est à peine mieux, par exemple, que le bilan d’Allen Iverson, pourtant présenté comme le “croqueur” ultime. Il est pourtant nécessaire de remettre les choses dans leur contexte.
En effet, au milieu des années 1960, le spacing était une notion absolument étrangère. En raison de l’absence de ligne à trois-points, les défenses étaient extrêmement resserrées autour du panier et s’écarter ne rapportait pas de point supplémentaire. De surcroît, les règles défensives étaient beaucoup plus permissives qu’aujourd’hui. Enfin, Baylor devait se frotter, nous l’avons déjà mentionné, avec quelques géants qui complexifiaient l’accès au cercle.
Lorsqu’on parle de shoot, donner la parole à Jerry West est souvent une bonne idée. Le Logo est en effet perçu, aujourd’hui encore, comme l’un des tous meilleurs artilleurs à avoir un jour posé un doigt de pied en NBA. Or, au sujet de Baylor, il déclarait :
“Elgin ne sautait pas aussi haut que Michael Jordan, mais il avait une telle variété de shoot pour marquer dans n’importe quelle position et sur n’importe qui. Il pouvait tirer en suspension, dans tous les angles, mettre des effets“.
Lorsqu’on parle de style, donner la parole à Earvin Johnson est souvent une bonne idée. Magic est toujours considéré comme la grâce incarnée, comme celui qui symbolisait le mieux le “beau jeu”. Et justement, au sujet de Baylor, il déclarait :
“Avant que Michael Jordan ne réussisse des choses incroyables dans les airs, il y avait Elgin Baylor, qui avait une vraie grande classe“.
Lorsqu’on parle de performances et de technique, donner la parole à Kobe Bryant est souvent une bonne idée. Le black mamba est effectivement réputé pour sa rage de vaincre, l’ardeur de son travail et son inépuisable soif de performance. En guise d’hommage, il déclarait :
“Tout ce que j’ai entendu sur Elgin, tout ce que j’ai lu sur Elgin, c’est qu’il était Julius Erving et Michael Jordan avant eux. Il arrive au panier et y fait des choses incroyables. Mais ce qui m’intéressait, c’était de savoir comment il avait pu accéder au panier. Et il s’avère qu’il avait un superbe jeu de jambes, un premier pas très explosif pour sa taille. Et une fois au panier, il pouvait finir dans n’importe quelle position“.
Vous l’aurez compris, notre petit gag pourrait durer encore et encore. Parce qu’Elgin Baylor était un joueur fantastique, qui souffre par trop de la réputation que l’histoire s’est chargée de lui tailler. Ses défaites en finales NBA font bien souvent de l’ombre à son influence, à ses records ou tout bonnement à ses prestations sur le parquet. Le fait d’avoir pris sa retraite en 1972 en raison d’un corps devenu trop fragile, et que les Lakers enchaînent 33 victoires consécutives et décrochent le titre alimente encore un peu plus la machine à raillerie, évidemment.
C’est néanmoins faire une lecture partielle et partisane de la carrière de celui qui, bien des années plus tard, a été décrit par Bill Sharman – son adversaire des Celtics, puis son coach – comme le meilleur ailier de tous les temps. Tout cela fait qu’à nos yeux, Elgin Baylor est très “Magnéto-compatible”. Parmi la catégorie des “monstres sans bague”, il a d’ailleurs droit à un traitement spécifique ; Patrick Ewing nous évoque les Knicks des années 1990 ; Karl Malone nous fait penser à John Stockton et à leur inarrêtable duo ; Charles Barkley nous rappelle son titre de MVP en 1993 ou le chantier qu’il avait fait face à Shawn Kemp. Elgin Baylor, lui, est directement associé à la défaite. Certes, nous n’avons pas pu le voir jouer, contrairement aux stars des années 1990. Evidemment, il a perdu un nombre incalculable de finales NBA. Par contre, il est également le seul à s’être frotté à la plus grande dynastie de tous les temps.
Il n’est donc pas nécessaire de revenir en détail sur le reste de sa carrière. Nous en avons en effet présenté le plus impressionnant et le plus beau. Deux adjectifs qui collent à merveille au basketteur qu’était Elgin Baylor.
La place au box-office des Lakers
S’il est une franchise qui a vu passer un nombre impressionnant de légendes, c’est bel et bien celle des Lakers. Pêle-mêle, nous pouvons citer Magic Johnson, Kobe Bryant, Shaquille O’Neal, Jerry West, Kareem Abdul-Jabbar ou Wilt Chamberlain. Et Elgin Baylor, évidemment.
Rabbit est d’ailleurs particulièrement bien positionné dans les classements all-time de l’institution.
Ses accomplissements chiffrés n’ont rien à envier à l’ensemble de ces autres légendes. Il est par contre indubitable que son palmarès, pourtant très enviable, fait pâle figure : 11x All-star, 10x All-NBA, rookie de l’année… et c’est tout, si l’on excepte, évidemment, le statut de hall-of-famer et sa place assurée parmi les 50 et 76 meilleurs joueur de tous les temps.
Ceci nous fait dire que sa place et son apport pour le basketball sont supérieurs encore à sa contribution à l’institution “Lakers”. Il semble possible de le classer aux alentours de la 6ème position des joueurs les plus marquants des pourpre et or sans se montrer sévère. Parce que Bryant, Johnson, Abdul-Jabbar, West et O’Neal ont tous gagné au moins un titre et disputés un grand nombre de saison avec la plus mythique franchise de Los Angeles.
Dans l’un de ses livres, Bijan C. Bayne s’est attaché à raconter la vie et la carrière d’Elgin Baylor. Le titre du bouquin synthétise à merveille tout ce que nous souhaitions raconter aujourd’hui dans notre article : Elgin Baylor, the man who changed basketball. Tout ceci parle de lui-même.
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ils sont 9, dans l’histoire, à avoir terminé une saison avec au moins 34 points de moyenne / match : Kareem Abdul-Jabbar, Tiny Archibald, Rick Barry, Elgin Baylor (3x), Kobe Bryant, Wilt Chamberlain (6x), James Harden (2x), Michael Jordan (2x), Bob McAdoo.