Après des années de compétitivité, c’est peu dire que la saison 2021-22 des Portland Trail Blazers a été… insipide.
Damian Lillard absent l’essentiel de la saison, fin de l’ère CJ McCollum parti aux Pelicans, et un amoncellement de joueurs testés dans une saison tanking assumée. Arrivée avant le début de saison pour proposer autre chose que Terry Stotts, Chauncey Billups aura finalement connu une saison d’échauffement avec absolument aucune pression, ni attente réelle autre que le soir de la draft.
Toutefois, si l’on pouvait penser que ce marasme annonçait probablement le départ à venir de Damian Lillard, nous avons été surpris de voir la franchise dégraisser des salaires pour mieux jurer fidélité à un Lillard tout aussi désireux de continuer l’aventure dans l’Oregon. De fait, la fin de saison devait permettre de glaner un tour de draft le plus élevé possible et récupérer des role players les moins chers possibles pour se relancer en 2022-2023.
Fort bien, mais alors que s’est-il passé cet été ?
In & out : le point sur le roster
Le roster à ce jour :
Meneurs de jeu : Damian Lillard, Anfernee Simons, Gary Payton II, Isaiah Miller
Arrières : Shaedon Sharpe, Keon Johnson, Jared Rhoden
Ailiers : Josh Hart, Justise Winslow, Greg Brown III, Devontae Cacok
Ailiers forts : Jerami Grant, Nassir Little, Trendon Watford, Drew Eubanks, Jabari Walker
Pivots : Jusuf Nurkic, Olivier Sarr
Phase de l’équipe : Prétendant aux Playoffs… et c’est tout
L’été précédent et le début de saison passé ont été marqués par la mauvaise humeur de Damian Lillard. Le message était clair, le meneur était excédé de ne pouvoir prétendre à mieux qu’un ou deux tours de post-saison. Râlant régulièrement sur les faiblesses du roster, ce dernier voulait un reset de l’effectif. Le problème, c’est que repartir de 0 avec une star qui occupe environ 40% du salary cap n’est pas chose facile.
Ainsi, si la franchise cherche à exaucer le vœu de son meneur, cette équipe semble prétendre à la même chose que la précédente : une qualification en Playoffs et avec un bon tirage, une demi-finale de conférence. Ok, mais alors, que donne ce nouvel effectif ?
Les tendances de l’été
Après avoir réalisé en cours de saison plusieurs mouvements visant à dégraisser, l’objectif pour Portland était de remanier un groupe autour de Damian Lillard plus efficace durant l’intersaison. La difficulté de l’exercice était le suivant : redescendus sous le salary cap grâce à toutes ces manœuvres, la franchise ne pouvait plus réellement monter d’échanges extravagants pour obtenir un joueur majeur du championnat. Il s’agissait donc de bien drafter et de recruter intelligemment sur le marché des agents libres autour de l’axe Lillard-Nurkic. Mais avant de parler échanges et signatures, il fallait tirer le meilleur d’une draft attendue comme plutôt solide.
La draft, petite déception, mais quel résultat ?
Lorsque Damian Lillard est parti représenter sa franchise lors de la loterie draft, nul doute qu’il priait pour repartir avec le gros lot et un pick dans le top 3 de la draft. Que ce soit afin de récupérer un des prospects les plus attendus de l’année ou pour posséder un atout de choix à présenter pour un échange, toujours est-il que sa mine déconfite lors de l’apparition des Portland Trail Blazers en 7ere position était sans équivoque : la franchise espérait mieux. Cette déception passée, il convenait néanmoins de tirer le meilleur de ce choix de draft. En la matière, le choix de Portland a fait parler.
Avec le 7è choix, la franchise s’est tournée vers Shaedon Sharpe, un prospect qui avait de quoi séduire pas mal de franchise, mais dont la projection au niveau NBA reste assez complexe à établir. Considéré comme l’un des lycéens les plus en vues du pays, ce dernier n’a malheureusement pas joué au niveau universitaire. Cependant, contrairement à d’autres prospects qui ont dû passer par une saison blanche pour cause de blessure, le cas Sharpe est plus complexe. Par un jeu de diplôme et de crédits obtenus en amont, ce dernier a pu intégrer la troupe de John Capilari en 2021-2022 (puisqu’ayant validé son diplôme en mai 2021) dans une saison universitaire déjà bien entamée. Par excès de prudence, le coach a préféré épargner une entrée en cours de saison à ce qui aurait dû être son nouveau poulain.
Une faille est toutefois venue briser le plan de John Capilari puisque, Sharpe étant né en première partie d’année et ayant donc passé une saison à l’université, il cochait toutes les cases pour se présenter à la draft 2022. En effet, le joueur ayant validé son diplôme en mai 2021, 12 mois s’était bien écoulés depuis la sortie du lycée pour lui. Étant né fin mai 2003, il avait donc 19 ans quelques jours avant la draft.
Puisque les franchises NBA semblaient particulièrement intéressées par son profil, persuadé de pouvoir être drafté très tôt sans passer par la case universitaire, Sharpe s’est présenté. Résultat, les Trail Blazers obtiennent un prospect excitant, mais qui n’a pas levé les zones d’ombres sur certains aspects de son jeu au cours d’une saison universitaire.
Basé sur ses années lycées et ses prestations avec la sélection canadienne, Sharpe est un excellent scoreur qui devrait particulièrement bien cohabiter avec Lillard offensivement. Laissant le jeu venir à lui, c’est un excellent joueur de catch-and-shoot. Malgré une sélection de tir parfois débattable, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas du genre à chercher la gonfle à tout prix. Toutefois, doté d’un premier pas dévastateur, il est tout à fait capable de créer son propre tir. Très bel athlète, doté d’une taille et d’une envergure non négligeables pour un arrière (1m98, 2m12 d’envergure), il possède le potentiel pour devenir un scoreur aux 3 niveaux (finition au cercle, mi-distance, 3pts). De quoi posséder un second scoreur intéressant aux côtés de Damian Lillard (ou en sortie de banc….?).
En revanche, le joueur possède, comme susmentionné, des zones d’ombres.
Tout d’abord, s’il a pu impressionner pour son ratio passes/pertes de balles, certains scouts restent dubitatifs quant à certaines de ses décisions. Pas très inquiétant en raison de son jeune âge, mais cela mérite tout de même d’être surveillé. Mais, une fois n’est pas coutume, là où le plus de questions restent en suspens, c’est sur sa défense. Malgré un impressionnant potentiel physique, ses qualités athlétiques et son envergure ne se ressentent pas suffisamment de ce côté du terrain. Ayant tendance à se faire dépasser par ses vis-à-vis, son language corporel a parfois inquiété les observateurs par sa nonchalance et son manque d’implication. Évidemment, la facilité en high school et le modèle AAU ont pu empirer le tableau. Toujours est-il qu’il faudra faire ses preuves face à des attaquants d’un tout autre niveau. Surtout que son potentiel compagnon de back-court, Damian Lillard, ne s’occupera pas des meilleurs défenseurs adverses pour le soulager. Loin s’en faut.
En 59e position, les Trail Blazers ont ensuite récupéré Jabari Walker qui devra faire face à une forte compétition sur les ailes, tandis qu’ils ont récupéré Jared Rhoden, un arrière sorti non drafté. Idem pour Isaiah Miller, meneur de poche sorti non drafté en 2021 qui pourrait connaître sa première expérience en NBA.
Des signatures pour apporter de la défense ?
La trade deadline fut l’occasion pour Portland de préparer l’avenir. Faisant les Playoffs année après année en dépit d’une défense calamiteuse (l’équipe a fini plusieurs fois entre 26e et 30e au defensive rating), il ne faisait nul doute que Portland avait une évidence à gérer pour rêver mieux. Pourtant, les arrivées de Robert Covington, Larry Nance Jr ou Norman Powell n’y ont rien changé.
La table-rase de l’an passé fut l’occasion de se positionner sur d’autres profils défensifs pour s’offrir un nouveau cycle. Josh Hart est arrivé dans l’échange pour CJ McCollum, Keon Johnson intrigue en la matière et Justise Winslow, s’il reste en forme peut également contribuer dans ce compartiment. Cela reste toutefois bien trop léger et c’est pourquoi la franchise est allée chercher Jerami Grant.
Spécialiste défensif à OKC puis à Denver, l’ailier a cherché à se développer offensivement à Detroit. Toutefois, c’est cet ailier polyvalent, en plein pic physique et capable de défendre sur 3 à 4 postes que Portland cherchait pour son projet. L’arrivée de Gary Payton II est également un espoir majeur pour les dirigeants. Capable de changer la physionomie d’un match par séquence par son engagement défensif, le fils de The Glove est déjà le meilleur spécialiste de l’équipe sur les lignes arrières (et probablement le seul). Pas de trop quand il faut cacher Lillard en défense.
Dans l’espoir de retrouver un Jusuf Nurkic plus fringuant physiquement cette saison et avec quelques joueurs de rotation comme Greg Brown III ou Devontae Cook, la franchise attendra que Chauncey Billups fasse mieux que son prédécesseur en proposant un véritable schéma défensif et en faisant passer le message auprès d’un groupe qui ne sera pas gangréné par les mauvaises habitudes. Le pari reste toutefois de taille, les profils défensifs ne sont pas légions et plusieurs joueurs sont connus pour leurs déclarations de début de saison, suivies d’un investissement calamiteux de ce côté du terrain.
Faire pire paraît néanmoins impossible, et ça, c’est déjà une bonne nouvelle.
Focus sur la saison 2022-23 des Trail Blazers
Lorsque Damian Lillard a arrêté sa saison l’an passé pour se faire soigner d’une blessure trop handicapante, il avait une longue expérience avec l’essentiel des joueurs de l’effectif. Lorsque la saison reprendra, il n’aura une expérience préalable qu’avec Jusuf Nurkic, Anfernee Simons et Nassir Little. Autrement dit, alors qu’il va jouer sa première vrai saison sous les ordre de Chauncey Billups, il aura à ses côtés un groupe complètement renouvelé. Mais alors quels seront les éléments à surveiller cette saison ?
Quel Jerami Grant est venu à Portland ?
L’échange mené par Joe Cronin avec Detroit pour récupérer Jerami Grant est sur le papier une vraie belle surprise. Jerami Grant incarne une polyvalence redoutable à l’aile et peut prétendre au statut de meilleur défenseur de l’équipe. Son impact au Thunder fut tellement sans bavure que Denver en fit l’acquisition dans le but de remplacer Paul Millsap. Pourtant, après une seule saison aux Nuggets, et alors que l’équipe sortait d’une finale de conférence, le joueur a préféré prendre le même contrat dans une équipe débutant une phase de reconstruction. L’objectif ? Devenir la première option offensive.
Si cette petite aparté peut paraître étrange, elle est pourtant cruciale pour la saison de Portland. Si Jerami Grant n’a pas abandonné sa lubie de devenir une star offensive, alors la franchise a un problème. Certes les choses sont ouvertes derrière Damian Lillard pour s’imposer comme une seconde option offensive. Mais devenir une attaque élite, condition indispensable au succès de Portland, et avoir Jerami Grant appelant son propre numéro en isolation compliquerait singulièrement la saison des Blazers. Pour illustration, le PSA (points par tir tenté) proposé par cleaning the glass. Sur ses deux saisons à Detroit, Grant a eu tout le loisir de shooter à volonté. Là où il était un attaquant d’une efficacité supérieure à la moyenne lorsqu’il était un role player de bonnes équipes (OKC & Denver), il devient un scoreur très inférieur à la moyenne lorsqu’il augmente son volume et devient une option majeure.
De facto, si Portland arrive à lui faire trouver un juste milieu et qu’il apporte sa polyvalence défensive à l’équipe, alors son transfert est une réussite quasiment acquise. En revanche, s’il continue de croire en son potentiel de star, alors l’équipe a certes un bon défenseur, mais également un attaquant peu efficace avec une vision de jeu douteuse qui va diminuer son potentiel offensif.
Damian Lillard : nouveau coach, nouvelle mentalité ?
Qui dit nouveau coach, dit, parfois, nouveau style de jeu. La question se pose forcément ici puisque le jeu offensif des Portland Trail Blazers s’est avéré être un modèle d’extrémisme dans la philosophie prônée. En effet, alors que les Rockets de D’antoni ont souvent été pointés du doigt pour l’abus de situations d’isolations, ils avaient pourtant un concurrent encore plus adepte de ce modèle : Portland. Depuis 2015, Lillard n’a jamais eu un USG% en dessous des 32,5% et ce alors que son compagnon de back-court, CJ McCollum était lui aussi particulièrement gourmand avec la balle. L’essentiel du temps de possession était grignoté par ce duo et Portland était généralement l’équipe qui faisait le moins de passe en NBA.
Si ce modèle peut paraître contre-productif dans sa description, il convient de réaliser que pourtant, Portland était une attaque élite et se mêlait chaque saison à la lutte pour l’avantage du terrain malgré une défense désastreuse.
Dès lors, une question se pose pour Chauncey Billups : doit-il fondamentalement reprendre le système offensif de son prédécesseur ou chercher à responsabiliser d’avantage les 5 joueurs sur le terrain ? Sur le papier,même si McCollum n’est plus là, on sait que Lillard ne rechignera pas à porter encore plus de ballons, et puis au besoin, Anfernee Simons se développe de plus en plus et pourrait reprendre le rôle offensif de McCollum. Jusuf Nurkic est toujours présent pour apporter quelques séquences poste haut, comme avec son prédécesseur.
Toutefois, les arrivées d’un Josh Hart particulièrement impressionnant dans son court démarrage avec Portland, alliant volume, création et efficacité et celle de Jerami Grant désireux d’être plus qu’un rôle player laissent supposer que les Trail Blazers voudront faire évoluer leur jeu offensif.
Ainsi, si Billups venait à chercher à révolutionner le système de jeu de l’équipe… Quel serait l’impact pour Damian Lillard qui est devenu une superstar dans un modèle construit autour de ces spécificités ?
Un banc… léger ?
Nous évoquions juste au-dessus la possibilité de voir Anfernee Simons reprendre le rôle de McCollum dans un système offensif proche de celui de Terry Stotts. Pourtant, difficile d’imaginer les Trail Blazers titulariser Simons et ce pour deux raisons. La première, l’équipe cherchera probablement à équilibrer attaque et défense et en la matière, le coach des Trail Blazers pourrait y préférer Gary Payton II ou le potentiel physique de Shaedon Sharpe selon ce qu’il produit au training camp et en pré-saison. Deuxièmement, et c’est probablement la principale raison : parce que le banc aura besoin de création au relais de Lillard. Et c’est là que le bas blesse, sans Anfernee, le banc va manquer de menaces offensives : ou tout du moins de création pour autrui.
Dès lors, positionner Simons en leader du banc devrait permettre de lui donner beaucoup de libertés offensivement et de tirer profit de joueurs qui peuvent sanctionner les errances.
Par ailleurs, si Billups cherchait à vraiment bâtir une défense supérieure à la moyenne et préférait se passer de Sharpe dans le 5 au profit de Payton II, alors le duo Simons – Sharpe pourrait parfaitement suffire à apporter le niveau de création offensive du banc. Autour, des joueurs comme Winslow, Little ou Brown III, devraient alors représenter suffisamment de menaces pour posséder un niveau offensif correct.
Ainsi, même si Portland a remanié son effectif à la hâte, que le banc peut éventuellement manquer de profondeur sur certains postes (pivot, par exemple), il est globalement plutôt riche en options compte tenu du contexte. Reste à faire les bons choix quant à la rotation : qui démarrera les matchs pour avoir une second unit satisfaisante (tout du moins sur le papier)? De quoi donner une responsabilité important à Simons, même en cas de retour sur le banc après une année de liberté.
Qu’est-ce qu’on veut voir cette saison ?
Toute la complexité pour juger la réussite de cette saison est de se mettre dans la peau de la franchise. A l’origine, ce remaniement d’effectif avait pour objectif d’offrir à Lillard une équipe plus compétitive que celle de 2020-2021. Une équipe dont on connaissait les qualités mais aussi l’évident plafond. Or, ce groupe jouait systématiquement les Playoffs et prétendait souvent à l’avantage du terrain. Le problème étant, qu’ils figuraient rarement en réels favoris une fois le tableau de Playoffs connu.
La question est désormais la suivante : quel temps s’est donné la franchise ? Est-ce que Portland entend être meilleur que ce qu’ils étaient sur la période 2019-2021 dès maintenant, ou pas ? Si oui, difficile de voir dans ce groupe un groupe franchement plus ambitieux que celui des saisons précédentes. Pour autant, il est possiblement plus équilibré : de quoi espérer mieux s’adapter à la post-saison ?
Dans le fond de jeu, il y a en revanche des attentes claires pour cette équipe. En premier lieu, cesser de figurer parmi les pires défenses NBA. Prétendre à un defensive rating autour de la 15e place serait un progrès certain pour cette équipe. Dans un second temps, construire une attaque qui soit moins dépendante de son leader. Damian Lillard est capable de performances individuelles absolument stratosphériques. Néanmoins, cela rend son équipe plus facile à limiter une fois les joutes de post-saison ouvertes. Surtout pour celles qui possèdent le matériel sur les lignes extérieures. Sans compter que les années passent (32 ans pour le meneur) et que maintenir ce rythme de croisière pourrait se compliquer. Enfin, et c’est commun à beaucoup d’équipes, mais compte tenu des ambitions actuelles de cet effectif et des limites en termes de cap qu’elle connaît, le développement interne sera crucial.
Transformer Simons en joueur complet, développer Shaedon Sharpe dans l’espoir de trouver une star en devenir seront absolument indispensables pour viabiliser la relance du projet de Portland. Néanmoins, si une appréciation personnelle est de mise : cet effectif peut être très intéressant à suivre et les possibilités sur le plan basketball sont certaines. Et être fun à regarder est un projet tout à fait envisageable pour cette saison 2022-2023.