Plus de 2 ans que les Denver Nuggets attendaient ce moment. L’opportunité de démarrer une série de Playoffs avec une équipe compétitive autour de Nikola Jokic. Après 2 saisons marquées par l’absence de Jamal Murray et un groupe souvent sujet aux blessures “au mauvais moment”, l’heure à enfin sonné.
La saison était une course de fond pour la franchise qui devait réintégrer Jamal Murray, Michael Porter Jr et plusieurs joueurs de rotation : Kentavious Cadwell Pope, Bruce Brown ou encore le rookie Christian Braun. A ce titre, la saison s’est bien passée. Mieux que prévu à vrai dire, puisque l’équipe a pu remettre sur pied ses joueurs, intégrer les nouveaux et se permettre un load management bienvenu tout en sécurisant la première place de la conférence Ouest.
Après deux campagnes de Playoffs gâchées par les absences, les Nuggets devront assurer au premier tour face aux Minnesota Timberwolves, les mêmes qui en les éliminant lors d’un match 82 de saison régulière, avaient poussé l’équipe à évoluer défensivement pour enfin devenir dignes d’être une équipe de Post-saison.
Au sortir d’une saison 2021-2022 prometteuse, les Timberwolves ont sorti l’artillerie lourde pour attirer Rudy Gobert et passer un véritable cap. L’échange était ambitieux et permettait sur le papier à Minnesota de franchir un cap défensivement sans pour autant perdre la puissance de feu de son trio Russell – Edwards – Towns. La saison fut pourtant compliquée, entre difficultés à trouver un équilibre entre attaque et défense, une avalanche d’absences dont celle – longue durée – de Karl Anthony Towns et un Anthony Edwards mis en difficulté par la différence de profil entre Gobert au poste de pivot versus Towns au poste de pivot.
Résultat, les Wolves, pourtant bien armés ne finissent que 8eme de la conférence Ouest et ont été obligés de passer par deux matchs de Playin pour finalement arracher ce spot 8. Avec des jambes sûrement un peu fatiguées, ils ont néanmoins l’opportunité de jouer une série complète pour la 2eme année consécutive.
Les Wolves peuvent-ils appuyer sur la faiblesse défensive des Nuggets ?
Denver termine la saison avec le 15eme defensive rating de la ligue. Autrement dit, une défense dans la moyenne, qui pose la question pour le leader de la conférence Ouest de leur capacité à avoir de grandes ambitions avec une équipe qui peine à s’imposer comme une top défense. Si l’on doit parler de la défense des Nuggets, ce qui ressort en premier lieu est l’instabilité de cette dernière au cours de la saison. Calamiteuse au premier mois de compétition, elle est devenue, après une montée en régime sur le mois de décembre, une des meilleures défenses de la ligue en janvier-février et une équipe qui se gère en fin d’exercice.
Autrement dit, on n’a pas d’idée claire d’où se trouve, au mois d’avril, le réel niveau défensif de cette équipe. En revanche, une chose est claire quant au profil de ce groupe : il est bon pour contester le tir à 3 points, à mi-distance, beaucoup moins pour protéger sa raquette.
Rappelons que la plus grande trouvaille de la fin des 2010s-début des des 2020s, c’est qu’en pleine explosion du tir à 3 points, la zone la plus importante à défendre est pourtant bien sa peinture. Et c’est là que le bas blesse pour Denver, ils n’ont pas en Nikola Jokic un joueur capable d’apporter une dissuasion au cercle. Même lorsqu’il est bien positionné.
Tout d’abord en raison de son manque évident de verticalité. Ensuite parce qu’il est si crucial pour le système de jeu de son équipe qu’il maîtrise son nombre de fautes. Enfin, parce qu’il est souvent bien placé, mais que ses lectures des systèmes de jeu ne sont pas aussi affûtés qu’en attaque.
Si le jeu plus rugueux et l’arbitrage plus permissif des Playoffs pourraient aider les Nuggets à mieux défendre près du cercle, toujours est-il que c’est une véritable opportunité pour les Wolves.
En effet, les Nuggets ne sont “que” la 13eme équipe en nombre de tirs pris par l’adversaire dans la restricted area. Fondamentalement, c’est moins que la moyenne, mais ce n’est pas catastrophique. Là où le bat blesse, c’est que c’est l’un des 3 pourcentages au tir les plus élevés abandonnés à l’adversaire : 70,4% !
Anthony Edwards en métronome ?
La première chose qui vient en tête lorsqu’on pense à une défense poreuse dans la raquette : qui peut attaquer sans relâche la restricted area ? Côté Wolves, naturellement, on pense à un arrière, très attiré par l’attaque du cercle : Anthony Edwards.
Justement, qu’en est-il vraiment ?
La saison 2021-2022 a été une référence pour les Wolves. L’équipe semblait enfin compléter le Puzzle. Ils se trouvaient enfin en défense et continuaient d’être une attaque solide. Il faut dire qu’Edwards et Towns proposent un duo extrêmement complémentaire. D’un côté, un arrière qui s’appuie sur deux armes : ses capacités athlétiques pour attaquer le cercle et un tir à 3 points efficace. De l’autre, un pivot qui aime vivre au large, faisant de Towns un des meilleurs intérieurs shooteurs que ce jeu est connu. Par ailleurs, ses qualités athlétiques lui ont permis, au fil de temps, de mettre son rapide premier pas à contribution pour enchaîner les drives, comme nous en parlions dans ce thread :
Cet équilibre a cependant pu être mis en danger par l’arrivée de Rudy Gobert. Ce pivot beaucoup plus classique, vivant près du cercle, a tendance à stationner beaucoup plus proche du cercle pour peser au rebond offensif, ou profiter des mouvements de balle pour finir au cercle, ce qui a contrarié ses habitudes. Problème, cela signifie une raquette plus remplie que lorsque Towns vivait derrière la ligne des 3pts. Cela n’a pas manqué de frustrer l’arrière en début de saison et d’inquiéter la franchise. D’autant que ce dernier semblait plus costaud et moins aérien que pendant ses 2 premières saisons. Le problème devenait d’autant plus inquiétant que Towns allait manquer l’essentiel de la saison régulière (29 matchs joués seulement cette saison).
Alors qu’en est-il ?
En réalité, le problème était plus de l’ordre de l’impression visuelle que de ce qui se confirme dans les chiffres au long cours :
- Edwards a pris 33,4% de ses tirs au cercle cette saison. C’est 1,2% de plus que l’année passée.
- Edwards a scoré à 1,27 point par tir pris au cercle cette saison. C’est très légèrement mieux que l’année passée 1,25.
A vrai dire Edwards, est le 9eme joueur de la ligue prenant le plus de tir dans cette zone, 3eme chez les arrières. Une véritable clé pour les Nuggets sera donc de le limiter dans ce compartiment. La “bonne nouvelle”, c’est qu’il ne fait pas partie des esthètes du genre en termes de réussite, qui se situent au-dessus des 67-70% chez l’élite des arrières-ailiers. Edwards se trouve lui à 63,4% au tir.
Pour autant, la capacité à créer des lignes de drives nettes pour l’arrière sera capitale pour Chris Finch et son staff. Son association offensive avec Karl Anthony-Towns sera probablement maximisée et constitue un réel enjeu de la série pour débloquer une attaque qui a laissé perplexe cette saison (21eme offensive rating).
Les Nuggets ont-ils le matériel pour le ralentir ?
Si vous avez suivi les Nuggets ces dernières saisons, vous le savez, un des grands enjeux de cette intersaison était d’enfin retrouver une défense sur les lignes arrières. Car si nous discutons maintenant de leur défense poreuse sous l’arceau, longtemps, le problème majeur avait été les pourcentages indécents autorisés aux arrières adverses. Le point d’orgue aura été évidemment la saison passée, où l’équipe, arrivée très diminuée, avait dû faire face au trio Stephen Curry – Klay Thompson – Jordan Poole, qui avaient tous déroulé une adresse historique en carrière opposés aux Facundo Campazzo, Austin Rivers, Monte Morris, Will Barton qui constituaient alors l’équipe.
Cet été toutefois, les Nuggets ont traité le problème et possèdent un effectif bien plus rugueux sur les lignes arrières : Kentavious Cadwell Pope, Bruce Brown, Christian Braun et potentiellement Peyton Watson sont venus apporter de gros potentiels défensifs. La cible pour les Wolves sera évidemment de mettre Jamal Murray face à leur arrière, impliquer Jamal dans du pick&roll / pop. Néanmoins, même ce dernier représente une amélioration après deux saisons d’absence. Il est en effet capable de bonnes séquences et possède surtout un physique plus avantageux que Monte Morris : plus d’envergure, plus de poids à opposer à Edwards et ses 102 kgs.
L’autre joueur à protéger sera Michael Porter Jr, qui, en dépit de réels progrès défensifs, n’aura pas la mobilité latérale pour suivre Edwards. Toutefois, les options existent. Et c’est déjà un réel changement pour la franchise des rocheuses : défendre n’est pas encore gagné, mais c’est une sérieuse possibilité.
Et la bataille des possessions là-dedans ?
Avec deux intérieurs sur le terrain, les Wolves représentent-ils un danger pour les Nuggets ? C’est un peu la question qu’il est naturel de se poser, d’autant que Denver évolue avec Aaron Gordon, qui devrait souffrir de son manque de taille en défense sur Towns. A ce niveau-là, peu de certitudes, néanmoins, même en prenant uniquement les derniers matchs de la saison, en la présence de Towns, les Wolves ne sont pas particulièrement bons au rebond.
Ils font partie des équipes qui perdent cette bataille : 49,7% au pourcentage de rebonds captés par match. A l’inverse, les Nuggets sont depuis plusieurs saisons intraitables dans ce compartiment du jeu. 4eme au nombre de rebonds captés, ils sont excellents pour protéger leur rebond. A priori, Minnesota ne devrait pas gagner la bataille des secondes possessions et n’a pas grand moyen de se rattraper sur les pertes de balles, car même si les Nuggets sont dispendieux, les Wolves sont eux-mêmes pires (23eme vs 25eme au TOV%).
Quel niveau défensif pour les Wolves ?
En résumé, les Wolves vont devoir attaquer sans relâche la raquette adverse et tenter d’impliquer Nikola Jokic. L’autre objectif étant de la fatiguer (voire de le mettre en difficulté avec les fautes) car il y aura fort à faire de l’autre côté du terrain pour espérer faire un coup dans cette série. Alors dans les faits, le problème de cette équipe n’est pas la défense. 10eme defensive rating, les Wolves ont surtout pêché en attaque, pâtissant de l’absence de KAT. Cependant, cela voulait aussi dire une organisation défensive complètement différente.
Or en face, les Nuggets trônent avec le 5eme offensive de la ligue, le tout en s’étant permis un load management qui a largement entaché leur positionnement. L’équipe, quand Nikola Jokic est sur le terrain est toujours aussi fluide en attaque et s’avère très dure à maîtriser avec la palanquée d’excellents shooteurs autour de lui, présentant la 4eme adresse à longue distance cette saison.
En prime, le jeu de passe et la présence de quelques joueurs assez mésestimés dans l’attaque du cercle en font une équipe qui met une grosse pression sur la raquette adverse. Et pour ne pas aider, l’USG% de Jokic (en somme, la part de ses actions se terminant par un tir, des lancers ou une perte de balle) à tendance à augmenter une fois en post-saison.
…Et on parle encore une fois d’une saison historique en adresse pour le serbe :
Des armes à opposer à Nikola Jokic ?
Toutefois, les Wolves ont une bonne nouvelle : ils ont désormais Rudy Gobert à opposer aux meilleurs pivots adverses. Là où Towns est un défenseur parfois graveleux au poste, qui a tendance à être naïf, à manquer de patience et à faire beaucoup de fautes, Chris Finch possède désormais un joueur 3 fois défenseur de l’année au centre de sa raquette. Alors dans les faits, ça a donné quoi les affrontements entre les deux ?
Dans un article de l’an passé consacré à Rudy Gobert, nous mettions en avant la faculté du pivot français à limiter les meilleurs pivots adverses. Une exception existait néanmoins… Nikola Jokic. Sur les 9 derniers affrontements de saison régulière entre les deux joueurs, Jokic tournait à 29,9pts à 61,7% au tir, 12,8bds et 8,3asts. Le jeu du Serbe, vivant beaucoup au large et son jeu au poste extrêmement fourni posent généralement beaucoup de problèmes au français.
Cette saison, dans 3 matchs face aux Wolves, Jokic a d’ailleurs tourné à 25pts (60% au tir), 10rbds, 12,7asts. Son équipe affichait +17pts quand il était sur le terrain.
Autrement dit, il risque d’être difficile de proposer un plan anti-Jokic. Il est plus probable que le salut de l’équipe passe par un bon travail sur ses coéquipiers, et un classique face aux Nuggets : gagner les minutes où Jokic est sur le banc (Denver possédant, une fois n’est pas coutume, un des bancs les plus déficitaires de la ligue, malgré pourtant de solides options pour Mike Malone… Oui Mike, nous ne sommes pas dupes).
Quid de la défense sur les extérieurs ?
Car oui, cette saison les Nuggets possèdent beaucoup plus d’options : Jamal Murray de retour, Michael Porter Jr de retour, l’ajout d’un shooteur élite avec Cadwell Pope et une défense qui doit aussi faire avec le jeu discret, mais efficace, d’Aaron Gordon. Si le dernier a baissé en régime depuis sa blessure autour de la trade deadline, il n’en est pas de même pour Murray et Porter Jr. Le premier sort d’une saison, en définitive, plutôt solide, avec de véritables coups de chaud, le second a été létal au shooting toute la saison et son tir à 3 points est un véritable danger.
Les Wolves en ont ait l’expérience, il a shooté à 40% à 3pts face à eux cette saison pour 6,3 tentatives par rencontre.
En résumé, tout le monde peut shooter chez les Nuggets, il va falloir gérer le 2 men-game entre Jamal Murray et Nikola Jokic qui tend à s’intensifier une fois en Playoffs, Cadwell Pope est un danger au tir, Porter Jr aussi et le seul joueur sur qui il est possible de tenter une impasse (dans le 5) est Aaron Gordon.
Une blessure est par ailleurs venue compliquer le tableau pour les Wolves. En effet, Jaden McDaniels s’est blessé sur un coup de sang dans le dernier match de la saison régulière, l’équipe perdant ainsi son meilleur défenseur extérieur. Ce dernier aurait pu être assigné à des missions sur Murray ou Porter Jr. Les Wolves vont malheureusement devoir se passer de ce dernier.
Si Mike Conley (venu remplacer D’angelo Russell, il était temps de le mentionner), Edwards ou Kyle Anderson ne sont pas des défenseurs en reste, les Wolves perdent en profondeur et pourraient manquer de jus, alors qu’ils ont bataillé pour se qualifier en Playoffs.
Denver : le risque d’un retard à l’allumage ?
En sécurisant assez tôt leur première place, les Nuggets se sont offerts le luxe de rester loin des blessures en mettant les titulaires au placard. Si nous les avons revus contre les Rockets ou le Jazz, le niveau d’implication semblait moindre. Et il faut remonter à la fin mars pour retrouver un match dans lequel les titulaires ont joué tous ensemble et à leur plein potentiel.
Ce fut toutefois l’occasion de tester de nouvelles rotations, de nouveaux joueurs et même de découvrir la belle surprise de ces dernières semaines : Peyton Watson.
Néanmoins, Denver a peu sorti ses titulaires ces dernières semaines et dans ce cas, une inquiétude perdure toujours : est-ce que l’équipe sera toujours en rythme durant les premiers matchs de la série ?
Il n’y a jamais de certitudes dans ce registre, mais on remarque que parfois, les équipes sorties de Playin peuvent surprendre l’adversaire dans les premiers matchs d’une série car elles sont plus en rythme. L’exemple des Pelicans, face aux Suns l’an passé fut parlant.
Qu’attendre de la série ?
Les Wolves arrivent avec des absents, plus de fatigue et moins de certitudes dans cette série. Pour autant, ils ont du talent offensif et de la taille à opposer aux Nuggets. Est-ce que cela devrait suffire ? A priori, non, mais ils auront en tout cas l’opportunité de tenter crânement leur chance, ne risquant pas d’avoir de regrets. Les absences de Naz Reid et Jaden McDaniels sont toutefois assez notables pour la profondeur de l’équipe, ils ne semblent toujours pas avoir trouvé un réel équilibre entre attaque et défense et ne pourront pas se permettre d’être aussi friables que face aux Lakers, en Playin.
En face, les Nuggets sont l’une des deux meilleures équipes de la ligue face aux adversaires du Top 10 (2eme meilleur net rating), sont solides dans le clutch (22 victoires, 15 défaites, 5eme % de la ligue) et si quelques joueurs ne sont pas à 100%, ils sont au complet. C’est un grand test pour eux après deux campagnes de Playoffs tronquées – et ce que j’essaie de dire ici : c’est qu’ils ont été bons quand il fallait être sérieux. S’ils gardent la tête froide, les Nuggets doivent se départir, sans coup férir, des Wolves.
Mais gare à la suffisance.
Probabilités de victoires :
Denver Nuggets : 90%
Minnesota Timberwolves : 10%