Deux semaines et demi au coeur d’un Eurobasket de haut niveau qui fut un réel plaisir à regarder, l’heure est au bilan : une compétition sans merci, remportée par l’Allemagne, évidemment. Une compétition durant laquelle la France a livré une prestation qui reste identique à celles de 2015, 2017 et 2022 : incomplète. Mais rassurez-vous, tout n’est pas sombre dans ce tableau et alors que la prochaine compétititon masculine sera dans deux années au Qatar (ce grand pays de basket…), il est tant de faire le point.
Deutsche Qualität
Mais revenons sur l’essentiel : on s’est encore gavé de bon basket et de suspense en cette fin d’été. En 2022, on vous faisait le bilan d’un Eurobasket digne d’un thriller, dans lequel personne n’était en sécurité : la Serbie ? Terrassée par l’Italie en huitième, la Slovénie ? Surprise par la Pologne, la Turquie ? Petrifiée par la France, l’Allemagne ? Tombé face à l’ogre espagnol. Et en 2025 ? La Serbie a sombré, encore, la France a buté et même l’Espagne a chuté, dès les phases de poules. Encore plus excitant: de nouvelles Nations arrivent ou reviennent sur le devant de la scène : la Turquie, la Finlande, la Lituanie, la Grèce et bien sûr cette surprenante équipe géorgienne. Les leaders ont été au rendez-vous : Dennis Schröder étincellant, Giannis Antetokounmpo dominant, Lauri Markannen jordanesque et Luka Doncic clairement sur une autre planète. Non vraiment, c’était du basket, et du beau basket.
Et quand ça n’était pas le basket de haut niveau, c’était le plaisir de voir quelques petits exploits, quelques retours en grâce : la Turquie, la Lituanie, la Pologne et les surprenant portuguais qui ont gagné leur premier match en Eurobasket depuis 18 ans. Même la Grande-Bretagne qui a gagné un match !
Et notre champion n’a pas manqué à l’appel du Qualität-Basketball, au point d’avoir roulé sur la compétition, presque sans stress…au point même de se demander si l’Allemagne pouvaient être battue par qui que ce soit. D’ailleurs, en bon germanophone qu’on est, on s’est permis d’écouter quelques podcast d’Outre-Rhin pendant la quinzaine, et leur constat était clair « on s’est vraiment fait chier au premier tour » clame un des deux podcaster de la chaîne youtube allemande nommé… »Trashtalk ». Et au second ? Oh…un semblant de doute face au Portugal, un match tendu mais géré face à un Doncic en flammes, une demi finale tout autant gérée face à des Finlandais qui n’ont pas voulu lâcher le morceau.
Une finale pour les livres d’histoire
Rarement on aura vu une finale d’Eurobasket avec un niveau aussi élevé. France-Espagne était une finale sans réelle opposition, Serbie-Slovénie était, malgré le suspense, un match plombé de blessures… mais ce Turquie-Allemagne était un affrontement pour les livres d’histoire, avec un public acquis à la cause turque, espérant entrer dans le précieux cercle des vainqueurs d’Eurobasket. Et on n’a pas été déçu : le départ en trombe des turcs, la remontée allemande, l’adresse d’Osman et de Bonga à trois points (100% pour l’Allemand !) le duel Larkin vs Schröder, deux hommes qui ont tout donner avec des appuis qui auraient brisé les genoux de plus d’un basketteur. Chaque passe était un défis, chaque contre-attaque était défendue ardemment. La bataille au rebond pour Obst, Osman, Sengun, Thiemann, Theis. Côté presse allemande, la Tageschau avait des étoiles dans les yeux et titrait « qu’importe qui l’emporte…ces deux équipes sont magnifiques ». Mais au bout du suspense, Schröder sort le pannier à mi-distance pour placer l’Allemagne en position favorable à une minute de la fin. Nous, devant notre télé, on aurait aimé que ce match dure encore trois quart-temps de plus, mais le shoot de Sengun pour tenter l’égalisation semblait un peu trop précipité. Médaille d’argent pour une Turquie et ces « Twelve tall men » qui nous auront fait aimer regarder le basket.
Mais ce sont les champions du monde allemands et leur génération dorée qui réussit à marquer l’histoire et remporte l’Eurobasket 2025. Avec la Serbie éliminée, ce sacre était, pour nous, quasiment assuré depuis une semaine. La génération Schröder efface celle de Nowitski, et l’Allemagne, avec son titre de 1993, entre dans un cercle très fermé, celui des multiples vainqueurs d’Eurobasket. En 2025, les deux Nations ayant remporté respectivement 14 et 8 titres européens n’existent plus depuis 20 à 30 années. Seule l’Espagne se distingue avec ses quatre titres et la Lituanie, avec trois titres, reste haute, mais ensuite, c’est bien la Grèce, l’Italie et…l’Allemagne qui possèdent désormais deux couronnes européennes. Mais l »Allemagne entre aussi dans un club très très fermé de double-champions monde-Europe, dont seul l’URSS, la Yougoslavie et l’Espagne étaient membres jusqu’ici.
Rendez-vous dans quatre ans, pour un Eurobasket qui s’annonce épique car il se jouera en Grèce, en Estonie, en Slovénie et en Espagne avec une finale prévue à… Santiago Bernabeu.
La surprise finlandaise… ou pas !
Evidemment l’émotion de cet Eurobasket aura été la Finlande et son incroyable parcours jusqu’en demi-finale. On s’est tous pris d’amour pour cette équipe sortie de nul part…mais en fait pas du tout. La Finlande, c’est une équipe compétitive depuis près de huit ans. A vrai dire, c’est face à la France, en 2017, chez elle à Helsinki, que la Finlande s’est révélée à la planète basket en nous battant en prolongation, devant nos yeux franchouillards ébais. Durant cet Euro, la bande du jeune Markkannen avait alors déjà atteind les huitièmes de finale de l’Eurobasket. QIBasket s’était rendu à Helsinki et on avait pu voir dans les fanzones de la ville et dans la salle, que le public était à la hauteur de son équipe qui va terminer sur un 4-1 en phase de poule, ne perdant que sur le fil face au futur champion Slovène. Markkanen avait déjà enchaîné les cartons, à 24, 25, 27 pions…Les Loups tomberont contre l’Italie en huitième. Mais en 2022, la Finlande est encore bien là, Markkanen tape un carton à 43 points et la Finlande arrive en quart de finale pour ne perdre que de 10 petites unités face à l’Espagne. Alors la Finlande, surprise du chef ? Non, au contraire, les Loups ne sont pas là par hasard et la génération de talents qui s’est révélée pendant ce tournoi laisse penser que nous allons revoir cette équipe au haut niveau…attention la France, car la Finlande sera dans notre groupe de qualification au mondial.
La Serbie, faut qu’on en parle
Quoi qu’on pourra dire sur la France, et on y vient ci-dessous, il faut s’arrêter sur la Serbie. Héritière désignée de la grande, très grande Yougoslavie, le pays de Jokic, malgré des armadas qui pululent de talents, de QI basket et de maturité ne parvient pas, non seulement à gagner, mais à éviter les désastres. Quand la Serbie ne perd pas en finale, elle s’échoue spectaculairement. On peut lancer le débat de quelle équipe vit les moments les plus difficiles : l’Espagne traverse-t-elle le creux d’une vague ? La France va-t-elle enfin avoir le niveau qu’elle prétend ? La Slovénie peut-elle réussir quelque chose depuis 2017 ? La grande Lituanie appartient-elle au passé ? Aucun de ces débats ne pourra aller au niveau de ce qu’est devenu la Serbie aujourd’hui. L’échec contre la Finlande, on peut dire qu’il est inattendu, spectaculaire, mais il est surtout la plus grosse faute professionnelle de cet Eurobasket et peut-être même de la décennie. C’est d’autant plus grave, que l’équipe avait déjà en tête la leçon du précédent Eurobasket et de leur improbable chute contre l’Italie dès les huitièmes. Le bilan serbe depuis le titre mondial de la Yougoslavie en 2002, c’est cinq finales perdues, une élimination à la maison au premier tour, trois demi-finales, dont celle de Paris où la Serbie prend jusqu’à 17 points d’avance sur Team USA. Devant ce bilan on se dit que c’est bien le supporter serbe qui est aujourd’hui l’amoureux du basket au coeur brisé. Mais au-delà de l’émotion, la situation est remarquablement préoccupante.
Incomplète France, la seule constante
Passons à nos bleus. Et autant en juin avec les filles, on pouvait tirer des enseignement clairs, identifier les limites, les erreurs et la phylosophie. Mais là, on ne peut pas se permettre de sortir l’artillerie non plus. Qu’est-ce qu’on peut retenir de cet Eurobasket ? Est-ce qu’on peut être satisfait ? Déçu ? Alarmé ? Malgré de bonnes choses, on a vu des constantes, des constantes qui persistent : une nouvelle campagne remplie d’absences, et des défaut qui sonnent très basiques.
Oui, cette élimination est une déception, en deça de ce que nous espérions. Mais on doit être honnête : nouveau coach, nouveau groupe, nouveau style de jeu, nouveaux leader, bref…on doit bien commencer quelque part. Les absents étaient très nombreux, avant et pendant la compétition. Tout cela était du fait de blessures avant tout, on n’y peut rien, nos idoles sont des humains et eux-aussi devaient être plus que frustrés de ne pas être sur le terrain, notamment Vincent Poirier qui devait suivre une deuxième campagne de suite depuis l’infirmerie.
On peut se féliciter d’une entrée en compétition certes poussive, mais réussie face à la Belgique, là ou la génération précédente avait piteusement commencé contre l’Allemagne en 2022, contre le Canada en 2023 et même contre le Brésil l’an passé à Paris. On peut se féliciter d’une victoire référence face à la Slovénie, d’une victoire très très sereine contre l’Islande et aussi de la victoire contre la Pologne – première victoire contre un pays hôte depuis 8 ans ! Et dans le fond ? On conserve une équipe de France qui sait imposer une défense individuelle intense, provoquer les pertes de balles, on a vu un groupe capable de vivre offensivement sans les cadres historiques et on a même vu, oh doux seigneur, du jeu au poste bas et même un peu de séquence meneur de jeu. On aura apprécié voir des Sylvain Francisco, des Elie Okobo, prendre leurs responsabilités. On aura aussi apprécié, avant sa blessure, le travail de Sarr. Mam Jaiteh a enfin eu sa campagne en bleu et s’est distingué au poste-bas, la jolie découverte de Jaylen Hoard et bien entendu le match immense de Yabusele contre la Pologne. Enfin, on n’a pas forcément grand chose à dire sur le coaching : les temps morts et les rotations étaient, dans l’ensemble, plutôt logiques.
Mais on aura aussi vu des absences et des trous d’airs : Bilal Coulibaly, Théo Maledon, Zaccharie Risacher, Isaiah Cordinier n’ont pas apporté ce qu’on attendait d’eux, ce qu’on espérait d’eux. On a vu un money-time très, très, très mal géré contre Israël et la Géorgie. Dans le jeu, on a vu des difficultés qui semblaient surprendre: une défense de zone ? Notre attaque pâtit. Une défense sur la transition ? On ne sait plus aller au layup. Une feinte de shoot ? On saute. Et puis les fautes. En 2022, on était une équipe qui persistait à faire jusqu’à 25 pertes de balle par match, en 2025, on aura été une équipe qui n’aura jamais voulu régler ce problème de fautes.
Stephen Brun résumait sur First Team « la France joue mal au basket ». Et on ne peut pas s’empêcher de rester quelque peu surpris de voir que certaines choses basiques semblent manquer à la France. Il y a le basket des autres équipes, et puis il y a le nôtre. On a vu, avec la Géorgie, que nous battre ne semblait pas non plus exiger d’être un maître des échecs : faire de la zone, bloquer les transitions, quelques back-door, profiter des fautes…et voilà comment la Géorgie nous a assez simplement écarté de la compétition, sans trop forcer tactiquement. On a entendu des excuses qui semblent très françaises qu’on ne retrouve pas ailleurs : oui on peut parler de manque d’experience, mais ça ne semblait pas poser de soucis à la Finlande et Miikka Muurinen (18 ans), à l’Espagne qui donne ses responsabilités à Mario Saint-Supéry (19 ans). Oui on peut parler de nouveau coach, mais l’Allemagne a gagné un mondial sur un coach recruté un an et demi avant la compétition et fait le doublé avec Alex Mumbru, recruté il y a un an et finalement absent pour raison de santé et remplacé par son adjoint.
On reste donc sur un bilan mitigé, pas tout sombre, avec un groupe décimé et des options limitées. On a le ressenti d’une équipe de France qui se veut athlétique, mais qui bloque contre des effectifs qui misent sur le technique, un aspect qui commence à raisonner autant dans les podcast que chez nos formateurs. Et ce bilan, on peut le copier-coller sur 2022 et 2017…pendant ce temps, d’autres Nations saisissent leur chance.
Sortir les chiffres avant de passer à la suite :
- 10 : dix ans, une décennie, c’est ce qui sépare l’élimination de la France de cet Eurobasket face à la Géorgie du match France-Serbie à Lille en septembre 2015. Pourquoi citer ce match en particulier, ce match pour la médaille de bronze de l’Eurobasket 2015 chez nous ? Parce que c’est, à ce jour, le dernier match d’Eurobasket en date avec une équipe de France au complet : pas de blessés, pas d’absents. Un groupe que certains qualifiaient comme le meilleur groupe bleu de tous les temps : Westermann, Batum, Lauvergne, Kahudi, Parker, Fournier, Pietrus, De Colo, Diaw, Gelabale, Gobert et même Mam Jaiteh qui était déjà là. Et depuis ? Un Euro 2017 rempli de forfaits, sans Gobert, sans Batum, un Euro 2022 dans la même trempe. Dans quatre ans, feront-nous un effectif avec le meilleur du basket français, ou faudra-t-il encore composer avec ceux qui veulent bien venir ou non et ne parler que de ça durant la préparation ? Cela va sans dire, les blessés seront toujours excusés. Mais dix ans d’effectif incomplet, cela reste une frustration dans la seule compétition qui est réellement à notre portée. On gagera que notre seul titre de 2013 fut acquis avec un groupe plus qu’incomplet aussi…
- 0 : aucune médaille pour cet été pour la France. Les filles ont finie 4e en juin pour l’Euro féminin, les garçons stoppent en 8e. Même nos équipes de 3×3 ont échoué tout près des médailles en Mongolie pour le mondial 3×3 ou à Copenhague pour l’Euro. Un été sans la moindre médaille pour nos séniors. Un été sans médaille pour la France, cela n’était plus arrivé depuis 2016.
- 34 : aucune équipe de France (jeunes inclus) n’a été au-dessus des 34% à trois points de l’été et la moyenne des quatre compétitions jouées par les équipes de France sénior féminine, masculine, U19 et U20 masculines se fixe à… 28.1%. Les garçons ont fait 6/36 à 3 points lors de leur élimination contre la Géorgie; les filles à 5/30 contre l’Espagne en demi-finale en juin dernier. On remercie BasketSession ainsi que le compte twitter Jordan106 qui ont donné l’info.
- 5 : voilà cinq étés que l’équipe de France masculine enchaîne les compétitions, six, si on oublie le break du COVID. Et nous auront enfin un break. Alors quel bilan ? 2021 et Tokyo, magnifique, 2022 et l’Eurobasket en Allemagne, un cauchemar à regarder, malgré l’argent au cou; 2023 et le mondial, un échec cuisant; 2024 et les Jeux Olympiques, une réaction d’orgueil pour se sauver et entrer dans l’histoire; et puis 2025…une reconstruction quelque peu mal entamée. Le prochain rendez-vous sera dans deux ans, au Qatar, si les qualifications se passent bien. On aura alors tout le loisir de constater que cet Eurobasket aura été le début d’une transition…ou d’une régression.
Une nouvelle aventure de deux ans se dresse devant nous. A travers notre série « Carnet Bleu », QiBasket vous retrouve le 29 novembre prochain, pour l’ouverture des phases de qualification pour le Mondial 2027 !