Les Golden State Warriors et les Denver Nuggets ne s’étaient plus croisés en Playoffs depuis 2013. A l’époque, les Nuggets, favoris, avaient implosé face à un jeune backcourt décidément peu effrayé par l’enjeu. C’était le début de l’aventure pour Stephen Curry et Klay Thompson. 9 ans et 3 titres plus tard, les Warriors vont tenter de rester invaincus face à des Nuggets qui ont lutté toute la saison derrière Nikola Jokic.
Privés de leur 2e et 3e options offensives en l’absence de Jamal Murray et Michael Porter Jr, Denver a le statut du parfait outsider. Après une saison faite de bricolages incessants, ils se présentent maintenant pour tenter de jouer crânement leur chance. De quoi surprendre des Warriors bien moins en verve en seconde partie de saison ?
Voyons tout ça dans cette preview.
Isoler Nikola Jokic, la véritable réponse en 2022 ?
Toute la saison, Nikola Jokic a déroulé. Un basket à la fois capable d’impacter l’ensemble du répertoire offensif, tout en touchant des sommets d’efficacité surréalistes pour un joueur qui gère un tel nombre de ballons et surtout, prend un tel nombre de tirs.
Sur la période de mars-avril, soit les 21 derniers matchs de la saison, il a enregistré des moyennes effrayantes : 31,6pts, 13,7rbds, 7,5asts – le tout avec un True Shooting % de 68,5. Face à ce problème insoluble, plusieurs équipes ont fait le choix de se concentrer sur le point faible de Nikola Jokic : mais quel était-il ?
La saison ne fut pas de tout repos pour les hommes de Mike Malone. En plus des absences de Murray et Porter Jr. plusieurs joueurs y sont allés des leurs, et certains joueurs de rotations importants ont connu des absences. Lorsque PJ Dozier tombait, la saison commençait à sentir mauvais, d’autant que le banc était exsangue et le 5 de départ assez léger sur certains postes. Toute la saison, toutefois, Jokic a fait avec ce qu’on lui donnait et donc, vint inévitablement le moment où l’évidence apparut : l’inconsistance de ses coéquipiers était en fait son talon d’Achille.
Au sortir d’une défaite contre le Jazz, Nikola Jokic réalisait une sortie claire sur l’état d’esprit de ses adversaires au moment de les rencontrer :
“L’ensemble de la ligue sait que nous ne sommes pas capables de rentrer un tir.”
Et pour cause, à ce stade de la saison, Denver tourne à 34,5% à 3pts malgré les prises à deux sur le serbe. Les recrutements de Brynn Forbes, DeMarcus Cousins, la montée en chaleur de certains joueurs (dont l’inévitable rookie, Nah’shon “Bones” Hyland) et le retrait de la rotation de Facundo Campazzo permettront d’améliorer les moyennes.
Néanmoins, plusieurs équipes ont tenté, parfois avec grand succès, de laisser les Nuggets ouverts en se concentrant sur Jokic. Tandis que les Spurs, plus récemment, ont laissé le serbe marquer à volonté (se contentant de laisser un joueur, seul, se débrouiller), tout en resserrant la vis sur ses coéquipiers. Ces deux stratégies ont porté leurs fruits.
Dans un cas, l’objectif est de maintenir la pression sur Jokic tout en laissant ses coéquipiers face à leurs responsabilités. Dans l’autre cas, il s’agit de considérer qu’on ne peut gagner une rencontre seul. Dans tous les cas, on imagine bien Steve Kerr tenter des paris.
Cette saison, les Warriors ont poussé Jokic à ressortir à 26 reprises vers ses coéquipiers lorsqu’il était dans une position de post-ups. En résultent 24pts, soit 0,92 pts par tirs pris. Pour comparaison, cette saison, Jokic met 1,17pts par possession sur des post-ups.
Draymond Green au rapport
Que le choix soit fait d’isoler Jokic ou pas, il conviendra néanmoins de lui opposer la résistance la plus solide possible. Au moins sur l’homme.
James Wiseman fait finalement une saison blanche. Dès lors, le choix idoine pour défendre sur Nikola Jokic semble être Draymond Green. Choisir dans les moments clés du match de laisser ce dernier au poste 5 pour attaquer Jokic avec insistance de l’autre côté du terrain sera forcément tentant. Nonobstant, il convient d’opposer un schéma satisfaisant en défense, et c’est là que ce choix peut poser question.
Draymond se targue volontiers de pouvoir défendre sur le MVP 2021. Sauf que voilà, si Jokic peut être embêté par des défenseurs plus petits et agressifs, il n’en demeure pas moins que Green a désormais 32 ans, qu’il revient d’une absence assez longue due à un problème de dos et que les 15 centimètres qu’il rend au pivot peuvent être épuisants à compenser sur l’ensemble d’une série.
Alors oui, Green est un talent générationnel en défense et son équipe peut compter sur lui pour tenir chaque centimètre face à un talent générationnel offensif. Peut-être même que ses coéquipiers ne devront envoyer des aides que peu avant les moments où Jokic semblera prêt à déclencher ses tirs.
Mais qu’attendre exactement de Green compte tenu de la différence de taille avec le serbe ?
C’est là que les choses se compliquent. Malgré 4 rencontres entre les deux équipes, Draymond n’a pas joué de la saison contre Denver cette année. Dans ces conditions, il faut se pencher sur la saison précédente, où là aussi les clips se font rares. Sur le peu de temps que les deux joueurs ont passé face à face, 10 posts-ups se sont terminés par 6 paniers marqués pour Jokic. Si vous voulez les visionner, je vous laisse à ce Tweet d’Anthony Slater qui a compilé les séquences :
Les objectifs seront donc simples pour Green :
- Ne pas laisser Jokic prendre facilement des positions proches du panier et en tête de raquette sur des entry-pass
- Rendre chaque centimètre difficile à gagner
- Ne pas mordre sur les feintes et rester devant lui
- Le pousser à prendre des shoots à mi-distance et des fadeaways… Pas des tirs à bas pourcentages pour le pivot, mais le moins violent de ses poisons.
Faire au mieux en somme, en acceptant que ce sera insuffisant sans aide… Même pour lui.
Et qui d’autre ?
L’autre joueur amené à défendre sur le serbe sera sûrement Kevon Looney (par séquence, peut-être aussi Nemanja Bjelica). On ne demandera pas des miracles au pivot. Il s’agira surtout de rester face au Serbe, de ne pas hésiter à faire des fautes si la situation l’impose, pour l’empêcher de déclencher son tir.
Mais surtout, faire en sorte de tenir le plus de temps possible sans faire la faute de trop, celle qui renvoie vers le banc, car comme susmentionné, Draymond Green se fait vieux, et le plus tard au cours du match il sera envoyé face à Jokic, le mieux ce sera pour lui.
On lui demandera surtout de rester devant le serbe, sans concéder trop de terrain, en espérant que les aides viendront dans le bon timing. Exemple :
Autre élément d’importance pour lui et ses coéquipiers : éviter le switch. Les Warriors concèdent facilement ce genre de choses. Le soucis, c’est que face à des pivots moins doués, le mal est, mais moindre.
Face à Jokic, c’est accepter de laisser des joueurs plus petits et légers se faire maltraiter. Même si le switch a été concédé loin du panier. Collectivement, Golden State doit donc éviter de lâcher trop facilement leurs défenseurs naturels quand il s’agit du serbe. Quitte à concéder un petit avantage sur drive à un autre joueur.
Cette saison, les Nuggets ont souvent utilisé des écrans de leurs extérieurs, de Monte Morris à Austin Rivers, de Will Barton à Aaron Gordon. Et cette stratégie s’est avérée très efficace contre des équipes qui switchent de manière presque automatique. Il faudra résister à cette tentation contre Denver. D’autant que, même au relais du serbe, DeMarcus Cousins saura lui aussi, dans une moindre mesure, en tirer profit.
Ne pas laisser Jokic prendre facilement des positions proches du panier et en tête de raquette sur des entry-pass. En gros tout ce qui est facile… Comme ça :
La défense des Nuggets a t-elle une chance ?
L’attaque des Warriors reste l’une des plus belles machines de la ligue. La Motion Offense, comme elle fut nommée, est un alliage parfait de rouages qui connaissent leurs rôles, d’armes maîtresses qui respectent des principes collectifs, la gestion de l’espace et du mouvement, balle en main mais également loin du ballon. Et évidemment, d’altruisme.
Toutefois, sur l’ensemble de la saison, Golden State n’a plus le mordant du Grand Warriors. Pire, post-All-Star Game (certes, une partie sans Stephen Curry), l’équipe n’a que le 18eme offensive rating. Il faut cependant comprendre que toute la saison a été un work in progress pour cette équipe qui en raison des blessures, des retours et coups de chauds, a dû s’adapter et construire en attendant un (possible) alignement des planètes.
Toutefois, si Stephen Curry revient en forme, que Draymond Green arrive à enchaîner les minutes et que Klay Thompson n’a plus de load management, le plafond de cette équipe semble encore loin. Enfin de retour ensemble, avec la montée en régime de Jordan Poole et d’autres role players qui ont trouvé leur rôle, Golden State pourrait accoucher d’enflammées terribles à contenir pour les Nuggets. Surtout si ces derniers affichent un niveau défensif dans les eaux de celui du dernier mois de compétition (27e defensive rating depuis le 12 mars).
Si sur l’ensemble de la saison, les Nuggets sont tout juste à la moyenne (15e defensive rating), la dynamique compte au moment des Playoffs, et celle des hommes de Mike Malone n’a pas de quoi rassurer les foules.
En substance, Denver possède quelques bons défenseurs : Aaron Gordon, Jeff et JaMychal Green ou Davon Reed (qui n’est pas éligible en Playoffs pour causes contractuelles). Mais aucun spécialiste capable de vraiment tenir sur tout un match face à Stephen Curry. Gordon, seul véritable two-way player risque plutôt d’être envoyé face à Klay Thompson ou Jordan Poole et sur des possessions importantes, sur le meneur.
Sur l’ensemble d’un match, néanmoins, difficile d’empêcher le moteur de la Motion Offense de danser au milieu des défenseurs des Nuggets. Monte Morris n’est pas assez athlétique, Will Barton est beaucoup trop inattentif off-ball et Austin Rivers est certes une option, mais il coûte beaucoup trop offensivement si Jokic n’est pas sur le terrain.
Comme beaucoup d’autres équipes, les Nuggets pourraient être tentés de mener un plan de jeu pour le forcer à lâcher la balle. Cela signifie une tendance à mettre les moyens : prises à deux ou aides agressives. Une stratégie à risque contre des Warriors portés par Klay Thompson et Jordan Poole en grande forme en fin de saison. A fortiori étant donné le niveau d’exécution défensif actuel de Denver.
Toutefois, selon le rythme dans lequel revient le meneur (et s’il revient dès le Game 1, ce qui n’a pas encore été officiellement validé), peut-être que Denver prendra le risque de le laisser dégainer, quitte à vivre quelques sales soirées… L’objectif est, après tout, de gagner 4 fois.
L’inquiétude reste néanmoins la pression que les Warriors mettront sur Jokic. Déjà obligé de porter l’ensemble de l’attaque, il ne fait nul doute que tout le jeu de mouvement visera à attaquer le serbe tant que faire se peut. S’il progresse de saison en saison dans son placement, profite de ses bonnes mains pour dévier des ballons, empêcher des tirs, son manque de verticalité en fait encore une cible de choix pour une équipe qui sait lancer ses attaquants et choisir ses match-ups.
Que ce soit pour driver ou pour jouer avec lui et s’offrir un tir ouvert :
Ralentir le jeu, la clé pour Mike Malone ?
Certains analystes tendent à penser qu’une des clés pour Mike Malone est de ralentir le jeu. Dans l’esprit, la gravité de Stephen Curry est telle que, dès que Golden State accélérerait le jeu, les Nuggets pourraient être mis en mal. La stratégie de Mike Malone, le soir du Game Winner de Monte Morris, visant à hacker Kevon Looney étant une preuve de l’efficacité de la stratégie. L’idée semble prometteuse.
Toutefois, c’est oublier plusieurs éléments.
Tout d’abord, s’il est vrai que la stratégie a porté ses fruits lors d’une rencontre, et qu’en prime, d’autres joueurs sont éligibles pour un traitement équivalent : Draymond Green et Andrew Wiggins (un joueur peu efficace aux lancers francs et un autre en pleine crise de confiance), c’est important de préciser que comme souvent, ce genre de stratégies visent à revenir au score, pas à gérer une avance.
Ensuite, s’il y a de quoi craindre les accélérations de Golden State, casser complètement la dynamique du match n’est pas forcément idéal pour l’attaque de Denver :
- Golden State est la 18e attaque qui inscrit le plus de points sur transition (18,6pts/match)
- Denver est la 9e attaque qui inscrit le plus de points sur transition (20pts/match)
Par ailleurs, les Nuggets ont un meilleur eFG% en transition que leur adversaire. Ils dominent donc au volume et à l’efficacité.
Enfin, dernier élément à prendre en compte, si l’attaque des Warriors est souvent louée et que l’absence de Murray et Porter Jr diminue visiblement le potentiel offensif de Denver, les apparences sont parfois trompeuses. En effet, malgré ces absences majeures, les Nuggets sont une bien meilleure attaque que Golden State cette saison (6eme vs 16eme offensive rating).
Dans ces conditions, l’attaque des Warriors n’est peut être pas un obstacle insurmontable pour Denver. Peut-être vaut-il mieux tenter d’emballer la série… Et tenter de limiter la casse en défense, en faisant avec les circonstances et le rythme adverse rencontre après rencontre.
Cependant, casser le rythme des rencontres, comme le propose Anthony Slater, n’est pas réellement autre chose qu’un élément circonstanciel, à mon sens.
Qu’attendre de cette série ?
Cette série semble assez dépendante de la bonne santé des Warriors. Le retour de Stephen Curry sera forcément scruté. Le meneur à un on/off de +13,4 cette saison selon Cleaning the glass. Celui de Nikola Jokic est de +19,5.
La différence, c’est que le second offre plus de garanties sur son état de santé. Si on devait résumer les choses simplement : si les Warriors récupèrent un Curry en pleine forme, alors difficile d’imaginer Denver sortir vainqueur de cette bataille.
En revanche, s’il ne revient pas de suite, ou revient diminué (on sait qu’en général les Warriors ont toujours privilégié la santé du joueur à des retours brusqués), alors la série sera beaucoup plus difficile à contrôler pour les Dubs. Non pas que la victoire devienne impossible, loin s’en faut ! Elle pourrait juste s’éterniser et devenir compliquée pour ce groupe de trentenaires sujets aux blessures.
Toutefois, il est important de le préciser : le banc de Golden State offre beaucoup plus de ressources et d’options à Steve Kerr que celui de Mike Malone. Jordan Poole (ou Kevon Looney selon les choix réalisés), Otto Porter Jr, Gary Payton II, Nemanja Bjelica, André Iguodala, Jonathan Kuminga sont tous des rotations de qualité.
A l’inverse, le banc de Denver offre beaucoup d’interrogations et semble très dépendant du rookie Bones Hyland. A ses côtés, Austin Rivers n’est pas en grande forme, Brynn Forbes tend à être unidimensionnel et Cousins peut être ciblé pour sa défense.
En somme, l’état de santé sera un facteur clé de la série. Particulièrement pour les Warriors qui ont certes de la marge, mais ne doivent pas se retrouver dans les cordes lors des deux premiers matchs à domicile, sous-peine de s’embourber dans une bataille qu’ils auraient pu éviter.
Match-up
Golden State Warriors : 70%
Denver Nuggets : 30%