A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 9 sur l’équipe masculine, c’est par ici !
Liste des épisodes précédents :
- Episode 1 : Les pionnières du basket (1893-1928)
- Episode 2 : Championnes avant l’heure (1929-1939)
- Episode 3 :La patte Busnel (1945-1957)
- Episode 4 : Survivre dans le basket soviétique (1957-1963)
- Episode 5 : Génération Clermont (1963-1980)
- Episode 6 : Les légendes d’Horizon 80 (1980-1990)
- Episode 7 : Premières étincelles (1990-1995)
- Episode 8 : Entrez dans l’âge des championnes (1995-2001)
Episode 9 : Opération reconquête (2002-2010)
Et maintenant ? Maintenant ce sera sans Isabelle…
Championnes d’Europe, les bleues peuvent désormais regarder le monde de la balle orange les yeux dans les yeux : elles ne sont plus une “surprise” ou un “accident”, leur progression individuelle et collective a été concrète. Il faut désormais se mesurer au reste du monde et avec le parcours à l’Eurobasket 2001, l’équipe de France possède déjà son ticket pour le mondial 2002 : direction la Chine. Alain Jardel ne change pas son équipe qui gagne, ce sera quasiment le même groupe: Laure Savasta, Sandra Le Dréan, Catherine Melain, Edwige Lawson-Wade, Yannick Souvré, Audrey Sauret, Nathalie Lesdema, Dominique Tonnerre, Sandra Dijon, Laétitia Moussard et Nicoles Antibe, auxquelles une nouvelle joueuse s’ajoute : Lucienne Berthieu.
Forcément, on remarque que Berthieu comble en réalité une absence notable : Isabelle Fijalkowski. A tout juste trente ans, elle décide d’envisager la suite de sa vie en dehors des parquets. Alors qu’internet arrive de plus en plus dans notre quotidien, elle s’expliquera, en juin 2002, sur le site de la FFBB : “après 12 années consécutives au plus haut niveau et plus de 200 sélections sous le maillot tricolore, je souhaite reporter mes ambitions dans une nouvelle orientation de ma carrière. Ce n’est pas une décision facile à prendre mais elle a été mûrement réfléchie : me lancer dans une compétition telle que les Championnats du Monde nécessite un engagement physique et mental qui aujourd’hui me paraît au-dessus de mes forces. Tout au long de ma carrière, j’ai appris à connaître mon corps et je sais que je ne suis plus capable d’enchaîner 4 semaines de préparation individuelle, 7 semaines de préparation collective et 2 semaines de compétitions.”
Ne pas perdre les quarts…
Isabelle, qui aura répondu à nos questions sur les deux derniers épisodes, plaisantait sur le bilan des compétitions en bleue, en disant “il ne faut juste pas perdre en quarts”. Et l’équipe de France arrive en Chine avec une rage de vaincre : 92-61 face à Cuba, 131 à 35 face à la Tunisie et 90-80 face à la Corée du ….ATTENDEZ QUOI ? Oui, oui, ce n’est pas une faute de frappe : face à la Tunisie, les bleues remportent leur plus grande victoire de toute l’histoire, 131 à 35. Déjà à 18pts d’avance au premier quart, puis 32pts au second, la France propose aux tunisiennes de…se faire exploser dans le troisième et quatrième quart :
39 à 3 (oui oui) puis 37 à 9 (défense un peu plus relachée visiblement). Et ce match permet à Berthieu de montrer qu’elle peut scorer comme Isabelle : 21pts. Trois victoires, zéro défaites, on sent que la France, c’est du sérieux. Le format du mondial est similaire à celui d’aujourd’hui pour les garçons, avec une seconde phase de poule en regroupant les différents qualifiés de chaque groupe. La France doit donc jouer trois autres matchs. Contre la Lituanie, ça passe (71-63) et ça suffira pour aller en quart de finale. Les deux défaites face aux russes (59-74) et les américaines (68-101) ne changeront rien, même si on sent poindre une baisse de régime. Et celle-ci va se confirmer en quart de finale face à l’Australie, avec une équipe de France qui n’arrivera pas à un seul moment à coller aux australienne qui garderont les françaises à distance tout le long du match. La France sort, et jouera des matchs de classement anecdotiques.
Comme le disait Isabelle : “ne pas perdre les quarts”. Une véritable prophétie quand on sait que c’est à ce stade que les bleues vont échouer…pendant cinq compétitions d’affilée.
La Russie prend sa revanche sur Alain Jardel
Direction la Grèce pour l’Eurobasket 2003, qui commencera bien avec une belle victoire sur Israël (91-55) et deux autres suivront face à la Grèce (75-70) et la Pologne (79-66) mais les bleues cèdent aussi face à la Serbie-Monténégro et la République Tchèque. La deuxième place des françaises est prometteuse pour la suite…mais pour finalement échouer…en quart de finale vous l’aurez compris, face à une Russie qui ne semblait plus être ce mastodonte d’entant, mais c’est un fait : la bande de Stepanova, toujours là, prend sa revanche sur 2001. Alain Jardel voit ce groupe qu’il conserve précieusement même si, pendant la préparation de l’été, il fait parfois entrer quelques nouvelles, comme cette jeune Céline Dumerc…
Etape suivante: la Turquie en 2005. Cette fois-ci, Jardel accepte de faire entrer de nouveaux éléments dans le groupe final. Si le coach conserve les Le Dréan, Melan, Lawson-Wade, Lesdema, Antibe, il faut aussi venir Krissy Bade, Emmeline N’Dongue et puis…Emilie Gomis et Céline Dumerc. Mais il faudra être patient avec ces jeunes, car Jardel, encore une fois, mise sur l’expérience. Et c’est difficile de le contredire, car malgré un mauvais départ contre la République Tchèque (45-55), la France enchaîne quatre victoires contre la Grèce (71-56), la Lettonie (67-50), la Pologne (83-63) et l’Allemagne (79-48). Deuxième de son groupe, on peut dire que les bleues sont un prétendant solide pour un second sacre. En quart de finale ce sera…la Russie…et ce sera encore la porte.
Deux Eurobasket, deux scénarios identiques, avec une équipe de France qui prend confiance en phase de poule, mais butte sur les phases à élimination directe. 2003 et 2005 se terminent par d’anecdotiques matchs de classement, encore.
L’éclosion des nouvelles légendes
A l’approche du mondial 2006 au Brésil, Alain Jardel ne peut plus continuer à miser éternellement sur le même groupe. Il faut, comme lors de sa prise de fonction, savoir entamer une transition de génération. Et ça tombe bien, parce qu’une nouvelle génération, il y a.
C’est d’abord la jeune Sandrine Gruda qui arrive dans le groupe bleu. A 19 ans, Gruda qui évolue en pro à Valencienne depuis tout juste une saison, est déjà un dominante dans la raquette, ce qui n’est pas sans rappeler une certaine Isabelle Fijalkowski dix ans plus tôt. Gruda résume ce fulgurant parcours sur son propre site internet:
“Du haut de mes 1,93m, j’étais déjà prédisposée à jouer au basket mais c’est mon père, Ulysse Gruda, international Français, sélectionné 7 fois en équipe nationale, qui m’a transmis la fièvre de la compétition. Sa bienveillance et son expérience m’ont permis d’évoluer sereinement et de développer ma confiance en moi qui aujourd’hui fait ma force. Très tôt, j’ai su ce que je voulais faire dans la vie. Après avoir été au pôle Espoir de Trinité en Martinique, j’ai pris mon envol vers la métropole à l’âge de 15 ans pour y intégrer le CREPS de Toulouse (1an) puis l’INSEP -Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance- (2 ans). Très vite repérée par les meilleurs clubs professionnels, je rejoins l’US Valenciennes et débute ainsi ma carrière professionnelle. J’ai alors 18 ans”.
Gruda va gravir très vite les échelons en cadette, et lorsque Jardel la convoque pour le mondial, elle reste convoquée pour les compétitions jeunes en bleu !
Autre profil et étoile montante, Emilie Gomis, voisine de Gruda puisqu’elle évolue alors à Villeneuve-D’Ascq au poste d’arrière. Déjà sélectionnée par Jardel, la jeune arrière se fait remarquée outre-Atlantique en rejoignant le New York Liberties le temps d’une saison, mais pour seulement deux petits matchs. Qu’importe, à l’aube du mondial, Gomis carbure, jouant jusqu’à 32 minutes par match, avec des moyennes allant jusqu’à 15 points par rencontre. Et à l’instar des joueuses qui ont conquis l’Europe en 2001, Gomis possède déjà plusieurs expériences européennes en club.
Et puis… il y a Céline Dumerc. Déjà bien implantée dans le monde professionnel à Tarbes puis au Tango Bourges, celle que l’on surnomme “Capsule” ou “Caps” sur les réseaux sociaux aujourd’hui est un curieux parallèle avec Tony Parker : même poste, même parcours (INSEP), même numéro et surtout, même soif de gagner à travers un talent exceptionnel et clutch. Elle prend le relais de Yannick Souvré à Bourges et reste pour l’instant au second plan dans la planète basket hexagonale, mais plus pour longtemps. Mais comme la génération des années 90 et comme ses compères Gruda et Gomis, Dumerc arrive en équipe de France avec déjà de bonnes expériences nationales et européennes.
Un mondial 2006 pour revenir en forme
Jardel repart donc en bataille avec un groupe de transition. Il y a les anciennes : Le Dréan, Ledesma, Sauret, Bade, Dijon, N’Dongue; et puis il y a les nouvelles : Dumerc, Gruda, Gomis mais aussi Clémence Beikes et Elodie Gaudin. Comme à son habitude, la FIBA nous cuisine un nouveau format, avec des groupes, des sous-groupes et des qualif’ de qualif, vous connaissez à force de lire cette série. Et ça commencera avec un groupe à quatre équipes pour trois qualifiées. Pour le premier match contre la République Tchèque, Gomis et Gruda prennent leurs marques, avec 19pts et 10pts chacune. Dumerc, elle, fait chauffer le moteur : 0pts. Mais la victoire est là : 62-58. Contre Taïwan, ce sera un festival pour sécuriser la qualification : 100 à 68, avec un 23-9 dans le troisième quart-temps. Gruda termine à 22pts et 5 rebonds, Gomis à 10pts et Dumerc décapsule ses 5 premiers points dans un mondial. La défaite contre Cuba est anecdotique (73-78) et la France peut aborder la seconde phase, un groupe de 6 équipes, en posture favorable.
Cette seconde phase voit des bleues plus en difficulté, avec des adversaires de taille : Russie, USA et Chine. Mais le groupe répond présent : une victoire contre la Russie (74-64) sécurise le billet pour la phase suivante. L’héroine du soir s’appelle Nathalie Ledesma avec ses 16pts. Mais tout le groupe est impliqué et surtout, Céline Dumerc tape un 11pts et 5ast. Les russes de Stepanova n’auront cette fois-ci pas réussi à sortir la France, pas une fois de plus. Les bleues doivent cependant subir la loi de Team USA (41-76) puis de la Chine (64-66). Qu’importe, direction les quarts de finale, contre l’Australie.
“Ne pas perdre les quarts”. Vous l’aurez compris, encore une fois, Isabelle Fijalkowski était prophétique. Contre des australiennes et leur tenue “une-pièce” qui fait penser à une équipe de cyclistes, les françaises sont écrasées dès le premier quart-temps : 13-23. Emmenées par l’immense et future triple championne WNBA Penny Taylor du Phoenix Mercury (18pts) et la légende du Seattle Storm Lauren Jackson (19pts), les australiennes ne laissent aucun espoir aux bleues, qui ne remontent que dans le garbage time : 66-79. Néanmoins, les bleues finissent le tournoi sur une bonne note: avec les victoires en matchs de classement contre la République Tchèque et la Lituanie, la France se hisse à la 5e place du mondial. Pas mal, d’autant que c’est l’Australie qui remporte ce mondial, que le bleues peuvent quitter la tête haute.
La fin d’une ère et la recherche du nouveau souffle
Depuis sa prise de fonction, Alain Jardel possède un bilan pas seulement flatteur, mais historique pour l’équipe de France féminine : l’argent en 1999, les premiers Jeux Olympiques en 2000, l’Or en 2001, deux fois 5e de l’Euro (2003 et 2005) et 5e au mondial 2006. Mais la France semble être revenue derrière la hiérarchie impitoyable : les russes, les espagnoles, les américaines bien sur…et la presse évoque des tensions lors des périodes de préparations aux tournois, notamment avec les joueuses évoluant en WNBA…un problème que l’on retrouvera plus tard… A cela s’ajoute le vieillissement du coeur de l’effectif de Jardel. Bref…la fédération réfléchit et finalement, en décembre 2006, il est décidé de ne pas renouveler le contrat du sélectionneur.
Le remplaçant qui aura la lourde tâche d’être à la hauteur de Jardel qui a apporté la seule et unique médaille d’or du basketball français, garçons et filles, s’appelle Jacky Commère. Mais ce choix est donc une continuité : Commère faisait partie du staff de Jardel lors du titre de 2001 et il était aussi l’assistant de Jardel au BAC MIrande. De plus, Jardel ne reste pas loin, puisqu’il part coacher l’équipe de France espoir. Avec l’Eurobasket 2007 en Italie en vue, Commère relance Dumerc, Gruda, Gomis, mais lance aussi la jeune Isabelle Yacoubou, Sabrina Reghaissa, Krissy Bade…mais consèrve aussi Audrey Sauret, Sandra Dijon et rappelle Edwige Lawson-Wade. Après un premier tour convainquant, terminant 2e de leur poule et battant sechement les italiennes chez elles, les françaises se heurtent a l’Espagne dans la seconde phase de poule et héritent d’un tirage au sort défavorable pour les quarts de finale. Quart…que la France perd, encore, cette fois face à la Lettonie (62-66). Pire, les bleues, démotivées, perdent leurs matchs de classement et termine 8e, avec 4 victoires pour 5 défaites. Revenir au niveau de Jardel ? Commère ne s’en estime pas capable après cet Eurobasket: il démissionne et tout est à refaire, sans Jardel, ni ses disciples.
Retrouver l’Or avec ceux qui l’ont déjà gagné
Le choix de la Fédération se porte rapidement sur Pierre Vincent, assistant de Commère. Un choix qui se justifie largement lorsque l’on voit le parcours de celui qui a passé presque sa vie sur les bancs et dans les bureaux du basket national. Après plusieurs années dans les directions fédérales, il rejoint le staff de l’équipe de France junior en 1991, puis dans celui de la légendaire équipe de France militaire à la médaille de bronze au mondial de basket militaire. Ceux qui collectionnaient les cartes LNB de cette époque s’en souviendront…
Cette expérience offre à Vincent les postes de coach pour les cadettes, puis les cadets à en bleu, mais pas n’importe quels cadets. A l’aube de l’Eurobasket U20 de l’an 2000, Pierre Vincent convoque dans son groupe les jeunes Boris Diaw, Tony Parker, Ronny Turiaf, Mickaël Pietrus, Yakouba Diawara…Cette équipe roule sur le tournoi et défait la Croatie en finale pour ramener une médaille d’or historique.
Pierre Vincent ne le sait pas, mais ce “petit titre” de l’été 2000, peut-être passé inaperçu à l’époque, sera le point de départ d’une génération unique de joueurs français, qui vont marquer l’histoire. En témoigne les propos rapportés par nos amis de basket-retro :
Le célèbre numéro 9 de l’équipe de France et de San Antonio avouera que Pierre Vincent l’a aidé à avoir une autre vision du basket et que cet Euro Juniors l’a changé « Pierre Vincent, c’est le coach qui m’a appris à jouer à cinq contre cinq, à faire confiance à mes coéquipiers.”
Enfin, au moment de prendre les commandes de l’équipe de France, Pierre Vincent devient aussi l’entraineur de Bourges et remporte déjà le championnat de France et la coupe de France avec le Tango.
Opération Reconquête : quelques mois à peine pour réussir
Absent des Jeux à Pékin, la France aura donc tout le temps de se préparer à l’Eurobasket 2009 en Lettonie. Vincent commence par un stage en janvier, en convoquant un groupe assez large: Marielle Amand, Clémence Beikes, Jennifer Digbeu, Sandra Dijon, Céline Dumerc, Emilie Duvivier, Emilie Gomis, Sandrine Gruda, Emmanuelle Hermouet, Pauline Jannault, Pauline Krawczyk, Anaël Lardy, Florence Lepron, Endéné ‘Endy” Miyem, Emmeline N’Dongue, Yacine Sene, Diandra Tchatchouang, Allison Vernerey et Isabelle Yacoubou. Alors que sa sélection se peaufine, Pierre Vincent décide, à la surprise de tout le monde, de rappeler Cathy Melain, championne en 2001 et pourtant à la retraite internationale depuis 2005. Passant de 19 à 16, puis à 12 joueuses, Pierre Vincent doit faire face à un calendrier défavorable : un Eurobasket en juin, des saisons qui ne sont pas encore finies pour ses joueuses… Mais il tient bien son groupe : Dumerc, Gruda, Melain, Yacoubou, Gomis, Hernouet, Lepron, N’Dongue, Lardy, Krawczyk et Miyem. L’intérieure Elodie Godin, passée par Bourges (décidément…) rejoint également le groupe. Vincent fait aussi son choix pour sa capitaine : ce sera Dumerc ! Nos amis de basket-retros résument alors :
L’objectif de terminer dans le Top 5 du tournoi paraît un peu faible après les deux tournois de préparation réussis avec brio, conclus par 6 victoires en autant de matchs.
Les Braqueuses arrivent
Italie, Bélarus, Israël, voilà le premier groupe qui se dresse face aux bleus. Le premier match se déroule sans accroc face aux italiennes, même s’il faut attendre le troisième quart temps pour que l’écart se fasse. Tout un symbole, le premier panier est une passe de Dumerc pour Emilie Gomis : la relève est là. On voit tout de suite une Céline Dumerc adroite derrière l’arc et une Cathy Melain qui justifie son retour en servant les intérieures, Miyem, Yacoubou et Gruda. Victoire 76-61. Next, le Bélarus, qui va poser de lourds problèmes aux françaises, dont l’adresse n’est pas au rendez-vous (33% au shoot). Et alors que les bleues sont derrière à 3 secondes de la fin, la France remet en jeu ligne de fond pour Emmanuelle Hermouet, qui fait ficelle au buzzer dans le coin ! Explosion de joie ? Non, le regard d’Hermouet est froid, déterminé, les bleues se tapent dans les mains, il faut terminer le travail en prolongation, ce qui est fait. Ca s’est joué à rien, mais ce n’est que le 2e match. Vincent confirme cet état d’esprit :
On a mis du bon rythme, c’est ce qu’on voulait. En prolongation, on a joué plus long, plus large, plus fort, à la fin on a gagné.
Reste Israël, qui ne se laisse pas faire non-plus et mènent la majeure partie de la rencontre. D’autant que ce match se joue au lendemain de celui avec le Bélarus. Les jambes sont lourdes. Il faut un double trois point d’Emilie Gomis pour finalement faire la différence dans le dernier quart-temps. Au final, ça passe (73-70) mais Sandrine Gruda est avertie et le fait savoir :
Je pense que tout le monde sait que notre force est au poste-bas, donc nous devons être prêtes à des prises à deux à chaque fois, tout le temps même. Maintenant, au travail.”
La France quitte la petite salle très amateure de Valmiera (1200 places à peine) pour jouer dans la grande salle de Riga. Elle rejoint la seconde phase de poule avec la Russie, la Turquie et la Lituanie. Pas forcément des cadeaux. Surtout que les lituaniennes relèguent les françaises à -10 dans le second quart temps. Le début des ennuis ? C’est vite oublier l’esprit de cette équipe de France qui aime relever le défis, et même, prendre la victoire aux yeux des adversaires…telles des braqueuses de banques qui filent avec le butin. Yacoubou au poste, Gruda tête de raquette, Dumerc à trois, faites votre choix, mais la France enchaîne et termine au finish : 75-73. Dumerc envoie la balle en l’air, pleine de rage. Le tableau est peu flatteur, car c’est la numéro 9 qui mène le scoring de ce match avec…neuf unités seulement. Pierre Vincent regrette le trop d’espace laissé à l’adversaire et rappelle :
On n’a été ensemble que pendant deux semaines avant de venir ici…
Ca ira mieux contre la Turquie, avec les bleues qui prennent le large très rapidement, grâce à une Sandrine Gruda au top dans “son jardin” à mi-distance : 20pts et Pierre Vincent partage à la presse sa satisfaction sur l’amélioration de la défense (55-43 !). Reste le gros morceau : la Russie. Mais Céline Dumerc se met en mode chantier : 4/6 à trois points, et Gruda suit le mouvement : 16pts et 7 rebonds. Gruda, mais aussi N’Dongue, envoient de bonnes grosses bâches en défense, et voilà la Russie braquée à son tour ! 72-66.
Six matchs, six victoires. Le culot de cette équipe ne connait pas de limite. Mais voici venir l’ennemi numéro un des françaises depuis presque une décennie : les quarts de finale. Ce sera contre la Grèce. Dans cette bataille de tranchée, les bleues misent sur leurs atout : circulation de balle et servir à l’intérieur. L’écart ne dépasse jamais plus de trois points, on étouffe ! Mais encore une fois, Gruda est en mission (16pts et 10reb). Dans ce match tendu, c’est dans la tête que ça joue et c’est là que le leadership de Dumerc, assisté par l’expérience de Cathy Melain, permet aux bleues de garder confiance : même menée de 5pts à 4min de la fin du match, on ne lâche rien. Et à 62sec de la fin du match, c’est Florence Lepron qui met le trois points permettant de passer devant. Score final, 51-49. La Grèce s’est faite braquée à son tour. Et la France valide son billet pour le mondial 2010 au passage.
Et la demi finale ? Ce sera de nouveau le Bélarus, mais cette fois-ci, les bleues n’ont pas l’intention de laisser la moindre place au suspense. Yacoubou, N’Dongue, Gomis et Miyem croquent tout ce qui passe dans la raquette, et Céline Dumerc nous plante ses trois points sortis de nul part. Bref, 64-56. Et enfin, cette fois-ci, les bleues laissent la joie prendre le dessus. Huitième victoire d’affilé, quatorze avec les matchs de préparation…la France brille.
Pierre Vincent semble paradoxalement rester fidèle aux modestes intentions de départ pour ce tournois :
C’est un rêve pour nous, alors continuons de rêver. Au prochain match, on n’a rien à perdre.
Encore !
20 juin 2009, à quelques semaines à peine du 8e anniversaire du premier titre de 2001, les airs de déjà-vus sont très fortement ressentis : la France retrouve la Russie en finale de l’Eurobasket, championnes en titre et faisant leur 5e finale d’affilée. Et comme si le sentiment de voyage dans le passé n’était pas assez fort, c’est encore Maria Stepanova qui saute à l’entre-deux, comme huit ans plus tôt à la salle Antares du Mans. Ce sentiment, c’est surtout Cathy Melain qui doit l’avoir, elle qui était aussi sur le parquet en 2001, tout comme son vis-à-vis Ilona Korstine. En guest star de ce match, Claude Onesta et son équipe de France de handball masculin, venue jouer en amical face à la Lettonie.
Les retrouvailles passées, la France se lance dans la bataille avec un cinq N’Dongue-Gruda-Melain-Dumerc-Krawczyk, Les filles se sont “tatouées” le drapeau français sur les épaules. En face, les russes peuvent compter sur une certaine… Rebekka Hammon… que vous connaissez surtout sous le nom de Becky Hammon. L’actuelle coach du Ace de Las Vegas et ancienne assistante des Spurs de San Antonio est en effet autorisée à jouer pour la sélection russe en tant que joueuse du CSKA Moscou. Et c’est Hammon qui mène ce rythme lent dans lequel les paniers sont rare. Le premier quart temps est un round d’observation (12-10), avec ni trois points, ni lancers-francs. Très vite Pierre Vincent décide de faire tourner. Coaching gagnant : après un début de second quart sur ce même rythme lent, les françaises se mettent à attaquer le cercle, avec N’Dongue, Krawczyk, Gruda…toutes servies par Melain. Les russes passent en zone, mais ça ne change rien : Gruda fait passer la France à +10 à quelques secondes de la mi-temps. Le staff russe s’engueule et on se frotte les yeux : 30-19 pour la France à la mi-temps !
“Plus rien à perdre” disait Pierre Vincent avant cette finale, et les bleues jouent comme ça : sans crainte. Au retour des vestiaires, les bleues gardent leur avantage, sans stresser. Dumerc plante un trois points sur la tête de Hammon pour un +13, avant de servir Elodie Godin pour le panier et la faute : 40-25. Que peut-il arriver à cette équipe ? Plus rien. Les bleues enfoncent les russes avec Pauline Krawczyk qui porte l’avance à +20.
Melain, qui en est à sa 241e et dernière sélection, continue de servir à l’intérieur pour le dernier quart-temps, alors que les russes tentent une ultime offensive en revenant à -9. Mais les françaises répondent en servant Gruda et les intérieures françaises. Même si Stepanova réussit à réduire l’écart à 8pts, les françaises s’apprête à terminer le travail avec Melain, encore elle, qui provoque les pertes de balle russe et sert encore N’Dongue et Gruda. La première atteint les 11pts et 4reb, la seconde 12pts et 7reb. Grace à Stepanova, encore elle, la Russie réussit à revenir à -4 à une minute de la fin. Malgré une ultime minute avec plusieurs maladresses et pertes de balle, ni Hammon ni Stepanova ne parviennent à marquer. Cette fois-ci, les braqueuses n’ont pas l’intention de laisser filer ce trophée et obtiennent les ultimes fautes pour aller sur la ligne. C’est à Céline Dumerc que revient l’honneur de conclure cette finale aux lancers, et malgré 4 lancers francs manqués par la suite, le chaos n’a pas eu lieu, la France bat à nouveau la Russie en finale, les filles sont championnes d’Europe, encore ! Cathy Melain entre dans l’histoire, devenant la seule et unique joueuse d’une équipe de France de basket à avoir gagné l’Or, deux fois. Et c’est en toute logique que Dumerc soulève le trophée avec elle.
Un avenir radieux pour les Bleues ?
Dubuisson, Busnel, Riffiod, Velu, Ekambi, Abdul-Wahad, Sénégal, Colchen, Delachet, Santaniello, Coste-Venitien, Sonko, Bilba, Rigaudeau, Weis, Möiso, Bonato, mais aussi Batum, Pietrus, Gelabale, Diaw, Turiaf et même Tony Parker.
Au lendemain de cette finale, vous pouvez mentionner chacune de ces légendes, aucune n’a réussi à faire ce que les françaises de Fijalkowski et Souvré en 2001, puis celles de Dumerc et Gruda en 2009 on déjà fait à deux reprises : gagner. Pourtant, comme le titre de 2001, celui de 2009 est trop souvent oublié des records, des discussions. Mais cette fois-ci, le nom des “Braqueuses” reste ancré dans le collectif. Les joueuses et particulièrement Céline Dumerc, sont en train d’inspirer des milliers de jeunes à rejoindre les parquets.
Et ce n’est que le début. Le début d’une grande aventure, que l’on ne raterait pas, même pour tout l’or du monde. Enfin, pour tout l’argent à vrai dire.
Episode 10 – “Pour tout l’argent du monde (2011-2021).