Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Lorsque nous est venue l’idée de nous lancer dans cette belle aventure qu’est le Magnéto, nous savions qu’il y aurait des saisons pour lesquelles la sélection du joueur serait délicate. Nos pensées se sont évidemment directement tournées vers la préhistoire de la Grande Ligue : puisqu’il n’était pas question de parler des superstars, sauf lorsqu’elles peuvent être considérées comme méconnues ou mésestimées, il fallait alors évoquer certains joueurs plus obscurs. Pas dans leur talent pour la balle orange, certes. L’obscurité à laquelle nous faisons ici référence concerne carrément l’existence du joueur ou, au moins, les détails de sa carrière. Nous traitions, il y a bientôt dix semaines, de Neil Johnston, lui qui fit les premiers beaux jours des Warriors. C’est typiquement l’exemple du joueur pour lequel il nous a fallu, encore plus que d’habitude, nous astreindre à réaliser des recherches poussées pour découvrir quelques pans croustillants de sa vie sportive.
Vous vous en doutez peut-être, le cas de Chet Walker est similaire. Pourtant, son nom nous était familier. Il l’est peut être également à vos oreilles, vous qui connaissez les secrets les plus enfouis de la NBA. C’est avec l’espoir de dénicher quelques anecdotes sur la carrière de Chet the Jet que nous nous sommes lancés dans la rédaction de ce 18è numéro, qui, on l’espère, vous donnera l’envie d’en savoir plus sur cette période ancienne – mais si importante – de la Ligue américaine.
A l’inverse de Bill Sharman, que nous évoquions la semaine passée, Walker n’a pas participé à la seconde Guerre Mondiale. Et pour cause ; il n’était pas né au moment du déclenchement du conflit. Il vit le jour le 22 février 1940 à Bethelhem, dans le Mississippi, et a passé l’intégralité de sa jeunesse dans le Michigan, au sein d’une famille qui n’avait malheureusement pas énormément de moyens. Ce qui n’empêcha pas le jeune homme de rapidement prendre le basket en affection, au point d’intégrer son équipe lycéenne de Benton Harbor, avant d’évoluer au sein de l’université de Bradley, dans l’Illinois voisin. Nous y reviendrons rapidement.
Bien bâti pour un ailier de son époque (1m98, 96 kilos), Walker a affiché une régularité sans faille durant toute sa carrière NBA, que ce soit dans les résultats individuels et collectifs. Plutôt adroit, il a fait des lancers-francs l’une de ses spécialités, notamment en seconde partie de carrière. Surtout, il était connu – et redouté – pour être un exceptionnel joueur d’un contre un, des deux côtés du terrains. Et s’il fût surtout un joueur de l’ombre, un lieutenant de luxe plutôt qu’un franchise player, sa carrière mérite d’être contée.
Action !
Avec son numéro 31 dans le dos, Walker fera les beaux jours des Braves de Bradley, bien qu’il ne goûtera jamais à l’engouement du tournoi final NCAA. Il a par contre disputé à plusieurs reprises un tournoi annexe et géré par la NCAA, le National Invitation Tournament, le remportant d’ailleurs en 1960, contre l’université de Providence dans une rencontre disputée au Madison Square Garden. Il restera à la faculté entre 1959 et 1962, et en est encore le meilleur joueur. Il faut dire qu’il était alors un top prospect national, au point d’être nommé dans la All-America Team. Il terminera son cursus universitaire avec 24,4 points, 12,8 rebonds à 55,2 % au tir, et surtout des rêves de NBA plein la tête.
Il se présente donc à la draft 1962, qui, bien qu’ancienne, reste comme l’une des plus fécondes en talents. Alors que Jerry Lucas et Dave DeBusschere étaient sélectionnés par le biais d’un territorial pick, c’est Zelmo Beaty (hall-of-famer si méconnu) qui était sélectionné en 3è, juste devant John Havlicek (7è). Chet Walker, lui, dû attendre le douzième choix, qui appartenait alors aux Nationals de Syracuse.
Il y côtoie dès sa première saison les anciennes gloires de la franchise, comme Larry Costello et Dolph Schayes. Ce dernier, âgé de 34 ans, n’est toutefois plus le monstre qu’il était, loin de là. Immédiatement positionné au poste 3, Walker va réaliser une saison prometteuse. Certes, à l’instar d’énormément de rookies, il brillera par son inconstance (ce qui, dans son cas, est assez rare pour le faire remarquer). Au sein d’une franchise de Syracuse qui souffle alternativement la glace et la braise, il parviendra cependant à se faire une place bien au chaud dans la première All-rookie team de l’Histoire. Dans une époque où nous ne connaissons souvent que sa moyenne au scoring, il parviendra ainsi à dépasser la barre symbolique des 20 points à 8 reprises, avec un pic à 35 points (68,2 % au tir) dans une victoire à l’arrachée contre des Celtics hégémoniques (+1).
Armé de certaines certitudes, avec ses 12,7 points, 7,2 rebonds et 1 passe décisive de moyenne en 25,5 minutes et 78 rencontres, il découvrira les playoffs en 1963, au cours desquels Syracuse affronte les Royals de Cincinnati de Jack Twyman et Oscar Robertson. Après une première rencontre timide, Walker mettra la machine en route, pour afficher 17,3 points et 11,8 rebonds de moyenne sur les quatre dernières rencontres de la série. Malheureusement, aux termes d’un game 5 acharné, c’est Cincinnati qui compostera son billet pour le second tour, synonyme de finale de conférence.
Voici donc comment The Jet conclua sa première saison dans la Grande Ligue. Si, nous l’avons dit, il afficha de très belles promesses, il explosa aux yeux de tous dès l’année suivante, pour laquelle il a été sélectionné aujourd’hui.
L’oscar de la saison 1963 – 1964
On a coutume de dire que les légendes ne partent jamais totalement. On dit également qu’elles ne partent jamais seules. Cette seconde assertion va se vérifier en 1963. Alors que Schayes vit ses derniers moments sur les parquets NBA, le joueur tirant sa révérence à l’issu de la saison 1963 – 1964, la franchise en profite pour tourner une grande page de son Histoire. La petite ville de Syracuse ne semble plus suffisante pour accueillir la franchise qui remporta le titre NBA en 1955. Rachetée par un magnat de la presse, elle déménagera donc à Philadelphie, la ville de l’amour fraternel.
Un changement ne venant jamais seul, l’équipe laisse son nom de “Nationals” à Syracuse, pour adopter celui qu’on lui connaît encore aujourd’hui ; Philadelphie 76ers. La ville est d’ailleurs coutumière des joutes NBA, elle qui abrita les Warriors jusqu’en 1962, pour deux titres : 1947 et 1956.
C’est donc dans cette nouvelle ville, dans une nouvelle salle et avec un public neuf que Chet Walker débute sa saison sophomore. Dans cette NBA à 9 franchises, l’objectif collectif n’est plus celui des années précédentes : avec le lent déclin de Schayes, et l’absence de superstar pour le remplacer (pour l’instant), inutile de penser à décrocher le titre à nouveau. Sans grande concurrence au poste d’ailier, Walker est aligné d’entrée de jeu, aux côtés de Paul Neumann (mène), d’Hal Greer, des restes de Schayes et de Red Kerr.
La première rencontre de la saison, disputée à Détroit, donne le la. Avec ses 17 points et ses 10 rebonds, Walker contribue à la victoire des siens (+2). Il est alors la seconde option offensive de Philly, derrière l’intouchable Hal Greer, considéré comme l’un des trois meilleurs arrières de la décennie. L’image ci-dessous, qui fait figure de feuille de match, est un témoin privilégié de l’époque que fût le début des sixties :
Après cette première réussie, la franchise va connaître, et côtoyer de près, les abysses de la Ligue. Vont en effet suivre 8 défaites en 10 rencontres, qui vont placer les Sixers en queue de peloton de la conférence Est. Si les deux victoires sont à nouveau arrachées de justesse (+3 à Baltimore, +2 contre Saint-Louis), les défaites sont généralement de véritables blow-out, signe que la défense n’était pas le point fort des hommes de … Dolph Schayes, devenu entraîneur joueur. Ainsi, des Knicks de Tom Gola aux Celtics de Bill Russell, en passant par les Hawks de Bob Pettit, les journées portes ouvertes se multipliaient sur le parquet, Philly encaissant en moyenne 119 points par rencontre en ce début de saison. Un chiffre à nuancer, puisque les franchises disputaient alors pas moins de 120 possessions par rencontre.
Si les résultats collectifs ne sont clairement pas bons, les performances de Walker, elles, s’inscrivent dans la droite lignée des playoffs 1963. Même dans la défaite, il parvient à tirer son épingle statistique du jeu :
- 19 oct. 1963 vs Détroit : 24 points, à 100 % au tir et aux lancers-francs, dans une défaite (-3),
- 30 oct. 1963 @ Baltimore : 16 points et 12 rebonds, dans une victoire (+3),
- 2 nov. 1963 @ Saint-Louis : 27 points, à 87,5 % aux lancers-francs (statistique au tir non disponible), dans une défaite (-29),
- 6 nov. 1963 @ Détroit : 24 points, 17 rebonds et 3 passes décisives, dans une défaite (-18),
De ces quatre rencontres, nous pouvons tirer quelques conclusions. Premièrement, il semblerait que l’équipe des Sixers manquent cruellement de talents. En effet, à côté de Chet the Jet, seul Hal Greer semble constituer une véritable menace offensive. Deuxièmement, et là c’est une certitude que nous avons déjà pointée du doigt, Philly a d’énormes carences défensives, que le talent individuel de Walker ne parvient pas à colmater. Enfin, troisièmement, il semblerait que l’ailier évolue déjà à un niveau proche de celui que l’on attend habituellement d’un All-star, s’imposant comme un rebondeur féroce et comme une belle seconde option offensive.
Après le déluge de défaites arrive l’arc-en-ciel de victoires, qui sera néanmoins plus fugace. Malgré un Walker moins inspiré, Philadelphie va légèrement se replacer dans la conférence Est, en remportant quatre des six rencontres suivantes. Au sein de l’une d’elle, Chet s’est d’ailleurs fait “John Starkisé”, affichant un terrible 2 / 17 au tir (victoire +2 contre les Lakers de West et Baylor). Si l’on excepte certains trous d’air, que l’on retrouve de temps à autre, il est bien rare de voir l’enfant du Mississippi scorer moins de 15 points. Mieux, il y ajoute fréquemment une grosse dizaines de rebonds, lui permettant de frôler le double-double de moyenne à la fin de l’année 1963. C’est d’ailleurs à cheval sur les mois de décembre 1963 et de janvier 1964 qu’il affichera sa meilleure forme de la saison, forme qui rime – enfin ! – avec quelques victoires des siens.
- 5 déc. 1963 vs Saint-Louis : 33 points et 10 rebonds, dans une défaite (-3),
- 26 déc. 1963 vs San-Francisco : 30 points, 13 rebonds et 1 passe décisive, dans une victoire (+6),
- 27 déc. 1963 (back-to-back) vs Détroit : 29 points, 13 rebonds et 1 passe décisives, dans une victoire (+12),
- 3 janv. 1964 vs Cincinnati : 22 points à 60 % au tir, dans une victoire (+22).
Et quand bien même, on le voit, ses performances sont de bien belles factures, la notoriété de Chet Walker parmi les observateurs NBA peine à décoller. Nous avons l’impression qu’il faudrait que le bonhomme score 100 points en une rencontre pour que son nom soit cité avant celui d’Hal Greer. Et encore. Il faut dire que l’ombre projetée par celui-ci, si elle n’est pas très large vu les dimensions réduites de l’arrière, prend néanmoins énormément de place dans la franchise de Pennsylvanie. The Jet est donc condamné à vivre à l’abri forcé des projecteurs, rôle qui ne lui déplaît toutefois pas. S’en serait-il plaint, de toute manière, que la situation n’aurait guère évolué d’un iota, tant Greer semblait aspirer naturellement le peu de lumière braquée sur les Sixers.
C’est avec 17,5 points et 11,2 rebonds de moyenne qu’il attaque la seconde moitié du mois de janvier 1964. Précisons que si les chiffres au scoring sont basés sur les 37 rencontres disputées depuis le lancement de la saison, ceux du rebonds ne le sont que sur la moitié d’entre-elles (18). Néanmoins, avant de recevoir les Warriors le 17 janvier 1964, Chet Walker fût convié au grand événement de cette saison régulière ; le All-star game.
Il fût ainsi le dernier joueur sélectionné pour porter haut les couleurs de la conférence Est. Une sélection de l’Est composée notamment de Bill Russell, Oscar Robertson, Jerry Lucas et Hal Greer, mais qui semble bien démunie, sur le papier, face à l’armada de l’Ouest : Wilt Chamberlain, Bob Pettit, Jerry West, Elgin Baylor, Walt Bellamy, Lenny Wilkens …
C’est donc en tant que sophomore que Walker décrocha sa première étoile. Bien d’autres suivront. Sauf qu’au-delà de l’aspect prestigieux qu’il revêt pour lui, ce match des étoiles est l’un des plus importants de l’Histoire de la NBA. Ni plus ni moins.
L’événement annuel est télévisé en antenne nationale pour la première fois. Tout est réuni, au sein du Boston Garden, pour que la rencontre soit la plus prestigieuse possible. Le casting est génial, la ville de Boston respire le sport, la salle est mythique. La mission séduction lancée par la NBA pour fidéliser un public toujours plus nombreux était parfaitement planifiée. Walter Kennedy, Patron de la Grande Ligue, s’en frottait les mains d’avance. Ce qu’il ignorait, c’est que la première grève de l’Histoire de la Ligue était lancée dans le vestiaire.
A 11 voix contre 9, les joueurs ont en effet décidé de ne pas disputer la rencontre, en protestation contre le peu (l’absence ?) d’acquis sociaux qui leur étaient garantis. Appuyées par l’avocat Larry Fleisher, certaines légendes de la Ligue, comme Russell et Wilkens, refusent de mettre un orteil sur le parquet. Leurs revendications ? Une augmentation du salaire, alors misérable, un allègement des voyages et la création d’un fond de retraite. En coulisse, c’est la panique. ABC, la chaîne qui devait retransmettre la rencontre, menace de rompre le contrat qui la liait à la NBA (4 millions de dollars sur 5 ans, une somme considérable à l’époque).
L’Histoire ne raconte pas si Chet Walker a donné sa voix au mouvement de grève. Ce qu’elle raconte toutefois, c’est que, le cul entre deux chaises, Walter Kennedy et la NBA feront droit aux revendications des joueurs. La rencontre a donc pu se dérouler normalement, et l’Est la remportera sur le score de 111 – 107, bien menée par un Oscar Robertson de gala (26 points, 14 rebonds et 8 passes décisives). Walker, fidèle à lui-même et à son rôle, fût plus discret, avec 4 petits points. Mais, individuellement comme collectivement, l’essentiel était ailleurs : une première participation au match des étoiles et, surtout, l’amélioration des droits des joueurs.
Après cette première mouvementée, la saison régulière reprend ses droits. Chet the Jet continuera sur la lancée qui était la sienne avant le All-star break, comme une horloge suisse. Il conclura ainsi sa saison avec 17,3 points et 10,3 rebonds de moyenne, pour ce qui sera son unique double-double en carrière. Une amélioration statistique qui lui aurait valu d’être dans la course du Most Improved Player si le trophée avait alors existé.
Terminant troisième de sa conférence (de 4 équipes, seuls les Knicks étant derrière), malgré son bilan de 34 victoires pour 46 défaites, Philadelphie s’en va défier Cincinnati au premier tour des playoffs, comme la saison précédente. Et l’issu sera exactement la même, avec une qualification des Royals au meilleur des 5 rencontres. Walker, lui brillera particulièrement lors des 4 dernières rencontres :
La saison rookie était celle des promesses. La saison sophomore fût celle, si compliquée, de la confirmation. Si sa saison 1963 – 1964 s’achève ici, sa carrière ne venait que de débuter. Et il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Toujours dans l’ombre, il deviendra un joueur majeur de la décennie 1965 – 1975, en faisant les beaux jours de ses deux franchises de toujours. Avec, constamment, un dévouement et une discrétion incroyables, qui ne le quitteront jamais.
Le générique de fin
Chet Walker évoluera encore 5 saisons sous le maillot, alors blanc et rouge, des Sixers. Les deux qui suivirent la saison 1963 – 1964 semblent statistiquement décevantes. Comme si the Jet avait été en surrégime lors de son exercice sophomore. C’est toutefois ce que laisse imaginer, si l’on ne s’y intéresse pas de plus près, sa page principale sur Basketball-référence. Vous vous en doutez, la réalité est plus nuancée que cela.
Il est toutefois vrai que sa fin d’année 1964 sera compliquée. Walker ne parvient pas à développer un tir fiable, et affiche alors un terrible 38,8 % de réussite dans l’exercice. Il prend également près de 5 rebonds de moins que lors de la saison précédente. Pourtant, collectivement, Philadelphie affiche des progrès. C’est ainsi qu’à la mi-janvier, les Sixers présentent un bilan équilibré de 21 victoires pour autant de défaites.
Le 15 janvier 1965, un véritable séisme vient chambouler la NBA ; Wilt Chamberlain, quintuple meilleur scoreur en titre de la Ligue, marathonien émérite et, probablement, meilleur joueur du monde, quitte les Warriors de San Francisco pour revenir dans la ville qui l’a vu naître. Il devient instantanément le pivot titulaire et l’option offensive numéro 1 de Philly.
L’arrivée de Chamberlain dans le roster poussera, encore un peu plus, Walker dans l’anonymat. Désormais troisième option de l’équipe, et cette fois-ci caché dans l’ombre gigantesque de l’intérieur, il effectuera la saison régulière la plus décevante de sa carrière. Car si, effectivement, les 82 premières rencontres furent indignes de son talent, les playoffs 1965 rappelleront à tous, que ce soit en Pennsylvanie ou ailleurs, que Chet the Jet est un joueur formidable.
Pour la troisième fois en autant de saisons, le premier tour de la Conférence Est offre une confrontation entre Philadelphie et Cincinnati. Cette fois-ci, à l’inverse des saisons précédentes, ce sont les Sixers qui vaincront, en quatre rencontres maîtrisées. La ville de l’amour se paie le luxe d’affronter les Celtics de Bill Russell et finale de conférence. Boston est alors quintuple champion NBA en titre.
La série sera étonnement serrée. Après 6 rencontres, le score est de 3 – 3, aucune équipe n’ayant remporté deux rencontres consécutives. C’est au Boston Garden que le game 7 décisif allait se dérouler, dans un scénario hitchcockien. A la mi-temps, c’est Philly qui mène la danse, d’un tout petit point. 12 minutes plus tard, les Celtics ont replacé l’église au milieu du village, en remportant le quart-temps 29 – 20. Toutefois, dans le sillage de ses trois stars, et d’un Dave Gambee très inspiré, Philadelphie va faire preuve de caractère … pour frôler l’exploit. Boston remportera le match sur le score de 110 – 109, et s’en ira gagner son sixième titre consécutif. Sur l’ensemble de la post-season, Walker affiche 20 points et 7 rebonds de moyenne, avec 48 % de réussite au tir. Il se sera montré déterminant dans le game 4 des finales de conférence, avec 31 points et 11 rebonds pour venir à bout des Celtics (+3).
La saison 1965 – 1966 verra les hommes de Schayes conclure la saison régulière avec 55 victoires, ce qui constitue alors le meilleur bilan de l’Histoire de la franchise. Au premier tour des playoffs, toutefois, se dressent les imbattables hommes verts, qui ne feront qu’une bouchée de Chamberlain, Walker et consorts (4 – 1).
La frustration est un allié fidèle. Alors que le roster est désormais parfaitement homogène, avec la draft de Billy Cunningham, Philadelphie va être animé par un sentiment de revanche tout le long de l’exercice suivant. Un exercice au cours duquel Walker, après deux saisons compliquées, s’imposera à nouveau comme un joueur incontournable dans le paysage basketballistique américain.
Il est ainsi un élément majeur de celle qui sera sobrement surnommée : “la meilleure équipe de tous les temps“. Rien que cela. Bien caché derrière un Chamberlain toujours aussi dominant, un Greer toujours décisif et même un Cunningham qui ne laisse personne indifférent, Chet Walker commence sa saison sur les chapeaux de roue, avec 23 points et 12 rebonds de moyenne après 7 rencontres, soldées par autant de victoires. Il profitera de cette série pour battre ses records de points et de rebonds au cours d’une seule et même rencontre :
- 3 nov. 1966 vs Saint-Louis : 36 points, 21 rebonds et 4 passes décisives, dans une victoire (+12).
Une ligne statistique qui, pour l’anecdote, n’avait alors été réalisée que par deux autres ailiers dans la courte Histoire de la NBA : Dave DeBusschere, qui jouait poste 3 au début de sa carrière (41 points et 24 rebonds le 12 janvier 1966), et George Yardley, l’immense ailier des Pistons (41 points et 27 rebonds le 27 février 1958).
A l’instar de ces 7 premières rencontres, Philadelphie ne va laisser que des miettes à ses adversaires au cours de cette saison régulière. Après sa défaite contre Cincinnati lors du 17è match de la saison (bilan : 15 – 2), Philly va enchaîner 31 victoires en 33 rencontres. Tout va bien pour l’équipe désormais dirigée par Alex Hannum. Si nous voulions être taquins, nous ferions cependant remarquer que 2 des 4 défaites concédées l’ont été face aux Celtics, ce qui ne laisse rien présager de bon en vue des joutes printanières.
Sur cette exceptionnelle série de victoires, Walker présente toujours quelques 21 points et 8 rebonds de moyenne, ce qui lui vaudra une nouvelle sélection au All-star game. La fin de la saison régulière, si l’on excepte trois défaites consécutives entre le 29 janvier et le 2 février 1967, ne brillera pas par sa nouveauté. Le bilan collectif, par contre, est à la fois resplendissant et historique : 68 victoires pour 13 défaites. Il faudra attendre les Bulls de Jordan pour voir le record tomber.
En playoffs, Phildelphie va d’abord se défaire assez aisément de son adversaire de toujours, Cincinnati. En finale de conférence, ce sont les Celtics qui se dressent devant les Sixers. Et comme dans ce film hollywoodien où le héros parvient enfin, après de multiples tentatives, à terrasser l’antagoniste, Philadelphie va battre Boston à plate couture (4 – 1). Les imbattables sont battus, laissant la voie libre à toute la Pennsylvanie, qui peut espérer décrocher le second titre de son Histoire. Notons que sur ces deux premiers tours, Chet Walker s’impose comme le lieutenant de Chamberlain, avec 21 points et 7 rebonds de moyenne, à 48,3 % au tir.
La finale NBA oppose les Sixers aux Warriors de San Francisco. Philly capitalisera sur son avantage du terrain et s’imposera par deux fois sur ses terres, avant de mener 3 – 1 après le game 4. Et si l’occasion de soulever le trophée devant son public est ratée (défaite -8), Hannum et sa bande ne rateront pas leur seconde balle de match. Malgré un Chamberlain peu à l’aise au scoring, en raison de l’efficacité terrible de la défense de Nate Thurmond, Philadelphie s’impose assez facilement dans cette série. Et comme pour confirmer tout ce que nous disions jusqu’ici, Chet Walker a été décisif sur l’ensemble des 6 rencontres :
Et pourtant, s’il fallait nommer un MVP des finales, ce serait probablement Hal Greer qui soulèverait son second trophée de la soirée. Comme si Walker n’était toujours pas parvenu à tuer le père.
Avançons dans le temps. Le 2 septembre 1969, après deux nouvelles belles saisons, Chet the Jet est envoyé à Chicago contre Bob Kauffman et Jim Washington. S’ouvre alors la seconde page de sa carrière, qui, individuellement, sera de loin sa plus belle. Son arrivée dans l’Illinois coïncide avec une exceptionnelle progression dans l’exercice des lancers-francs, passant de 73,9 % de moyenne en 7 saisons à Philadelphie à 85,4 % de réussite en 6 saisons à Chicago.
Sa première saison dans l’Illinois le verra dépasser la barre des 20 points de moyenne pour la première fois de sa carrière sur un exercice complet. Il est alors le meilleur scoreur de sa franchise, pour la première fois de sa carrière. Mais devinez quoi ? Il n’attire toujours pas la lumière des projecteurs, et cela le dérange toujours aussi peu. On préfère ainsi parler – à tort ou à raison, telle n’est pas la question – de l’explosion de Bob Love au poste d’ailier-fort (qui passe tout de même de 5,5 points de moyenne en carrière à 21 points de moyenne en 1969 – 1970) que de la régularité “All-starienne” de Walker, qui jouera son 4è match des étoiles cette année-ci.
Néanmoins, Chicago terminera la saison avec un bilan négatif, et s’inclinera au premier tour des playoffs face aux Hawks de Walt Bellamy et de Lou Hudson. Ce sera l’unique fois de “l’ère Walker” que Chicago remportera moins de 47 victoires. Ainsi, l’exercice 1970 – 1971 verra Chicago caracoler dans les hauteurs de la Conférence … Ouest, avec un Walker désormais régulièrement en 22 points et 8 rebonds. Sauf qu’en cette période, il est une équipe qu’il ne faisait pas bon de rencontrer au premier tours des playoffs : les Lakers d’Elgin Baylor, Gail Goodrich et de Wilt Chamberlain. Ce sont les hommes de la Cité des Anges qui valideront leur ticket pour les finales de conférence, aux termes d’un game 7 disputé.
Bis repetita la saison suivante, dans tous les domaines. Walker termine une troisième saison consécutive avec plus de 21 points inscrits de moyenne, et en profite pour claquer 56 points à 73 % au tir contre son adversaire de toujours, Cincinnati (victorire +25). Et malgré leur 57 victoires lors de la saison régulière, les Bulls se feront sweeper par les Lakers au premier tour des playoffs.
Il terminera sa carrière en 1975, après trois nouvelles saisons conclues avec au moins 19,2 points et 5 rebonds. Moins bondissant, certes, mais toujours aussi déterminant dans la bonne forme collective de sa franchise. Au final, en 13 saisons disputées dans sa carrière, il n’aura jamais manqué les playoffs. Et si, encore une fois, les Lakers se mettront sur la route de Chicago au premier tour de la post-season 1973 (4 – 3), Walker sera décisif la saison suivante, pour éliminer les Pistons et découvrir les finales de la conférence Ouest : 21,6 points et 6 rebonds à 51 % au tir. Il en ira de même en 1975, pour sa dernière campagne, où les Bulls iront perdre en finale desdites conférences face au futur champion, Golden State. Alors âgé de 35 ans, the Jet faisait encore parler toute sa science du jeu :
Walker mettra fin à sa carrière à l’issu de la défaite contre Golden State, non pas parce que son corps criait grâce, mais parce que Chicago refusait de lui offrir le salaire demandé (200 000 dollars). Aujourd’hui, bien entendu, cela prête à rire.
C’est donc par la petite porte que Chet Walker quitta la NBA. Comment aurait-il pu en être autrement pour celui qui n’a jamais recherché les spotlights ? Espérons qu’à travers ce modeste portrait, nous avons contribué à redorer le blason de l’éternel sous-estimé, dont les accomplissements méritent tout de même le coup d’œil :
- Hall-of-famer, intronisé en 2012,
- All-star, à 7 reprises,
- Champion NBA, en 1967,
- 6è joueur a avoir atteint la barre des 1 000 rencontres de saison régulière, le 25 janvier 1975 (1 032 rencontres au total).
Notons qu’encore une fois, si la performance est historique … Hal Greer et Wilt Chamberlain l’ont réalisé bien avant lui.
Après sa carrière sportive, il se lancera dans le cinéma, et remportera un Emmy Award avec “A Mother’s Courage : The Mary Thomas Story’s“, un film retraçant la vie de la mère d’Isiah Thomas. Un film motivé par les similitudes que Walker trouvait entre sa jeunesse et celle du futur meneur des Pistons. La vie est particulièrement bien faite, d’ailleurs, puisqu’aujourd’hui Walker trône en 62è position des meilleurs scoreurs de l’Histoire (18 831 points), une place juste devant … Isiah Thomas. Coïncidence, quand tu nous tiens.
Crédits et hommages
Durant treize saisons, Walker a donc parcouru les États-Unis en long et en large, foulant les parquets NBA. Sans un mot plus haut que l’autre, il fût une figure majeure de la Grande Ligue, impactant toujours sa franchise de manière positive, notamment dans les résultats collectifs.
Nous mentionnions en préambule sa fabuleuse faculté en un contre un. C’est ce qu’a décidé de mettre en avant le meilleur de ses coéquipiers, Wilt Chamberlain, quand il a fallu lui rendre hommage :
“Chet Walker était le meilleur joueur de un contre un que j’ai eu le plaisir de voir, qu’il soit dans mon équipe ou contre moi”.
Connaissant l’individualisme proverbial de Chamberlain, le compliment vaut de l’or.
C’était donc tout cela, Chet Walker. Et maintenant que nous devons conclure ce 18è épisode, il est désormais temps de l’affirmer : si la sélection du joueur fût délicate, la rédaction, elle, ne fût que plaisir. C’est donc tout cela, la NBA.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59),