Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 66è épisode, penchons-nous sur l’un des chouchous des fans des Knicks, John Starks.
Carnet de voyage
Il était une fois dans l’Est
Etat de New York, 1946
Il y a fort longtemps, dans un univers lointain, très lointain existait une ligue nommée la BAA (Basketball Association of America). Elle vît le jour en juin 1946, quelques mois après la fin du conflit le plus meurtrier de l’histoire. Onze franchises sortirent de terre, dont les Celtics de Boston, les Stags de Chicago ou les Falcons de Detroit. Le point commun entre toutes ces équipes ? Géographiquement, elles sont situées sur la côte est, ou au moins dans le Midwest.
La plus grande ville du coin est évidemment représentée. Les Knickerbockers de New York (avec les Huskies de Toronto) ont même le privilège de disputer et de remporter la première rencontre de l’histoire de la Ligue (68 – 66), dans leur légendaire antre du Madison Square Garden. Ce match symbolique représente le début d’une longue histoire entre la plus grande organisation mondiale de basket et la ville qui ne dort jamais.
Cette première saison se conclura par une première qualification en post-season et par une première série remportée face aux Rebels de Cleveland. À cette époque, notre sport favori ne ressemblait en rien à celui d’aujourd’hui ; le meilleur scoreur de Big Apple tournait à 9,5 points /match, et les Knicks était la deuxième meilleure défense en terme de points encaissés avec seulement 64 points encaissés chaque soir.
La NBA est aujourd’hui la plus grande ligue de basket, et de loin. Mais elle n’a pas été la première à sortir du sol aux USA. La ABA et la NBL existent déjà depuis les années 1930. Mais dès 1949, la BAA et la NBL fusionnent, pour donner naissance à un bambin vigoureux : la NBA telle qu’on la connait aujourd’hui est née.
Lors des dix premières saisons de son existence, BAA et NBA compris, les Knicks ne rateront jamais les playoffs. Toutefois, aucun titre ne décorera le plafond du MSG à la fin de cette première décennie, malgré trois défaites consécutives en finale NBA, contre les Royals et les Lakers.
Les New-Yorkais ont laissé passer leur (première) chance d’entrer dans la légende de la balle orange. Car entre 1957 et 1967, on ne dénombre finalement qu’une seule petite apparition en playoffs. Le seul point positif d’une telle période de disette ? La draft. Et dans cette période-ci, le moins que l’on puisse dire, c’est que le front-office new-yorkais ne fît que les bons choix.
Le choix Dick Van Arsdale, le trade de Walt Bellamy et (surtout) la sélection de Willis Reed en 1964 ramèneront les Knicks en post-season en 1967. La draft de Walt Frazier cette même année fera le reste. Après un affrontement digne de Marineford entre les monstres Elgin Baylor – Jerry West – Wilt Chamberlain et le duo The Clyde – The Captain, ainsi qu’un game 7 resté dans les mémoires à tout jamais pour la masterclass de Frazier et ses 36 points, 3 rebonds et 19 passes décisives, mais aussi car Reed qui joua blessé, New York décroche enfin sa première bannière.
La franchise réitéra l’exploit trois ans plus tard, sans que grand chose n’ait changé. Seule l’arrivée de Earl “The Pearl” Monroe est à noter. La finale sera bien plus simple (4-1 contre ces mêmes Lakers), mais la finale de conférence face aux C’s de Cowens et Havlicek est encore aujourd’hui un must see. À la fin du thriller, c’est bien New York qui arbore fièrement une deuxième bague.
Cette période dorée laissera place à un nouveau vide, marqué par quelques qualifications en playoffs sans campagne significative. Puis en 1985, par le pur hasard de la main de David Stern, New York décroche le 1er pick de la prochaine draft et jette évidement son dévolu sur le phénomène (phénoménal ?) Patrick Ewing. Aussi fort soit-il, le nouveau pivot star ne pourra rien faire seul. Ses deux premières années sans joutes printanières le démontrent ; personne ne gagne seul. C’est dans cette recherche de role players performants que notre John Starks pointa le bout de son nez, à force de labeur et d’humilité.
***
Pendant ce temps-là, dans l’Oklahoma
Il y a des joueurs comme ça. Des joueurs, qui, peu importe les bâtons qui se sont mis dans leurs roues, y arriveront, à grands coups d’abnégation, de réussite et de travail acharné. John Starks a été l’un d’entre eux. L’arrière est né en 1965, à Tulsa, dans l’Oklahoma. Petit, il ne baignait pas dans le luxe et l’argent ; pour lui, c’était plutôt basket de rue et survie.
Sur les playgrounds, ses talents se développèrent. Et comme partout aux Etats-Unis, quand tu es bon, tu intègres les équipes de tes différents établissements scolaires. Mais après le collège, les choses se compliquèrent pour Starks, alors qu’aucune offre de bourse universitaire n’arriva sur la table. Ce goût amer de rancune, il en fera une belle action :
“En sortant du lycée, je n’ai pas eu de bourse. La seule année où j’en ai eu une, c’est mon année junior (dernière année du cursus universitaire). Une fois dans le circuit professionnel, lorsque mon agent m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai repensé à ma situation passée. Je me suis dis que ça pouvait être une bonne chose de créer une nouvelle bourse pour les jeunes du Sud de l’Oklahoma“.
En effet, c’est peu de dire que Starks a galéré pour se faire une place dans le monde du basket universitaire. Il alternait alors performances sur le terrain et petits boulots. L’arrière ne resta jamais plus d’une année sur le même campus. Au total il en fera donc quatre, tous dans l’Oklahoma. Le basket devint véritablement sérieux pour lui lors de sa quatrième année à Oklahoma State University. Avec plus de 15 points de moyenne, il porta les Cowboys jusqu’à la March Madness, pour une défaite au 1er tour.
Sa plus belle expérience universitaire sera donc sa dernière. Motivé par cette réussite, il se présenta à la draft 1988. Et là, c’est la douche froide. Malgré ses 38% en plus de 3 tentatives longue distance (haut total pour l’époque) et son hustle déjà omniprésent, personne ne tenta le pari “John Starks”.
Agent libre, il trouva néanmoins une place dans le roster des Warriors dès septembre. Il participa à 36 rencontres cette saison, avec un peu moins de 9 minutes de temps de jeu par soir. Il faut dire que Golden State a drafté un certain Mitch Richmond bien plus haut, et que ce dernier satisfait pleinement le front-office de la baie. Ce contrat ne donna pas suite et aucune autre franchise ne semble vouloir accueillir le natif de l’Oklahoma. Pour ce qui aurait dû être son année sophomore, l’arrière de 24 ans se réfugie dans une ligue mineure (la CBA).
Néanmoins, à l’aube de la saison 1990-91, Starks aura une nouvelle tentative de faire ses preuves au sein de la Grande Ligue. Et cette fois-ci, il la saisira d’une façon… surprenante.
Coup de foudre à New York
Genou blessé, place gagnée
L’intertitre pourrait laisser croire que John Starks gagna sa place sur un coup du sort, à cause d’une malencontreuse blessure d’un de ses concurrents directs. Mais ce n’est pas le cas. Lors de l’automne 1990, l’arrière bénéficia d’un étrange coup du sort et de… sa propre blessure.
Alors qu’il est en essai au training camp des Knicks (et que ça ne se passe pas pour le mieux), le bondissant guard tente de mettre le grand Pat Ewing sur un poster. Seul problème ; le monstre de Georgetown n’est pas du genre a se laisser faire. Un immense contre plus tard, John Starks mord la poussière. Comme si l’humiliation ne suffisait pas, son genou se tord. Ce qu’il ne savait pas encore, c’est que cette blessure allait être le début de son histoire avec Big Apple.
En effet, la réglementation prévoyait que la franchise devait garder sous contrat le joueur blessé et cela jusqu’à son rétablissement. Ce ne fût pas très long, en l’espèce , mais lorsque Starks était à nouveau susceptible de se faire couper, les lignes arrières new-yorkaises étaient décimées. Le coaching staff décida donc de le tester. Il ne quittera l’effectif que huit ans plus tard.
Il foula pour la première fois le parquet sous les couleurs des Knicks le 7 décembre 1990, face aux Bulls d’un certain M.J. Si sa défense sera respectée tout au long de la décennie, ça n’empêchera pas His Airness de lui en coller 33 dans la bouche. Mais Starks est un homme de caractère. En conséquent, dès la rencontre suivante, il inscrivit 20 points et distribua 4 passes décisives. Il remit d’ailleurs le couvert quelques jours plus tard, avec un nouveau pic à 20 unités, accompagné cette fois-ci de 5 passes décisives et de 3 rebonds, pour ce qui sera sa première victoire dans sa nouvelle franchise face au Heat.
Après ces débuts idylliques, le joueur rentra dans le rang, en alternant entre gros temps de jeu et fond de banc, et doit se battre pour obtenir des minutes. Cependant, plus la saison avançait, plus le rôle de joker en sortie de banc lui collait comme un gant. C’est ainsi qu’il joua plus de 25 minutes par soir lors des 15 dernières rencontres de saison régulière.
Si le bilan collectif n’est pas fameux, NY accroche le dernier strapontin pour les playoffs. Starks fait alors son baptême du feu, dans ce qui s’apparente à une toute nouvelle compétition, encore une fois face aux Bulls de Jordan. Ce dernier marche sur l’eau à cette période, et ce n’est pas le fougueux John Starks, qu’il affronta ici pour la première fois au printemps (mais pas la dernière !) qui était en mesure de l’arrêter. De toute façon, le jeune joueur n’a même pas vraiment eu l’opportunité de se mesurer au futur champion : 18 minutes de temps de jeu lors du game 1, puis 4 et enfin 6 pour un sweep net et sans bavure (défaite de 41,10 et 9 points).
Même si la fin de saison fût brutale, elle demeure complètement satisfaisante ; Starks est passé d’un joueur sans contrat à une place de choix dans la rotation d’une équipe ayant joué les playoffs les quatre dernières années. Et cette confiance, on la retrouva dès l’exercice 1991-92. Dans son rôle qui lui va si bien en sortie de banc, il participa à toutes les rencontres new-yorkaises de la saison (plus de 25 minutes de jeu / soir).
Dans un MSG de folie, l’arrière se sent chez lui. Dès la quatrième rencontre de la saison, il explose son record au scoring (30pts) et égale celui à la passe (9) lors d’un blow-out face au Magic.
Et les belles performances, il les accumule : 22 points deux jours plus tard face aux Hornets ou encore 27 pions face aux Nets un peu plus tard dans l’hiver. Toutefois, à côté de ces prestations de choix, Starks est aussi capable de connaître de sévères trous d’airs qui couteront (très) chers. Pêle-mêle, au début de cette saison 1991-92, on retrouve des rencontres terminées avec des piteux 1 / 7 au shoot, des 3 / 12 ou des 3 / 14.
Mais c’était ça son charme. Avec Starks, le public ne savait jamais à quelle sauce il allait être mangé. Le bonhomme soufflait le très chaud le lundi ? Il pouvait se trouver complètement le lendemain. Il était tout de même toujours habité de cette hargne à toute épreuve. Bon an mal an, les rencontres s’enchainèrent et les Knicks s’accrochèrent au wagon de tête composé des Pistons, Celtics ou Cavaliers. Les Bulls quant à eux étaient dans une autre dimension, avec dix victoires de plus que leur premier poursuivant.
Au jeu des tie-break, les Knicks ne montèrent pas sur le podium de la conférence et héritèrent de la quatrième place, synonyme de premier tour face aux Pistons champions encore deux ans auparavant.
Alors que les first round se jouaient encore au meilleur des cinq matchs, les Knicks utilisèrent toutes leurs cartouches pour venir à bout de ces valeureux Bad Boys. Si son temps de jeu était important, John Starks n’a pas brillé plus que de raison. Peut-être se réservait-il inconsciemment pour les demi-finales de conférence, au cours desquelles New York croisa à nouveau le chemin des Bulls.
Michael Jordan vs John Starks, épisode 2. Collectivement, cette fois-ci, la série fût bien plus disputée que celle de la saison la précédente. Les taureaux s’en sortiront tout de même, au terme de sept rencontres âpres, grâce à un énième coup de génie du #23 : 42 points, 6 rebonds, 4 passes décisives, 2 interceptions et 3 contres au cours du game 7. Son vis-à-vis new-yorkais n’a pas démérité : ses 27 points lors de la 6è rencontre ont retardé un petit peu la sentence. Toutefois, il s’agit d’une nouvelle élimination, qui peut être aperçue comme étant “encourageante”.
Nous sommes désormais en 1993 et les ambitions des hommes de Pat Riley, sur le banc de NY pour sa deuxième saison, sont très grandes. L’importance de Starks dans l’effectif s’accroît encore et toujours : il fût cette saison le deuxième joueur le plus important de la franchise, après l’intouchable Ewing. Derrière le pivot, il se classa ainsi second en terme de minutes joués, points scorés ou shoots tentés, tout cela dans une équipe prétendant sérieuse au titre NBA. Après sa saison à plus de 13 points de moyenne et 3,4 passes décisives en 1992, le voici a plus de 17 points et 5,7 passes décisives l’année suivante. Un bond statistique qui ne nuit aucunement à sa défense étouffante sur les meilleurs guards du pays. Au delà du monstre de Windy City, Starks commence à se créer d’autres rivalités, notamment avec un certain Reggie Miller.
Mais le new-yorkais n’est pas aigri, bien au contraire. Il admet volontiers la supériorité de ses adversaires, lors d’interviews plus qu’intéressantes :
“Le truc avec Michael, c’est qu’il n’allait pas courir autour d’écrans comme un Reggie Miller. Il prenait juste la balle et se mettait face à vous. Il était l’un des seuls gars de la ligue qui n’avaient aucune faiblesse dans le jeu. Tu récupérais le scouting report, et ça disait, en gros : « Bonne chance ». La seule petite faiblesse que j’ai remarquée est qu’il n’était pas un grand shooteur à trois points. Il pouvait les mettre quand il fallait, cela dit, et il s’est amélioré au fil des années”.
En 1993, les Knicks sont forts, très forts. Ils délogent les Bulls et finissent premier à l’Est, à deux petites victoires des 62 victoires des Suns, meilleur bilan de la ligue. Starks sera même nommé dans une All NBA Defensive Team, reconnaissance de son exceptionnel travail de sape. Vous l’avez compris, New York vise le titre et rien d’autre. Et pour se chauffer pour une future opposition face aux taureaux, rien de mieux qu’un training face aux ennemis d’Indiana. Si Reggie Millet était sur une autre planète pendant ces quatre rencontres (31,5 points de moyenne), ses coéquipiers ne purent rien faire face à au cadenas new-yorkais. De son côté, Stark n’a pas forcé. Devenu titulaire en cours de saison, il finit la série a quasiment 18 points et 5 passes décisives.
Les demi-finales de conférence face aux Hornets furent parfaitement maitrisées (4-1), et c’est l’inévitable affrontement face aux troupes de Phil Jackson qui se prépare. Une fois n’est pas coutume, face à Jordan, il n’y a rien à faire, même quand tu mènes la série 2-0. Quatre rencontre plus tard et autant de défaites, les Knicks quittèrent la campagne printanière avec énormément de regrets, malgré un John Starks à 13,5 points de moyenne.
Alors que le destin de cette génération semble d’être de perdre toutes les séries possibles face à Michael et Scottie, une ouverture inespérée va se créer. Il y aura une chance, pas deux. Et il s’agira la saisir.
1994, l’occasion ratée
Nous sommes le 6 octobre 1993, et la NBA se prépare à une nouvelle saison. Comme depuis trois saisons, les pronostics d’avant-saison sont clairs : les Knicks et plusieurs équipes qui changeaient en fonction des années allaient jouer les outsiders quand les Bulls étaient les grandissimes favoris au four ever. Néanmoins, cette fois-ci, la donne a changé.
Après l’assassinat de son père et un threepeat éprouvant psychologiquement, Jordan a besoin de repos. Il prend sa (première) retraite, à la surprise générale. Du côté de New York, c’est la fête : le chat noir n’est plus sur les parquets, les souris peuvent donc danser.
Surmotivés, Ewing et consorts attaquent cette saison sur les chapeaux de roues : 7 victoires en autant de rencontres, en collant 10 points d’écarts de moyenne aux adversaires au cours de cette série. Comme depuis son arrivée, John Starks est toujours meilleur. Il tourne a quasiment 20 points de moyenne, toujours accompagnés de sa demi-dizaine de passes.
Si le rythme collectif s’essouffla logiquement, l’arrière continua d’envoyer du lourd. Sur le premier mois de compétition, il dépassa 3 fois les 35 points, dont une pointe à 37 dans une gifle envoyée au Heat (+ 32).
A l’aube du All-star game, les statistiques du pitbull new-yorkais sont dignes des meilleurs arrières de l’époque : 19 points, 3 rebonds, 6 passes décisives et 1,5 interception. Si l’on ajoute à cela le bilan de 34 victoires pour 14 défaites au dossier, on comprend pourquoi John Starks mérita une convocation pour le match des étoiles. Cela arriva d’ailleurs, pour la seule et unique fois de sa carrière. Il y accompagna sa raquette Ewing-Oakley à Minneapolis et devint à l’occasion un des rares joueurs non-draftés à être convié au plus grand rendez-vous annuel de la saison régulière.
Starks sait toutefois que le chemin est encore long jusqu’à l’objectif suprême : la bague. Il ne baissa donc pas de régime sur les dix dernières rencontres de la saison auquel il participa, en dépassant encore deux fois les 30 unités. Oui, simplement dix, car sa saison régulière s’arrêta début mars en raison d’une blessure. Celle-ci n’a d’ailleurs pas impacté les résultats de son équipe, qui enchaina 15 victoires dans ce rush final.
Bien reposé, l’arrière est et d’attaque pour cette post-season ô combien importante. Deux petites rencontres de remise en route face aux Nets lors du premier tour expédié 3-1, et le voici prêt à croiser le fer avec ses ennemis de toujours, les bovidés du Midwest. Mais cette fois-ci, pour la première fois de sa vie, il n’aura pas Michael Jordan sur le dos. Ce n’est pas pour autant que la série fût une partie de plaisir. En face, un certain Scottie Pippen veut montrer à son front-office que lui aussi possède la stature d’un franchise player. Sa saison régulière l’a bien montré : 3è du classement MVP, nominé dans la All NBA 1st Team et All NBA Defensive Team avec une ligne statistique des plus complètes : 22 points, près de 9 rebonds, 5,5 passes décisives, près de 3 interceptions et 1 contre par soir. Pippen est d’ailleurs l’unique joueur de l’Histoire à terminer une saison avec de tels chiffres.
Cette confrontation fût la première des trois guerres que New York livra lors de ces playoffs. Vous l’avez donc compris, les Knicks remportèrent cette demi-finale de conférence. Pippen a pourtant fait du Pippen, mais rien n’y fit.
Starks, lui, a évolué en deçà de ses standards habituels. Si la distribution était toujours là (4 rencontres sur 7 à plus de 6 caviars distribués), le scoring recommence à faire le yoyo, ce qui peut être de mauvaise augure pour la suite. Mais Ewing et sa multitude de role players s’en sortirent tout de même, grâce à une défense étouffante et un pivot en mission. La mauvaise ambiance du côté des Bulls, avec le fameux imbroglio du game 3 où Pippen a boudé après Jackson ait donné le dernier shoot à Kukoc n’a surement pas aidé les Bulls dans leur quête de 4è titre.
En finale de conférence, les citadins de New York retrouvent leurs meilleurs ennemis de la campagne d’Indianapolis. Et pour fêter les retrouvailles, quoi de mieux qu’une nouvelle série en 7 ? Un peu moins chaud que l’année passée, Reggie Miller fît quand même de gros dégâts (24,5 points de moyenne), avec un pic à 39 points lors du game 5.
Bis repetita toutefois. Comme face aux Bulls, les Knicks s’appuyèrent sur une défense de fer et une implication de tous les joueurs pour renverser les Pacers. Malgré un début de série plus que compliqué (3, puis 9 points sur les deux premiers matchs), Starks sortit le grand jeu lors des games 6 et 7 (26 et 17 points pour soutenir son pivot qui accumule les minutes depuis le début de la postseason).
Les Knicks sont en finales. Quasiment 20 ans après leur dernière apparition, les new-yorkais peuvent de nouveau effleurer le trophée Larry O’Brien. Oui, effleurer, car malheureusement, ils ne le ramèneront pas à la maison. Après les deux combats à mort face aux ennemis jurés de Chicago et d’Indiana, Ewing retrouve son meilleur ennemi universitaire en la personne de Hakeem Olajuwon. Si Big Pat s’était adjugé le trophée NCAA, c’est bel et bien The Dream qui repartit avec la bague.
Si les six premiers matchs furent forts intéressants, le clou du spectacle, en ce qui nous concerne, se déroula lors de la dernière opposition. Starks joue à ce moment précis son meilleur basket depuis sa blessure en fin de saison régulière. Ewing, quant à lui, est en grande grande difficulté face au MVP et DPOY en titre (35% au tir sur la série). Lors du game 6, perdu de deux petits points, Starks avait notamment inscrit 27 points à 50% au tir, ligne statistique remarquable lorsque l’on connait la difficulté à scorer deux points dans les années 1990.
Et pourtant, au cours de cette dernière représentation de la saison, l’arrière va réaliser l’un des choke les plus historiques de tous les temps. Souvenez-vous, nous disions qu’il avait tendance certaine à vendanger lors de certains matchs. Ce game 7 en est la parfaite illustration, malheureusement pour lui et pour tout New York. Dans un véritable thriller qui se termina avec 6 petits points d’écarts, Starks ne marqua que 8 points, à 2 / 18 au shoot. 11% de précision, dont 0 / 11 de loin et un sublime 1 / 10 dans le dernier quart-temps. Dans l’histoire des playoffs, parmi les joueurs qui tentèrent au moins 18 fois leur chance, on se retrouve que 9 rencontres concluent avec une précision aussi médiocre. Notons toutefois qu’en la matière, Starks est bien entouré : LeBron James, James Harden, Karl Malone ou encore Bob Cousy (2 fois). Toutefois, seul le meneur des Celtics réalisa une telle rencontre lors du game 7 des finales NBA. La différence majeure, c’est que là où Cousy est reparti avec la victoire, Starks est lui repartit avec des regrets.
Ce match, l’arrière le garda longtemps en travers de la gorge. Encore aujourd’hui, c’est difficile pour lui d’en reparler.
“Je n’ai aucun regret, sauf un. C’est ce game 7. Je n’ai pas été capable de performer comme j’aurais du le faire et d’amener un championnat à cette ville qui le mérite tellement. C’est la seule chose que je regrette sur mon passage ici”.
Si New York aura une autre chance d’aller au bout en 1999, pour John Starks, cette occasion sera l’unique de sa belle carrière. Nul doute que ces différentes briques le hanteront bien longtemps.
Le déclin linéaire
La rencontre du 22 juin 1994 a laissé des traces dans les esprits des Knickerbockers. Si la saison régulière suivante est toujours aussi encourageante, quelque chose semble s’être brisé. Le mojo a quitté les troupes de Pat Riley. Pour la première fois de sa carrière, Starks connût un vrai coup de moins bien. Il ne shoota plus que 13 fois par soir, soit trois de moins qu’en 1993-94, pour un pourcentage de réussite légèrement plus faible (39 % à la place de 42 %). Sans être un génie des mathématiques, il semble donc logique que l’arrière ne marque plus que 15pts par match (4 de moins que l’année passée).
Toujours dans le peloton de tête de la conférence est, le parcours des new-yorkais s’arrêta cette fois-ci en demi-finales de conférence. Dans une nouvelle série en 7 face aux Pacers, les hommes de Riley, qui vit ici son dernier match sur le banc de la franchise, tombèrent sur un énorme Reggie Miller (29 points à 55 % au tir dont 3 / 5 de loin) et sortirent par la petite porte. Cette élimination marqua la fin d’une ère, courte de deux ans, celle de la NBA sans Michael Jordan. Celle où tout le monde peut gagner. Car dès 1996, le taureau est (vraiment) de retour aux affaires, après sa petite remise en jambes de fin 1995.
Les éliminations en demi-finales de conférence constitueront la nouvelle passion des Knicks post-1994. John Starks resta à Big Apple jusqu’en 1998, et il ne connaitra plus que des défaites à ce stade de la compétition. En 1996, New York tomba face aux Bulls en mission de reconquête. L’année suivante, c’est le Heat de Riley qui fît barrage à la qualification en finale de conférence. Enfin, en 1998, la tête brulée d’Indiana mit de nouveau le feu au Madison Square Garden.
Si les défaites face aux Pacers et Bulls furent claires et nettes, la déception de la saison 1997 resta longtemps gravée dans les esprits. Avec Allan Houston et Larry Johnson de haut niveau, un John Starks retrouvé et un Pat Ewing toujours au top malgré ses 35 ans, les Knicks visaient clairement le titre.
L’arrière avait en effet un second souffle pour sa carrière. S’il maintenait son niveau depuis quelques saisons (entre 12 et 14 points, tous les exercices de 1996 à 2000), son année 1997 avait été remarquée dans toute la Ligue. Revenu à son rôle de prédilection de 6ème homme en débutant 76 matchs sur le banc pour un seul titulaire, il a éclaboussé la NBA de ce qu’il fait de mieux : hustle, intensité, scoring à plus ou moins haute efficacité. Les Knicks terminèrent 3ème de la conférence est et Starks, sur sa lancée, remporta le trophée de 6è homme de l’année pour la seule fois de sa carrière.
En playoffs, il parvint à maintenir ce niveau. Face aux Hornets au premier tour, il tourna à plus de 16 points de moyenne sur les trois rencontres du sweep. Au moment d’affronter le grand Heat, les Knicks sont confiants. Après 4 rencontres, ils menaient d’ailleurs 3-1, et étaient à deux doigts de retrouver les Bulls en finale de conférence.
Mais le game 5 changea tout. Alors que le match est plié et que Miami mène d’une quinzaine de points, PJ Brown, intérieur rugueux, soulève à Charlie Ward, guard new yorkais et le lance à terre après lui avoir fait faire la toupie. Le conflit ne dégénère pas, mais les deux joueurs sont exclus et suspendus. Sauf que les conséquences sont bien plus terribles pour NY : en plus de Ward, la NBA suspend 4 autres joueurs pour une rencontre : Starks, Ewing, Houston et Larry Johnson, soit les quatre meilleurs joueurs de l’équipe pour s’être levés du banc et mêlés aux tensions. Du côté du Heat ? Aucune suspension supplémentaire.
“La pénalité la plus dure de l’histoire des playoffs“. C’est par ces termes que les différents médias américains annoncent la nouvelle. Comme il faut au minimum 9 joueurs sur la feuille de match, il était impossible pour la NBA de suspendre tout le monde lors du game 6 : la NBA a donc mis de côté Ward, l’un des instigateurs de la bagarre, Ewing et Houston (premiers de la liste par ordre alphabétique) pour la deuxième balle de série. Malgré 22 points de Chris Childes et 20 points de Big mama, New York perdit de 5 points cette rencontre. Pour le game 7, c’est au tour de Starks et de Larry Johnson d’être en tenue de ville. Et face à l’armada floridienne, l’effectif affaibli des Knicks ne fera pas le poids.
Ces trois demi-finales de conférence consécutives furent les trois derniers parcours où John Starks eût une vraie importante. En 1998, après huit années de bons et loyaux services, le front-office new-yorkais décida de l’envoyer à Golden State en échange de Lattrell Sprewell. Il y passa une saison et demi. Ses performances individuelles restèrent dans sa moyenne de la seconde moitié des 1990’s, mais, contrairement aux Knicks, les résultats collectifs ne suivirent pas. S’en suivront un cours passage à Chicago et deux saisons anecdotiques au début du 21ème siècle à Utah, où il accompagnera Stockton et Malone dans les dernières joutes.
John Starks prit sa retraite lors de l’intersaison 2022. All-star, All NBA Defensive Team, 6ème homme de l’année, finaliste NBA, l’arrière aura mené les Knicks au – quasi – sommet de la Ligue. Il termina sa carrière avec plus de 800 matchs joués, dont la moitié en sortie de banc et plus de 10 000 points inscrits.
S’il n’a pas son maillot retiré, John Starks est une légende à New York. Nul doute qu’il n’aurait jamais atteint une telle popularité dans une autre franchise, tant son comportement sur le parquet correspond aux valeurs des Knicks. Toujours évoqué lorsque l’on parle des chouchous du Madison Square Garden, son nom résonnera encore longtemps dans les travées de la mythique arène.
La place au box-office des Knicks
Vous l’aurez compris, à l’inverse de Dave Cowens et de Buck Williams, que nous avons déjà présentés au cours de cette saison 2, John Starks est plus un role player qu’un franchise player. Par conséquent, d’un pur point de vue statistique, il se retrouve forcément loin derrière les véritables légendes de la franchise, que sont Patrick Ewing, Walt Frazier, Willis Reed, Earl Monroe voire même Carmelo Anthony. Cela ne change rien au fait qu’on le retrouve bien classé dans certains top 10 statistiques de la franchise, ce que vous trouverez dans le tableau ci-dessous :
C’est que John Starks est plus que ça pour les Knicks. Il est la seconde figure d’une époque historique de la franchise, qui vit New York céder de très peu en finale NBA alors même que son franchise player était sur les rotules lors des deux derniers matchs et qu’on retrouvait en face le MVP en titre. Il demeure cette tête brulée, capable de se louper dans les grandes largeurs lors du match le plus important de sa vie, de trashtalker n’importe qui sur un terrain, que leur nom de famille soit Jordan, Miller ou Barkley.
En somme, c’est lui qui se trouvait dans l’ombre du grand Patrick. Lieutenant, peut-être pas de luxe, il est l’un des visages de cette époque si attractive de la NBA. Si nous devions nous prêter au jeu du cinq majeur de l’histoire de la franchise, l’arrière ne trouverait pas sa place sur le poste 2. Mais en 6ème homme, nul doute qu’il se sentirait à sa place.
A posteriori, nombreux sont ceux qui tenteraient aujourd’hui le pari “John Starks”.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Saison 1 : l’intégralité des articles ;
- Saison 2 : Dave Cowens (Boston Celtics), Buck Williams (Brooklyn Nets).